COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
ET AVANT DIRE DROIT
DU 21 JUIN 2012
N° 2012/
Rôle N° 07/18318
SARL MAREE PHOCEENNE
[N] [D]
SCP [R]
C/
SA ICM
SA GODAMAR-PSI
[Z] [M]
SAS QUALITE FRANCE
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
SCP BOISSONNET
SELARL BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Fréjus en date du 05 Novembre 2007 enregistré au répertoire général sous le n° 2006/1063.
APPELANTS
SARL MAREE PHOCEENNE,
demeurant [Adresse 13]
représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués
plaidant par Me Marc Michel LEROUX, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [N] [D]
pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société MAREE PHOCEENNE,
assigné en intervention forcée
né le [Date naissance 8] 1957 à [Localité 20], demeurant [Adresse 4]
représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués
plaidant par Me Marc Michel LEROUX, avocat au barreau de MARSEILLE
SCP [R],
pris en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la SARL MAREE PHOCEENNE
assignée en intervention forcée,
demeurant [Adresse 7]
représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués
INTIMES
SA ICM,
demeurant [Adresse 9]
représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Gilles OBADIA, avocat au barreau de PARIS,
et Me Marie-Hélène EYRAUD, avocat au barreau de PARIS
SA GODAMAR-PSI,
demeurant [Adresse 16]. [Adresse 10]
représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Gilles OBADIA, avocat au barreau de PARIS,
et Me Marie-Hélène EYRAUD, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [Z] [M]
né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 22], demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Gilles OBADIA, avocat au barreau de PARIS,
et Me Marie-Hélène EYRAUD, avocat au barreau de PARIS
SAS QUALITE FRANCE
assignée en intervention forcée,
demeurant [Adresse 15]
représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués ,
plaidant par Me Louis-Michel FAIVRE, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Mai 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Guy SCHMITT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2012,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement frappé d'appel rendu le 5 novembre 2007 par le tribunal de commerce de Fréjus ;
Vu les conclusions déposées le 22 mars 2012 par la société MARÉE PHOCÉENNE, appelante, et le liquidateur à sa liquidation judiciaire, Me [D], appelé en intervention forcée ;
Vu les conclusions déposées le 12 mai 2011 par [Z] [M], la société ICM, et la société GODAMAR PSI, intimée ;
Vu les conclusions déposées le 30 mai 2011 par la société QUALITÉ FRANCE, appelée en intervention forcée ;
Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties;
Attendu que les sociétés AQUAVAR et THEOULE AQUACULTURE, dont le capital était détenu par les sociétés ICM et GODAMAR PSI dépendant d'un groupe familial dirigé par [Z] [M], exploitaient à [Localité 21] et Theoule des fermes aquacoles approvisionnées en alevins par l'écloserie AQUA HELLAS située en Grèce et produisaient des bars commercialisés sous le label rouge délivré par l'organisme QUALITÉ FRANCE; que par acte en date du 14 octobre 2003 les sociétés ICM et GODAMAR PSI (les cédantes) ont cédé l'intégralité de leurs parts sociales à la société MARÉE PHOCÉENNE (la cessionnaire) au prix total de 5'184'000 € dont 3'896'000 € pour un stock de poissons évalué à 800 tonnes ; que, ayant découvert qu'en raison d'un taux élevé de malformations des alevins provenant de l'écloserie grecque la qualification label rouge avait été suspendue depuis le mois d'octobre 2002, la cessionnaire a porté plainte contre les cédantes pour escroquerie et infractions au code de la consommation et contre leur commissaire aux comptes pour présentation de bilans inexacts; qu'elle a par la suite mis en place des mesures conservatoires sur le patrimoine de [Z] [M] et assigné les cédantes en réduction de prix et dommages-intérêts; que ces dernières ont réclamé reconventionnellement le paiement du solde du prix;
Attendu que par le jugement attaqué le tribunal de commerce de Fréjus a rejeté les demandes de la cessionnaire, fait droit à la demande reconventionnelle et ordonné la mainlevée des mesures conservatoires en relevant que la cessionnaire avait déclaré parfaitement connaître la société THEOULE AQUACULTURE, que les stocks avaient été évalués de manière forfaitaire et qu'aucune garantie de passif n'avait été stipulée ; que par ordonnance en date du 14 décembre 2007 le délégataire du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire dont ce jugement était assorti quant au paiement du solde du prix; que, admise au bénéfice d'une procédure de sauvegarde le 7 mai 2008 puis du redressement judiciaire le 11 juin 2008, la société cessionnaire a fait l'objet d'un plan de cession le 15 avril 2009; que par arrêt en date du 27 septembre 2011 la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix en Provence a relaxé [Z] [M] des fins des poursuites pénales dirigées à son encontre.
Attendu que le liquidateur à la liquidation judiciaire de la société cessionnaire conclut à l'infirmation du jugement attaqué et, entendant voir juger que les cédantes se sont rendues coupables de dol, sollicite leur condamnation solidaire au paiement, outre les dépens et 50'000 € au titre des frais irrépétibles, d'une somme de 1'786'489 €uros à titre de dommages-intérêts correspondant au préjudice global d'un montant de 5'242'489 €uros déduction faite du solde impayé du prix de cession de 3'456'000 €.
SUR CE,
Sur le dol.
Attendu qu'aux termes de l'acte de cession du 14 octobre 2003 la cessionnaire a notamment acquis un stock de poissons de 800 tonnes avec une marge d'erreur en poids de 10 %, l'acte contenant l'affirmation des cédantes que la production des deux sociétés était 'labellisée en label rouge' et que la démarche qualité qui avait abouti à l'obtention du label permettait une production à valeur ajoutée forte ; qu'antérieurement, par acte du 22 octobre 2002, la société ICM avait réservé pour six mois l'intégralité de sa production à la société MARÉE PHOCÉENNE laquelle avait pris acte de ce que la totalité de la production respectait le cahier des charges label rouge ; que ce label, aux termes d'un référentiel du 1er septembre 1998, impose des conditions d'élevage strictes en pleine mer avec, notamment, respect de normes d'alimentation particulières, sélection et suivi des alevins et contrôles périodiques tant par l'aquaculteur que par l'organisme de certification; que, certes, tant de ce référentiel que des rapports d'investigation produits et des déclarations faites au cours de l'instruction par un responsable de la société QUALITÉ FRANCE il ressort que le label n'est octroyé qu'au stade de l'abattage aux poissons satisfaisant notamment à des conditions d'aspect physique et de poids ; qu'il n'est cependant accordé, en toute hypothèse, qu'aux poissons sélectionnés et élevés selon les normes imposées depuis l'alevinage jusqu'à l'abattage, le déclassement des poissons non conformes étant sans incidence sur l'exigence du respect de ces normes jusqu'à l'abattage pour l'ensemble du lot ; que la cessionnaire était dès lors en droit, au vu des stipulations de l'acte de cession, de considérer que le stock de poissons acquis répondait aux normes précitées qui admettent un taux de déchet de 5 %; qu'en vain dans ces conditions les cessionnaires prétendent qu'elles n'ont pas cédé un stock pouvant, dans la limite de cette tolérance, prétendre au label rouge lors de l'abattage futur ;
Attendu que le stock de poissons a été cédé sur la base d'un prix moyen de 4,87 € HT le kilo au prix de 3 896 000 €uros; que le prix de cession global, incluant la valeur des parts et des immobilisations, a été fixé à 5'184'000 € HT; que sont sans incidence sur l'identification et la valeur du stock les modalités d'affectation du prix, à savoir 504'000 € pour les parts de la société AQUAVAR, 2'592 000 €uros pour le compte courant de la société ICM, et 2'016'000 € pour celui de la société GODAMAR; que, les sociétés cédantes étant des professionnels de l'aquaculture et ne pouvant s'exonérer des conséquence de leur fait personnel et de la garantie de vices cachés dont elles sont réputées avoir connaissance , est dépourvue de toute efficacité la clause aux termes de laquelle, la valeur des stocks étant déterminée de manière forfaitaire, aucun recours de l'acquéreur contre le vendeur n'est possible; que, une tromperie établie sur la valeur du stock ayant une incidence directe sur le prix convenu même qualifié de forfaitaire, et la cessionnaire ne réclamant que des dommages-intérêts, les cédantes soutiennent en vain que le dol portant sur la valeur du stock ne peut être invoqué à l'appui d'une demande d'annulation de la cession des titres ;
Attendu que la cessionnaire a informé les cédantes le 26 novembre 2003 de ce que les alevins acquis en 2001 et 2002 provenant de l'élevage grec présentaient un taux de malformations important affectant, selon les photos jointes, la bouche, les mâchoires, les opercules et les nageoires ; qu'un rapport de contrôle du 19 décembre 2003 évalue le taux de malformation des poissons en cause à 25,5 % ; qu'il est indiscutable que les problèmes rencontrés par l'élevage grec étaient connus des cédantes dès lors, d'une part que [Z] [M] avait, par courrier du 16 octobre 2002, en sa qualité de président du syndicat national de l'aquaculture marine méditerranéenne (SNAMM), suspendu le référencement de l'écloserie grecque, averti l'organisme de certification et demandé à ce dernier de stopper les visites jusqu'à plus ample informé, et, d'autre part, que cet organisme avait suspendu l'habilitation le 25 novembre 2002 avec mention que devait, pour la récupération du label, être effectué un nouvel audit d'habilitation dont il n'est pas soutenu et établi qu'il a eu lieu ; que cette information de première importance, affectant la sincérité des déclarations contenues dans le protocole de cession du 14 octobre 2003 quant à la conformité de la totalité de la production au label rouge dès lors que l'origine et la traçabilité des alevins constitue le premier maillon indispensable de l'octroi du label, n'a cependant pas été portée expressément à la connaissance de la cessionnaire ; que pour excuser ou justifier cette inadmissible carence les cédantes ne sauraient se réfugier derrière les termes de l'acte de cession dans lequel elles ont pris l'engagement de fournir tous les dossiers concernant l'obtention et le maintien du label rouge ainsi que tout autre document sur demande, ni affirmer que la cessionnaire était parfaitement informée de la situation, cette thèse étant démentie par les termes mêmes de l'acte de cession et le fait que n'ont été, conventionnellement, considérées comme déclassées que 40 tonnes de poissons alors que la non-conformité des alevins acquis en 2001 et 2002 impliquait nécessairement, au regard des exigences du label rouge, le déclassement de la totalité des poissons adultes qui en étaient issus; que ne sont d'aucune incidence sur ce déclassement nécessaire les simples déclarations d'un responsable de la société QUALITÉ FRANCE recueillies à l'occasion de l'instruction pénale aux termes desquelles la totalité du stock provenant des alevins grecs avait vocation à être labellisée, ces déclarations méconnaissant à l'évidence, sinon le mécanisme de la labellisation, du moins la situation réelle de l'écloserie en cause;
Attendu qu'antérieurement à la cession l'organisme de certification avait établi le 21 octobre 2002 des fiches d'évaluation concluant au bénéfice de la société THÉOULE AQUACULTURE à une maîtrise et un suivi excellents, le pourcentage de malformations n'ayant cependant pas été renseigné et l'origine des poissons pas vérifiée, de sorte que la cessionnaire n'a pu en tirer aucune conclusion précise quant à la sincérité des déclarations faites par les cédantes dans l'acte de cession et qu'est sans emport le moyen pris de ce que l'agent vérificateur a été ultérieurement embauché par elle pour l'exécution des contrôles internes ; que la cessionnaire a également fait réaliser en mars 2003 par des cabinet spécialisés un état des lieux et une étude de faisabilité qui, concernant spécifiquement les générations 2001 et 2002 provenant des écloseries grecques, ont conclu à des incohérences sur le plan quantitatif, à un sous rationnement révélé par un appétit inhabituel, à une baisse de 34,2 % des poids moyens entérinés par la société AQUAVAR le 28 février 2003, à des estimations de croissance trop optimiste et, pour les mois à venir et les poissons les plus vieux ou à croissance atypique, à un taux plus élevé d'individus non labellisables ; qu'un contrôle du 19 décembre 2003 a conclu à la non-conformité des alevins de provenance grecque et, les concernant, à un taux de malformations de 25,5 %; que, prévenue du risque par l'état des lieux et l'étude de faisabilité la cessionnaire, bien que non informée de la non-conformité des alevins grecs, a ainsi nécessairement pris en compte pour les adultes issus de ces alevins un taux de rebut par rapport aux normes label rouge qui peut être raisonnablement fixé à 30 % ; que pour les 70 % restants elle était en droit, compte tenu des informations dont elle disposait, d'escompter une production labellisable ; que, tant cette production que le taux de rebut étant entrés dans les prévisions contractuelles et nécessairement pris en compte pour la détermination du prix du stock, elle a ainsi, par la réticence dolosive des cédantes à révéler la perte du label par les écloseries grecques, été induite en erreur sur la valeur de 70 % du stock concerné qui ne pouvaient plus être commercialisés qu'au prix du poisson standard ;
Attendu que, mis en examen suite à une plainte pour tromperie du 12 juillet 2004, [Z] [M], après l'annulation du jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 11 octobre 2006 qui l'avait relaxé et un complément d'information ordonné par la chambre des appels correctionnels le 27 février 2008, a été définitivement relaxé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 septembre 2011 du chef de tromperie aux motifs que, s'il avait menti quant au respect des normes label rouge par l'ensemble de la production, il ne s'était rendu coupable d'aucune manoeuvre, que l'usage de sa qualité vraie de président de la SNAMM à l'occasion de la demande de suspension de l'agrément des écloseries grecques n'avait pas été déterminant du consentement de la cessionnaire, qu'il n'avait pas été fait un usage frauduleux du label rouge dès lors que les faits affirmés étaient exacts dans leur généralité et que l'obtention du label ne préjugeait pas de la 'qualité' du poisson lors de la mise en vente et, enfin, que le délit de tromperie ne s'appliquait pas à une cession de parts sociales; que cette relaxe, fondée de manière déterminante sur l'absence de manoeuvres et la non caractérisation des éléments légaux de l'infraction poursuivie, ne met pas obstacle à la consécration sur le plan civil du dol par réticence mis en évidence ci-dessus sur lequel la juridiction répressive n'a porté aucune appréciation; que le jugement attaqué sera en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la cessionnaire dirigée contre les cédantes ;
Attendu que [Z] [M] n'a, à l'occasion de la cession litigieuse, agi qu'en qualité de représentant légal des sociétés cédantes et cédées; que n'est caractérisée par la cessionnaire aucune faute détachable susceptible d'entraîner sa responsabilité personnelle, l'abus de qualité vraie à l'occasion de la demande de suspension de l'agrément des écloseries grecques ayant été au surplus expressément écarté par l'arrêt correctionnel du 27 septembre 2011; que le jugement attaqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande dirigée à son encontre et ordonné la mainlevée des mesures provisoires prises par la cessionnaire sur son patrimoine personnel ;
Sur l'appel en cause et en garantie de la société QUALITÉ FRANCE.
Attendu qu'aux termes du protocole du 22 octobre 2002 l'écloserie grecque AQUA HELLAS était la propriété de la société ICM laquelle avait transféré son site en Grèce ; que la société QUALITÉ FRANCE , organisme de certification venant aux droits de la société antérieurement chargée de la délivrance du label rouge, devait vérifier la réunion des conditions garantissant cette délivrance notamment, aux termes du référentiel du 1er septembre 1998, la provenance des alevins, leur vaccination, leur traçabilité, et l'effectivité d'un contrôle par échographie en cas de taux de malformations supérieur à 5 % ; que la nature exacte des investigations effectuées par cet organisme ne peut être vérifiée avec précision, seuls étant produits des documents non traduits rédigés en grec, les déclarations non contestées d'un représentant de l'organisme faites à l'occasion de l'instruction pénale aux termes desquelles des contrôles avaient été effectués de mai 2001 à mai 2002, la dernière ayant révélé des malformations chez les alevins, l'état des lieux de mars 2003 révélant que les fermes grecques avaient payé leurs cotisations de l'année 2001 mais pas signé le contrat de labellisation ni subi d'audit, et le courrier de [Z] [M] du 21 janvier 2004 sollicitant le déclassement définitif des lots 2001 et 2002 au motif que les documents ne permettaient pas une traçabilité satisfaisante ;
Attendu, quoi qu'il en soit, que l'organisme de certification n'a à aucun moment, dans l'un des rapports produits, affirmé que les alevins grecs répondaient aux normes de labellisation, une fiche d'évaluation du 21 octobre 2002 mise en exergue et concluant à l'excellence de l'élevage de [P] ne portant aucune appréciation sur l'écloserie et les alevins mais réservant au contraire leur suivi; qu'à supposer que la cessionnaire ait pu voir sa vigilance endormie par les termes de cette fiche quant à l'état des alevins, il n'en demeure pas moins que les cédantes, propriétaires de l'écloserie et auteurs par leur représentant légal de la demande de suspension d'agrément, avaient pour leur part connaissance certaine et non équivoque de la non-conformité qu'elles ont tue volontairement; qu'elles ne caractérisent par ailleurs aucunement de manière précise en les situant dans le temps des manquements se trouvant à l'origine de la suspension que l'organisme de certification aurait pu commettre; qu'il faut relever à cet égard qu'aux termes de la documentation produite et des déclarations non contestées du représentant de l'organisme de certification à l'occasion de l'instruction pénale, l'essentiel des vérifications relevait d'un audit interne à effectuer par un auditeur répondant à des critères de formation exigeantes, l'organisme n'ayant lui-même procédé que par sondages ; que, la réticence des cédantes à révéler le déclassement certain des lots provenant de l'écloserie grecque n'ayant été dans ces conditions en rien induite par des carences ou affirmations erronées de l'organisme de certification, l'appel en garantie dirigé à l'encontre de ce dernier sera rejeté ; que, les pièces produites ne permettant pas de vérifier de manière précise l'exécution par cet organisme des diligences relatives aux alevins qui lui incombaient, sera rejetée pareillement sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Sur le préjudice subi par la société MARÉE PHOCÉENNE.
Attendu que la cessionnaire a fait effectuer une expertise par un expert privé qui a conclu à un préjudice de 6'661'480 € ; qu'un second expert désigné par le juge-commissaire a pour sa part, dans son rapport du 26 mai 2009, chiffré le préjudice à 4'320'295 € incluant 860'473 € au titre de la perte de chiffre d'affaires liée à la vente de poissons déclassés, 1'407'193 € au titre de la perte de chiffre d'affaires liée à la vente de poissons de petite taille, 566'917 € au titre de la perte de marge provenant de l'insuffisance de production, et 1'485'712 € au titre de l'augmentation des coûts de production ; que, prenant en compte les critiques formulées par un troisième expert consulté par les cédantes, il a réduit l'estimation à 4'009'892 €; qu'en l'état de ces divergences, et alors que les justificatifs produits méritent d'être appréciés par un spécialiste et que les critiques de principe des cédantes ne paraissent pas dénuées de pertinence, il convient de désigner un expert judiciaire ;
Sur la demande de [Z] [M].
Attendu que [Z] [M] s'est vu accorder par le jugement attaqué une somme de 50'000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et préjudice moral ; qu'il sollicite la confirmation de cette condamnation en soutenant qu'il a été systématiquement dénigré dans une instance manquant totalement de fondement ; que cette argumentation sera rejetée compte tenu de la responsabilité retenue ci-dessus des sociétés cédantes qu'il dirigeait ainsi que de son rôle, en qualité de représentant de ces société, dans la dissimulation du retrait de l'habilitation de l'écloserie grecque ; que, comme réclamé par la cessionnaire, la condamnation litigieuse sera en conséquence infirmée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel régulier et recevable en la forme.
Au fond, confirme le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande dirigée contre [Z] [M] et ordonné la mainlevée des mesures conservatoires prises sur le patrimoine personnel de ce dernier.
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Déboute [Z] [M] de sa demande de dommages-intérêts.
Dit que, pour 70 % du stock de poissons cédé provenant des alevins de l'écloserie grecque AQUA HELLAS de 2001 et 2002 la société MARÉE PHOCÉENNE a été victime d'un dol par réticence commis par les sociétés cédantes ICM et GODAMAR PSI.
Déboute les sociétés ICM et GODAMAR PSI de leur appel en garantie dirigé contre la société QUALITÉ FRANCE.
Déboute la société QUALITÉ FRANCE de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Met les entiers dépens de première instance et d'appel nés de la mise en cause de [Z] [M] et de la demande reconventionnelle de ce dernier à la charge de la procédure collective de la société MARÉE PHOCÉENNE.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de [Z] [M].
Condamne les sociétés ICM et GODAMAR PSI in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel nés de l'appel en garantie dirigé contre la société QUALITÉ FRANCE et de la demande en dommages-intérêts de cette dernière.
Les condamne in solidum à payer à la société QUALITÉ FRANCE une somme de 5'000 € au titre des frais irrépétibles.
Sursoit à statuer sur le surplus.
Avant dire droit sur le préjudice subi par la société MARÉE PHOCÉENNE,
Ordonne une expertise
Commet pour y procéder monsieur [I] [J]
GFE "cap center" [Adresse 5]
Tél : [XXXXXXXX01] Fax : [XXXXXXXX02]
Mél : [Courriel 23]
avec pour mission, après avoir convoqué les parties et leurs conseils, recueilli leurs explications, et pris connaissance de tous les documents techniques contractuels et financiers afférents au litige,
' de déterminer, au vu notamment des rapports déjà déposés à la demande des parties et du juge commissaire, le préjudice subi par la société MARÉE PHOCÉENNE pour 70 % du stock de poissons cédés provenant des alevins de l'écloserie grecque AQUA HELLAS de 2001 et 2002 pour lesquels elle a subi un dol par réticence.
Dit que l'expertise sera effectuée sous le contrôle du magistrat de la mise en état auquel l'expert devra rendre compte en cas de difficulté.
Dit que Me [D], en sa qualité de liquidateur de la société MARÉE PHOCÉENNE, devra consigner au Greffe dans un délai de cinq semaines à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision la somme de 10'000 €uros destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert.
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l'expert sera caduque à moins que le magistrat de la mise en état , à la demande d'une partie se prévalant d'un motif légitime ne décide la prorogation du délai ou le relevé de caducité.
Dit que s'il estime insuffisante la provision initiale ainsi fixée, l'expert devra dresser un programme de ses investigations et évaluer d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours, qu'il réclamera alors la consignation du complément, et qu'il fera de même si la provision s'avère ultérieurement insuffisante.
Dit que l'expert devra déposer son rapport au Greffe dans le délai de six mois à compter de la notification de la consignation, et devra en solliciter la prorogation s'il s'avère insuffisant .
Dit qu'au terme de ces investigations qu'il rédigera un pré-rapport qu'il transmettra au parti auquel il appartiendra un délai raisonnable pour présenter leurs observations au vu desquelles il rédigera son rapport définitif.
Dit que conformément à l'article 173 du nouveau Code de procédure civile, il devra remettre copie de son rapport à chacune des parties (ou aux représentants de celles-ci) en mentionnant cette remise sur l'original.
Dit que l'affaire sera évoquée à l'audience de mise en état du mois de mars 2013.
La Greffière, Le Président,