COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 14 JUIN 2012
N° 2012/507
Rôle N° 11/19500
EURL SODEBLAN
C/
[E] [S]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Jean victor BOREL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Christine D'ARRIGO, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 09 Juillet 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1512.
APPELANTE
EURL SODEBLAN, enseigne MC DONALD ( RCS Marseille B 403 257 611) prise en la personne de son représentant légal domiclié en cette qualité au siègesocial sis, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Jean victor BOREL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [E] [S], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Christine D'ARRIGO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Coralie BELMONTE, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Avril 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2012.
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 25 août 2010, la société Sodeblan a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 9 juillet 2010 par le Conseil des Prud'hommes de Marseille - notifié le 4 août 2010- qui l'a condamnée à verser à monsieur [E] [S] les sommes suivantes :
-indemnité compensatrice de préavis : 2681,52euros
-congés payés afférents : 268euros
-dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 12000euros
-indemnité de licenciement : 1072,60euros
-article 700 du code de procédure civile : 1000euros
***
Monsieur [S] a été embauché, le 24 février 2000, par la société Sodeblan, dont le nom commercial est Macdonald , en qualité d'équipier polyvalent. Au dernier stade de la relation contractuelle, il était chef de zone.
Il a été licencié pour faute grave par une lettre en date du 4 février 2008.
La société Sodeblan demande à titre principal un sursis à statuer en l'état de la plainte qu'elle a déposée pour menaces et subornation de témoin, à la suite des pressions de la part de l'entourage de monsieur [S], lesquelles ont amené monsieur [W], témoin essentiel, à se rétracter.
A titre subsidiaire, l'employeur fait valoir que l'analyse des attestations successivement rédigées par monsieur [W] démontre que seul son premier témoignage est crédible, et que le licenciement de monsieur [S], qui avait déjà plusieurs fois été averti, est justifié.
Il demande en conséquence l'infirmation du jugement déféré, le rejet de toutes les prétentions du salarié et la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [S] conclut qu'il ne s'est pas montré agressif ou irrespectueux vis-à-vis de sa direction, que l'employeur ne démontre pas les faits qui lui sont reprochés et que son licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il fait valoir qu'il a appris son licenciement le 6 février 2008 lorsqu'il s'est présenté au pointage, par l'employeur qui le lui a notifié de façon brutale, en présence des autres employés.
Il réclame en conséquence la condamnation de la société Sodeblan à lui verser les sommes suivantes :
-indemnité compensatrice de préavis : 2681,52euros
-congés payés afférents : 268euros
-dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 20111euros
-dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire : 5000 euros
-indemnité de licenciement : 1072,60euros
-article 700 du code de procédure civile : 2000euros
Il sollicite en outre la condamnation de l'employeur, sous astreinte, à lui délivrer une attestation Pôle Emploi rectifiée.
Il demande enfin que les frais de recouvrement par l'huissier instrumentaire soient pris en charge par l'employeur.
MOTIFS
La lettre de licenciement fait à monsieur [S] deux reproches : le premier, est d'avoir le 20 décembre 2007, alors qu'il était convoqué à un entretien disciplinaire, haussé le ton sans raison, et insulté son supérieur, le deuxième, est fondé sur la dégradation importante de la qualité de son travail.
La société Sodeblan produit une attestation de monsieur [W] qui indique que le 20 décembre 2007 il a vu et entendu monsieur [S] crier et insulter le directeur Youcef, il précise que monsieur [S] a dit tout haut « je ne te sucerai pas la bite » puis est parti en courant vers le téléphone.
Cette attestation est datée du 20 décembre 2007.
Le 29 septembre 2011, monsieur [W] a rédigé une autre attestation pour indiquer que l'entretien du 20 décembre 2007 avec le directeur avait pour objet un différend professionnel entre monsieur [S] et lui et que la direction l'a obligé à rédiger son attestation dans le but, pensait'il, d'affecter monsieur [S] à un autre restaurant et non d'être produite devant le conseil des prud'hommes. Il précise que ce jour là il n'y a eu ni violence, ni insulte.
Le 27 février 2012, la responsable ressources humaines de la société Sodeblan a fait une déclaration en main courante selon laquelle monsieur [W] lui avait confié, le 30 septembre 2011, qu'il avait reçu des appels et des visites de proches de monsieur [S], destinés à le contraindre à revenir sur son témoignage.
Le 16 mars 2012, monsieur [W] a rédigé une nouvelle attestation dans la quelle il écrit : « en aucun cas monsieur [S] ne m'a menacé ou m'a mis la pression pour la précédente lettre, je l'ai fait de mon plein gré ; en aucun cas, j'ai demandé à mon employeur d'aller faire un main courante en mon nom ».
Le 29 mars 2012 la société Sodeblan a porté plainte contre x des chefs de menaces et subornation de témoin par une lettre adressée au procureur de la République de Marseille.
Même si c'est à juste titre que l'employeur souligne que monsieur [W] dans sa première attestation a écrit qu'il savait que celle-ci pouvait être produite en justice alors qu'il affirme plus tard l'avoir ignoré, l'on ne peut que constater que ce témoin par deux fois, en sachant également que son attestation pouvait être produite en justice, a infirmé sa première déclaration.
Il n'y a pas lieu à surseoir à statuer car la plainte déposée par l'employeur, trois jours avant l'audience, ne s'appuie que sur les dires de sa responsable des ressources humaines alors que monsieur [S] conteste formellement les termes de la main courante et explique son premier témoignage par le conflit qui l'opposait à monsieur [S].
En conséquence, il subsiste à tout le moins un doute quant au comportement agressif et les insultes reprochées à monsieur [S] . Aucun élément n'est produit au soutien des autres griefs énoncés par la lettre de licenciement.
Le licenciement de monsieur [S] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Son salaire de base s'élevait à 1340,76 euros. Les sommes réclamées aux titres de préavis et congés payés afférents sont justifiées.
Il est indemnisé par Pôle Emploi depuis le mois d'avril 2010 mais il ne justifie pas de sa situation professionnelle après son licenciement, intervenu début 2008.
Il lui sera alloué en réparation du préjudice nécessairement causé par la déstabilisation résultant d'un licenciement injustifié des dommages et intérêts de 10000 euros.
L'entretien préalable fixé initialement au 28 décembre 2007 a été reporté au 25 janvier 2008. Monsieur [S] affirme qu'il n'a jamais reçu la convocation, que l'entretien préalable n'a jamais eu lieu et que l'employeur lui a notifié de façon brutale son licenciement lorsqu'il s'est présenté sur son lieu de travail le 6 février 2008.
La société Sodeblan pour justifier de l'envoi de la convocation produit une copie d'un pli recommandé sur lequel la seule mention visible est son nom et les indications relatives au destinataire aux dates d'envoi, de distribution et de présentation sont illisibles.
Il n'est donc pas établi que l'entretien préalable a eu lieu .La copie du pli recommandé attribué à la notification du licenciement n'est tout aussi illisible que la précédente.
Il y a donc lieu d'accueillir la demande de monsieur [S] et de condamner l'employeur à lui verser des dommages et intérêts de 1000 euros en réparation du préjudice causé par les conditions brutales de son licenciement.
Enfin, la somme de 1072,60 euros réclamée à titre d'indemnité de licenciement sera allouée à monsieur [S].
La société Sodeblan devra remettre à monsieur [S] une attestation Pôle Emploi rectifiée.Il n'y a pas lieu à astreinte.
Les frais de recouvrement par huissier n'étant pas certains ne seront pas inclus dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis au greffe,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
Réforme le jugement déféré,
Condamne la société Sodeblan à verser à monsieur [S] les sommes suivantes :
-indemnité compensatrice de préavis : 2681,52euros,
-congés payés afférents : 268euros,
-dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 10000euros,
-indemnité de licenciement : 1072,60euros,
-dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les conditions brutales du licenciement : 1000 euros,
-article 700 du code de procédure civile : 1800euros,
Ordonne à la société Sodeblan de remettre à monsieur [S] une attestation Pôle Emploi conforme au dispositif du présent arrêt,
Rejette la demande de monsieur [S] relative au frais éventuels de recouvrement par huissier et à l'astreinte ainsi que celle de l'employeur fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront supportés par la société Sodeblan.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT