COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 14 JUIN 2012
N° 2012/ 324
Rôle N° 11/11867
[E] [E]
C/
[C] [D]
[S] [N] épouse [D]
Grosse délivrée
le :
à :SCP MAGNAN
SELARL BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE3 en date du 09 Juin 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/11444.
APPELANTE
Madame [E] [E]
demeurant [Adresse 4]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par la SCP BERENGER-BLANC-BURTEZ-DOUCEDE, avocats au barreau de MARSEILLE,
INTIMES
Monsieur [C] [D]
né le [Date naissance 3] 1932 à ALGERIE (99), demeurant [Adresse 1]
représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP BOULAN-CHERFILS, avoués,
plaidant par Me Henri BILLY, avocat au barreau de TARASCON
Madame [S] [N] épouse [D]
née le [Date naissance 2] 1941 à , demeurant [Adresse 1]
représentée par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP BOULAN-CHERFILS, avoués,
plaidant par Me Henri BILLY, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Avril 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de Chambre
Madame Frédérique BRUEL, Conseiller
Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2012,
Signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de Chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
I. FAITS. PROCEDURE.
Monsieur et Madame [C] et [S] [D] sont propriétaires d'une maison d'habitation acquise en 1990 et située à [Adresse 8]. Madame [E] [E] épouse [U] a acquis la maison voisine mitoyenne et entrepris des travaux d'extension et de surélévation de sa maison.
Se plaignant de l'apparition de désordres suite à ces travaux, Monsieur et Madame [C] et [S] [D] ont obtenu par ordonnance de référé du 17 mars 2006, la désignation d'un expert. Madame [K] [K] expert désigné, a déposé son rapport le 8 février 2008.
Par jugement du 9 juin 2011, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a :
' condamné Madame [E] [E] à payer à Monsieur et Madame [C] et [S] [D] la somme de 2212,60 € TTC, au titre de la reprise des désordres lui incombant par suite de l'exécution de travaux, outre indexation suivant l'indice BT 01 entre le 8 février 2008 et le jugement, et outre intérêts au taux légal à compter du jugement.
' rejeté le surplus de la demande en l'absence d'éléments probants.
' dit que les ouvertures pratiquées par Madame [E] [E] sont constitutives de vues droites au sens de l'article 678 du Code civil, et condamné cette dernière à refermer l'ouverture sur la grille de ventilation au niveau 0, l'ouverture en pavés de verre non translucide dans la zone cuisine au niveau 1, la pergola dont le côté donne directement sur la propriété de Monsieur et Madame [D], dans le délai de trois mois compter de la signification du jugement et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant six mois .
' constaté que la construction litigieuse en surplomb de la propriété de Monsieur et Madame [C] et [S] [D] entraînait une diminution très importante de vue et de l'ensoleillement, et condamné Madame [E] [E] à démolir l'extension de sa construction et la pergola, dans le délai de trois mois compter de la signification du jugement et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant six mois .
' condamné la défenderesse à payer la somme de 2990 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par déclaration du 5 juillet 2011, Madame [E] [E] a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions de Madame [E] [E] du 19 mars 2012,
Vu les dernières conclusions de Monsieur et Madame [C] et [S] [D] du 26 septembre 2011,
II.DECISION.
- SUR LA PROCEDURE.
Attendu que Monsieur et Madame [C] et [S] [D] ne peuvent se prévaloir de l'absence de moyens de droit affectant les conclusions de leur adversaire, au sens de l'article 954 du code de procédure civile ; qu'en effet il convient de constater que les dernières conclusions de Madame [E] [E] visent les articles 678,675, 666 et 1382 du Code civil, et l'article L. 480.13 du code de l'urbanisme.
- SUR LE FOND.
Attendu sur la reprise des désordres, que Madame [E] [E] fait valoir que les constatations de l'expert résultent de pures affirmations, et non de constatations objectives, qu'elle ne s'en rapporte que sur la fissuration du linteau, qu'aucune imputabilité n'est établie pour les fissures.
Attendu que Monsieur et Madame [C] et [S] [D] concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Madame [E] [E] à leur payer la somme de 2212,60 € TTC, outre indexation suivant l'indice BT 01 entre le 8 février 2008 et le jugement, et outre intérêts au taux légal à compter du jugement, mais à son infirmation en ce qu'il a rejeté les demandes concernant les fissures, décollements de plinthes et de cloisons.
Attendu que l'appelante critique les conclusions de l'expert, alors que celles-ci sont suffisamment précises et expliquées, qu'elle ne produit en outre aucune contre expertise amiable émanant d'un spécialiste reconnu qui contredirait les conclusions du 8 février 2008.
Attendu que le premier juge a par suite, justement :
- d'une part, retenu l'imputabilité entre les travaux effectués par Madame [E] et les désordres affectant les marches, la fissuration du linteau de la porte d'entrée et consistant dans le stockage de matériel et des matériaux dans la courette.
- d'autre part, rejeté la demande relative aux autres désordres, non imputables aux travaux.
Qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Madame [E] [E] à payer à Monsieur et Madame [C] et [S] [D] la somme de 2212,60 € TTC, outre indexation suivant l'indice BT 01 entre le 8 février 2008 et le jugement, et outre intérêts au taux légal à compter du jugement; et rejeté le surplus de la demande.
Attendu sur les ouvertures dont la fermeture est demandée, qu'à l'examen des photographies prises par l'expert, que ne saurait constituer une vue au sens de l'article 678 du Code civil, le percement dont la dimension est très petite (1 centimètre de diamètre) et qui ne peut assurer qu'une fonction d'aération.
Attendu par ailleurs, qu'il ne peut être sérieusement prétendu qu'une pergola assure une vue alors qu'il s'agit d'une structure en bois montée au-dessus d'une terrasse, que la fermeture d'un tel équipement ne peut être mise en pratique et ne saurait être ordonnée par la cour, que celle-ci ne saurait en outre se substituer aux demandeurs dans l'explicitation de leur demande.
Attendu en revanche, que les pavés translucides procurent des vues sur le fonds des demandeurs au sens des dispositions de l'article 678 du Code civil.
Attendu sur le fondement des dispositions de l'article 675 du même code, qu'il incombe aux demandeurs d'établir que le mur dans lequel les percements ont été effectués est mitoyen ; que sur ce point, malgré les contestations de l'appelante, aucune démonstration n'est rapportée alors que la présomption de mitoyenneté prévue par l'article 653 du Code civil n'est pas applicable à un mur qui sépare un bâtiment d'un espace non construit, que la demande fondée sur ce texte doit être rejetée.
Attendu en conséquence, qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Madame [E] à refermer l'ouverture sur la grille de ventilation au niveau 0 et la pergola, et de le confirmer en ce qu'il l'a condamnée à refermer l'ouverture en pavés de verre non translucides dans la zone cuisine au niveau 1, dans le délai de trois mois à compter de la signification du jugement et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant six mois .
Attendu sur la demande de démolition, qu'il incombe aux demandeurs d'établir que la construction érigée par Madame [E] leur occasionne un préjudice de vue et d'ensoleillement, excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Or, attendu que ni les constatations imprécises du rapport d'expertise ni les photographies du constat d'huissier ne permettent d'étayer un trouble anormal du voisinage, que ne sont en outre produites aux débats aucune photographie des vues et de l'ensoleillement dont bénéficiaient Monsieur et Madame [D] avant la construction, ni aucune photographie des vues et de l'ensoleillement dont ils bénéficient actuellement, que de même, aucun témoignage n'est produit pour attester de la diminution de l'ensoleillement et de la perte de la vue sur le port des [6].
Attendu que le seul fait que la construction se situe en surplomb au sud de la propriété des demandeurs ne saurait suffire à caractériser un trouble anormal du voisinage.
Attendu que la demande doit être rejetée, et le jugement infirmé sur ce point.
***
Attendu que l'équité n'impose pas d'allouer aux parties une somme au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, que leur demande doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- INFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a condamné Madame [E] [E] à refermer l'ouverture sur la grille de ventilation au niveau 0, et la pergola, et à démolir l'extension de sa construction et la pergola.
- ET STATUANT à nouveau, REJETTE ces demandes.
- CONFIRME le surplus du jugement.
- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- CONDAMNE Madame [E] [E] aux dépens, prenant notamment les frais d'expertise, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile au bénéfice des avocats de la cause.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
RMP