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14/06/2012 | FRANCE | N°11/11589

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 14 juin 2012, 11/11589


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2012



N° 2012/503













Rôle N° 11/11589





SA CLINIQUE BOUCHARD





C/



[M] [I]

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Xavier CACHARD, avocat au barreau de MARSEILLE



SCP SANGUINETTI-

FERRARO-CLERC, avocats au

barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 17 Novembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1196.







APPELANTE



SA CLINIQUE BOUCHARD, demeurant [Adresse 2]



r...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2012

N° 2012/503

Rôle N° 11/11589

SA CLINIQUE BOUCHARD

C/

[M] [I]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Xavier CACHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

SCP SANGUINETTI-

FERRARO-CLERC, avocats au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 17 Novembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1196.

APPELANTE

SA CLINIQUE BOUCHARD, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Xavier CACHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [M] [I], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assistée de la SCP SANGUINETTI-FERRARO-CLERC, avocats au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Avril 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2012.

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 23 février 2004, la clinique [3] (la clinique), a embauché madame [I] en qualité d'aide soignante, les relations contractuelles étant régies par la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif ; le salaire brut moyen mensuel calculé sur les trois derniers mois d'activité était de 1.744,45 euros.

Madame [I] a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée en date du 27 novembre 2007 au motif suivant :

'Propos injurieux tenus le 8 novembre 2007 à l'encontre de Madame [V] [T] et de Madame [R] [B], cadres de direction, en présence de plusieurs salariés, dans des locaux réservés à l'hospitalisation de patients de médecine et dans des locaux de travail.

- contre Madame [V] [T] : « qu'est ce que vous faites là vous ' Retournez travailler dans votre bureau » « nous (sic) n'êtes qu'une folle qui hurle dans les couloirs comme d'habitude »...

- contre Madame [R] [B] : « peuchère à votre âge, la Clinique sera vendue en janvier et vous serez mise dehors, ce qui sera bien fait pour vous »

Plusieurs témoins peuvent confirmer vos manifestations violentes contre ces deux personnes, qui pour leur part sont restées calmes et mesurées dans leur propos, leur motivation restant celle de préserver le calme attendu dans un service de soins et de travail.

Votre licenciement sera effectif à la date de première présentation de cette lettre ; nous vous rappelons qu'il est privatif de préavis et d'indemnité de licenciement...'.

Par lettre postée le 4 décembre 2009, la clinique a régulièrement interjeté appel du jugement de départage rendu le 17 novembre 2009 par le conseil de prud'hommes de Marseille qui a dit que le licenciement ne reposait ni sur la faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et qui a condamné l'employeur à payer à la salariée diverses sommes au titre du préavis et à titre indemnitaire ; l'appelante demande à la cour d'infirmer cette décision, de débouter madame [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui payer 1.000,00 euros pour procédure abusive et 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [I] qui a formé appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué un certain nombre de sommes et, y ajoutant, de condamner la clinique à lui payer, avec intérêts de droit à compter de la demande en justice et capitalisation des intérêts :

- 18.000,00 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul voire dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 10.000,00 euros de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, violation volontaire et délibérée de l'obligation de sécurité,

- 1.500,00 euros de dommages-intérêts pour perte du droit au Dif,

- 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à la décision déférée et aux écritures déposées, oralement reprises à l'audience du 14 juin 2012.

MOTIFS DE LA DECISION :

- sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité :

Madame [I] prétend avoir été victime au début de l'année 2006 d'un harcèlement sexuel et moral de la part d'un infirmier, monsieur [G] [Y], et elle reproche à son employeur non seulement de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour protéger sa sécurité mais encore de lui avoir fait subir des 'représailles' professionnelles à la suite de sa dénonciation ; elle soutient que son licenciement est en rapport avec le harcèlement qu'elle a dénoncé et c'est pourquoi elle en sollicite l'annulation.

Toutefois, les affirmations de madame [I] non seulement ne sont pas étayées par des éléments qui lui sont extérieurs mais en plus ils sont démentis par les pièces du dossier ; en effet :

- prioritairement, il convient de rappeler que le salarié dénoncé a été définitivement relaxé par le tribunal de grande instance de Marseille par un jugement en date du 4 décembre 2007, non au bénéfice du doute mais bien pour absence de preuve, les juges ayant motivé ainsi leur décision:

'Attendu que le Tribunal a tenu compte des témoignages sur l'attitude de la victime [madame [I]] à l'égard de [G] [Y], de l'absence de preuves sur les scènes de harcèlement dénoncées par [I] [M] et sur le contexte même des relations existantes entre les deux parties avant même les faits dénoncés ; qu'il ne résulte pas du dossier et des débats la preuve que le prévenu se soit rendu coupable des faits qui lui sont reprochés' ;

- quoi qu'en dise la salariée, la direction a effectivement diligenté une enquête immédiatement après avoir reçu la dénonciation de madame [I], enquête qui ne pouvait aboutir puisqu'il n'y avait aucun témoin des prétendus faits de harcèlement comme l'a d'ailleurs reconnu l'intéressée elle-même dans son procès verbal de dépôt de plainte en date du 10 octobre 2006 ; la clinique a de même régulièrement tenu informé l'inspection du travail, notamment par lettres des 12 mai 2006 et 28 septembre 2007 ;

- l'employeur, même en l'absence totale de preuve, a néanmoins pris les mesures nécessaires pour séparer autant qu'elle le pouvait les deux protagonistes puisqu'elle a modifié leurs horaires de travail de sorte qu'ils ne devaient plus travailler ensemble puis enfin a proposé à madame [I] d'être affectée sur un autre établissement ; à ce sujet, l'intéressée ne saurait sérieusement soutenir que c'est la victime du harcèlement qui était au final sanctionnée par une décision de transfert alors qu'au cas d'espèce la cour n'aurait pas compris que ce soit au contraire la victime de ce qui s'apparente fort à une dénonciation calomnieuse qui aurait dû quitter son lieu de travail pour satisfaire son accusatrice ;

- madame [I] s'est vue refuser par décision de la Cpam du 2 avril 2008, la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont elle était atteinte et qu'elle prétendait être la conséquence du harcèlement dont elle était victime ;

- en tout état de cause, le licenciement prononcé à son encontre est sans rapport avec la dénonciation des prétendus faits de harcèlement dénoncés par madame [I] sauf à considérer que c'est le comportement même de la salariée le jour des faits visés dans la lettre de rupture qui peut s'expliquer par sa rancoeur de ne pas avoir vu déboucher sa dénonciation sur des sanctions disciplinaires contre monsieur [Y] ; cette rupture ne saurait en conséquence être annulée.

- sur le licenciement :

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des fautes graves reprochées au salarié, seuls pouvant être retenus les faits visés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Par ailleurs, la sanction du licenciement pour faute grave, sévère pour le salarié en ce qu'elle le prive de ses indemnités de préavis et de rupture, ne saurait être fondée sur des approximations surtout lorsque la rupture est uniquement motivée par les propos qu'aurait tenus le salarié, leur simple rappel ne permettant pas notamment de les replacer dans le contexte particulier qui pourrait les expliquer.

Ainsi, il n'est pas compréhensible - et il ne saurait être admis - que la clinique, qui disposait du témoignage de plusieurs salariés ayant assisté aux échanges verbaux entre madame [I] et mesdames [T] et [B] ait pu fonder le licenciement de la première sur les seuls propos que les deux autres ont cru entendre alors qu'elle aurait du tout au contraire s'en tenir uniquement à ceux rapportés par les témoins immédiatement après l'altercation verbale, les attestations correctives produites ultérieurement ne pouvant emporter la conviction de la cour quant à la réalité des échanges de 2007.

S'il est toutefois exact que les témoignages recueillis tendent à démontrer que madame [I] a le jour en question utiliser un langage que l'on peut qualifier de 'vert' à l'encontre de ses interlocutrices, il ne saurait toutefois être fait abstraction des circonstances très particulières dans lesquelles les propos ont été proférés ; en effet, ce 8 novembre 2007, madame [I] n'était pas en service puisqu'elle était depuis un certain temps en arrêt de travail pour maladie, elle sortait du tribunal correctionnel qui venait de renvoyer l'examen de l'affaire [Y] à une audience ultérieure et elle venait enfin visiter l'une de ses amies qui s'était faite hospitaliser le jour-même ; la salariée, qui n'avait donc pas prémédité sa venue à la clinique, se trouvait dans un état mental particulier et dans ce contexte, alors que ses antagonistes étaient intervenues pour lui intimer l'ordre de quitter l'établissement, les propos tenus par madame [I], aussi contestables soient-ils, ne justifiaient pas en toute hypothèse la rupture du contrat de travail.

En conséquence, la décision du premier juge, qui a estimé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qui a justement fixé les dommages-intérêts dus à la salariée compte tenu des éléments du dossier, sera confirmée dans toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses propres dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 11/11589
Date de la décision : 14/06/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°11/11589 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-14;11.11589 ?
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