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11/06/2012 | FRANCE | N°11/05225

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 11 juin 2012, 11/05225


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2012

jlg

N° 2012/ 252













Rôle N° 11/05225







[X] [O]

[L] [U] épouse [O]





C/



[D] [S] épouse [N]

[Z] [N]

[H] [N]











































Grosse délivrée

le :

à :

SELARL

BOULAN

SCP BADIE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de MENTON en date du 08 Mars 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/10/521.





APPELANTS



Monsieur [X] [O]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 13] (VIETNAM), demeurant [Adresse 1]



Madame [L] [U] épouse [O]

née le [Date naissanc...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2012

jlg

N° 2012/ 252

Rôle N° 11/05225

[X] [O]

[L] [U] épouse [O]

C/

[D] [S] épouse [N]

[Z] [N]

[H] [N]

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL BOULAN

SCP BADIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de MENTON en date du 08 Mars 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/10/521.

APPELANTS

Monsieur [X] [O]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 13] (VIETNAM), demeurant [Adresse 1]

Madame [L] [U] épouse [O]

née le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 12] (VIETNAM) (99), demeurant [Adresse 1]

représentés par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS

assistés de Me Rose-marie FURIO-FRISCH, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame [D] [S] épouse [N]

demeurant [Adresse 10]

Monsieur [Z] [N], demeurant [Adresse 10]

Mademoiselle [H] [N], demeurant [Adresse 10]

représentés par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL

assistés de Me Walter VALENTINI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2012,

Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

M. [Z] [N], Mme [D] [S], son épouse, et Mme [H] [N] sont propriétaires d'un fonds situé à [Localité 14], cadastré section AO n° [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

M. [X] [O] et Mme [L] [U], son épouse, sont propriétaires d'un fonds voisin cadastré section AO n° [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].

Par jugement du 8 mars 2011, le tribunal d'instance de Menton a :

-autorisé les consorts [N] à pénétrer sur la parcelle des époux [O] afin de remettre en état leurs canalisations par mise sous terre et à les rebrancher sur le réservoir en enlevant la vanne posée par les époux [O],

-condamné les époux [O] à payer aux consorts [N] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

-débouté les consorts [N] du surplus de leurs demandes,

-condamné les époux [O] à payer aux consorts [N] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire,

-condamné les époux [O] aux dépens.

Les époux [O] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 mars 2011.

Aux termes de leurs conclusions déposées le 22 juin 2011, ils demandent à la cour :

-d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-vu les actes de propriété versés aux débats,

-vu l'article 686 du code civil,

-de dire et juger que les consorts [N] ne justifient et ne disposent d'aucun titre leur permettant de revendiquer un droit relatif à la source Vallelunga sur leur propriété par passage de canalisation ou autre installation d'équipement de captage des eaux,

-de débouter les consorts [N] du chef de toutes leurs demandes,

-de dire et juger, par conséquent, que c'est à tort que le tribunal d'instance de Menton a autorisé les consorts [N] à pénétrer sur leur parcelle afin de remettre en état leurs canalisations par mise sous terre et à les rebrancher sur le réservoir en enlevant la vanne posée par eux,

-de dire et juger que le tribunal d'instance de Menton a inversé la charge de la preuve,

-en effet,

-vu les pièces versées aux débats par les consorts [N],

-vu la jurisprudence en la matière selon laquelle le bénéfice de la protection possessoire ne peut être accordée que si le demandeur justifie d'une servitude de captage et d'utilisation d'eau de source se manifestant par des travaux apparents et permanents établis par lui depuis plus de trente ans,

-de dire et juger que les seuls éléments versés aux débats par les intimés en première instance ne permettent pas de mettre en évidence une quelconque prescription acquisitive trentenaire et ce d'autant moins eu égard aux propres déclarations écrites des consorts [N],

-de dire et juger par conséquent qu'ils seront autorisés à déposer toutes les installations faites par les consorts [N] à charge pour ces derniers de les reprendre dans un délai de huit jours de leur dépose,

-à titre subsidiaire,

-vu le rapport de visite du cabinet GSM,

-vu l'installation du trop-plein sans autorisation,

-de constater que les modifications et installations faites par les consorts [N] causent un préjudice à leur propriété,

-de constater que les installations réalisées par les consorts [N] génèrent de toute évidence des allées et venues intempestives et arbitraires ne faisant l'objet d'aucune autorisation, ni conventionnelle, ni légale,

-par conséquent,

-de dire et juger que dans l'hypothèse où la cour viendrait sur quelque fondement que ce soit à octroyer un droit d'eau ou de passage de canalisations aux consorts [N], il y aura lieu dans ces conditions de condamner ces derniers à procéder à toutes les installations nécessaires et ce selon les préconisations du cabinet GSM afin de ne créer aucune nuisance à leur propriété,

-de dire et juger que ces installations devraient être faites pour éviter tout passage dont ne bénéficient pas les consorts [N],

-d'ordonner, si besoin est, une expertise pour déterminer la nature des installations réalisées,

-à titre subsidiaire,

-de prendre acte qu'ils ne sont pas opposés à la désignation d'un expert,

-de condamner les consorts [N] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de leurs conclusions déposées le 12 août 2011, les consorts [N] demandent à la cour :

-de confirmer le jugement déféré,

-y ajoutant, de dire que la remise en état devra se faire aux frais avancés des époux [O],

-de confirmer qu'au vu des titres de propriété et d'un usage de plus de trente ans, ils disposent d'une servitude d'eau sur la source Vallelunga, qui impose le passage de canalisations sous le terrain des époux [O],

-de dire et juger que cette servitude est continue et apparente et ne peut s'éteindre du fait de la volonté unilatérale des époux [O] ou d'une prétendue diminution de son utilité,

-de dire et juger que les époux [O] ont porté atteinte à l'usage de cette servitude en déterrant, puis sectionnant leurs canalisations, et en y apposant une vanne déviant ainsi l'eau de source à leur seul profit, et de les condamner à leur payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à l'usage de cette servitude,

-en tout état de cause,

-de rejeter l'ensemble des demandes formulées par les époux [O],

-de condamner les époux [O] à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2012.

Motifs de la décision :

Il est constant qu'un réservoir situé sur le fonds des époux [O] reçoit les eaux d'une source qui jaillit sur le fonds d'un tiers situé en amont.

Cette source est indifféremment appelée « Vallelonga » ou « Valonga ».

Les consort [N] justifient avoir, sur l'eau de cette source, un droit d'usage rappelé dans leur titre et ceux de leurs auteurs, notamment un acte du 26 février 1943 contenant partage de divers biens entre [V] [T] [I] et [C] [M] [I] aux droits desquels ils se trouvent aujourd'hui.

Ce droit d'usage est reconnu par M. [W], actuel propriétaire de la source, ainsi que cela résulte d'une attestation que ce dernier a établie le 1er janvier 2009.

Le 18 septembre 2007, les consorts [N] ont fait constater que le conduit en plastique qui permettait d'alimenter leur fonds à partir du réservoir avait été déterré et débranché de ce réservoir.

Les consorts [N] exposent que la parcelle AO [Cadastre 6] et [Cadastre 4] qu'ils ont acquise le 5 mai 1986 et qui correspond à celle attribué à [C] [I], ainsi que la parcelle AO [Cadastre 5] qu'ils ont acquise en 1988 et qui correspond à celle attribuée à [V] [I], étaient, depuis bien avant 1943, alimentée en eau de la source à partir du réservoir, et qu'ils ont fait remplacer les canalisations existantes en métal par des conduits en plastique enterrés, dont une partie est d'ailleurs enterrée dans la propriété de M. [P] qui a lui aussi un droit d'usage sur la source.

Ils produisent une attestation établie le 27 juillet 2007 par M. [Y] [G] qui écrit ce qui suit :

« (') alors jardinier des Melles [A], anciennes propriétaires du fonds [P] et responsable de l'entretien et de la réparation de l'acheminement de l'eau de source Valonga depuis 1978, j'atteste qu'à mon arrivée l'eau de source était déjà acheminée par deux canalisations en fer posées sur un canal en amont et en aval du réservoir actuellement sur le terrain de M. et Mme [O]. La première allait jusqu'à la propriété [A]/[P] et la deuxième en parallèle allait jusqu'à la propriété [A] qu'elle traversait à l'air libre puis passait sous l'escalier communal puis sous l'ancien portail dans la propriété [J]/[N] jusqu'à leur cuves.

J'atteste également que M. [J], ancien propriétaire du fonds [N] a toujours participé à l'entretien et à la réparation du bassin alors à l'air libre, comme M. et Mme [N] par la suite.

M. et Mme [N] m'ont demandé en 1987 par l'intermédiaire de Mlle [A] de couvrir le bassin parce qu'on y avait trouvé un renard mort et par la même occasion de changer les canalisations en fer par des canalisations en plastique. Puis en prévoyant l'éventualité d'une vente de ce terrain appartenant à présent aux [O] qui était à l'époque abandonné et en friche, ils n'ont demandé de les enterrer profondément tout le long de leur parcours jusqu'à leur propriété pour ne pas gêner d'éventuels acquéreurs.

Je peux affirmer que l'eau a toujours coulé de la source Valonga jusqu'à la propriété [N] et que les différents propriétaires ont toujours été très attachés à cette source et à son fonctionnement parce que c'est essentiel pour tous. »

Le réservoir, qui est représenté sur le plan cadastral actuel, était déjà représenté sur le plan cadastral napoléonien.

L'attestation de M. [G], la représentation du réservoir sur le plan cadastral napoléonien et le rappel, dans l'acte de partage de 1943, du droit d'usage des eaux de la source dont bénéficie le fonds des consorts [N], permettent d'établir, d'une part, qu'entre 1943 au moins et 1987, le fonds de ces derniers a alimenté au moyen de ce réservoir et d'une canalisation implantée en surface sur le fonds des époux [O], d'autre part, que cette canalisation a été enterrée par les consorts [N] en 1987.

Une servitude établie pour alimenter un fonds en eau de source au moyen d'un réservoir et d'une canalisation implantés en surface du fonds servant, est une servitude continue et apparente au sens des articles 688 et 689 du code civil.

Une servitude continue et apparente pouvant, aux termes de l'article 690, s'acquérir par la possession de trente ans, une servitude d'aqueduc avec réservoir de rétention grevant le fonds des époux [O] au profit du fonds des consorts [N] , a été acquise par prescription. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a autorisé les consorts [N] à remettre en état leur canalisation et à la rebrancher en enlevant la vanne posée par les époux [O].

Le mode de servitude prescrit ne permettait toutefois pas aux consorts [N] d'enfouir leur conduite dans le sol sans l'autorisation des propriétaires du fonds servant, autorisation dont-ils ne rapportent pas la preuve dont la charge leur incombe. Cet enfouissement n'ayant pas duré trente ans, les consorts [N] ne peuvent être autorisés à remettre sous terre leur canalisation. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Les époux [O] ne contestant pas avoir débranché la conduite d'eau, c'est par une exacte appréciation que le premier juge les a condamnés à payer aux consorts [N] une indemnité de 1 500 euros en réparation du préjudice qu'ils ont subit du fait de l'atteinte portée à l'usage de la servitude dont bénéficie leur fonds.

C'est à bon droit que les consorts [N] demandent que la remise en état de leur conduite ait lieu aux frais exclusifs des époux [O].

Les consorts [N] produisent un devis établi le 17 novembre 2008 par l'entreprise Ricardo pour les travaux suivants :

-ouverture de 40 ml de tranchée ''''.1 100 €

-fourniture et mise dans la tranchée d'une conduite de 60 avec vanne

d'arrêt et branchement ''''''''750 €

-protection de tube en sable et mise en place du fil

d'avertissement '''''''''''500 €

-rebouchage de la tranchée'''''''500 €

Total HT''2 850 €

TVA 19,6%..558,60 €

Total TTC' 3 408,60 €

Les consorts [N] n'étant pas autorisés à remettre sous terre leur conduite, le coût des seuls travaux de remise en état de cette conduite ne devra pas excéder la somme de 897 euros TTC.

Dans son rapport établi le 27 mai 2011 à la demande des époux [O], M. [B] du cabinet Géo Sciences et Méthodes (GSM) indique notamment que le bassin de rétention d'eau (le réservoir) était ouvert sur sa partie supérieur, alors qu'à ce jour une dalle de béton le recouvre complètement, qu'un tuyau de surverse existe en partie supérieure du bassin, que la présence de mousse sur la paroi du bassin laisse supposer des écoulements assez fréquents à partir de cette surverse, que ces excédants d'eau ponctuels présentent des désagréments pour les époux [O] et pourraient engendrer des glissements de terrain, et enfin qu'en vue de la bonne gestion des eaux il faudrait mettre en place :

-un régulateur électronique permettant une alimentation vers des réseaux différents selon des créneaux horaires bien précis,

-une canalisation en sortie du trop plein qui acheminerait les eaux excédentaires jusqu'au vallon.

Tout bassin de rétention étant normalement équipé d'une surverse dès sa construction, ce rapport ne permet pas d'établir la preuve que celle qui équipe le réservoir situé sur le fonds des époux [O] a été réalisée par les époux [N]. Cette surverse étant l'accessoire nécessaire de la servitude dont est grevé leur fonds, les époux [O] ne sont pas fondés à demander la condamnation des consorts [N] à procéder à toutes les installations préconisées par le cabinet GSM.

Par ces motifs :

Dit que le fonds des époux [O], cadastré section AO n° [Cadastre 7], [Cadastre 8] à [Localité 14], est grevé, au profit du fonds des consorts [N], cadastré section AO n° [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6], d'une servitude d'aqueduc avec réservoir de rétention, acquise par prescription,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a autorisé les consorts [N] à mettre sous terre leur conduite d'eau,

Statuant à nouveau sur ce chef,

Dit que les consorts [N] devront rétablir leur canalisation en surface du fonds des époux [O],

Ajoutant au jugement,

Dit que le remise en état de la conduite des consorts [N] aura lieu aux frais des époux [O], pour un coût ne pouvant excéder 897 euros TTC,

Déboute les époux [O] de leur demande tendant à la condamnation des consorts [N] à procéder à toutes les installations préconisées par le cabinet GSM,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux [O] à payer la somme de 1 500 euros aux consorts [N],

Condamne les époux [O] aux dépens qui pourront être recouvrés contre eux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/05225
Date de la décision : 11/06/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°11/05225 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-11;11.05225 ?
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