COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2012
N° 2012/305
Rôle N° 12/01595
SA BANQUE POPULAIRE DU SUD
C/
[D] [F]
[W] [N] épouse [F]
Grosse délivrée
le :
à : Me VOLFIN
la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 16 Janvier 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11/00019.
APPELANTE
S.A. BANQUE POPULAIRE DU SUD, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Jean Pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON
INTIMES
Monsieur [D] [F], demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Zakeye ZERBO, avocat au barreau de LYON
Madame [W] [N] épouse [F], demeurant [Adresse 5]
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Zakeye ZERBO, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Avril 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Christian COUCHET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2012,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par jugement sur incident en date du 16 janvier 2012 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarascon a fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par les époux [F], déclaré irrecevable la demande formulée par la Banque Populaire du Sud tendant à la vente forcée du bien leur appartenant par voie de saisie immobilière, dit que le jugement sera annexé au cahier des conditions de vente déposé au greffe du tribunal de grande instance de Tarascon et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 26 janvier 2012 la Banque Populaire du Sud a relevé appel de ce jugement.
La Banque Populaire du Sud a sollicité l'autorisation de faire délivrer assignation à jour fixe aux époux [F], par requête du 31 janvier 2012 à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 1er février 2012.
Par conclusions déposées les 30 décembre 2010 puis 10 avril 2012 la Banque Populaire du Sud a développé les moyens d'appel suivants :
En déclarant irrecevable sa demande tendant à la vente des biens immobiliers saisis, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarascon a ainsi effectué une appréciation totalement erronée des données, tant de fait que de droit, de l'espèce (Pièce 2).
En effet la procédure de saisie immobilière est diligentée en vertu de la copie exécutoire d'un acte en la forme authentique, reçu par Maître [C] [B] notaire à [Localité 3] le 12 décembre 2006, contenant prêt par la Banque Populaire aux époux [F] de la somme de 350.000 € amortissable en 300 mensualités à compter du 25 janvier 2007 au taux de 4,5 % l'an hors assurances (Pièce 4).
L'acte stipule dans ses dispositions finales une clause intitulée 'conciliation-médiation', ainsi libellée :
'En cas de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend à un conciliateur désigné qui sera missionné par le Président de la chambre des notaires qui pourra être saisi sans forme ni frais'.
C'est par une interprétation erronée de cette clause que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarascon a cru devoir faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par les époux [F] (Pièce 2).
En effet cette clause de 'conciliation-médiation' ne peut recevoir application dans les rapports entre la Banque Populaire du Sud et les débiteurs, mais à vocation à s'appliquer à des différents entre vendeur et acquéreurs de l'immeuble.
Le contrat de prêt intégré à l'acte de vente de l'immeuble, qui régit les rapports entre la Banque Populaire du Sud et les époux [F] débiteurs défaillants, ne contient pas de clause de conciliation-médiation préalable. Force est de constater qu'il existe une discordance flagrante entre les conditions particulières du prêt, et la clause de conciliation contenue dans les dispositions finales de l'acte.
En l'espèce, la mise en oeuvre de la procédure immobilière par la Banque Populaire du Sud tient exclusivement à l'exécution du contrat et non à l'interprétation de ses termes.
Les époux [F] n'ont pas fait état de cette clause, antérieurement à l'audience d'orientation, et ce pour la raison qu'il n'existe aucune difficulté d'interprétation des charges, clauses et conditions générales et particulières du prêt.
Créancière des époux [F] à hauteur de la somme générale de 374.483,99 €, son appel est parfaitement recevable en vertu de l'article 52 du décret du 27 juillet 2006, et la société appelante conclut à :
- Voir infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré rendu le 16 janvier 2012,
- Statuant à nouveau, entendre dire et juger recevable ses demandes tendant à la vente forcée,
- Entendre constater la validité de la présente saisie immobilière au regard des textes applicables,
- Entendre fixer le montant de sa créance à la somme de 374.483,99 €, outre les intérêts au taux de 4,5 % à compter du 10/08/2010 jusqu'à parfait paiement.
- Entendre déterminer, conformément à l'article 49 du décret du 27 juillet 2006 la poursuite de la procédure, et fixer la date conformément à l'article 59 du décret du 27 juillet 2006,
- S'entendre débouter les intimés de toutes fins et prétentions contraires, et condamner à lui payer la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et notifiées le 30 mars 2012 M. et Mme [F] ont répliqué comme suit :
Si l'appelant contre un jugement d'orientation en matière de saisie immobilière est fondé à mettre en oeuvre une procédure à jour fixe, sans avoir à établir l'existence d'un péril, sa requête doit 'contenir des conclusions sur le fond et viser des pièces justificatives'.
Or, en l'espèce la requête déposée par la Banque Populaire du Sud ne contient pas de conclusions au fond. Elle se contente de faire l'exposé des faits et d'évoquer quelques moyens, sans contenir aucune demande précise ni aucun argument juridique précis.
En conséquence, la cour déclarera l'appel interjeté par la Banque Populaire du Sud contre le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarascon irrecevable pour non respect des dispositions de l'article 918 du code de procédure civile.
Sur le fondement des dispositions combinées des articles 122, 123 et 124 du code de procédure civile et 1134 du code civil la Cour de cassation a jugé que le défaut de respect d'une procédure de conciliation obligatoire prévue dans une convention préalable à la saisine du juge, entraînait l'irrecevabilité de la demande.
Les époux [F] sont parfaitement fondés à se prévaloir des dispositions ci-dessus citées et à demander au juge de l'exécution de déclarer l'ensemble des demandes de la Banque Populaire du Sud irrecevables.
La clause intitulée 'conciliation-médiation' s'impose aux parties et, en application de l'article 1134 du code civil, doit être respectée avant toute instance judiciaire, quelle que soit l'origine du litige, la Banque n'ayant pas tenu compte de leur bonne volonté.
En ce qui concerne les règles relatives à la détermination du taux effectif global des crédits, elles sont fixées par les articles L. 313-1 et L. 313-2 du Code de la consommation. Selon une jurisprudence constante, sont pris en compte dans le calcul du TEG les frais de timbres et d'enregistrement, les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, honoraires et débours issus de la rédaction des actes notariés ainsi que les frais de constitution de garantie (Cass. crim. 10 septembre 2003).
La Banque Populaire du Sud leur a consenti un prêt de 350.000 € au taux de 4,5 % l'an, hors assurance. La cour ne pourra que constater qu'en raison de l'absence de prise en compte de ses frais, la détermination du taux effectif global est erronée, et tirer toutes les conséquences de droit qui en découlent.
Le taux effectif global étant erroné, l'offre de prêt ainsi que l'acte de prêt lui-même ne satisfaisaient pas aux conditions fixées par les articles L. 312-7 et L. 312-8 du Code de la consommation, et la sanction légale de la déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L. 312-33 du Code de la consommation doit s'appliquer.
La cour prononcera donc la déchéance de la Banque Populaire du Sud du droit aux intérêts et lui enjoindra de produire un nouveau décompte en imputant la totalité des sommes déjà payées sur le capital.
Le cumul des échéances impayées et du capital restant dû à la dernière échéance, aboutit à une somme supérieure au montant du capital restant dû au jour de la demande, et il sera donc enjoint à la Banque Populaire du Sud de recalculer sa créance, d'autant plus que la déchéance du droit aux intérêts entraîne naturellement celle des intérêts de retard.
Les intimés demandent à la cour de :
- Déclarer irrecevable l'appel interjeté par la Banque Populaire du Sud contre le jugement du 16 janvier 2012 pour non respect des dispositions de l'article 918 du code de procédure civile.
- Confirmer la décision du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarascon du 16 janvier 2012 en ce qu'elle a déclaré irrecevable la procédure de saisie immobilière diligentée par la Banque Populaire du Sud, sans respect préalable de la clause de médiation/conciliation contenue dans l'acte authentique de prêt du 12 décembre 2006.
- De les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident.
- Constater que le taux effectif global du prêt immobilier consenti le 12 décembre 2006 par la Banque Populaire du Sud est erroné.
- Juger que le TEG du prêt étant erroné, l'offre de prêt ne satisfait pas aux conditions fixées par les articles L. 321-7 à L. 312-8 du Code de la consommation.
- En conséquence, en application de l'article L. 312-33 du Code de la consommation, prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la Banque Populaire du Sud et lui enjoindre de produire un nouveau décompte de sa créance extirpée des intérêts, pénalités de retard et indemnité de remboursement anticipé.
- Enjoindre à la Banque Populaire du Sud de reproduire un nouveau décompte de sa créance, en imputant la totalité des sommes déjà effectuées sur le capital.
- Juger que le montant de la créance de la Banque Populaire du Sud est erroné et ne respecte pas les dispositions de l'article 2191 du Code civil.
- Ordonner la suppression des pénalités et indemnités de remboursement.
- À titre subsidiaire, autoriser la vente amiable du bien par M. et Mme [F] et fixer le montant minimum à la somme de 300.000 €.
- À titre infiniment subsidiaire, fixer le montant de la mise à prix à la somme de 300.000 €.
- Rejeter toutes demandes et conclusions contraires.
- Condamner la Banque Populaire du Sud à leur payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La demande des époux [F], tendant à voir déclarer irrecevable l'appel interjeté par la Banque Populaire du Sud à l'encontre du jugement critiqué du 16 janvier 2012, pour non respect des dispositions de l'article 918 du code de procédure civile, dans la mesure où la procédure d'appel s'avère conforme aux articles 52 du décret du 27 juillet 2006, 917 et suivants du Code de procédure civile, au moyen d'une requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe est parfaitement diligentée.
En revanche en application des dispositions combinées des articles 122, 123 et 124 du même Code et 1134 du Code civil les intimés sont en droit de se prévaloir du défaut de respect de la clause de conciliation-médiation telle que prévue par l'acte notarié de prêt du 12 décembre 2006.
Car stipulant expressément qu'en cas 'de litige, les parties conviennent, préalablement à toute instance judiciaire, de soumettre leur différend à un conciliateur désigné qui sera missionné par le Président de la chambre des notaires qui pourra être saisi sans forme ni frais', ladite clause particulière est ainsi constitutive d'une obligation exclusivement applicable aux parties concernées, tenues d'y satisfaire, à l'exclusion de la prétendue vocation générale attribuée par la Banque appelante en référence à 'des différents entre vendeur et acquéreurs de l'immeuble'.
Cette fin de non-recevoir conduit à débouter la Banque Populaire du Sud de l'ensemble de ses demandes, comme irrecevables, et à confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
L'équité commande de condamner l'appelante à payer la somme de 1.600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la Banque Populaire du Sud à payer aux époux [F] la somme de 1.600 € (mille six cents) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la Banque Populaire du Sud aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président