COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 18 MAI 2012
N° 2012/269
Rôle N° 10/14187
SCP [F]
C/
[E] [Y]
[U] [D] épouse [Y]
Grosse délivrée
le :
à : SCP MAGNAN
Me BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 29 Juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/01900.
APPELANTE
S.C.P. [F], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de SCP MAGNAN, avoués, ayant pour avocat Me Robert CHICHE, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [E] [Y]
né le [Date naissance 3] 1928 à [Localité 6], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués, ayant pour avocat Me Nicolas DONNANTUONI, avocat au barreau de NICE
Madame [U] [D] épouse [Y]
née le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués, ayant pour avocat Me Nicolas DONNANTUONI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Mars 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2012,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Saisi par les époux [Y] de demandes tendant à voir condamner la SCP [F] notamment à leur payer la somme de 182.500 € à titre de liquidation de l'astreinte fixée par arrêt de la cour du 15 février 2008, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice a par jugement du 29 juin 2010 :
- condamné la défenderesse à leur payer, en deniers ou quittances, ladite somme correspondant à la période du 17 octobre 2008 au 17 octobre 2009, sur laquelle a été allouée aux créanciers de l'astreinte une provision de 100.000 € par jugement du 22 juin 2009,
- fixé une nouvelle astreinte de 500 € par jour de retard passé le nouveau délai de 6 mois à compter de la signification du jugement,
- et condamné la SCP [F] à payer la somme de 1.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 26 juillet 2010 la SCP [F] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions déposées et signifiées le 10 novembre 2010 la SCP [F] a fait valoir son argumentation comme suit :
Les demandes des intimés reposaient sur la base d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence du 15 février 2008 la condamnant sur leur demande unique à remettre en état les lieux des parties communes de la copropriété dans leur état initial sous astreinte de 500 € par jour de retard pendant un an à l'expiration d'un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt, intervenue le 17 avril 2008.
Attendu que par décision du juge de l'exécution de Nice du 22 juin 2009, elle a été condamnée à payer aux époux [Y] la somme provisionnelle de 100.000 € à valoir sur la liquidation future de l'astreinte provisoire prononcée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 février 2008.
Attendu que la SCP [F] a interjeté appel de cette décision, pendante devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Elle fait valoir que l'exécution de l'arrêt de la cour du 15 février 2008 se heurte à une véritable impossibilité d'exécution, ajoute qu'en droit il est un principe clairement établi que tous les travaux privatifs affectant les parties communes destinés à rétablir un état ayant existé antérieurement doivent être autorisés par l'assemblée générale de la copropriété, concernant ainsi les copropriétés du [Adresse 5], du [Adresse 1] et celle du [Adresse 4].
L'assemblée générale de la copropriété du [Adresse 5] a dans un premier temps refusé le 28 mai 2008 l'autorisation de procéder aux travaux en précisant que malgré la décision de la cour elle souhaitait qu'il n'y ait pas de travaux de nature à ébranler l'immeuble.
Par décision du 9 juillet 2009 cette même copropriété a certes précisé qu'elle ne pouvait s'opposer aux travaux mais toujours sous réserve qu'ils ne portent pas atteinte à l'immeuble.
Les copropriétés du [Adresse 1], et du [Adresse 4] non parties à procédure n'ont jamais été consultées.
Attendu que dans ces conditions, il y a bien une impossibilité d'entreprendre des travaux non autorisés et d'exécuter l'arrêt rendu par la cour le 15 février 2008, ce qui l'autorise à solliciter, selon les dispositions de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, la suppression de l'astreinte en raison d'une cause étrangère entraînant l'inexécution.
Attendu qu'au surplus, il convient d'éclairer la cour sur les agissements des époux [Y] qui ne sont animés que par l'appât du gain et par un esprit spéculatif, et la société appelante demande à la cour de :
- Dire et juger recevable et bien fondé son appel,
- Vu les dispositions de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, supprimer en totalité l'astreinte prononcée par la cour d'Appel par son arrêt du 15 février 2008,
- En conséquence, infirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel,
- Condamner les époux [Y] à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 23 mars 2011 les époux [Y] ont répliqué ainsi :
Après avoir totalement écarté l'argumentation développée par la SCP [F] par jugement du 22 juin 2009, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Nice l'a condamnée à leur payer la somme provisionnelle de 100.000 € à valoir sur la liquidation future de l'astreinte provisoire prononcée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 15 février 2008, outre le paiement d'un article 700 du code de procédure civile et des dépens.
La SCP [F] a cru devoir interjeter appel de cette décision qui est actuellement pendante devant la cour, laquelle par arrêt du 7 janvier 2011, a confirmé le jugement de première instance en considérant que la SCP [F] ne justifie pas avoir fait réaliser les travaux de remise en état ordonnés par la cour, depuis lors.
Aux termes d'un procès-verbal de constat établi le 19 octobre 2009, il apparaissait que la situation n'avait strictement pas évolué dès lors que la SCP [F] a décidé par procrastination de ne pas exécuter les condamnations mises à sa charge.
La cour tout comme l'a fait le juge de 1re instance ne manquera pas de relever que l'appelante reconnaît qu'elle avait effectivement procédé à des modifications et à des appropriations de parties communes (remplacement d'une dalle d'environ 130 m², à des suppressions de cloisonnement et à des modifications de murs porteurs à l'intérieur de locaux privatifs).
Consécutivement au jugement du 22 juin 2009, l'assemblée générale du 9 juillet 2009 en sa résolution n°13 prend, sans réserve, le contre-pied de la 'décision' prise une année auparavant et autorise désormais la SCP [F] à réaliser les travaux de remise en état sur les parties communes, et il n'est plus question d'ébranlement.
Au surplus, sur le plan technique et contrairement à ce que soutient, sans autre forme, la SCP [F], il n'existe strictement aucune difficulté, sauf à faire le choix de moyens non appropriés, et les intimés demandent à la cour de :
* Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 29 juin 2010 en ce qu'il a liquidé l'astreinte résultant de l'arrêt du 15 février 2008 à la somme de 182.500 € pour la période échue entre le 17 octobre 2008 et le 17 octobre 2009, sur laquelle a déjà été allouée une provision de 100.000 € par jugement du 22 juin 2009, et fixé une nouvelle astreinte provisoire de 500 € par jour de retard passé le nouveau délai de six mois, à compter de la signification du jugement ;
* Après avoir débouté la SCP [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, leur allouer de plus fort le bénéfice de leur exploit introductif d'instance et, ce faisant,
* Liquider à leur bénéfice l'astreinte provisoire prononcée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence en son arrêt du 15 février 2008, soit la somme de 182.500 €,
* Fixer une astreinte définitive à hauteur de la somme de 500 € par jour de retard passé le nouveau délai de six mois à compter de la signification du jugement à intervenir,
* Condamner la partie requise au paiement d'une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le présent litige a été initié sur le fondement d'un arrêt de la cour de céans du 15 février 2008, qui, estimant que les époux [Y]-[D] 'ont le droit d'exiger le respect du règlement de copropriété ou la cessation d'une atteinte aux parties communes', a condamné 'la SCP [F] à remettre en état les lieux dans leur état initial, sous astreinte de 500 € par jour pendant un an, à l'expiration d'un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt', tout en précisant les ouvrages concernés notamment la 'dalle du hall d'entrée au niveau 0,00, démolition et reconstruction en assurant la continuité mécanique avec la dalle existante ancienne', outre les 'démolition et suppression' de 'murs nouveaux supportant cette dalle' et la 'démolition et suppression de la mezzanine au niveau + 2,56'.
Dans la mesure où la signification de cet arrêt a été réalisée par acte d'huissier de justice du 17 avril 2008 délivré à M. [C] [X], affirmant être habilité à en recevoir copie ès qualités de gérant de ladite SCP, celle-ci était tenue de s'exécuter au plus tard le 18 octobre 2008.
Pour justifier son inaction la société appelante se retranche derrière une 'véritable impossibilité d'exécution' de cet arrêt, en se prévalant du principe 'clairement établi que tous les travaux privatifs affectant les parties communes destinés à rétablir un état ayant existé antérieurement doivent être autorisés par l'assemblée générale de la copropriété', et qu'en l'espèce l'assemblée générale de la copropriété du [Adresse 5] a dans un premier temps refusé le 28 mai 2008 l'autorisation de procéder aux travaux en précisant que malgré la décision de la cour elle souhaitait qu'il n'y ait pas de travaux de nature à ébranler l'immeuble.
Ce défaut d'exécution est démontré par un procès-verbal de constat établi le 20 octobre 2008 par Maître [T], huissier de justice associé à Nice, expressément visé par arrêt de la cour du 7 janvier 2011, qui, relevant d'une part que la décision du 15 février 2008 était définitive 'en l'état de l'ordonnance de déchéance pour défaut de dépôt de mémoire dans le délai légal, rendue le 20 novembre 2008 par le magistrat délégué par le premier président de la Cour de cassation', et d'autre part que la débitrice de l'astreinte ne justifiait pas 'avoir fait réaliser les travaux de remise en état ordonnés par la cour', a confirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice du 22 juin 2009 en ce qu'il a condamné la SCP [F] à payer aux époux [Y] 'la somme provisionnelle de 100.000 € à valoir sur la liquidation future de l'astreinte provisoire prononcée par la cour d'appel par arrêt du 15 février 2008'.
Il n'a pas été établi - ni même allégué - par l'appelante en première instance qu'elle ait fait procéder aux travaux lui incombant, en sorte que c'est à bon droit que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice a, par jugement dont appel du 29 juin 2010, retenu le principe de la liquidation de l'astreinte motifs pris notamment de l'absence tant de réalisation des travaux malgré l'autorisation de ce faire donnée précisément par 'l'assemblée générale du 9 juillet 2009', que de 'cause étrangère s'agissant de l'intrication alléguée d'autres copropriétés'.
S'agissant de la prétention de la société appelante tendant à voir, en cause d'appel, 'supprimer en totalité l'astreinte prononcée par la cour dans son arrêt du 15 février 2008' en application de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, il y a lieu d'observer que les 9 copropriétaires, demeurés présents lors de cette assemblée générale et informés par le syndic qu'ils ne pouvaient 's'opposer à ces travaux de remise en état visés par un arrêt de la cour d'appel en date du 15/02/2008', ont accepté, à l'issue d'un second vote, la résolution concernant la demande de la SCP [F] afférente à 'l'autorisation d'effectuer sur les parties communes les travaux visés par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 15 février 2008, dans le litige' l'opposant 'aux époux [Y] 'et en présence du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5]', sans que la 'réserve qu'ils ne portent pas atteinte à l'immeuble', invoquée par l'appelante, ne soit explicitement mentionnée sous cette énonciation.
La cause étrangère évoquée à ce titre par l'appelante, au visa de l'article 36 de la loi du 9 juiillet 1991, ne saurait donc être constituée par la réticence initiale de la copropriété, désormais anéantie, ce que relevait déjà l'arrêt précité de la cour du 7 janvier 2011.
Le jugement entrepris est ainsi confirmé du chef du principe de la liquidation de l'astreinte.
Cependant le montant de cette liquidation de l'astreinte provisoire, fixé à la somme de 182.500 €, s'avère dépourvu d'adéquation suffisante avec les circonstances et la nature du présent litige, puisque la SCP [F] a indéniablement mis en oeuvre certaines démarches en vue d'obtenir l'autorisation d'entreprendre les travaux en question, situation de nature à caractériser un comportement tourné partiellement vers un début d'exécution au sens de l'article 36 susmentionné, permettant alors de réduire la somme à 100.000 €, telle que définie à titre provisionnelle par le jugement du juge de l'exécution du 22 juin 2009, confirmé par arrêt au fond de la cour du 7 janvier 2011.
Le jugement déféré est en conséquence infirmé de ce chef, et confirmé en toutes ses autres dispositions non sérieusement discutées, et ce y compris quant au prononcé d'une nouvelle astreinte provisoire de 500 € dans les conditions retenues par le premier juge de par l'inexécution de l'injonction pesant sur la SCP [F] .
L'équité commande de condamner la société appelante au paiement de la somme de 1.200 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel en la forme,
Infirme le jugement querellé en ce qu'il a liquidé l'astreinte ordonnée par arrêt de la cour du 15 février 2008 à la somme de 182.500 €, et statuant à nouveau de ce seul chef,
Condamne la SCP [F] à payer aux époux [Y] la somme de 100.000 €, en deniers ou quittances, au titre de la liquidation de l'astreinte,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SCP [F] à payer la somme de 1.200 € (mille deux cents) aux époux [Y], en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SCP [F] aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés comme il est prescrit par l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président