COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 16 MAI 2012
D.D-P
N° 2012/324
Rôle N° 11/08899
SCP [H] [A] [P] [L] [J] [H] [F]
C/
SARL GARAGE GUBERNATIS
[R] [G]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP COHEN GUEDJ
SCP MAYNARD SIMONI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 22 Mars 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 07/1445.
APPELANTE
SCP [H] [A] [P] [L] [J] [H] [F]
Notaires Associés,
demeurant [Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal.
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me DUTERTRE de la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocats au barreau de NICE
INTIMES
SARL GARAGE GUBERNATIS
sis [Adresse 1]
prise en la personne de son liquidateur Monsieur [B] [G],
Monsieur [R] [G]
demeurant [Adresse 3]
représentés par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistés de Me Isabelle FILIERE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Avril 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président
, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2012,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SARL Garage Gubernatis a été créée en 1946 avec pour objet une activité de garage et de commerce automobile ainsi que la location de garages privés situés à [Localité 4].
Par acte des 9 et 13 décembre 1991, M.[Z] [I], détenteur avec son épouse et sa fille de l'intégralité des parts de cette société, a cédé à M.[R] [G] 134 de ces parts.
M.[Z] [I] a fait l'objet le 7 janvier 1993 d'un jugement de redressement judiciaire dans le cadre de l' activité de marchand de biens qu'il exerçait par ailleurs.
Le 26 janvier 1995, une nouvelle cession de 96 parts est intervenue entre M.[Z] [I], vendeur, et M.[R] [G], désormais détenteur de 86 % des parts de la SARL .
Le 31 décembre 1995, M.[E] a vendu à Mme [I] le local [Adresse 6] et une boutique sise [Adresse 5] par acte reçu par Me [H], notaire
Le 21 septembre 1995, le bail commercial a été résilié par acte de Me [A], notaire de la même étude.
Au cours de l'année 1998, M. [G] qui selon lui depuis 1995 travaillait et était 'bloqué' en Algérie, découvrait que lors d'une assemblée générale extraordinaire du 6 juin 1995, la résiliation du droit au bail de la SARL avait été votée à l'unanimité, les associés informant que la société n'avait plus de fonds de commerce depuis le 21 septembre 1995, et que par procès-verbal d'une assemblée générale extraordinaire du 19 avril 1996, la dissolution de la société avait été prononcée avec effet au 30 avril 1996, M.[I] étant désigné liquidateur.
Le procès-verbal était paraphé et signé de son nom, alors qu'il a été jugé le 28 juin 2004 par le tribunal correctionnel de Nice que M.[G] n'a jamais signé ce document.
Par jugement en date du 10 juin 2003 par lequel le tribunal de grande instance de Nice, saisi par Me [M] agissant en sa qualité de liquidateur de M. [Z] [I] , a dit que [H], notaire membre de la SCP MERGY-[H]- [A] - [P] [J] - [L] avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité lors de la rédaction des actes de vente des 25 lots de copropriété à usage de parking de l'immeuble situé [Adresse 1], entre les 21 septembre et 4 octobre 1995, appartenant à la communauté légale [I], et lors de la rédaction de l'acte de donation-partage consentie par les époux [I] le 26 octobre 1995 au profit de leurs enfants communs.
Statuant par arrêt en date du 26 mai 2005, devenu définitif suite non-admission du pourvoi, la 1ère chambre B de la cour de ce siège a infirmé ce jugement en toutes ses dispositions et débouté le liquidateur de toutes ses demandes
Le 19 février 2006, la SARL Garage Gubernatis et M. [R] [G] ont fait assigner la
SCP de notaires [H]-[A]-[P]-[J]-[H]-[F] en responsabilité civile professionnelle.
Par jugement mixte contradictoire en date du 22 mars 2011, le tribunal de grande instance de Nice a :
- dit que Me[S] [H] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de la vente et de la donation des biens constituant le patrimoine de la SARL Garage Gubernatis,
- dit que la SCP [H] [A] - [P] [J] [H] [F] est solidairement responsable avec MePierre [H] des conséquences dommageables de ses actes,
- avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice subi par la Sarl Garage Gubernatis et M.[R] [G]
- ordonné une mesure d'expertise comptable, et désigné pour y procéder M.[K] [W]
- avec pour mission :
* de se prendre connaissance de la nature des biens et droits immobiliers cédés et transmis par M.[Z] [I] en sa qualité de représentant de la SARL Garage Gubernatis,
* de déterminer la valeur de l'ensemble de ces biens vendus ou transmis à la date de réalisation des actes de cession et de transmission,
* d'évaluer la valeur des parts sociales de la SARL Gubernatis à la date de réalisation des actes de cession et de transmission,
* d'évaluer la valeur qu'auraient les biens concernés à la date de réalisation de la mission s'ils n'avaient pas fait l'objet d'une cession ou d'une transmission par M [Z] [I],
* d'apporter tout élément utile à la résolution du litige et à la fixation des droits des parties dans le cadre de la procédure et, notamment, à l'évaluation du préjudice subi par M.[R] [G] et par la SARL Garage Gubernatis,
- débouté M.[R] [G] et la SARL Garage Gubernatis du surplus de leurs demandes,
- et condamné la SCP [H] [A] - [P] [J] [H] [F] à payer à la SARL GARAGE GUBERNATIS et à M. [R] [G] la somme de 2500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par déclaration remise le18 mai 2011, la SCP de notaires [H]-[D]-[P]-[L]-[J]-[H]- [F] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées et déposées le 12 août 2011 elle demande à la cour :
- de réformer le jugement entrepris,
- de constater qu'il n'y a jamais eu le moindre acte de vente du patrimoine de la SARL Garage Gubernatis, puisqu'elle n'en avait aucun,
- de constater que Me[H] a reçu la vente par M.[E] de ses biens immobiliers, non grevés d'une quelconque restriction du droit de disposer, au profit de Mme [I], marchand de biens, et a parfaitement procédé aux vérifications d'usage sur la capacité des parties, ledit acte étant valable et efficace,
- de juger que les documents sous seing privés qui lui ont été remis par les parties à l'acte à savoir la transaction de 1994 et l'acte de substitution, n'avaient d'autre utilité que d'expliquer les modalités de paiement du prix, par compensation, et n'étaient en rien nécessaires à la validité de la vente, et que le fait de les annexer n'en 'authentifiait' pas les termes, et que MeFERAUD n'avait aucune raison d'en vérifier la sincérité et l'exactitude, ni l'opportunité au regard du fonctionnement d'une société qui était un tiers à son acte,
- de constater que Me [A] a reçu la résiliation notariée du bail entre la nouvelle propriétaire, Mme [I] et la SARL Garage Gubernatis, moyennant paiement d'une indemnité, qu'il a bien vérifié la qualité et l'habilitation du représentant légal de la société, M. [I], à agir, ce qui est résultait de l'extrait K bis, des statuts et de la délibération unanime des associés de la SARL garage Gubernatis, de sorte qu'il a bien procédé aux vérifications auxquelles il était tenu et qu'il n'avait aucune raison de suspecter une quelconque falsification de la signature de M. [G] sur ce procès-verbal,
- de juger en conséquence que les notaires n'ont pas commis de faute,
- de constater en outre que la preuve d'un lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice allégué fait défaut,
- de dire que le quantum de demande est infondé et extravagant,
- d'infirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de débouter M. [G] et la SARL Garage Gubernatis de l'ensemble de leurs demandes,
- et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits.
Par conclusions déposées le 10 octobre 2011, M.[R] [G] et la SARL Garage Gubernatis demandent à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la faute de Me [H] de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle, et l'existence d'un préjudice né, actuel et certain,
- de dire la SCP [H] [A] [P] [L] [J] [H] [F] responsable des actes ayant permis la spoliation du patrimoine immobilier de la SARL garage Gubernatis et de la condamner en conséquence au paiement d'une somme de 996 650 €, en règlement des ventes et donations du patrimoine immobilier de la société avec intérêts au taux légal,
- de dire qu'ils s'en remettent à la décision de la cour sur la désignation d'un expert,
- et de condamner la SCP [H] [A] [P] [L] [J] [H] [F] à leur payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité d'exercer son activité et de la disparition de son actif,
ainsi que celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est datée du 22 mars 2012.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
MOTIFS :
Attendu que la SARL garage Gubernatis et M. [G], demandeurs à l'action en responsabilité contre le notaire, soutient :
' que la SARL garage Gubernatis était titulaire jusqu'au 7 décembre 1994 d'un bail commercial sur les locaux à usage de garage sis [Adresse 1] ;
' que le 7 décembre 1994, une convention était signée entre M. [E], propriétaire des locaux, et la SARL garage Gubernatis par lequel leur bailleur abandonnait les droits immobiliers qu'il détenait sur l'immeuble [Adresse 6] , et sur une boutique sise [Adresse 5] au profit de la SARL garage Gubernatis, locataire, 'ou de toute autre personne physique ou morale qui s'y substituerait', pour solder les sommes, que les parties arrêtaient à un montant de 1''035 185 F en principal, dont M. [E] était redevable envers la SARL garage Gubernatis au titre d'un jugement du 14 décembre 1993 ;
' que par acte sous-seing-privé du 21 septembre 1995 M. [I], se fondant sur la délibération d'une assemblée générale de la SARL du 6 juin 1995 et agissant en sa qualité de gérant de la SARL a substitué son épouse à la société dans tous les droits et obligations sur cet immeuble issus du protocole d'accord de 1994, et ce sans aucune contrepartie pour la société;
' que le même jour, sur le fondement de ce protocole, Me [H] a reçu la vente consentie par M. [E] à Mme [I] des biens situés [Adresse 1] moyennant un prix de 900'000 F compensé par les sommes dues par M. [E] à la SARL Gubernatis , aux droits de laquelle Mme [I] venait être substituée ;
' que par acte du même jour reçu par Me [A], les époux [I] ainsi que la SARL garage Gubernatis sont convenus de résilier le bail moyennant une indemnité de 550'000 F à la charge de Mme [I] ;
' qu'un troisième acte notarié du même jour a établi un règlement de copropriété divisant en l'immeuble en 38 lots qui ont été vendus par la suite plus de 6 472 000F ;
' que par jugement du tribunal correctionnel de Nice en date du 28 juin 2004, devenu définitif, M. [I] a été condamné des chefs d'altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, en l'espèce la falsification du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la SARL garage Gubernatis en date du 6 juin 1995, usage de faux et abus de biens sociaux à une peine d'amende et d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épruve et obligation d'indemniser M. [G] auquel M [I] était condamné à verser la somme de 93 756,15€ à titre de dommages et intérêts , somme ramenée en appel à 75 000€ ;
' qu'il ressort de ces condamnations que les actes passés par M. [I] devant Me [H] ont été faits sans capacité juridique ;
' que Me [M] en sa qualité de mandataire liquidateur de M. [I] avait attrait Me [S] [H] devant le même tribunal de Nice aux fins de voir sa responsabilité engagée pour ces mêmes raisons, ce que le tribunal avait alors reconnu (tout en déboutant Me [M] , faute de preuve du préjudice invoqué) en relevant que ' l'enchaînement de divers actes dans un laps de temps très court aurait dû conduire le notaire à une vigilance accrue et à exiger preuve la preuve des déclarations souscrites par les parties', jugement infirmé sur ce point par l' arrêt du 26 mars 2005 ;
' que le notaire n'a jamais cherché à convoquer M. [G], pourtant associé majoritaire de la SARL, toujours absent des réunions de signature, ni à vérifier la signature supposée être de sa main en se faisant remettre des éléments de comparaison ;
' que comme le premier juge l'a retenu, le contexte de passation des actes litigieux et la contradiction manifeste entre les intérêts de M. [I] et ceux de la SARL qu'il était censé représenter justifiait que le notaire procédât à davantage d'investigation pour vérifier d'une part qu'il avait qualité pour représenter la SARL et que celle-ci ne comprenait pas d'autres associés dont les intérêts étaient lésés par les actes juridiques entrepris ;
' que par la seconde résolution de l'assemblée générale du 6 juin 1995, la SARL Gubernatis a renoncé à l'acquisition des murs du [Adresse 1], et n' autorise M. [I] qu'à résilier le droit au bail et non à se substituer toute personne de son choix dans les droits conférés à la société Gubernatis aux termes du protocole du 16 décembre 1994 ;
' que le passif a été apuré par Mme [I] dans un laps de temps très court, par le versement d'une somme de 550 000F, par la vente à venir de lots qui ne lui appartenaient pas pour être la propriété de la SARL ;
' et que le fait le protocole, l'assemblée et l'acte de substitution soient du même jour, avec la même police de caractère et le même présentation d'état civil, ne pouvait qu' attirer l'attention du notaire ;
Mais attendu que les appelants font valoir exactement que le notaire ne commet pas de faute lorsque les déclarations des parties relatent une situation apparemment claire et dépourvue d'équivoque, et qu'il n'existe aucune raison pouvant conduire à en douter et à les vérifier ;qu'il n'est tenu d'assurer l'efficacité et la validité 'des actes auxquels il a apporté son concours', c'est-à-dire ceux qu'il a lui-même reçus, et non des actes sous seing privés directement signés entre le parties sans son intervention ;
Attendu que la convention sous seing privé du 16 décembre 1994, souscrite au visa exprès des dispositions de l'article 20 44 du Code civil et revêtue, comme telle, de l'autorité de chose jugée en dernier ressort entre les parties, énonce la transaction intervenue entre [C] [E] et la SARL garage Gubernatis, représentée par son gérant en exercice [Z] [I] et qu'elle précise en son article 4 in fine que ce dernier a pouvoir des associés de la SARL ; qu'elle constate que M. [E] cédera le local commercial à la SARL ou à toute personne qu'elle se substituera contre abandon de créances de celle-ci sur lui, et abandon par lui-même de sa créance de loyers impayés par la SARL ;
Attendu qu'aux termes de l'acte sous-seing-privé du 21 septembre 1995, rappelant la transaction précitée du 16 décembre 1994, la SARL garage Gubernatis représentée par son gérant, [Z] [I], autorisé par délibération ladite société, a substitué [X] [I] en ses lieux et place dans tous les droits et obligations résultant pour cette société du protocole du 16 décembre 1994 ;
Attendu qu'en ce qui concerne l'assemblée générale du 6 juin 1995, la SARL déclare renoncer à acquérir les murs commerciaux, décide de résilier le bail en contrepartie de l'apurement par le nouvel acquéreur de son passif ; qu'elle avance ne pas avoir elle-même les moyens , compte tenu de son activité économique déficitaire, d'assumer son entretien et notamment de payer les importants travaux d'étanchéité objets de la procédure avec M. [E], les désordres rendant le bien impropre à sa destination, comme elle l'a fait juger contre son bailleur ;que si ce procès-verbal d'assemblée générale s'est avéré par la suite à été falsifié, M. [G] n'étant pas présent lors de l'assemblée générale et sa signature et ayant été imitée sur le procès-verbal, le notaire n'avait aucune raison de le suspecter, la décision prise étant motivée et paraissant conforme à l'intérêt social ;
Attendu qu' en ce qui concerne l'acte de substitution du 21 septembre 1995, la SARL garage Gubernatis s'est substituée Mme [I] dans le bénéfice du protocole ; que le notaire n'en est pas davantage le rédacteur ; que la société était représentée par M. [I] en sa qualité de gérant habilité par l'assemblée générale précitée du 6 juin 1995 ; que l'acte prévoyait pas la résiliation du bail, sans contrepartie contrairement à ce qui soutenu, mais la renonciation à l'acquisition des murs par la société, sous réserve de la résiliation du bail par toute personne physique ou morale, c'est-à-dire du bénéficiaire substitué, contre la prise en charge par ce dernier du passif, de sorte que la cet acte de substitution ne semblait pas heurter non plus la décision de la collectivité des associés ;
Attendu en définitive que Me [H] , qui n'avait jamais prêté son concours aux époux [I] avant l'établissement des actes objet du présent litige, n'est intervenu que postérieurement à ces engagements contractés par ceux-ci aux termes d'actes sous-seing-privé auxquels il n'a pas participé, même s'ils sont annexés à son acte authentique ;
Attendu que les actes de vente dressés en septembre 1995 par Me [H] font référence à ces actes sous seing privés, sans faute de sa part, ceux-ci ne contenant en eux-mêmes aucun élément susceptible de conduire le notaire à exercer des vérifications supplémentaires, notamment sur la capacité des parties et le respect des droits de l'associé majoritaire ;
Attendu qu'aucun élément de la cause ne permettait à Me [H] d'apprendre ou de suspecter ou de déduire que [Z] [I] avait falsifié le procès verbal de l'assemblée générale de 1995 et commettait un abus de bien social ;
Attendu que l'acte authentique de cession entre M. [E] et Mme [I] que la SARL s'est substituée ne contient aucune mention erronée concernant la capacité des parties à l'acte pour contracter ;que la SCP de notaires fait valoir à juste titre que les parties auraient pu tout aussi bien s'adresser directement à n'importe quelle autre étude pour passer sans difficulté aucune un tel acte ;
Attendu que le notaire n'avait pas à vérifier la réalité ou le bien-fondé de la créance de 900'000 F de Mme [I] sur M. [E], créance dont ce dernier reconnaissait l'existence, acceptant un paiement de son prix de vente par compensation avec ladite créance; qu'il ne saurait être fait grief à Me [H] de ne pas s'être immiscé dans les rapports entre les parties pour s'interroger sur l'opportunité réelle pour la SARL garage Gubernatis de s'être substituée Mme [I] ;
Attendu qu' en ce qui concerne l'acte notarié de résiliation du bail rédigé par Me [A] entre Mme [I], nouvelle propriétaire des murs, et la SARL garage Gubernatis, celles-ci sont convenues de résilier le droit au bail de la SARL moyennant une indemnité de résiliation de 550'000 F convertie en l'obligation de prise en charge par Mme [I] du passif de la SARL à due concurrence, passif résultant d'une situation établie par l'expert-comptable de la société ;
Attendu que SCP de notaires fait valoir exactement que le prix de vente a effectivement permis de désintéresser les créanciers de la SARL à hauteur de ce montant ; que l'acte a été signé par M. [I] en sa qualité de représentant légal de la SARL garage Gubernatis ; que Me [A] l'a vérifié en levant un extrait Kbis le confirmant ainsi que le fait que la société était in bonis ; que M. [I] était en apparence, régulièrement mandaté, puisque par le procès-verbal de l'assemblée générale qui s'est révélé, après coup, falsifié celle-ci l'avait autorisé à 'résilier le droit au bail de la SARL au profit de toute personne physique ou morale , contre prise en charge par celle-ci de la totalité du passif de la SARL.
À cet effet elle donne tout pouvoir à M. [I] pour signer tous actes, recevoir toutes sommes et en donner quittance, et plus généralement faire le nécessaire.' ;
Attendu que la SCP de notaires soutient exactement qu'elle a veillé, comme elle y était tenue à l'efficacité juridique des actes qu'elle a instrumentés ; que c'est précisément leur efficacité que les intimés lui reprochent ;
Attendu que le jugement qui a dit que MePierre [H] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de la vente et de la donation des biens constituant le patrimoine de la SARL Garage Gubernatis, dit que la SCP [H] [A] - [P] [J] [H] [F] est solidairement responsable des conséquences dommageables de ses actes, et avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice subi, ordonné une mesure d'expertise comptable, doit donc être entièrement réformé ;qu'il y a lieu de débouter M. [R] [G] et la SARL garage Gubernatis de l'ensemble de leurs demandes ;
Attendu que ces intimés succombant devront supporter la charge des dépens, et verser en équité la somme de 2000 € aux appelants au titre des frais irrépétibles que ceux-ci ont dû exposer pour leur défense tant en première instance qu'en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant
Déboute M. [R] [G] et la SARL garage Gubernatis de l'ensemble de leurs demandes,
Les condamne à payer la somme de 2000 € à la SCP de notaires [H]-[A]-[P]-[L]-[J]-[H]- [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, et que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT