COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 19 AVRIL 2012
N° 2012/205
Rôle N° 10/14046
SNC COSTEBELLE
C/
[O] [G]
Grosse délivrée
le :
à : COHEN
SIDER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de CANNES en date du 17 Juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 11/08/440.
APPELANTE
SNC COSTEBELLE, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP COHEN-GUEDJ, avoués
plaidant par Me Denis DEUR du Cabinet ESCOFFIER WENZINGER DEUR, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [O] [G]
né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean Michel SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP SIDER, avoués
plaidant par Me Aurore SAGET, avocat au barreau de GRASSE substituant Me Marie-line BROM, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Février 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mr JUNILLON, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie Chantal COUX, Président
Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller
Madame Marie-Florence BRENGARD, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2012,
Signé par Madame Marie Chantal COUX, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Cannes le 17 juin 2010 dans l'instance opposant la SNC COSTEBELLE à Monsieur [O] [G];
Vu l'appel interjeté par la SNC COSTEBELLE à l'encontre de cette décision le 23 juillet 2010;
Vu les conclusions déposées par la SNC COSTEBELLE le 17 novembre 2010;
Vu les conclusions déposées par Monsieur [G] le 9 janvier 2012;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 24 janvier 2012;
Monsieur [G] est locataire d'un appartement situé [Adresse 2] en vertu d'un bail en date du 1er mai 2001. La SNC COSTEBELLE, qui a acquis cet immeuble le 18 février 2004, lui a fait délivrer, par acte d'huissier du 15 septembre 2006, un congé pour vente à effet du 30 avril 2007 avec offre de vente au prix de 500.000 euros.
Le locataire a fait part de son intention d'acquérir mais pour un prix inférieur à celui proposé.
Aucun accord n'est intervenu entre les parties et Monsieur [G] s'est maintenu dans les lieux.
Après avoir vainement saisi le juge des référés qui s'est déclaré incompétent, la SNC COSTEBELLE, par exploit du 7 mai 2008, a saisi le Tribunal d'instance de Cannes.
Par jugement avant dire droit du 19 février 2009, cette juridiction a ordonné une expertise aux fins d'évaluer la valeur de l'appartement occupé par Monsieur [G];
L'expert [T] a établi un rapport daté du 9 juillet 2009 dans lequel il évalue le prix de l'appartement à 386.000 euros si les surfaces sous véranda sont prises en compte comme surfaces habitables (grande partie de l'appartement aménagé sous une véranda installée sur la terrasse) et à 264.500 euros dans le cas contraire, et ce hors valeur du garage estimé à 30.000 euros.
Par jugement rendu le 17 juin 2010, le Tribunal d'instance de Cannes a annulé le congé et débouté la SNC COSTEBELLE de toutes ses prétentions en retenant le caractère volontairement dissuasif du prix.
Régulièrement appelante de cette décision, la SNC COSTEBELLE demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, valider le congé, ordonner l'expulsion de Monsieur [G] et de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique et condamner Monsieur [G] à lui payer une indemnité mensuelle d'occupation égale au dernier loyer soit 645,69 euros charges en sus ainsi qu'une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Elle soutient que le prix demandé n'est pas volontairement dissuasif mais correspond au prix du marché, s'agissant d'un appartement de plus de 100 m2 avec une terrasse de 66m2 situé dans un quartier attractif de [Localité 5]. Elle précise que les aménagements de la véranda ont été effectués en conformité avec le Règlement de copropriété et que l'agence EUROPA a pu estimer la valeur d'un tel appartement à 550.000 euros.
Elle ajoute que la loi ne lui impose pas de justifier des démarches entreprises pour vendre mais qu'elle justifie néanmoins d'un mandat de vente donné à l'agence INVESTAZUR.
Monsieur [G] conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante à lui verser 10.000 euros à titre de dommages-intérêts. Il fait valoir que le congé a été délivré en fraude des droits du locataire, que le prix demandé est sans rapport avec la valeur du logement. Il produit une estimation réalisée par Monsieur [K] qui mentionne une valeur comprise entre 250.000 euros et 330.000 euros proche de celle retenue par l'expert judiciaire. Il estime que la surface habitable n'est pas de 100 m2 mais seulement de 24,60 m2 sans la terrasse. Il indique enfin que la société bailleresse ne justifie d'aucune démarche accomplie en vue de la vente de l'appartement ni de propositions reçues d'éventuels acquéreurs.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA VALIDITÉ DU CONGE, L'EXPULSION ET LA FIXATION DE L'INDEMNITÉ D'OCCUPATION
Attendu que le congé pour vente signifié à Monsieur [G] par acte d'huissier du 15 septembre 2006 pour la date du 30 avril 2007 est régulier en la forme; Qu'il respecte le délai de préavis de six mois prévu à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et reproduit les termes des cinq premiers alinéas de l'article 15-II de la loi;
Attendu que le locataire n'a pas accepté l'offre de vente contenue au congé dans les conditions prévues par ce texte puisque le courrier recommandé par lequel il se déclare intéressé, en date du 13 mars 2007, est postérieur à l'expiration du délai de deux mois qui lui était imparti et que l'acceptation est conditionnelle, le locataire entendant faire déterminer la valeur réelle de l'immeuble par un expert immobilier;
Attendu par contre que la demande d'annulation du congé est recevable même après l'expiration du délai susvisé;
Attendu qu'il ressort des constatations de l'expert [T] que l'appartement litigieux se trouve au 6ème étage d'un immeuble situé [Adresse 2], secteur prisé, et qu'il est de standing moyen; Que l'appartement est composé comme suit:
- 2 halls d'entrée
- 1 séjour
- 1 salle à manger ouvrant sur la terrasse
- 3 chambres dont 1 avec placard et 1 ouvrant sur le balcon
- 1 dégagement avec placard
- 2 salles d'eau avec wc
- 1 cuisine
- 1 balcon exposé sud
- 1 grande terrasse exposée ouest
Attendu que si une grande partie de l'appartement est située sous véranda, l'expert relève que tant sur le titre de propriété que sur le Règlement de copropriété il est noté pour le lot n°80:
'...A ce lot est affectée la jouissance exclusive et particulière de la terrasse au droit de l'appartement formant toiture du bâtiment A, avec le droit d'y effectuer toutes installations, piscine, plantation, aménagements etc.. sur la dite terrasse dont l'entretien et les réparations seront à la charge exclusive dudit lot n°80.'
Attendu que par suite des aménagements réalisés depuis de nombreuses années et jamais remis en cause, les surfaces habitables telles qu'elles se présentaient à la date d'effet du congé étaient les suivantes:
- surfaces habitables en dur 24,60 m2
- surfaces habitables sous véranda 85,26 m2
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Total 109,86 m2
l'appartement bénéficiant en outre de 66 m2 de balcon et terrasse et d'un garage;
Attendu que pour déterminer la valeur de l'immeuble vendu, il convient de prendre également en compte les surfaces habitables sous véranda avec application pour celles-ci d'une décote en raison du caractère léger de la construction;
Attendu que l'estimation de Monsieur [K], en date du 17 avril 2007, faite sur la base d'une surface habitable de seulement 51,50 m2, ne peut être retenue;
Attendu que l'expert judiciaire après étude du marché local retient, dans le cadre de la méthode par comparaison, une valeur au m2 de 5.008 euros soit pour l'appartement litigieux une valeur de 429.000 euros après application d'une moins-value de 30% pour la partie sous véranda et d'un abattement général de 15% pour tenir compte de l'état du bien;
Attendu qu'il convient d'ajouter à ce chiffre la somme de 30.000 euros représentant la valeur moyenne d'un garage dans ce secteur à l'époque, soit au total 459.000 euros;
Attendu que le prix demandé de 500.000 euros, majoré d'environ 9% par rapport à l'estimation de l'expert judiciaire, n'apparaît pas volontairement dissuasif à l'égard du preneur;
Attendu qu'en prenant en compte la moyenne des deux méthodes retenues par l'expert, méthodes par comparaison et par le revenu, la valeur des biens mis en vente est chiffrée à 416.000 euros;
Attendu que la majoration obtenue dans ce cas de 20% ne permet pas non plus de caractériser la fraude reprochée à la société bailleresse qui justifie par ailleurs avoir donné mandat de vente de son immeuble à la SARL INVESTAZUR pour le prix mentionné au congé, étant observé que l'objectif du propriétaire de réaliser un profit en vendant son bien n'est pas par lui-même illicite;
Attendu enfin que l'absence de proposition d'éventuels acquéreurs n'établit pas l'absence d'intention de vendre de la société appelante;
Attendu que son caractère frauduleux n'étant pas démontré, le congé sera validé;
Attendu que Monsieur [G] est occupant des lieux sans droit ni titre depuis le 1er mai 2007, qu'il convient d'ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique;
Attendu que l'indemnité d'occupation due jusqu'à la libération effective des lieux sera fixée au montant du dernier loyer, charges en sus;
SUR LES DOMMAGES-INTÉRÊTS L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU CPC ET LES DÉPENS
Attendu que ce qui est jugé au principal commande de rejeter la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur [G];
Attendu que la société appelante ne justifie d'aucun préjudice particulier causé par le maintien dans les lieux de l'intimé, étant observé qu'elle n'établit pas avoir trouvé des clients intéressés par l'acquisition de cet immeuble;
Attendu qu'il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles de première instance et d'appel; Que Monsieur [G], dont les prétentions sont rejetées, sera condamné aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement
- Reçoit l'appel en la forme
- Infirme le jugement déféré
Et statuant à nouveau
- Valide le congé pour vente notifié à Monsieur [O] [G] le 15 septembre 2006 pour la date du 30 avril 2007
- Constate que Monsieur [O] [G] est occupant sans droit ni titre de l'appartement situé [Adresse 2]) depuis le 1er mai 2007
- Ordonne son expulsion et celle de tous occupants de son chef des lieux donnés à bail situés [Adresse 2], au besoin avec le concours de la force publique
- Condamne Monsieur [O] [G] à payer à la SNC COSTEBELLE, jusqu'à la libération effective des lieux, une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du dernier loyer, charges en sus
- Rejette toutes autres demandes des parties
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du CPC
- Condamne Monsieur [O] [G] aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire confiée à Monsieur [T], et dit que ceux d'appel seront distraits conformément à l'article 699 du CPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT