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12/04/2012 | FRANCE | N°11/01194

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 12 avril 2012, 11/01194


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 12 AVRIL 2012

FG

N° 2012/262













Rôle N° 11/01194







DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES





C/



SCI ANEMOS





















Grosse délivrée

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à :



SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON



SCP Martine DESOMBRE - Julien DESOMBRE


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Sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 15 Juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° C09-67-290 lequel a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt au fond n°2009/222 rendu le 14 avril 2009 par la 1ère chambre A de la cour d'app...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 12 AVRIL 2012

FG

N° 2012/262

Rôle N° 11/01194

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

C/

SCI ANEMOS

Grosse délivrée

le :

à :

SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON

SCP Martine DESOMBRE - Julien DESOMBRE

Sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 15 Juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° C09-67-290 lequel a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt au fond n°2009/222 rendu le 14 avril 2009 par la 1ère chambre A de la cour d'appel d'Aix en Provence (RG 08/04557) à l'encontre du jugement rendu le 15 Février 2008 par le tribunal de grande instance de GRASSE (RG 06/07290).

DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

Direction des Services fiscaux des Alpes Maritimes Division de la fiscalit Patrimoniale et des Forts Enjeux,

représentée par son Directeur en exercice domicilié en cette qualité en ses bureaux sis [Adresse 4]

représentée par la SCP Martine DESOMBRE - Julien DESOMBRE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Jean Max VIALATTE, avocat au barreau de GRASSE.

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SCI ANEMOS,

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège social sis [Adresse 3] et [Adresse 2]

représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué (e) aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués, ayant pour avocat Me Pierre Jean CIAUDO, avocat au barreau de NICE.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Mars 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2012,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

La société civile immobilière ANEMOS, dont le siège est [Adresse 3] et [Adresse 2], comprend trois associés, la société de droit anglais Millbrook Estates Ltd, ayant son siège social à [Localité 6], titulaire de 180 parts sur 200, soit 90% du capital, et de deux personnes physiques Mme [U] pour 10 parts ou 5% et M.[U] pour 10 autres parts et 5%.

Cette société ANEMOS a acquis le 28 janvier 1986 un bien immobilier, adresse de son siège, la Villa Anemos, moyennant le prix de 4.781.140 francs (728.880 €), avec réserve d'usufruit pour la venderesse. Cette dernière est décédée le [Date décès 1] 1995.

La société de droit anglais Millbrook Estates Ltd, principal associé de la SCI ANEMOS, détenant 90% de son capital social, a été soumise par l'administration fiscale à la taxe annuelle de 3% de la valeur vénale de la Villa Anemos, en application de l'article 990 D du code général des impôts, en tant que personne morale possédant indirectement cet immeuble en France.

La SCI ANEMOS a été recherchée par l'administration fiscale en paiement solidaire de la taxe due par la société Millbrook Estates.

Un premier contentieux a opposé l'administration fiscale à la société Millbrook Estates et à SCI ANEMOS à propos du recouvrement de cette taxe due par la société Millbrook Estates pour les années 1990 à 2000, alors que la SCI ANEMOS avait dû verser à ce titre à l'administration fiscale la somme de 838.721 €. Ce contentieux a abouti au prononcé d'un dégrèvement pour vice de forme pour un montant de 796.356 € de la taxe due par la société Millbrook Estates et à la restitution à la SCI ANEMOS de la somme de 302.814,08 €.

La SCI ANEMOS estimant que l'administration fiscale devait lui restituer la différence entre la somme payée de 838.721 € et celle rendue de 302.814,08 €, soit 535.906,92 €, a réclamé le 9 février 2006 la restitution de cette somme de 535.906,92 €.

Le 10 avril 2006 le directeur des services fiscaux lui a répondu que cette demande était prématurée.

Entre temps, la taxation de la société Millbrook Estates, qui avait été annulée pour vice de forme, a été reprise au titre des années 1995 à 2000, avec édition d'avis de mise en recouvrement le 7 avril 2005 à l'égard de la société Millbrook Estates, pour un montant total de 521.390 €, puis édition le 30 mai 2006 de deux avis de mise en recouvrement contre la SCI ANEMOS, au titre de sa solidarité, pour un montant total de 522.654,89 €, comprenant 319.681 € de droits en principal.

La société Millbrook Estates a déposé, au sujet de l'assiette de la taxe pour ces années là, une réclamation qui a été rejetée.

La SCI ANEMOS a effectué, quant à elle, une réclamation le 28 juillet 2006, à la fois au titre de sa demande de restitution de la somme de 535.906,92 € et au titre de sa contestation des impositions réclamées par les avis de mise en recouvrement du 30 mai 2006. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet le 4 octobre 2006.

Par assignation en date du 29 novembre 2006, et assignation rectificative en date du 16 juillet 2007, la SCI ANEMOS a saisi le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de réformation de la décision de rejet du 4 octobre 2006, de décharge de avis de mise en recouvrement correspondants, et de restitution de la somme de 535.906,92 € et des intérêts moratoires de 838.721 €.

Par jugement en date 15 février 2008, le tribunal de grande instance de Grasse a joint les deux procédures (assignation initiale et assignation rectificative) et constaté la nullité de la procédure de rectification engagée, rejeté le surplus des demandes formées par la SCI ANEMOS.

Le 10 mars 2008 la direction générale des impôts, direction des services fiscaux des Alpes- Maritimes, division des affaires juridiques et législation, a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 14 avril 2009, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a reçu la direction générale des impôts en son appel, prononcé la nullité du jugement du 15 février 2008, débouté la SCI ANEMOS de l'ensemble de ses demandes.

Sur pourvoi de la SCI ANEMOS, la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, par arrêt en date du 15 juin 2010, a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 14 avril 2009 et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

La Cour de cassation a estimé que la cour d'appel n'avait pas répondu aux conclusions de la société ANEMOS qui considérait qu'elle ne devait être imposée que sur la base du même pourcentage que la société Millbrook, titulaire de 90% et non de 100% des parts.

Par déclaration de la SCP GIACOMETTI et DESOMBRE, avoués, en date du 20 janvier 2011, la Direction générale des finances publiques, direction des services fiscaux, division de la fiscalité patrimoniale et des forts enjeux, a saisi la présente cour, autrement composée, sur renvoi de cassation.

Par ses conclusions, notifiées et déposées le 24 mars 2011, la Direction générale des finances publiques, direction des services fiscaux, division de la fiscalité patrimoniale et des forts enjeux, demande à la cour d'appel de :

- dire que, contrairement à ce qui a été soutenu, la procédure engagée par l'administration n'est pas nulle, le redressement opéré l'a été à juste titre, et contradictoirement, la société Millbrook est bien soumise au champ d'application de la taxe de 3%, que c'est bien par une application erronée des textes que le tribunal de grande instance a retenu l'irrecevabilité, qu'aucune prescription ne peut lui être opposée, que la base de la taxation est correcte,

- dire recevable la saisine de la cour d'appel,

- dire ce recours bien fondé,

- réformer purement et simplement le jugement du 15 février 2008,

- par voie de conséquence, constater le dégrèvement prononcé par l'administration fiscale de 31.971 € en droits et 20.176 € en pénalités,

- dire que l'imposition au titre de la taxe de 3% est due pour le surplus,

- condamner la société aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP GIACOMETTI et DESOMBRE,

- condamner la société à lui payer la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Direction générale des finances publiques fait observer que le tribunal avait déclaré irrégulière la procédure de rectification pour défaut de mise en demeure préalable et que ce moyen n'avait pas été soulevé par la SCI ANEMOS, de sorte que le jugement est nul.

L'administration fiscale précise sur ce point qu'elle n'a pas à adresser de mise en demeure préalable lorsque, comme c'était le cas, la société a souscrit des déclarations de taxe.

Elle estime que la société Millbrook Estates avait déposé des déclarations incomplètes et erronées et qu'une mise en demeure préalable à la rectification n'était pas nécessaire.

L'administration fiscale estime qu'elle n'avait pas à notifier sa proposition de rectification à la SCI ANEMOS, qui n'est pas la contribuable déclarant. Elle fait observer que la société Millbrook Estates a eu connaissance de la procédure engagée contre elle.

L'administration fiscale fait valoir que la proposition de rectification du 10 novembre 2004 est intervenue dans le délai de trois ans du dépôt des déclarations et que la procédure n'est pas prescrite.

L'administration fiscale estime qu'elle n'a jamais pris position et n'a jamais acquiescé à la contestation formée, le dégrèvement n'ayant été prononcé que pour vice de forme.

Elle rappelle que la taxe de 3% n'est pas contraire aux dispositions de la réglementation européenne.

Elle fait observer que les déclarations 2746 déposées par la société Millbrook Estates ne lui permettent pas de bénéficier de l'exonération prévue à l'article 990 E.2° et 3° du code général des impôts.

L'administration fiscale reprécise sa taxation en la diminuant de 10% .

Par ses conclusions, notifiées et déposées le 18 avril 2011, la SCI ANEMOS demande à la cour d'appel de :

- dire que l'appel, n'étant pas formé au nom du Ministre, est irrecevable,

- dire qu'aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu entre la mise en recouvrement de l'impôt et la saisine de la cour d'appel, la créance du Trésor public est prescrite,

- dire que la prescription a été reconnue par l'appelante elle-même qui a accordé la mainlevée de l'ATD notifié le 28 décembre 2010,

- dire que l'imposition ne tenant aucun compte de l'occupation du bien par la crédirentière est erronée,

- dire de l'imposition est discriminatoire et constitue une entrave au principe communautaire de libre circulation des capitaux,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse,

- décharger la SCI ANEMOS de l'imposition mise en recouvrement laissée à sa charge,

- condamner l'appelant à lui payer une somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'appelant aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP de SAINT FERREOL et TOUBOUL.

La SCI ANEMOS fait valoir que c'est seulement pour le recouvrement des impôts que les directeurs des services fiscaux ont compétence exclusive pour représenter l'Etat devant les juridictions judiciaires, et qu'en l'occurrence, s'agissant d'un contentieux en restitution, seul le ministre intéressé aurait compétence pour représenter l'Etat devant la juridiction judiciaire.

La SCI ANEMOS estime que la créance du trésor public est prescrite. Elle fait valoir que du fait de l'arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2010, cassant l'arrêt de la cour d'appel, cet arrêt est censé n'avoir jamais existé et il n'a pu avoir aucun effet interruptif de prescription.

Sur le fond, la SCI ANEMOS estime que l'évaluation de la valeur vénale par l'administration fiscale était exagérée en ne tenant pas compte du fait que le bien était occupé par la venderesse, titulaire d'un droit d'usage et d'habitation.

Par ailleurs la SCI ANEMOS estime que les dispositions des l'article 990 D.et suivants du code général des impôts sont contraires au droit communautaire.

L'instruction de l'affaire a été déclarée définitivement close, après nouvelle constitution faisant suite à la suppression de la profession d'avoué, d'accord des représentants ainsi constitués des parties, le 15 mars 2012, avant les débats.

MOTIFS,

-I) Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel du jugement rendu le 15 février 2008 par le tribunal de grande instance de Grasse a été effectué le 10 mars 2008 par déclaration d'appel de la direction générale des impôts, direction des services fiscaux des Alpes- Maritimes, division des affaires juridiques et législation.

La SCI ANEMOS prétend que cette appel est irrecevable alors qu'il n'aurait pu être effectué que par le ministre compétent lui-même au nom de l'Etat.

Il convient de relever, lors de la première procédure devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, la SCI ANEMOS n'avait pas soulevé l'irrecevabilité de l'appel.

Mais cet arrêt qui déclarait l'appel recevable ayant été cassé en toutes ses dispositions, rien n'empêche la SCI ANEMOS de soulever pour la première fois cette exception, alors que la procédure civile applicable à cette instance permet encore de la soulever devant la cour.

La réclamation a été portée devant le directeur des services fiscaux, supérieur hiérarchique des agents de l'administration fiscale et non devant le ministre du budget.

Le tribunal de grande instance était saisi d'une assignation aux fins d'annulation de la décision de rejet du directeur des services fiscaux en date du 4 octobre 2006.

Cette décision de rejet répondait à une double réclamation :

- en restitution d'un trop versé de 535.906,92 € au titre de la solidarité de la SCI ANEMOS pour la taxe de 3% de l'article 990 D. du code général des impôts pour les années 1990 à 2000, à la suite d'un dégrèvement pour vice de forme de l'imposition mise à la charge de la société Millbrook Estates,

- en contestation de la taxe de 3% de l'article 990 D. du code général des impôts due par la société Millbrook Estates pour les années 1995 à 2000, demandée à titre solidaire à la SCI ANEMOS.

Le contentieux est relatif à une taxe de la nature de celles visées à l'article L.199 alinéa deux du livre des procédures fiscales.

C'est le directeur des services fiscaux compétent, correspondant aujourd'hui au directeur général des finances publiques, en l'occurrence celui des services fiscaux des Alpes- Maritimes qui avait seul compétence pour former une déclaration d'appel de ce jugement.

L'appel est recevable.

-II) Sur la prescription :

La SCI ANEMOS estime que la créance du Trésor public est prescrite par application des dispositions de l'article L.274 du livre des procédures fiscales pour défaut de poursuite pendant quatre années consécutives à partir du jour de la mise en recouvrement.

Les deux avis de mise en recouvrement édités à l'encontre de la SCI ANEMOS l'ont été le 30 mai 2006, soit l'avis de mise en recouvrement n°2006 M 05 A pour les années 1995 à 1997, pour 164.377 € de droits, 127.738 € de pénalités et 1.265 € de frais de justice, et l'avis de mise en recouvrement n°2006 M 05 B pour les années 1998 à 2000, pour 155.304 € de droits et 75.970 € de pénalités.

Un avis à tiers détenteur a été effectué sur cette base par l'administration fiscale.

A la suite du jugement du 15 février 2008, l'administration fiscale a formé appel le 10 mars 2008. Cet appel a interrompu le délai de l'article L.274 du livre des procédures fiscales.

L'administration fiscale a formé une déclaration de saisine après cassation le 20 janvier 2011, et l'a dénoncée le 8 février 2011 au représentant de la SCI ANEMOS, ce qui a encore interrompu ce délai.

La mainlevée le 28 décembre 2010 par l'administration fiscale de l'avis à tiers détenteur Crédit du Nord pour la somme de 522.654,89 € ne signifie pas abandon de poursuite par l'administration fiscale alors que celle-ci était toujours détentrice de la somme de 535.906,92€, sur laquelle pouvait été décomptée celle de 522.654,89 €.

La créance du Trésor public sur la SCI ANEMOS n'est pas prescrite.

La prescription de la procédure de rectification n'est plus soulevée devant la présente cour d'appel de renvoi.

-III) Sur la régularité du jugement :

La Direction générale des finances publiques estime que le jugement du tribunal de grande instance de Grasse est nul pour avoir déclaré irrégulière la procédure de rectification sur un moyen non soulevé par la SCI ANEMOS, le défaut de mise en demeure préalable à la société Millbrook Estates.

Dans ces dernières conclusions devant le tribunal de grande instance, la SCI ANEMOS avait soulevé un moyen relatif à un défaut d'avertissement préalable à elle-même, SCI ANEMOS, et non pour défaut de mise en demeure préalable à la société Millbrook Estates.

Ce moyen, du défaut de mise en demeure préalable à la société Millbrook Estates, n'avait pas été soulevé par la SCI ANEMOS. Le tribunal a statué en violation des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, et ce jugement est nul.

La cour ne peut confirmer ni infirmer ce jugement, elle ne peut que le déclarer nul, et statuer à nouveau.

-IV) Sur le respect des règles de l'Union européenne :

La SCI Anemos prétend que les dispositions des l'article 990 D. et suivants du code général des impôts sont contraires au droit communautaire en ce que le régime d'exonération serait discriminatoire selon la nationalité.

Il convient d'observer que ce moyen avait été soulevé par la SCI ANEMOS devant la Cour de cassation et a été rejeté. Cependant, l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 14 avril 2009 ayant été cassé en toutes ses dispositions, rien n'empêche la SCI ANEMOS de soulever de nouveau ce moyen devant la cour d'appel de renvoi.

La société Millbrook Estates a son siège au Royaume-Uni, Etat membre de l'union européenne ayant conclu une convention d'assistance fiscale avec la France , elle n'est en conséquence victime d'aucune discrimination par rapport à une société ayant son siège en France parce qu'elle est propriétaire d'un bien immobilier en France. Elle doit être aussi transparente qu'une société française et révéler les renseignements exigés par l'administration fiscale comme pour une société française. Si elle refuse de se plier à ce régime de transparence fiscale, prévu à l'article 990 E du code général des impôts, c'est sa décision, celle qu'elle prend pour faire bénéficier ses associés d'une opacité fiscale. Elle doit alors en assumer les conséquences et payer une taxe pour prix de cette opacité.

Le dispositif résultant des articles 990 D.et E du code général des impôts, proportionné à l'objectif de lutte contre la fraude fiscale, ne porte pas atteinte à l'article 56 du traité CE, devenu article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

En l'occurrence les déclarations de la société Millbrook Estates ne mentionnent ni l'identité, ni l'adresse de chaque actionnaire, associé ou membre de la société, de sorte qu'elle ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 990 E du code général des impôts.

-V) Sur le montant de la taxe :

La SCI ANEMOS est débitrice de la taxe litigieuse au titre de la solidarité prévue à l'article 990 F du code général des impôts qui dispose notamment que toute personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, interposé entre le ou les débiteurs de la taxe et les immeubles ou droits immobiliers est solidairement responsable du paiement de cette taxe.

La SCI ANEMOS conteste l'évaluation de la valeur vénale du bien immobilier qui aurait été réalisée sans décote du fait du droit d'usage et d'habitation de la venderesse.

Le bien immobilier dont s'agit a été acquis par la SCI ANEMOS par acte du 28 janvier 1986 à Mlle [F], venderesse, en viager, avec droit d'usage et d'habitation de la venderesse, née le [Date naissance 5] 1905. Celle-ci est décédée le [Date décès 1] 1995.

La SCI ANEMOS estime qu'au titre de l'année 1995, il y a lieu de tenir compte de ce droit d'usage et d'habitation et de pratiquer un abattement en valeur pour l'année 1995 de 20%.

Il convient d'observer que cette observation ne peut concerner que l'année 1995 et que les évaluations 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000 ne sont pas remises en cause.

Il faut prendre en compte la valeur vénale au 1er janvier 1995. A cette date, Mme [F] était âgée de 89 ans, à quelques jours de son 90ème anniversaire.

La valeur de l'usufruit représentait 10% de la valeur du bien. S'agissant d'un simple droit d'usage et d'habitation, cela représentait 60% de la valeur de l'usufruit, soit 6% de la valeur totale. L'évaluation de la valeur vénale doit en conséquence être réduite pour l'année 1995 de 6%.

Par ailleurs, ainsi que l'a admis l'administration fiscale, la taxe dont la SCI ANEMOS est débitrice solidaire représente la taxe due par la société Millbrook Estates, à hauteur de ses parts dans la SCI ANEMOS et à ce titre sur le bien immobilier litigieux, soit 90% de la valeur retenue.

Il sera tenu compte, le cas échéant, de la somme conservée par l'administration fiscale.

Par équité chaque partie conservera ses dépens de première instance et d'appel, et ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, en date du 15 juin 2010,

Vu la déclaration de saisine sur renvoi de cassation, en date du 20 janvier 2011,

Déclare recevable l'appel formé le 10 mars 2008 par le directeur des services fiscaux des Alpes- Maritimes à l'égard du jugement rendu le 15 février 2008 par le tribunal de grande instance de Grasse,

Annule ce jugement rendu le 15 février 2008 par le tribunal de grande instance de Grasse,

Statuant à nouveau,

Déclare la créance de l'administration fiscale non prescrite,

Dit que la SCI ANEMOS est redevable à l'égard de l'administration fiscale, Trésor public, au titre de la solidarité prévue à l'article 990 F du code général des impôts, de la taxe annuelle de 3% de la valeur vénale de la Villa Anemos, en application de l'article 990 D du code général des impôts, en tant que personne morale possédant indirectement cet immeuble en France, due par la société de droit anglais Millbrook Estates Ltd, principal associé de la SCI ANEMOS, détenant 90% de son capital social, pour les années 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000, et confirme sur le principe la décision du directeur des services fiscaux des Alpes- Maritimes du 4 octobre 2006, mais la réforme sur les montants,

Dit que la taxe relative à l'année 1995 doit être recalculée en son montant pour tenir compte de la valeur vénale de la Villa Anemos au 1er janvier 1995, avec une moins-value de six pour cent du bien immobilier compte tenu du droit d'usage et d'habitation de la venderesse,

Dit que les taxes annuelles doivent être calculées à hauteur des droits de la société Millbrook Estates Limited dans le bien immobilier au travers de ses parts dans la SCI ANEMOS, soit 90 %,

Dit que chaque partie conservera ses dépens de première instance et d'appel et ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 11/01194
Date de la décision : 12/04/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°11/01194 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-12;11.01194 ?
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