COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 12 AVRIL 2012
N°2012/342
Rôle N° 10/10848
SAS WARTSILA
[B] [D]
C/
SAS WARTSILA
[B] [D]
Grosse délivrée le :
à :
Me Jean-Claude GUARIGLIA, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Jean-Eymeric BLANC, avocat au barreau d'AIX-EN-
PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 12 Mai 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 07/3142.
APPELANT ET INTIME
Monsieur [B] [D], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-Claude GUARIGLIA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE ET APPELANTE
SAS WARTSILA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège socail sis, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-Eymeric BLANC, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure ROCHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2012
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [B] [D] a été a embauché par la société Warsilia, le 18 mai 1994,en qualité de technicien diéséliste pour montage et dépannage sur chantiers en France et à l'étranger par la société Wärtsilä France dont l'activité consiste en la réparation de moteurs diesels et la maintenance de tout système de production d'énergie.
Il a démissionné de son emploi par une lettre en date du 25 juillet 2007 .
Il a saisi le conseil des prud'hommes de Marseille qui a rendu, le 12 mai 2010,un jugement de départage qui a condamné la société Wärtsilä France à lui verser les sommes suivantes :
- 35 222,32 euros, ainsi que 3 522,23 euros au titre des congés payés afférents, au titre d'heures supplémentaires,
- 23 481,55 euros, ainsi que 2 348,15 euros au titre des congés payés afférents, au titre des repos compensateurs,
- 3 367,11 euros au titre d'une prime d'ancienneté,
- 5 000 euros pour manquement de l'employeur au droit conventionnel.
Par déclaration en date du 11 juin 2010 la société Wärtsilä a relevé appel de ce jugement, en concluant au rejet de toutes les demandes formées à son encontre et chiffrant à 2 000 euros ses frais irrépétibles.
Par lettre recommandée postée le 11 juin 2010,monsieur [C] a relevé appel incident du jugement déféré pour poursuivre devant la cour la condamnation de la société Wärtsilä à lui payer diverses sommes.
Par arrêt du 29 septembre 2011, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, la cour a jugé qu'il n'existait pas de convention de forfait entre les parties et a invité le conseil du salarié à rectifier son décompte d'heures supplémentaires en omettant d'y mentionner les temps de trajet de chantier à chantier, les temps de vol et les temps de travail accomplis durant les dimanches et jours fériés.
Monsieur [D] conclut que du décompte de ses heures supplémentaires, rectifié conformément aux indications de la cour, il résulte qu'il a droit à un rappel d'heures supplémentaires de 50441,69euros , outre les congés payés afférents .Il fait valoir qu'il n'a pas bénéficié des repos compensateurs auxquels il pouvait prétendre du fait des heures supplémentaires et réclame en réparation du préjudice qu'il a subi de ce fait des dommages et intérêts de 29088,70 euros ainsi qu 'une indemnité de congés payés de 2908,87 euros.
Il sollicite également une indemnité pour travail dissimulé de 38306,11 euros ainsi qu'un rappel de prime d'ancienneté de 5044,13 euros .
Il sollicite en outre des dommages et intérêts de 10000 euros pour violation de la législation de la durée du travail.
Il soutient que sa démission doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture et que les manquements de l'employeur justifie la rupture aux torts de ce dernier.
Il fait valoir que les indemnités de rupture devant être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait du percevoir et non sur celle qu'il a effectivement perçue, il convient de reconstituer son salaire réel en fonction du nouveau décompte d'heures supplémentaires et de repos compensateur.
Il chiffre ainsi son salaire brut à 6384,35 euros.
Il réclame sur la base de ce montant la condamnation de la société Wärtsilä France à lui verser les sommes suivantes :
-dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :38306,11 euros
-indemnité légale de licenciement( à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'indemnité pour travail dissimulé ne lui serait pas accordée) : 10822,75euros.
Par ailleurs ,il conclut que son contrat de travail comporte une clause de non concurrence sans contrepartie financière et sollicite à ce titre la somme de 38306,11 euros ainsi que 3830,61 euros pour les congés payés afférents.
Enfin,il fait valoir qu'il a subi un préjudice d'anxiété du à son exposition à l'amiante et réclame de ce chef des dommages et intérêts de 7500 euros .
Il chiffre ses frais irrépétibles à 5000 euros.
La société Wärtsilä France conteste le décompte fourni par monsieur [D] et fait valoir que ce dernier ne prend pas en compte, dans son récapitulatif d'heures supplémentaires, les heures qui lui ont été payées dans le cadre de la convention de forfait.
Elle rappelle que l'employeur ne peut être condamné pour avoir omis de mentionner certaines heures de travail que si sa mauvaise foi ou son intention frauduleuse sont démontrées. Elle conclut que, faute d'élément intentionnel démontré, la demande formée au titre de travail dissimulé doit être rejetée.
Elle fait valoir par ailleurs que monsieur [D] ayant démissionné ne peut prétendre à des indemnités de rupture et que l'intéressé a été délié de la clause de non concurrence.
Elle sollicite la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS :
-sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs
Monsieur [R], responsable de projet, atteste que la gestion des affaires se faisant par informatique, il a été mis en place un système de rapport hebdomadaire des heures de travail effectuées par les techniciens. Il précise que le calcul des marges se basait sur ces feuilles hebdomadaires dont la fiabilité ne peut être mise en doute.
Le décompte rectifié produit par monsieur [D] a été établi sur la base de ces relevés, renseignés quotidiennement de 2002 à juin 20072007.
Sa demande est donc étayée.
L'employeur ne fournit aucun élément objectif de nature à établir les heures réellement effectuées par le salarié.
Quant à sa réserve relative aux heures supplémentaires payées par application de la convention de forfait, non prises en compte dans les calculs du salarié, elle ne peut être retenue car l'indemnité prévue contractuellement était destinée à compenser toutes les heures supplémentaires effectuées dans l'année et les frais de voyage. L'employeur ne fournit aucun élément de nature à permettre de déterminer la part de cette indemnité correspondant au paiement des heures supplémentaires, de sorte qu'il est impossible de les soustraire de la réclamation du salarié.
Les calculs de monsieur [D] seront donc adoptés par la cour : il lui sera alloué un rappel d'heures supplémentaires de 50441,69 euros ainsi que 5044,16 pour les congés payés afférents.
Monsieur [D] n'a pas bénéficié des repos compensateurs auxquels il avait droit en raison des heures supplémentaires qu'il a effectuées : il lui sera alloué de ce chef des dommages et intérêts de 11000euros.
La demande en paiement de congés payés afférents à des dommages et intérêts ne peut être accueillie.
En l'absence de convention de forfait, la rémunération forfaitaire par l'employeur des heures supplémentaires et l'absence de mention sur les bulletins de salaire des heures accomplies au delà de la durée légale caractérisent l'élément intentionnel du travail dissimulé.
Sur la base du salaire reconstitué de monsieur [D], dont le montant de 6384,35 euros n'est pas contesté, la société Wärtsilä France devra verser de ce chef à monsieur [D] une indemnité égale à 6 mois de salaire, soit 38306,11euros.
-sur la prime d'ancienneté
La convention collective de métallurgie des Bouches du Rhône prévoit pour les salariés ayant au moins 3 ans d'ancienneté une prime de 5% de la rémunération minimale hiérarchique, de 10% après 6 ans d'ancienneté et de 12% après 12 ans d'ancienneté. Le montant de cette prime est adapté à l'horaire de travail et supporte les majorations si des heures supplémentaires sont effectuées.
C'est donc à juste titre que monsieur [D] réclame un rappel de prime sur ses heures supplémentaires ;il lui sera alloué la somme de 5044,130euros de ce chef.
-sur la violation de la législation sur la durée du travail
Le tableau des horaires de travail de monsieur [D] fait apparaître qu'il a travaillé de juillet à octobre 2004, durant 13 semaines consécutives ,de 48 à 74 heures 1. L'employeur,qui a ainsi violé les dispositions légales, devra verser à ce titre des dommages et intérêts de 1000 euros.
-sur la prise d'acte de la rupture
Monsieur [D] a adrééssé à l'employeur le 25 juillet 2007 une lettre recommandée énonçant une volonté claire et non équivoque de démissionner . Il a cessé son, activité dans le cadre de la loi sur la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante .Il sera donc débouté de ses demandes d'indemnité de rupture .
-sur la clause de non concurrence
L'employeur a délié monsieur [D] de la clause de non concurrence de son contrat de travail , d'une durée d'un an , par courrier du 28 août 2007 soit avant la fin de la relation contractuelle intervenue d'un commun accord entre les parties le 26 octobre 2007 .En outre , monsieur [D] a quitté l'entreprise dans le cadre de la loi sur la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, laquelle prévoit le versement d'une allocation sous reserve que le salarié cesse toute activité professionnelle.
Le salarié s'interdit nécessairement l'exercice de toute activité professionnelle pendant la durée du versement de cette allocation .
En conséquence la demande formée au titre de la clause de non concurrence sera rejetée .
-sur le préjudice d'anxiété résultant d'une exposition à l'amiante
Monsieur [D],qui a été admis au bénéfice de l'allocation ACAATA, justifie qu'il fait l'objet d'un suivi médical pour exposition à l'amiante .Il se trouve ainsi ,par le fait de l'employeur, dans un état d'inquiétude permanente en raison du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante .
La somme de 7500 euros qu'il réclame en réparation de son préjudice est justifiée .
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
Réforme le jugement déféré,
Condamne la société Wärtsilä France à verser à monsieur [D] les sommes suivantes :
- rappel d'heures supplémentaires : 50441,69 euros
- congés payés afférents : 5044,16 euros
- dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris : 11000 euros
- rappel de prime d'ancienneté : 5044,13 euros
- travail dissimulé : 38306,11 euros
- dommages et intérêts pour violation de la législation sur la durée du travail :1000 euros
-préjudice d'anxiété por exposition à l'amiante:7500 euros
- article 700 du code de procédure civile :1500 euros,
Déboute monsieur [D] de ses autres demandes,
Rejette la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la société Wärtsilä France,
Dit que les dépens seront supportés par la société Wärtsilä France.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT