COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 06 AVRIL 2012
N° 2012/212
Rôle N° 10/22876
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE - CIFRAA
C/
[B] [U]
Grosse délivrée
le :
à : Me SIDER
la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 22 Novembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/14083.
APPELANTE
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE - CIFRAA, agissant par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social, venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA), demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jean Michel SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP SIDER, avoués, ayant pour avocat Me François KUNTZ, avocat au barreau de LYON, substitué par Me LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [B] [U]
née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués, ayant pour avocat la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Février 2012 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2012,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte notarié reçu le 7 novembre 2002 par Maître [Y], notaire à [Localité 4], la société Crédit Immobilier de France Financière Rhône AIN, (dite CIFFRA) a consenti à Madame [U] un prêt d'un montant de 151.687 euros pour l'acquisition d'un bien immobilier.
Madame [U] ayant cessé d'honorer les échéances du prêt, la société Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (dite CIFRAA), venant aux droits de la société Crédit Immobilier de France Financement Rhône AIN, s'est prévalue de la déchéance du terme le 28 octobre 2008.
Puis elle a, le 13 octobre 2009, en vertu de l'acte notarié précité, fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la société SUITES INN, au préjudice de Madame [U].
Cette saisie a été dénoncée le 16 octobre 2009.
C'est dans ces conditions que, Madame [U], qui contestait cette mesure, a fait citer la société CIFFRA le 16 novembre 2009 devant le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE aux fins d'obtenir la mainlevée de la saisie-attribution et subsidiairement, un sursis à statuer jusqu'à communication, par le juge d'instruction chargé d'une information contre la société APOLLONIA, apporteur d'affaire, instruction dans le cadre de laquelle elle s'est constituée partie civile, des éléments nécessaires à la vérification des faits.
Par jugement du 22 novembre 2010, le Juge de l'exécution a :
- dit que l'acte de prêt reçu le 7 novembre 2002 par Maître [Y], n'a pas la qualité d'un titre exécutoire,
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 13 octobre 2009,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la société CIFRAA aux dépens.
La société CIFRAA a relevé appel de cette décision le 21 décembre 2010.
Par écritures notifiées et déposées le 20 janvier 2012, la société CIFRAA demande à la Cour de :
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution initiée par CIFRAA sur le fondement du titre exécutoire en sa possession, consistant en un acte authentique, dressé le 6 novembre 2002 par Maître [Y] Notaire associé à [Localité 4],
- débouter Madame [U] de l'ensemble de ses demandes,
- constater la validité de la saisie-attribution initiée par le CIFRAA le 13 octobre 2009,
- condamner Madame [U] au paiement de la somme de 5000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
Par conclusions déposées et notifiées le 23 janvier 2012, Madame [U] demande à la Cour de :
'Constater les irrégularités substantielles, notamment concernant la rédaction des clauses de représentation des parties, et l'annexion des pièces essentielles, qui affectent la force exécutoire du titre,
Dire et juger que les actes ne sont pas réguliers car ils n'établissent pas la réalité des pouvoirs des clercs de notaire représentant la banque,
Dire et juger que les actes sont irréguliers, faute d'annexion aux actes de prêt des procurations des emprunteurs et faute de dépôt de ces procurations au rang des minutes du notaire en violation de l'article 8 (anc) du décret du 26 novembre1971,
Constater en tous les cas la disqualification des actes de prêt et la perte de la force exécutoire des titres présentés par la banque qui s'avèrent irréguliers en la forme,
Dire et juger que la banque ne dispose pas à ce stade de titres exécutoires à l'encontre des concluants,
En conséquence,
Confirmer la décision du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 22 novembre 2010,
Ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par CIFRAA en date du 13 octobre 2009 et dénoncée le 16 octobre 2009,
Renvoyer la banque à agir au fond sur la validité de son acte,
A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE
Constater qu'une information pénale est en cours à l'encontre de APOLLONIA et de tous autres, notamment des chefs de faux en écritures, y compris de faux en écritures publiques, laquelle a donné lieu à la mise en examen des notaires rédacteurs des actes, dont l'exécution est poursuivie, à tort par la banque,
Dire et juger que les actes ne peuvent sans manifestement altérer leur validité, constater des dates d'acceptation différentes de celles des procurations qui ne peuvent viser les offres de prêts.
Constater la violation manifeste de la LOI SCRIVENER et l'existence de ces irrégularités,
Dire et juger que la validité de l'acte s'en trouve ainsi entachée et qu'il y a une atteinte à la force exécutoire de ce dernier,
Confirmer la décision du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 22 novembre 2010,
Ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par CIFRAA en date du 13 octobre 2009 et dénoncée le 16 octobre 2009,
Renvoyer la banque à agir au fond sur la validité de son acte,
En toute occurrence
Dire et juger que la banque, ne pouvait pas ignorer l'irrégularité évidente de son titre,
Dire et juger que de ce fait, elle ne pouvait, sans engager sa responsabilité, entreprendre des mesures d'exécution au moyen d'un titre contenant de graves irrégularités,
Dire et juger que la mesure est abusive au visa des articles 22 de la loi de 1991,
Confirmer la décision du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 22 novembre 2010,
Ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par CIFRAA en date du 13 octobre 2009 et dénoncée le 16 octobre 2009,
Dire et juger que la banque devra supporter les frais de radiation auprès de la conservation des hypothèques, s'élevant à 1/1000ème du montant de l'hypothèque, conformément à l'article 295 du CGI annexe 3,
Renvoyer la banque à agir au fond sur la validité de son acte,
Par ailleurs, condamner la banque pour son acharnement injustifié et inadmissible compte tenu de l'irrégularité manifeste de son acte, au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre des légitimes dommages et intérêts, notamment compte tenu du caractère très vexatoire de cette mesure au regard des circonstances de fait décrites qui ont engendré un préjudice moral considérable,
Condamner la banque au paiement d'une somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile'
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu, que Madame [U] prétend que l'acte notarié du 7 novembre 2002, serait affecté d'irrégularités substantielles qui affecteraient sa force exécutoire, comme le prévoit l'article 1328 du Code civil ;
Attendu que l'article L.213-6 du Code de l'organisation judiciaire prévoit que le Juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ;
Qu'il est donc compétent pour vérifier la validité de l'acte notarié en vertu duquel la saisie-attribution litigieuse a été effectuée ;
Attendu que Madame [U] invoque d'abord le défaut d'annexion à l'acte de prêt de la procuration qu'elle a consenti et le défaut de mention du dépôt de cette procuration au rang des minutes ;
Attendu que Madame [U] a, par acte notarié du 10 juin 2002, reçu par Maître [Y], notaire à [Localité 4], donné procuration à tous clercs de l'étude de ce dernier pour la représenter lors de l'acquisition du bien immobilier sis à [Localité 6] et pour contracter le prêt destiné à cette acquisition ;
Attendu que l'article 8 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par le notaire, dans sa rédaction antérieure au décret du 10 août 2009, entré en vigueur le 1er février 2006, dispose que 'les procurations sont annexées à l'acte, à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte. Dans ce cas, il est fait mention dans l'acte du dépôt de la procuration au rang des minutes' ;
Attendu que ce texte n'opère pas de distinction entre l'acte original déposé aux minutes de l'étude notariale et la copie exécutoire ;
Attendu que le contrat de prêt établi par Maître [Y] le 7 novembre 2002, ne précise pas que la procuration reçue par ce dernier le 10 juin 2002, et dont il est fait mention dans la rubrique identifiant l'emprunteur, a été déposée au rang de ses minutes, ni qu'elle a été annexée à l'acte ;
Attendu que cette irrégularité substantielle, concernant l'identification des parties, porte atteinte à la force exécutoire de l'acte de prêt notarié qui ne vaut plus que comme écritures privées, en vertu de l'article 1318 du Code civil ;
Attendu qu'en l'absence de titre exécutoire au sens de l'article 3-4° de la loi du 9 juillet 1991, la banque ne pouvait valablement pratiquer une saisie-attribution ;
Attendu qu'il convient en conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution contestée ;
Attendu que le jugement sera confirmé ;
Attendu que Madame [U] ne démontre pas que la société CIFRAA a commis une faute ou un abus en poursuivant l'exécution de l'acte du 7 novembre 2002 ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société CIFRAA aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure,
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,