COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 02 AVRIL 2012
jlg
N°2012/153
Rôle N° 10/21760
SCI LE VERCLOS
C/
[G] [I]
[C] [W] épouse [I]
Grosse délivrée
le :
à : SCP BADIE
SELARL BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 26 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/8064.
APPELANTE
SCI LE VERCLOS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal y domicilié , [Adresse 2]
représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL
assistée de Me Michel LAO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [G] [I]
né le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 13], demeurant [Adresse 2]
Madame [C] [W] épouse [I]
née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 11], demeurant [Adresse 2]
représentés par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN ,
assistés de Me Catherine PINNELLI-CHARRIER, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2012 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Odile MALLET, Président, et Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Jean-Luc GUERY , Conseiller , a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2012..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2012.
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Faits, procédure et prétentions des parties :
Aux termes d'un acte notarié du 8 juillet 1987, la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 4] à [Localité 12] (13) a été grevée d'une servitude de passage au profit de la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 10], laquelle a elle-même été grevée d'une servitude de passage au profit des parcelles A [Cadastre 4], A [Cadastre 8] et A [Cadastre 9], ainsi qu'au profit d'autres parcelles.
La servitude grevant la parcelle A [Cadastre 4] s'exerce sur une bande de terrain d'une largeur de quatre mètres, tandis que la servitude grevant la parcelle A [Cadastre 10] s'exerce, selon les termes de l'acte du 8 juillet 1987, dans l'angle nord-ouest de cette parcelle, « tel que cet angle est colorié en (mot illisible sur la photocopie de l'acte produite) sur le plan ci-annexé et tel que le triangle formé par cet angle a les dimensions suivantes :
-côté nord : quatre mètres,
-côté ouest : cinq mètres,
-base : cinq mètres cinquante environ ».
Reprochant à M. [G] [I] et à son épouse Mme [C] [W], propriétaires de la parcelle BL [Cadastre 6] qui provient de la division de la parcelle A [Cadastre 10] et sur laquelle se trouve l'assiette de la servitude instituée le 8 juillet 1987, d'avoir construit un mur de clôture empiétant sur cette assiette, la SCI Le Verclos, propriétaire des parcelles BL [Cadastre 4], BL [Cadastre 7] et BL [Cadastre 5], anciennement cadastrés A [Cadastre 4], A [Cadastre 8] et A [Cadastre 9], les a , par acte du 4 juin 2010, assignés selon la procédure à jour fixe afin qu'ils soient condamnés à démolir ce mur et à leur payer des dommages et intérêts.
Par jugement du 26 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Marseille a débouté la SCI Le Verclos de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer aux époux [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La SCI Le Verclos a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 décembre 2010.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 28 octobre 2011, elle demande à la cour :
-de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
-de constater la violation de la servitude par la partie nord-ouest du mur d'enceinte de la propriété [I],
-en conséquence,
-d'ordonner la démolition, aux frais des époux [I] de la partie nord-ouest de leur mur d'enceinte construite en violation de ladite servitude, dans le délai de deux semaines, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard après la signification du jugement à intervenir,
-d'ordonner qu'à défaut de démolition par les époux [I] dans ce délai de deux semaines, elle sera autorisée à faire démolir aux dépens des époux [I], la partie nord-ouest du mur d'enceinte de la propriété [I],
-de condamner les époux [I] solidairement à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que pareille somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-de dire qu'en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, le montant des sommes retenues par l'huissier de justice, par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, sera intégralement supporté par les époux [I],
-à titre subsidiaire,
-si la cour ne devait pas s'estimer suffisamment informée,
-d'ordonner une expertise afin de déterminer si l'assiette de la servitude et sa dimension ont été modifiées et si les travaux d'aménagement réalisés par les époux [I] rendent la servitude plus incommode à ses utilisateurs.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 30 janvier 2012 , les époux [I] demandent la confirmation du jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions et la condamnation de la SCI Le Verclos à leur payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir en substance :
-que contrairement à ce que soutient la SCI Le Verclos, l'assiette de la servitude grevant leur parcelle n'a jamais été délimitée par une ligne droite comme cela apparaît très clairement sur le plan de détachement annexé à l'acte du 8 juillet 1987,
-qu'en tout état de cause, le propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude conserve le droit de se clore, dès lors qu'il n'entreprend rien qui puisse diminuer l'usage de la servitude ou le rendre moins commode,
-que c'est précisément la motivation retenue à bon droit par le juge de première instance, qui, tout en constatant sur la foi du procès-verbal de constat d'huissier produit par la SCI Le Verclos, qu'il y avait empiétement sur la servitude d'angle, a constaté sur la foi, cette fois, du procès-verbal de constat d'huissier qu'ils ont fait établir, que l'usage du chemin n'était pas diminué.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2011, avant l'ouverture des débats.
Motifs de la décision :
Attendu que dans l'acte du 8 juillet 1987, il est mentionné « tel que cet angle est colorié en rouge' » mais le mot rouge a été rayé et le renvoi en marge est illisible en raison de la mauvaise qualité de la photocopie produite ; que la couleur de l'assiette de la servitude litigieuse étant toutefois sans intérêt, la cour est en mesure de statuer au vu de ce document ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites, que deux plans ont été annexés à l'acte du 8 juillet 1987, un plan de détachement dressé par le géomètre-expert [S] [L] en novembre 1986, et un plan dressé le 6 juin 1986 par MM. [X] et [P], géomètres-experts, dans le cadre d'un document d'arpentage n° 1797 ; que force est de constater que les assiettes des servitudes instituées par cet acte ne sont représentées que sur le second de ces plans, le premier ne faisant apparaître qu'un chemin implanté le long des limites nord et est de l'ancienne parcelle A [Cadastre 10] et dont le virage empiète dans l'angle nord-est de cette parcelle ; que sur le plan du 6 juin 1986, l'assiette de la servitude grevant la parcelle des époux [I] a bien la forme d'un triangle conformément à la description claire et précise qui en est faite dans l'acte du 8 juillet 1987, ce qui exclut toute possibilité d'une base curviligne ;
Attendu que dans le procès-verbal de constat qu'il a établi le 31 décembre 2009 à la demande de la SCI Le Verclos, l'huissier de justice [T] [M] écrit ce qui suit :
« Certifions nous être transporté ce jour à 15 heures à [Adresse 2], où étant et en présence de la représentante de la SCI requérante, nous avons effectué les constatations suivantes.
Au centre du chemin, à l'endroit où celui-ci forme un angle, nous mettons à jour la borne délimitant l'angle nord/ouest de la parcelle du voisin, grevée de la servitude de passage. Cette borne, profondément ancrée dans le sol est matérialisée par un bloc de pierre carrée et d'approximativement vingt (20) centimètres de côté (photos n° 1 à 4).
À l'aide d'un décamètre ruban, nous mesurons la distance entre la borne et l'arête du mur du voisin, côté nord d'une part, côté ouest d'autre part.
Pour le côté Nord, depuis l'arête extérieure du mur du voisin jusqu'au centre de la borne, nous mesurons trois mètres et quatre-vingt centimètres (3,80 mètres) - au lieu de quatre mètres (4m) selon l'acte notarié du 8 juillet 1978 (photos n° 8 à 10).
Pour le côté Ouest, depuis l'arête extérieure du mur du voisin jusqu'au milieu de la borne, nous mesurons quatre mètres et trente centimètres (4,30 mètres) - au lieu de cinq mètres (5m) selon l'acte notarié du 8 juillet 1987 (photos n° 14 à 16).
Nous tendons ensuite notre décamètre entre les deux arêtes extérieures du mur du voisin, afin de matérialiser la base de la servitude. Nous constatons qu'à cet endroit, le mur du voisin, étant arrondi, empiète largement sur la servitude, réduisant d'autant la surface de celle-ci, et limitant la largeur du passage dans le chemin (photos n° 17 à 19).
Le long du chemin, côté nord et côté ouest, l'arase du mur du voisin est recouverte d'un alignement de tuiles. Au niveau de l'angle du chemin, le mur forme un arrondi. À cet endroit nous constatons que ce mur est beaucoup plus large. Nous effectuons plusieurs mesures de cette épaisseur depuis l'arête horizontale extérieure jusqu'aux tuiles et relevons entre quarante cinq centimètres (45 cm) et cinquante centimètres (50 cm) suivant les endroits (photos n° 20 à 22).
Des traces d'enduit maculent le bord des tuiles côté extérieur. Il nous est déclaré par la représentante de la SCI requérante, que ce mur a été épaissi il y a quelques semaines par le voisin - dont acte.
L'emprise au sol de cet épaississement du mur empiète largement sur le chemin - d'un sous-bassement en ciment gris d'une dizaine de centimètres de large.
Lorsque l'on se situe sur le chemin, côté nord en direction de la voie goudronnée, nous constatons que l'arrondi ne se trouve pas dans l'alignement du mur de clôture longeant le chemin, mais au contraire en surépaisseur par rapport à la clôture d'origine, toujours visible et matérialisée par l'alignement de tuiles rouges (photos n° 5 à 7).
Nous effectuons les mêmes constatations et observations depuis le chemin côté ouest (photos n° 11 à 13) ;
Attendu qu'il résulte de ce procès-verbal de constat ainsi que des photographies qui y sont annexées, que le mur de clôture des époux [I] empiète sur l'assiette de la servitude ; qu'il convient donc, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'incidence de cet empiétement sur l'usage de la servitude, de condamner les époux [I] à démolir ce mur, afin de faire cesser l'atteinte ainsi portée au droit réel dont est grevé leur fonds au profit de celui de la SCI Le Verclos ; qu'au vu de ce même procès-verbal de constat, la cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour condamner les époux [I] à payer à la SCI Le Verclos une indemnité de 500 euros en réparation du préjudice que lui a causé cette atteinte ;
Attendu que l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, prévoit que lorsque les huissiers recouvrent ou encaissent, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, en sus éventuellement du droit visé à l'article 8, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier, et qu'aucune disposition ne permet de transférer cette charge au débiteur ;
²
Par ces motifs :
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit que la base du triangle constituant l'assiette de la servitude de passage grevant la parcelle BL [Cadastre 6] en vertu de l'acte notarié du 8 juillet 1987, est rectiligne,
Condamne les époux [I] à démolir la partie de leur mur de clôture empiétant sur cette assiette dans le délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, et passé ce délai, sous peine d'astreinte de 150 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau statué,
Dit qu'à défaut pour les époux [I] d'avoir procédé à cette démolition dans le délai de sept mois à compter de la signification de la présente décision, la SCI Le Verclos sera autorisée à la faire réaliser aux frais de ces derniers,
Condamne les époux [I] à payer à la SCI Le Verclos une indemnité de 500 euros en réparation de leur préjudice,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux [I] à payer la somme de 2 500 euros à la SCI Le Verclos,
Condamne les époux [I] aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement contre eux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit que ces dépens ne comprendront pas le droit proportionnel dégressif que l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, met à la charge du créancier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT