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30/03/2012 | FRANCE | N°11/20794

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15e chambre a, 30 mars 2012, 11/20794


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

15e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2012



N° 2012/201













Rôle N° 11/20794







S.C.I. MORGANE





C/



CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5] EUROPE

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE





















Grosse délivrée

le :

à : la SCP MAYNARD - SIMONI
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la SCP BADIE, SIMON- THIBAUT et JUSTON

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00162.





APPELANTE



S.C.I. MORGANE Rep...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

15e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2012

N° 2012/201

Rôle N° 11/20794

S.C.I. MORGANE

C/

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5] EUROPE

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE

Grosse délivrée

le :

à : la SCP MAYNARD - SIMONI

la SCP BADIE, SIMON- THIBAUT et JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00162.

APPELANTE

S.C.I. MORGANE Représentée par son gérant en exercice Monsieur [U] [L], demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats au barreau d'AIX- EN-PROVENCE, plaidant par Me Didier VALETTE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5] EUROPE prise en la personne de son représentant légal y domicilié, [Adresse 3]

représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Serge PAULUS, avocat au barreau de STRASBOURG

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE prise en la personne de son représentant légal, demeurant Chez Maître [E] - [Adresse 2]

défaillante

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'ALSACE prise en la personne de son représentant légal, demeurant Chez Maître [D] Notaire - [Adresse 6]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Février 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Christian COUCHET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame France-Marie BRAIZAT, Président

Monsieur Christian COUCHET, Conseiller

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2012.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2012,

Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par jugement d'orientation du 24 novembre 2011 le tribunal de grande instance de Grasse a ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis, appartenant à la société MORGANE, selon le cahier des conditions de vente, et dit qu'il sera procédé à ladite vente à l'audience du jeudi 8 mars 2012.

Par déclaration du 06 décembre 2011, la société MORGANE a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 14 décembre 2011 la SCI MORGANE a été autorisée à faire délivrer assignations à jour fixe suite à sa requête du 12 décembre 2011.

Par conclusions déposées le 9 décembre 2011 la société MORGANE a développé l'argumentation suivante :

1) Sur la nullité du prêt consenti en monnaie étrangère :

Attendu qu'il n'échappera pas à la juridiction le fait que l'acte du 22 octobre 1998 :

- emportait vente d'un bien immobilier sis à [Localité 4] entre Monsieur [U] [L] demeurant à [Localité 4] dans le bien vendu, et la SCI MORGANE, au demeurant représentée par le même Monsieur [U] [L].

- que le prix de vente était libellé en francs, soit 7 200 000,00 francs français,

- acte de prêt par la Caisse de crédit mutuel [Localité 5] Europe dont le siège est sis à [Localité 5].

Néanmoins, le montant du prêt était consenti pour la somme de 1 800 000,00 de francs suisses. Attendu que la Caisse de crédit mutuel a soutenu en première instance que la prescription pour soulever la nullité du prêt ayant été déposée depuis plus de cinq ans, était en tout état de cause tardive.

Attendu que depuis un arrêt de la Cour de cassation en date du 3 novembre 1988, il est rappelé qu'une telle nullité ne porte pas atteinte à l'ordre public de protection mais à l'ordre public de direction, et la prescription du délai de cinq ans n'est donc pas applicable, pas plus que le fait que le contrat ait été exécuté.

Contrairement à ce qu'a indiqué le premier juge, l'emprunteur ne pouvait pas rembourser en francs français. Il ne pouvait le faire qu'après avoir sollicité l'accord de la banque, laquelle à ce moment-là pouvait renégocier le taux du contrat, et en cas de désaccord des parties sur le nouveau taux, le prêt devait se poursuivre en devise, ou l'emprunteur avait la possibilité de rembourser l'intégralité du prêt par anticipation.

Sur la responsabilité de la Caisse du crédit mutuel vis-à-vis de la SCI MORGANE

Attendu qu'en 1998, Monsieur [U] [L], notaire à [Localité 5], a été dans l'obligation de chercher des financements eu égard aux agissements dont son étude avait été victime, et ce de la part de son associé. Attendu que la banque, en imposant le montage juridique, a failli à son obligation de conseil vis-à-vis de Monsieur [U] [L].

Attendu qu'aux termes d'une jurisprudence constante et abondante, la banque ne peut se retrancher derrière le fait que Monsieur [U] [L] était notaire pour indiquer qu'elle n'avait pas à satisfaire à son obligation de conseil.

Attendu que la jurisprudence indique qu'importe peu la qualité du cocontractant pour délivrer un professionnel de son obligation de conseil. Attendu que la banque aurait dû accorder à Monsieur [U] [L] le crédit de trésorerie dont il avait besoin, plutôt que de l'obliger à se faire une vente à lui-même, sous couvert de la création de la SCI MORGANE.

Attendu que de ce chef, le juge de l'exécution a fait fi de toute la jurisprudence sur l'obligation de conseil en indiquant 'que le gérant de la SCI MORGANE était un juriste averti en raison de son activité professionnelle, qu'il était assisté par des notaires et qu'il appartenait à la SCI MORGANE de rapporter la preuve de l'implication de la banque dans la création de la société civile débitrice et de faire la preuve qu'il existait un risque d'endettement dès l'octroi de ce prêt, ce qui n'est pas soutenu en l'espèce'.

Attendu que ce dernier moyen est totalement incompréhensible dans la mesure où effectivement la SCI MORGANE n'a jamais soutenu le moyen tiré du risque d'endettement né de l'octroi du prêt, en sorte que l'appelante demande à la cour de :

* Dire et juger sur le fondement des dispositions de l'article 1243 du code civil que l'acte de prêt en date du 22 octobre 1998 est atteint d'une nullité d'ordre public (ordre public de direction) dans la mesure où il a été conclu dans une monnaie étrangère ;

* Constater que la SCI MORGANE a emprunté la somme de 1 097 632, 92 € le 22 octobre 1998, et qu'elle s'est régulièrement acquittée d'une somme de 1 370 874,22 € ;

* Qu'elle est dans ces conditions créancière, au regard de la nullité du contrat de prêt de la banque, d'une somme de 4 518,86 € ;

* Condamner la Caisse de crédit mutuel [Localité 5] Europe à lui payer ladite somme, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2011 conformément aux dispositions des articles 1153 et 1154 du code civil ;

* Dire et juger par ailleurs, sur le fondement de dispositions de l'article 1134 du code civil, que la Caisse de crédit mutuel [Localité 5] Europe a engagé sa responsabilité vis-à-vis de la SCI MORGANE, et ce en ayant failli à son obligation de conseil ;

* Condamner la banque, en réparation du préjudice causé, au paiement d'une somme de 63 805,40 € correspondant aux droits de mutation acquittés par la SCI MORGANE ;

* Condamner enfin la banque au paiement d'une somme de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et signifiées le 14 février 2012 la Caisse de crédit mutuel [Localité 5] Europe, après le rappel des faits et du jugement entrepris, s'oppose aux prétendues nullités de fond invoquées par l'appelante au regard de l'article 1338 du code civil et de la jurisprudence admettant la licéité des clauses concernant les prêts en devises ne constituant pas des clauses d'indexation, relève l'absence de fondement juridique du moyen tiré de la nullité d'ordre public, conteste les demandes incidentes des chefs des sommes dues, de sa propre responsabilité et de la vente amiable, et conclut à la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions, au rejet des demandes de la société appelante mal fondées ou irrecevables, et de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions, à la confirmation de la procédure de saisie immobilière, des clauses et conditions du cahier des conditions de vente qui sera déposé au greffe, et à la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 6 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Régulièrement assignées par actes signifiés les 27 décembre 2011 et 5 janvier 2012, remis à Maître [C] et Maître [D], chacun notaire associé, la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Alsace de La Croix Valmer et Luneville n'ont pas constitué avoué.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application de l'article 474 du code de procédure civile la décision est réputée contradictoire.

Les parties sont en l'état de la signature d'un acte notarié du 22 octobre 1998, portant vente d'un bien immobilier sis à [Localité 4] entre M. [U] [L] demeurant à [Localité 4] dans le bien vendu, et la SCI MORGANE, au demeurant représentée par le même M. [U] [L], moyennant le prix de vente de 7 200 000,00 francs français, et valant acte de prêt par la Caisse de crédit mutuel [Localité 5] Europe, dont le siège est sis à [Localité 5], au profit de la SCI MORGANE, emprunteur, représentée par M. [U] [L] ès qualités 'de gérant et en son nom personnel comme caution personnelle et solidaire'.

La société appelante soutient à l'appui de son recours à l'encontre du jugement dont appel que contrairement à ce qu'a indiqué le premier juge, l'emprunteur ne pouvait pas rembourser en francs français, et ne pouvait le faire qu'après avoir sollicité l'accord de la banque, laquelle à ce moment-là pouvait renégocier le taux du contrat, et en cas de désaccord des parties sur le nouveau taux, le prêt devait se poursuivre en devise, ou l'emprunteur avait la possibilité de rembourser l'intégralité du prêt par anticipation.

Ainsi que l'a rappelé à bon droit le premier juge, aucune disposition n'interdit la souscription d'un prêt en devises étrangères - suisses en l'espèce - prévoyant de plus la possibilité d'un remboursement en monnaie française et d'une conversion en euros en cas de défaut de paiement, dans la mesure où cette fixation de la créance en monnaie étrangère était en relation directe avec l'activité de banquier de la société Caisse de crédit mutuel [Localité 5] Europe, et la société débitrice bénéficiaire dudit prêt.

L'argumentation de la SCI MORGANE, relative à la nullité du prêt comme ayant été conclu en monnaie étrangère, est en conséquence rejetée.

Il est observé de surcroît qu'elle a procédé à l'exécution dudit contrat de prêt pendant plus de 10 ans, circonstance la privant de toute autre possibilité de contestation.

Il n'est pas davantage démontré que la société Caisse de crédit mutuel [Localité 5] Europe ait manqué à ses obligations de conseil, d'autant plus que la cession immobilière est intervenue au profit de la société appelante, régulièrement représentée par M. [U] [L], notaire, ès qualités de gérant de celle-ci, agissant également à titre de vendeur représenté de ce chef par Maître [P], notaire assistant, si bien que les intérêts de la SCI MORGANE étaient parfaitement pris en considération.

Ces éléments justifient de débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

L'équité commande de condamner la SCI MORGANE au paiement d'une somme de 1.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Reçoit l'appel en la forme,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SCI MORGANE à payer la somme de 1.000 € (mille) à la Caisse de crédit mutuel [Localité 5] Europe en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la SCI MORGANE aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés comme il est prescrit par l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 15e chambre a
Numéro d'arrêt : 11/20794
Date de la décision : 30/03/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5A, arrêt n°11/20794 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-30;11.20794 ?
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