COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 28 MARS 2012
N°2012/344
Rôle N° 11/16941
SAS DELTA ROUTE
C/
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
DRJSCS
Grosse délivrée le :
à :
Me Loïc LE BERRE, avocat au barreau de LYON
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 27 Mai 2010,enregistré au répertoire général sous le n° 20900530.
APPELANTE
SAS DELTA ROUTE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Loïc LE BERRE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]
représenté par Mme [D] [F] en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
DRJSCS, demeurant [Adresse 2]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2012
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société DELTA ROUTE qui avait fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF portant sur les années 2005 et 2006, a fait appel du jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en date du 27 mai 2010 qui l'avait condamné au paiement de la somme de 119 273 euros, outre les majorations de retard.
Par ses conclusions récapitulatives développées oralement à l'audience du 22 février 2012, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, d'annuler les chefs de redressements contestés, de confirmer le jugement en ce qu'il a ramené à 8260 euros la base de cotisations 2006 concernant Monsieur [E], de condamner l'URSSAF à restituer 36,08 euros (trop perçu [W]), et de condamner l'URSSAF à 10 000 euros à titre de dommages-intérêts et à 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions du 15 septembre 2011 développées oralement à l'audience du même jour, l'URSSAF a demandé à la Cour de confirmer le jugement, et de condamner l'appelant à 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La DRJSCS régulièrement avisée n'a pas comparu
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prime « médaille du travail »
L'URSSAF considère que le recours devant la Commission ne concernait pas ce chef de redressement et que l'appelante est forclose.
La Cour constate que la Commission a mal interprété la lettre de contestation du 8 janvier 2008, que la société Delta Route avait reproché l'imprécision des éléments retenus pour effectuer les calculs, et que la Commission n'a pas statué.
La Cour constate cependant que, dans son courrier précité, la société Delta Route n'a pas contesté avoir versé des gratifications à ses salariés à l'occasion de la remise des médailles d'honneur « corporative » ou du travail en 2005 et en 2006, qu'elle n'a pas contesté que les agents de l'URSSAF avaient travaillé sur les documents qu'elle leur avait remis et qu'elle n'a pas rapporté la preuve que l'URSSAF aurait commis une erreur de prise en compte de ces gratifications.
Ni les modalités de calcul ni la liste détaillée et nominative des salariés concernés ne sont exigées à peine de validité du redressement.
La Cour considère que la contestation n'est pas fondée, que les sommes de 6189 et 5803 euros retenues pour 2005 et 2006 sont exactes et que le redressement de 5950 euros était justifié.
Sur la régularisation du plafond (préavis Monsieur [W])
La société Delta Route a été condamnée, en 2005, à verser à Monsieur [W] deux mois de salaires à titre de préavis suite à un licenciement ayant pris effet en janvier 2002, alors qu'elle avait rédigé un bulletin de salaire d'un mois seulement (plus congés payés sur préavis et mise à pied).
L'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations la somme omise en base plafonnée en prenant en compte le plafond au titre de l'année 2002.
La Cour rappelle qu'en cas de rappel de salaires suite à une condamnation judiciaire, le plafond applicable est celui de la dernière période d'emploi comme le prévoit la lettre ACOSS du 19 mars 1994.
L'appelante n'a pas expliqué en quoi l'URSSAF aurait commis une erreur dans l'application de cette lettre.
En conséquence, la Cour valide le calcul de l'URSSAF et rejette la demande de remboursement de l'appelant (36,08 euros).
Sur les frais professionnels (grands déplacements des chauffeurs routiers)
La société Delta Route a mis à la disposition des contrôleurs les tableaux de travail hebdomadaires et calendaires des chauffeurs, leurs bulletins de salaires et les disques chronotachygraphes, puis, postérieurement au contrôle, elle a notifié l'existence de fichiers électroniques, dont l'URSSAF a souligné le caractère tardif.
Elle a contesté que les agents de l'URSSAF aient pu examiner les documents en deux jours seulement et elle a mis en doute l'exactitude de leurs conclusions, que l'intimée a toutefois maintenues après avoir regretté qu'aucun document de synthèse n'ait jamais été établi par l'employeur.
La Cour donne acte aux parties que l'exploitation des 17000 disques communiqués aux contrôleurs a été longue, a nécessité des moyens importants, et n'a pu être réalisée exclusivement dans les locaux de l'entreprise.
Par ailleurs, la lettre d'observations a expliqué de manière détaillée les valeurs retenues par les contrôleurs pour les repas en 2005 et 2006 (11,45 et 11,63 euros), et les valeurs des grands déplacements en 2005 et 2006 (48,10 et 48,87 euros) ; ils ont également établi des tableaux constatant les écarts pour 2005 et pour 2006, tant pour les repas (55 et 873) que pour les grands déplacements (1542 et 2793), soit des redressements de 35983 et 73867 euros respectivement pour 2005 et 2006.
L'employeur a donc eu connaissance des tableaux de synthèse réalisés par l'URSSAF, bien avant la mise en demeure et a pu y répondre puisque sa lettre du 8 janvier 2008 énumère les salariés sur lesquels porte sa critique (Chaudron) ou renvoie à son fichier électronique non communiqué d'emblée ([K], [L], [S], etc...).
La Cour constate que, nonobstant la critique (inopérante) relative au fichier qui aurait dû être communiqué immédiatement, les tableaux de l'URSSAF ont été versés aux débats et sont parfaitement lisibles et compréhensibles.
La Cour constate que l'URSSAF a donc parfaitement respecté ses obligations fixées par l'article R 243-59 alinéa 5 et 8 du code précité, la critique relative au non respect du contradictoire étant sur ce point rejetée.
Sur le fond du redressement, la Cour rappelle que le remboursement des frais professionnels se fait soit sur dépenses réelles soit forfaitairement, notamment lorsqu'il est établi que le salarié (ici le chauffeur routier) ne peut pas rentrer chez lui ou dans l'entreprise pour prendre ses repas ou ses temps de repos.
Le forfait est limité à un plafond fixé par arrêté (ou par la convention collective pour les chauffeurs routiers) et les allocations sont alors réputées avoir été utilisées conformément à leur objet.
La déduction des frais professionnels de l'assiette des cotisations de sécurité sociale est une exception à la règle de l'assujettissement des sommes versées à l'occasion du travail, si bien que la possibilité pour l'employeur de procéder à cette déduction doit être retenue de manière limitative.
Enfin, il est de principe que c'est à l'employeur de rapporter la preuve que l'indemnité a été utilisée conformément à son objet et que les agents chargés du contrôle qui ont eu connaissance de tous les documents n'ont pas alors besoin de recourir à la taxation forfaitaire prévue par l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale.
L'argument de l'appelante est donc injustifié sur ce point notamment en ce qu'elle a prétendu qu'il y aurait eu taxation forfaitaire.
Sur les déductions forfaitaires spécifiques des frais professionnels (dépassement du taux)
L'URSSAF a constaté que les déductions forfaitaires ont dépassé le taux maximal autorisé de 20% pour certains salariés en 2005 et 2006, d'où les redressements de 2558 et 3553 euros.
Dans sa lettre du 8 janvier 2008, la société Delta Route avait fait valoir que ce qui avait été noté comme « dépassement de brut abattu » correspondait, en fait, à des situations particulières recouvrant 3 cas différents : les indemnités de prévoyance, le basculement du régime à abattement à celui du réel, et inversement.
Et, elle avait produit les pièces et cité les cas des 10 salariés (Bouc, [V], [J], etc...), pour l'année 2005.
L'URSSAF a alors renoncé au redressement pour 2005 mais l'a maintenu pour 2006, y compris devant la Cour, en contestant les arguments de l'appelante et l'absence de pièces justificatives.
L'appelante a considéré que l'annulation du redressement pour 2006 s'imposait car les salariés concernés étaient les mêmes, et que les contrôles URSSAF réalisés en 2007, en 2008 puis en 2009 n'avaient pas donné lieu à redressement, alors qu'il s'agissait des mêmes cas.
Elle a cité les cas de Messieurs [E] et [H] en produisant leurs bulletins de salaires de novembre 2006, montrant qu'ils avaient opté pour le basculement de l'abattement forfaitaire aux frais réels comme le leur permettait l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002.
La Cour constate que ces seuls documents ne suffisent pas à justifier que le taux de 20% n'aurait pas été dépassé pour 2006 et que l'appelante n'a donc pas justifié de sa contestation pour cette année 2006.
Le seul fait qu'il n'y avait pas eu de dépassement du taux de 20% en 2005 puis en 2007, 2008 et 2009, ne suffit pas à considérer qu'il en aurait été de même pour 2006.
En conséquence, la Cour valide intégralement le redressement pour 2006.
Sur la demande de dommages-intérêts
L'appelante ne rapporte la preuve d'aucune faute de la part de l'URSSAF.
Sa demande n'est pas fondée et la Cour l'en déboute.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en matière de sécurité sociale,
Confirme le jugement déféré,
Et y ajoutant,
Déboute l'appelante de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT