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28/03/2012 | FRANCE | N°10/05978

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 28 mars 2012, 10/05978


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2012



N° 2012/148













Rôle N° 10/05978







GROUPAMA ALPES MEDITERRANEE

[C] [E]





C/



[T] [H]

MACIF RHONE ALPES

[U] [J]

[F] [Z]

[M] [K]

S.A. MAIF - MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE

MSA DU VAR - MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE

MAE - MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION









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Grosse délivrée

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à :

















Décision déférée à la Cour :



prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 10 Mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° F09/10/736 qui a cassé et a...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2012

N° 2012/148

Rôle N° 10/05978

GROUPAMA ALPES MEDITERRANEE

[C] [E]

C/

[T] [H]

MACIF RHONE ALPES

[U] [J]

[F] [Z]

[M] [K]

S.A. MAIF - MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE

MSA DU VAR - MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE

MAE - MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 10 Mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° F09/10/736 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 26 novembre 2008 par la cour d'appel d'Aix-En-Provence 10ème chambre, sur appel d'un jugement rendu le 14 décembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Toulon

DEMANDEURS SUR RENVOI DE CASSATION

GROUPAMA ALPES MEDITERRANEE prise en la personne de son Dirigeant en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 7]

représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués

assistée de la SCP INGLESE - MARIN & ASSOCIES, avocats au barreau de TOULON substituée par Me Sophie MARCHESE, avocat au barreau de TOULON,

Madame [C] [E]

née le [Date naissance 8] 1950 à [Localité 16] (ESPAGNE) (99), demeurant [Adresse 12]

représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, avoués

assistée de la SCP INGLESE - MARIN & ASSOCIES, avocats au barreau de TOULON substituée par Me Sophie MARCHESE, avocat au barreau de TOULON,

DEFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION

Monsieur [T] [H]

né le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 19], demeurant [Adresse 18]

représenté par Me Jean Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Jean-Louis SAVES, avocat au barreau de TOULON,

MACIF RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son centre de région RHONE ALPES sis, [Adresse 13]

représenté par Me Jean Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Jean-Louis SAVES, avocat au barreau de TOULON,

Monsieur [U] [J], assigné PVR

né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 20], demeurant [Adresse 15]

défaillant

Monsieur [F] [Z], assigné en étude

né le [Date naissance 6] 1973 à [Localité 21], demeurant [Adresse 2]

défaillant

Monsieur [M] [K]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 14], demeurant [Adresse 9]

représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Jean jacques DEGRYSE, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Ismaël DIOUF, avocat au barreau de TOULON

S.A. MAIF - MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 22]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Jean jacques DEGRYSE, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Ismaël DIOUF, avocat au barreau de TOULON

MSA DU VAR - MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE prise en la personne de son Dirigeant en exercice domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4]

assignée à personne habilitée,

défaillante

MAE - MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION prise en la personne de son Représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 10]

représentée par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP GIACOMETTI DESOMBRE, avoués,

assistée de la SCP DRUJON D'ASTROS/BALDO & ASSOCIES, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Février 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Patricia TOURNIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Brigitte VANNIER, Présidente

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2012.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2012,

Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Une explosion suivie d'un incendie s'est produite le 23 juin 1997 dans une maison située [Localité 11] (Var) comportant un logement donné en location, maison appartenant à madame [E], exploitante agricole qui avait souscrit une assurance dite Optimut auprès de GROUPAMA Assurances couvrant notamment le risque incendie ;

le bâtiment a été détruit et madame [E] qui était présente sur les lieux, blessée.

Après que madame [E] ait été mise en examen du chef d'incendie volontaire dans le cadre de l'instruction judiciaire diligentée, une ordonnance de non lieu a été prononcée à son égard le 17 novembre 1998.

GROUPAMA Assurances a été condamnée par décision du juge des référés en date du 13 novembre 1998, à payer à madame [E] une provision de 1.171.992 francs, soit 178.669,02 €, dont 187.574 francs en règlement différé, à valoir sur la réparation des dommages matériels résultant du sinistre, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 1998, outre 4.000 francs, soit 609,80 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par actes d'huissier en date des 15 et 19 septembre 2000, GROUPAMA Assurances a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Toulon, monsieur [H], locataire de madame [E] dans le bâtiment sinistré, ainsi que la MACIF, assureur de celui-ci, à l'effet d'obtenir leur condamnation in solidum à lui rembourser sur le fondement de l'article 1733 du code civil, la somme de 985.418 francs, soit 150.226 €, réglée par elle en exécution de la décision pour laquelle elle est subrogée dans les droits de madame [E], avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 1999, ainsi qu'à lui payer la somme de 1.045.920,80 francs soit 159.449,59 €, correspondant aux frais médicaux qu'elle expose avoir réglés par ailleurs à madame [E] au titre de l'assurance de personne que celle-ci avait également souscrit auprès d'elle.

La MACIF et monsieur [H], contestant au principal les demandes de GROUPAMA Assurances, ont appelé en cause monsieur [J], monsieur [Z] et monsieur [K], colocataires de monsieur [H], ainsi que leurs assureurs, la MAIF et la MAE, à l'effet de les voir condamnés in solidum à les relever et garantir d'une éventuelle condamnation, dans telle proportion que le tribunal arbitrera.

Par acte d'huissier en date du 26 septembre 2002, monsieur [K] et la MAIF ont fait assigner madame [E] devant le tribunal de grande instance de Toulon sur le fondement des articles 1719 et suivants du code civil, à l'effet de voir celle-ci déclarée responsable du sinistre et condamnée à payer à la MAIF, la somme de 4.870,75 € montant de l'indemnité versée à monsieur [K] au titre de ses dommages mobiliers, et à monsieur [K], la somme de 2.000 € en réparation de son préjudice moral.

Parallèlement, par actes d'huissier en date des 22, 24, 25, 29 et 30 octobre 2002,

madame [E] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Toulon, la MACIF, la MAE, la MAIF, monsieur [K], monsieur [Z], la MSA, monsieur [H] et monsieur [J] à l'effet de les voir condamnés in solidum sur le fondement de l'article 1733 du code civil, à lui payer la somme de 220.000 € en réparation de son préjudice corporel non indemnisé par GROUPAMA Assurances, sur la base d'une expertise judiciaire ordonnée par décision de référé en date du 29 janvier 2002.

Après jonction de ces différentes instances, le tribunal, par décision en date du 14 décembre 2006, a :

- déclaré irrecevable la demande formée par GROUPAMA Assurances au titre des frais médicaux,

- débouté madame [E] et GROUPAMMA Assurances de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté monsieur [H], la MACIF, monsieur [K], la MAIF, monsieur [Z], monsieur [J] et la MAE de l'ensemble de leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices matériels et moraux,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné in solidum madame [E] et GROUPAMA Assurances à payer à chacun des défendeurs la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Madame [E] et GROUPAMA Alpes Méditerranée ont interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration déposée au greffe le 20 février 2007.

Monsieur [K] et la MAIF, messieurs [Z] et [J] ainsi que la MAE, monsieur [H] et la MACIF ont formé appel incident.

Par décision en date du 26 novembre 2008, la Cour d'appel :

- a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de madame [E] et de GROUPAMA,

- a réformé le jugement pour le surplus,

- statuant à nouveau, a condamné in solidum madame [E] et GROUPAMA à payer à :

° messieurs [H], [Z], [J] et [K], la somme de 1.500 € chacun en réparation de leur préjudice moral,

° la MACIF, la somme de 11.110,48 €,

° la MAIF, la somme de 4.870,75 €,

° la MAE, la somme de 1.494,47 €,

- a condamné in solidum madame [E] et GROUPAMA aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement à messieurs [H], [Z], [J] et [K], à la MACIF, la MAIF et la MAE de la somme de 1.000 € chacun.

Sur pourvoi formé par madame [E] et GROUPAMA Alpes Méditerranée, la Cour de cassation, par décision en date du 10 mars 2010, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l'arrêt du 26 novembre 2008, a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées pour être fait droit devant la Cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée.

Madame [E] et GROUPAMA Alpes Méditerranée ont saisi la Cour d'appel par déclaration en date du 26 mars 2010.

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 29 juin 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, GROUPAMA Alpes Méditerranée et madame [E] demandent à la Cour de :

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions excepté en ce qu'il a débouté monsieur [H], la MACIF, monsieur [K], la MAIF, monsieur [Z], monsieur [J] et la MAE de l'ensemble de leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices matériels et moraux,

- au visa de l'article 1733 du code civil, dire que les requis ne s'exonèrent pas de leur présomption de responsabilité,

- subsidiairement, au visa de l'article 1382 du code civil, dire qu'ils ont commis des fautes et des négligences directement à l'origine des dommages,

- en tout état de cause, condamner solidairement les requis avec leurs compagnies d'assurances à payer à :

° GROUPAMA Alpes Méditerranée subrogée dans les droits de son assurée, la somme de 180.231,52 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 1999 au titre des différents préjudices matériels pris en charge,

° GROUPAMA Alpes Méditerranée en qualité d'organisme social, la somme de 204.940,48 € correspondant aux frais médicaux, selon attestation de paiement du 10 mars 2008,

° madame [E], la somme de 220.000 € en réparation de ses préjudices personnels, tous postes de préjudice confondus,

- condamner solidairement les requis et leurs compagnies d'assurances au paiement à GROUPAMA Alpes Méditerranée et madame [E] de la somme de 7.000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

GROUPAMA Alpes Méditerranée et madame [E] soutiennent notamment que la présomption de responsabilité du locataire posée par l'article 1733 du code civil doit s'appliquer dès lors qu'il y a eu incendie dans les lieux loués, même si cet incendie a été provoqué par une explosion, que messieurs [H], [K], [Z] et [J] ne rapportent pas la preuve de l'existence de l'une des causes d'exonération énumérées par ce texte, que l'existence d'une occupation conjointe des locataires et du bailleur ne peut être retenue au seul motif que madame [E] possédait une clé de l'immeuble loué, que le caractère criminel de l'incendie n'est pas établi, qu'en toute hypothèse, les locataires ont contribué à l'incendie par leur imprudence ou leur négligence, les produits entreposés par eux dans les lieux loués ayant contribué à la propagation de l'incendie et conduit aux atteintes corporelles subies par madame [E], qu'ils ont contrevenu à leur obligation d'entretien en s'abstenant de changer un tuyau d'alimentation de gaz ; que GROUPAMA Alpes Méditerranée est recevable à solliciter remboursement des frais médicaux, ceux-ci ayant par nature, un caractère indemnitaire.

Par leurs dernières conclusions déposées le 24 mars 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, la MACIF Rhône Alpes et monsieur [H] formant appel incident, demandent à la Cour au visa des articles 1732 et 1733, 1719 et suivants du code civil:

- au principal,

° de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté madame [E] et GROUPAMA Assurances de leurs demandes,

° de constater que l'article 1733 du code civil ne s'applique pas aux dommages corporels,

° de dire qu'il n'y a pas lieu à application de la présomption de responsabilité édictée par l'article 1733 du code civil,

° de constater que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'une faute des locataires,

- subsidiairement, si la Cour retenait que la présomption de responsabilité de l'article 1733 du code civil doit s'appliquer,

de dire que monsieur [H] est fondé à se prévaloir de la force majeure résultant du caractère criminel de l'explosion à l'origine de l'incendie, et que sa responsabilité n'a pas lieu d'être engagée,

- d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté les locataires de leurs demandes d'indemnisation et de condamner in solidum madame [E] et GROUPAMA Assurances à payer à :

° monsieur [H] la somme de 15.000 € en réparation de son préjudice moral,

° la MACIF, la somme de 11.110,48 € correspondant aux sommes réglées au titre des préjudices matériels,

- de condamner in solidum madame [E] et GROUPAMA Assurances aux entiers dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement de la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent notamment que l'article 1733 du code civil ne peut recevoir application dès lors que la destruction du bâtiment trouve son origine dans une explosion et non dans l'incendie, de telle sorte que la responsabilité des locataires ne peut être engagée que sur le fondement de l'article 1732 du code civil à charge de prouver une faute à leur encontre ; que l'enquête de police a exclu l'existence d'une telle faute à l'origine directe du dommage et a établi l'origine criminelle de l'incendie ; que le caractère criminel du sinistre constitue une cause étrangère exonérant les locataires de leur responsabilité si l'application de l'article 1733 du code civil est retenue, aucune négligence ni aucune faute n'étant par ailleurs établie à leur encontre en lien avec le sinistre ; que le caractère conjoint de la jouissance du logement entre madame [E] qui possédait un double des clés, et ses locataires exclut la présomption de responsabilité du locataire ; qu'il appartenait à madame [E] de procéder au changement du tuyau d'alimentation en gaz de la gazinière qui était périmé depuis plusieurs années lors de l'entrée dans les lieux des locataires ; que la réparation du préjudice corporel de madame [E] ne peut être fondée sur l'article 1733 du code civil et suppose que soit rapportée la preuve d'une faute des locataires conformément à l'article 1384 alinéa 2 du code civil ; que GROUPAMA Assurances ne justifie pas de la nature de ses droits sur la somme réclamée en tant qu'organisme social et n'établit pas la faute des locataires.

Par leurs dernières conclusions déposées le 31 août 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, monsieur [K] et la MAIF demandent à la Cour, au visa des articles 1732 et 1733, 1719 et suivants du code civil :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté madame [E] et GROUPAMA de l'ensemble de leurs demandes,

- de dire que les dégradations subies par madame [E] sont la conséquence de l'explosion, que les effets de l'incendie qui n'a été que la conséquence de l'explosion due notamment à une fuite de gaz, sont indissociables des dégâts dus à l'explosion et que l'article 1733 du code civil n'est pas applicable,

- de dire que les dégradations et pertes subies par madame [E] du fait de l'explosion ont eu lieu sans faute aucune des locataires et que ses demandes et celles de GROUPAMA ne peuvent prospérer sur le fondement de l'article 1732 du code civil,

- de dire que les dommages corporels subis par le propriétaire ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1733 du code civil et impliquent la preuve de la faute du locataire qui n'est pas rapportée, que les demandes de GROUPAMA au titre des frais médicaux et de madame [E] en réparation de son préjudice corporel sont infondées, qu'en outre GROUPAMA n'a pas qualité pour agir, les assurances de personne qui n'ont pas de caractère indemnitaire n'ouvrant pas droit à recours subrogatoire de l'assureur,

- subsidiairement, si l'article 1733 du code civil est retenu comme étant applicable :

° de dire que l'incendie est arrivé par cas fortuit et que monsieur [K] peut se prévaloir d'une des causes d'exonération de responsabilité édictée par ce texte,

° de mettre hors de cause les concluants,

- à titre très subsidiaire, de dire que la responsabilité de monsieur [K] ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil dès lors qu'il était contractuellement lié à madame [E], et qu'il n'a en tout état de cause, commis aucune faute à l'origine du préjudice subi par madame [E], de mettre en conséquence hors de cause les concluants,

- reconventionnellement, en application de l'article L 121-12 du code des assurances, et au visa de la quittance subrogative en date du 29 octobre 1997, de constater que la responsabilité de madame [E] est engagée en raison d'un défaut d'entretien en raison de l'absence de remplacement du tuyau de gaz, de condamner in solidum madame [E] et GROUPAMA à payer à :

° la MAIF la somme de 4.870,75 €, correspondant à l'indemnisation versée à monsieur [K] au titre des dommages mobiliers subis,

° monsieur [K], la somme de 2.000 € en réparation de son préjudice moral,

- en tout état de cause, de condamner tous succombant aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu'à payer aux concluants la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 19 juillet 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, la MAE auprès de laquelle messieurs [K], [Z] et [J] avaient souscrit une police d'assurance multirisque, soutient notamment que l'article 1733 du code civil est applicable au litige, l'explosion ayant été suivie d'un incendie ; que ce texte s'applique uniquement aux dommages causés aux bâtiments loués et non aux dommages corporels et que madame [E] ne démontre pas la faute commise par les locataires en relation de causalité avec son dommage ; que la police souscrite auprès de la concluante ne couvre que les dommages immobiliers ou mobiliers et pas les dommages corporels ; que l'explosion suivie d'un incendie d'origine criminelle est constitutive d'un cas de force majeure pour les locataires auxquels ne peut être reprochée aucune négligence en lien avec le dommage ; que GROUPAMA ne démontre pas le caractère indemnitaire des prestations dont elle sollicite le remboursement ; que les dommages proviennent outre d'un acte criminel, d'un défaut d'entretien imputable au bailleur.

Elle demande à la Cour au visa des articles 1733, 1719 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté madame [E] et GROUPAMA de l'ensemble de leurs demandes,

- faire droit à son appel incident et réformer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la concluante de ses demandes d'indemnisation des préjudices matériels et moraux des locataires,

- condamner in solidum madame [E] et GROUPAMA à payer à la concluante :

° la somme de 1.494 € correspondant au montant de l'indemnité réglée par elle à messieurs [K] et [Z] au titre de leurs dommages aux biens,

° la somme de 747 € réglée par elle à la MACIF subrogée dans les droits de monsieur [H],

et dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la demande,

- condamner tout succombant aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [J], assigné conformément à l'article 659 du code de procédure civile par acte d'huissier en date du 3 août 2010, monsieur [Z], assigné à domicile par acte d'huissier en date du 2 septembre et la MSA, assignée à personne habilitée par acte d'huissier en date du 20 août 2010, n'ont pas constitué de représentant devant la Cour.

Par courrier en date du 4 février 2008, la MSA avait toutefois avisé précédemment la Cour qu'elle n'avait aucune créance à présenter, madame [E] ne relevant pas de son organisme pour le risque accident.

La clôture de la procédure est en date du 21 février 2012.

Motifs de la décision :

Il sera statué par décision par défaut, en application de l'article 474 du code de procédure civile, toutes les parties défaillantes n'ayant pas été assignées à personne.

Il résulte de l'enquête de police diligentée qu'à la suite de l'explosion suivie d'un incendie, le premier étage de la maison a été dévasté par le souffle de l'explosion et par le feu, qu'un pan de mur s'est effondré, tandis qu'au rez-de-chaussée, les portes, fenêtres et volets sont restés en place et non brisés, l'intérieur étant noirci ; que sur la façade Ouest, qui ne comportait aucune ouverture, existait un réduit maçonné ouvert contenant deux bouteilles de gaz butane couplées à un dispositif d'alimentation traversant le mur par un tuyau métallique gainé, l'une des bouteilles étant vide et l'autre contenant environ 1 à 2 kg de gaz, les robinets étant fermés, tuyau auquel était raccordé dans la cuisine un tuyau caoutchouc souple marqué 'Normagaz à remplacer avant 1993", en bon état apparent, dont le branchement à une cuisinière mixte était intact ; qu'après réouverture des bouteilles de gaz extérieures pour procéder à un test, il n'a été constaté aucune odeur de gaz sur les raccordements ou au niveau de la cuisinière ; que lors du déblaiement effectué par les sapeurs pompiers, ont été trouvées une trentaine de bombes de peinture sous pression ainsi qu'un petit compresseur d'aérographie, qui servaient aux locataires, étudiants en design, pour leurs maquettes et leurs projets réalisés dans la salle commune ; qu'ont été également découverts plusieurs jerricans ayant contenu un mélange d'hydrocarbures composé de carburant pour automobile et de gasoil, mélange de même nature que celui mis en évidence comme ayant été utilisé comme accélérant dans l'incendie, sans que puisse cependant être établie une même origine ;

que la destruction de la maison a été provoquée par l'explosion d'un important volume de gaz résultant de l'évaporation dans la maison de liquides inflammables répandus sur les meubles et sols des deux niveaux de l'habitation, puis mis à feu d'une manière indéterminée ;

qu'aucune trace d'effraction n'a été constatée sur la porte principale et les fenêtres et volets qui étaient soit intacts, soit partiellement détruits mais tous en position fermée ;

que lors de l'explosion, les quatre colocataires, étudiants, étaient absents car passant leurs examens de fin d'année à [Localité 17].

Ces éléments et les conclusions de l'enquête quant aux causes de l'explosion permettent de retenir le caractère criminel de l'explosion suivie de l'incendie, même si l'instruction n'a pas permis d'en identifier le ou les auteurs ;

par ailleurs, ils ne mettent en évidence aucun rôle causal dans le déclenchement de l'explosion et de l'incendie susceptible d'avoir été joué par les bombes de peinture utilisées par les colocataires, ou par le tuyau d'alimentation en gaz périmé de la cuisinière dont le remplacement incombait à madame [E] puisque la date de péremption mentionné sur le tuyau était antérieure à l'entrée dans les lieux de messieurs [H], [K], [Z] et [J] dont les baux étaient à effet du 1er septembre 1996 ;

ils ne caractérisent pas davantage de manquement de la part de ces derniers à leurs obligations locatives quant à la protection des locaux ou à l'utilisation de ceux-ci.

Par ailleurs, ils établissent que la destruction de l'étage a été consécutive à la fois au souffle de l'explosion et au feu de l'incendie.

Il en résulte que la responsabilité des colocataires à l'égard de leur bailleur concernant les dommages matériels, ne peut être recherchée que sur le fondement de l'article 1733 du code civil, qui dispose que le preneur répond de l'incendie à moins qu'il ne prouve que celui-ci est arrivé par cas fortuit ou force majeure ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine, l'article 1384 alinéa 2 du code civil n'étant pas applicable dans les rapports entre bailleur et locataire et l'article 1732 du code civil ne pouvant davantage être invoqué dès lors que les dommages sont consécutifs au moins pour partie à l'incendie ;

la possession d'une clé du logement par madame [E] qui lui permettait d'y pénétrer notamment en l'absence de ses locataires, ce qu'elle était en train de faire selon ses déclarations lorsque l'explosion s'est produite, ne permet pas pour autant de retenir l'existence d'une jouissance conjointe du logement entre le bailleur et les colocataires, madame [E] n'occupant pas une partie des locaux et n'en ayant pas la libre disposition ;

l'application de l'article 1733 susvisé ne saurait donc être écartée pour ce motif.

L'origine criminelle du sinistre est toutefois constitutive d'une force majeure pour messieurs [H], [K], [Z] et [J], l'incendie ayant été pour eux un fait imprévisible, irrésistible et extérieur, aucune négligence susceptible d'avoir facilité l'incendie n'étant caractérisée à leur encontre.

GROUPAMA Alpes Méditerranée doit en conséquence être déboutée de sa demande au titre du préjudice immobilier.

GROUPAMA Alpes Méditerranée et madame [E] ne peuvent par ailleurs fonder leurs demandes respectives au titre du préjudice corporel subi par celle-ci, sur l'article 1733 du code civil qui ne s'applique qu'aux dégradations consécutives à un incendie affectant le bien loué.

Si en application de l'article L 131-2 du code des assurances, GROUPAMA Alpes Méditerranée est recevable à solliciter le remboursement des frais médicaux exposés pour le compte de madame [E] correspondant aux frais d'hospitalisations, aux honoraires médicaux et de kinésithérapie, aux frais de cures, aux frais de transport qui constituent des prestations à caractère indemnitaire, sa demande et celle de madame [E] doivent être déclarées non fondées, faute de démonstration de l'existence d'une faute des colocataires en lien de causalité avec le sinistre et les blessures de madame [E], aucun élément ne permettant de retenir que les bombes de peinture auraient contribué à l'explosion ou à l'incendie, et le changement du tuyau de gaz n'incombant pas aux locataires.

La MACIF et monsieur [H], la MAIF et monsieur [K] et la MAE doivent également être déboutés de leurs demandes respectives fondées sur l'article 1719 du code civil, aucun élément de l'enquête ne permettant de retenir que l'absence de changement du tuyau de gaz ait contribué à l'explosion ou à l'incendie.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant déclaré irrecevable la demande de GROUPAMA Alpes Méditerranée au titre des frais médicaux, cette demande étant recevable mais non fondée.

GROUPAMA Alpes Méditerranée et madame [E] succombant en leurs prétentions et étant à l'origine de la saisine de la Cour, supporteront les dépens et seront déboutées de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de les condamner à payer à monsieur [H] et la MACIF in solidum, à monsieur [K] et la MAIF in solidum, ainsi qu'à la MAE la somme de 2.000 € chacun sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par décision par défaut,

Confirme la décision du tribunal de grande instance de Toulon en date du 14 décembre 2006, excepté en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de GROUPAMA Alpes Méditerranée au titre des frais médicaux.

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Déclare recevable mais non fondée la demande de GROUPAMA Alpes Méditerranée au titre des frais médicaux.

Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes respectives.

Condamne in solidum GROUPAMA Alpes Méditerranée et madame [E] aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne in solidum GROUPAMA Alpes Méditerranée et madame [E] à payer à monsieur [H] et la MACIF in solidum, à monsieur [K] et la MAIF in solidum, ainsi qu'à la MAE la somme de 2.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute GROUPAMA Alpes Méditerranée et madame [E] de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 10/05978
Date de la décision : 28/03/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°10/05978 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-28;10.05978 ?
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