COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 27 MARS 2012
jlg
N° 2012/
Rôle N° 10/14240
SCI GROUPEMENT FONCIER RURAL ALEXANDRA
C/
Société GRT GAZ
Grosse délivrée
le :
à :
la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER
la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 10 Juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/10506.
APPELANTE
SCI GROUPEMENT FONCIER RURAL ALEXANDRA, dont le siège social est [Adresse 3] et prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège ,
représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Henri GAS, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Société GRT gaz , prise en la personne de son représentant légal , pris en son établissement GRT gaz région Rhône Méditerranée , [Adresse 1] ,, demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de la SCP SCAPEL & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Lucie COUZINIER, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2012,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Par arrêté du 27 novembre 2003, le préfet du Var a autorisé la construction et l'exploitation par Gaz de France, d'une canalisation de transport de gaz « Le Val- La Garde » en tubes d'acier de 250 mm.
Par acte notarié des 30 juillet et 4 août 2004, la SCI Groupement foncier rural Alexandra (le GFR Alexandra) a consenti à la société GDF, aux droits de laquelle vient la société GRTgaz, une servitude grevant sa propriété de Forcalqueiret sur une bande d'une largeur de 6 mètres pour l'implantation en tréfonds de cette canalisation d'un diamètre de 250 mm, moyennant le paiement d'une indemnité de 8 636,40 euros.
Cette convention, qui renvoie au protocole conclu le 26 février 2004 entre la profession agricole et Gaz de France, prévoyait en outre l'indemnisation des dommages aux cultures ainsi que celle du bois abattu, un état des lieux après travaux devant permettre de déterminer la nature et la consistance exacte de ces dommages.
La société GRTgaz a payé au GFR Alexandra une indemnité de 8 707 euros pour les dommages aux cultures le 22 décembre 2004, ainsi qu'une indemnité de 27 023 euros pour bois abattu le 29 avril 2005.
Une canalisation d'un diamètre de 273 mm a été posée.
Par acte du 16 décembre 2009, le GFR Alexandra a assigné la société GRTgaz en paiement de la somme de 24 772 euros.
Par jugement réputé contradictoire en date du 16 décembre 2009, le tribunal de grande instance de Draguignan l'a débouté de cette demande et l'a condamné aux dépens.
Le GFR Alexandra a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 juillet 2010.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 janvier 2012, il demande à la cour :
-de réformer le jugement entrepris,
-de condamner la société GRTgaz à lui payer :
-la somme de 24 772 euros avec intérêts de droit à compter du 5 septembre 2006,
-la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
-la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-de la condamner aux dépens.
Il expose que par lettre du 26 juin 2006, il a demandé à la société GRTgaz le paiement d'un solde 24 772 euros au titre de l'indemnité pour dommages aux cultures et que celle-ci a acquiescé à sa demande par lettre du 5 juillet 2006.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 6 janvier 2012, la société GRTgaz demande à la cour :
-de confirmer le jugement déféré,
-de constater que le GFR Alexandra rendant impossible l'exécution de la convention instituant une servitude de passage d'une canalisation de transport de gaz, a expressément renoncé à se prévaloir des stipulations de la convention de servitude relatives au paiement éventuel d'une indemnité complémentaire pour dommages aux cultures après achèvement des travaux,
-de lui donner acte du paiement d'une indemnité de 8 707 euros pour dommages aux cultures et d'une indemnité de 27 023 euros relative au bois coupé,
-de constater qu'aucun état des lieux contradictoire n'a pu être réalisé du seul fait des agissements du GFR Alexandra,
-de débouter la GFR Alexandra de l'intégralité de ses demandes,
-de constater que par jugement du 26 juin 2011, le tribunal administratif de Toulon a confirmé la légalité de l'arrêté du préfet du Var du 25 mars 2009, instituant une servitude administrative de passage d'une canalisation de gaz sur les parcelles du GFR Alexandra,
-de dire et juger, en conséquence, que le GFR Alexandra ne peut prétendre au paiement d'une indemnité complémentaire,
-en tout état de cause,
-de condamner le GFR Alexandra à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle expose :
-que le GFR Alexandra, estimant que la pose d'une canalisation d'un diamètre de 273 mm équivaut à un renforcement de 19,24 % du débit de la canalisation contractuelle, lui a, par lettre du 7 juillet 2005, demandé le paiement d'un péage annuel équivalent à la moitié du bénéfice retiré,
-qu'elle lui a répondu, par lettre du 28 juillet 2005, que le diamètre extérieur de 273 correspondait au diamètre nominal de 250 ayant permis de définir la bande grevée de servitude et qu'il n'y avait par conséquent pas lieu de remettre en cause l'indemnité de 8 636,40 euros,
-que le préfet du Var ayant, par arrêté du 14 novembre 2005, rectifié son arrêté du 27 novembre 2003 et dit qu'au lieu de lire « tubes d'acier de 250 mm », il avait lieu de lire « tubes d'acier DN 250 (diamètre extérieur 273 mm) », elle a, par courrier du 24 novembre 2005, demandé au GFR Alexandra de signer un avenant à la convention de servitude afin de la mettre en conformité avec cet arrêté,
-que ce dernier ne lui a jamais répondu et l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Draguignan pour qu'elle soit condamnée à retirer la canalisation,
-que par arrêté du 19 octobre 2007, le préfet du Var a déclaré d'utilité publique les travaux de pose de la canalisation « le Val-La Crau », que par un autre arrêté du même jour il a autorisé la construction de cette canalisation, et qu'après enquête d'utilité publique, il a, par arrêté du 25 mars 2009, établi les servitudes de passage nécessaires à la canalisation de transport de gaz « Le Val-La Crau », notamment sur le terrain de GFR Alexandra,
-que par jugement du 23 juin 2011, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête du GFR Alexandra tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2009.
Elle fait valoir :
-que par son courrier du 7 juillet 2005, la GFR Alexandra a manifesté sa volonté non équivoque de conditionner la régularisation de la servitude conventionnelle et donc des clauses d'indemnités qu'elle comporte, au paiement d'un péage annuel,
-qu'il a réitéré cette manifestation de volonté, d'abord, dans son courrier du 25 avril 2006 par lequel elle a conditionné expressément l'établissement d'un état des lieux contradictoire, indispensable pour déterminer si une indemnité complémentaire pouvait être due, au prétendu respect de la convention de servitude, ensuite, en l'assignant en suppression de la canalisation,
-qu'en tout état de cause, le versement de l'indemnité complémentaire pour dommages aux cultures a été contractuellement conditionné à la réalisation d'un état des lieux contradictoire après travaux, et que cet état des lieux n'a pu avoir lieu du fait exclusif du GFR Alexandra.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2012.
Motifs de la décision :
Attendu qu'en ayant réclamé à la société GRTgaz une indemnité complémentaire après lui avoir rappelé que la canalisation implantée dans le sous-sol de son fonds était d'un diamètre supérieur à celui contractuellement prévu, puis conditionné l'établissement de l'état des lieux après travaux au remplacement de cette canalisation par une canalisation d'un diamètre extérieur de 250 mm, et enfin demandé ce remplacement en justice, le GFR Alexandra a manifesté sa volonté de faire respecter les termes de la convention des 30 juillet et 4 août 2004, et non de renoncer à se prévaloir des stipulations de celle-ci relatives au paiement d'une indemnité complémentaire pour dommages aux cultures après achèvement des travaux ;
Attendu que par lettre du 26 juin 2006, le GFR Alexandra a demandé à la société GRTgaz de lui faire parvenir, sans attendre l'établissement de l'état des lieux de fin de chantier, la somme de 24 772 euros représentant le solde dû pour les dégâts aux cultures dans les parcelles boisées, et ce, sur la base de surfaces mesurées par M. [M] qu'elle avait chargé de surveiller les travaux ;
Attendu que par lettre du 5 juillet 2006, la société GRTgaz lui a répondu qu'elle avait « validé la surface établie par Monsieur [M] de Provence Forêt (37 800 m²) pour une somme restant due de 24 772 € », mais que ce complément d'indemnisation ne pourrait intervenir « qu'une fois l'état des lieux final établi et signé contradictoirement » ; que par lettre du 5 novembre 2007, elle a réitéré son accord pour une indemnisation complémentaire de 24 772 euros, mais a encore subordonné le paiement de cette somme à l'établissement d'un état des lieux final, en précisant que celui-ci ne pourrait avoir lieu « qu'après actualisation de la convention amiable des 30 juillet et 4 août 2004 » ;
Attendu que si l'état des lieux de fin de travaux permet de fixer le montant de l'indemnité complémentaire due par la société GRTgaz au propriétaire du fonds servant après constatation contradictoire des dommages réellement occasionnés par les travaux, ni le protocole du 26 février 2004 ni la convention des 30 juillet et 4 août 2004 ne font de son établissement une condition préalable au paiement de cette indemnité lorsque le montant de celle-ci a été fixé par les parties d'un commun accord comme c'est le cas en l'espèce ; qu'il convient donc de faire droit à la demande du GFR Alexandra et de condamner la société GRTgaz à lui payer la somme de 24 772 euros qui ne produira toutefois intérêts au taux légal qu'à compter de l'assignation valant mise en demeure ; qu'en effet, la constatation du retard, conjointement par les parties, à compter de laquelle ces intérêts auraient pu courir en application de l'article 5.1.1 du protocole du 26 février 2004, n'a pas eu lieu ;
Attendu que la mauvaise foi de la société GRTgaz n'étant pas établie, le GFR Alexandra sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
Par ces motifs :
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne la société GRTgaz à payer à la SCI Groupement foncier rural Alexandra, la somme de 24 772 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2009,
Déboute la SCI Groupement foncier rural Alexandra de sa demande de dommages et intérêts,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société GRTgaz à payer la somme de 2 000 euros à la SCI Groupement foncier rural Alexandra,
Condamne la société GRTgaz aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT