COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 27 MARS 2012
N°2012/331
Rôle N° 10/13000
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
C/
[M] [O]
SYNDICAT DES MEDECINS D'[Localité 4] ET REGION
DRJSCS
Grosse délivrée le :
à :
SCP LAFARGE FLECHEUX CAMPANA, avocats au barreau de PARIS
Me Thibaud VIDAL, avocat au barreau d'Aix-en-Provence
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 04 Juin 2010,enregistré au répertoire général sous le n° 21002067.
APPELANTE
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP LAFARGE FLECHEUX CAMPANA, avocats au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur [M] [O], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Thibaud VIDAL, avocat au barreau d'Aix-en-Provence
SYNDICAT DES MEDECINS D'[Localité 4] ET REGION, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Thibaud VIDAL, avocat au barreau d'Aix-en-Provence
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
DRJSCS, demeurant [Adresse 1]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Martine MATHIEU-GALLI, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Madame Florence DELORD, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2012
Signé par Madame Martine MATHIEU-GALLI, Conseiller et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Syndicat des médecins d'[Localité 4] en Provence et région (SMAER) et le docteur [M] [O] ont assigné en référé la Caisse Primaire d'Assurance Maladie devant le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône aux fins de rendre opposable aux organismes de sécurité sociale la reconnaissance de la spécialité « médecin spécialiste en médecine générale », de permettre ainsi de facturer les feuilles de soin en usant de la clé « CS », et en conséquence de faire constater en l'espèce :
- que la caisse a, jusqu'au 3 juillet 2009, remboursé les feuilles de soins comme des actes côtés « C », cotation d'un médecin sans spécialité (22 € au lieu de 23 €),
- qu'après le 3 juillet elle a toutefois cessé tout remboursement, y compris pour la partie non sérieusement contestable de la cotation,
- que ce refus porte sur 279 feuilles de soins, représentant la somme de 6 529,86 €.
Le Tribunal par ordonnance en date du 4 juin 2010, a notamment dit que la créance du docteur [M] [O] à l'égard de la CPAM des Bouches du Rhône n'est pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 6 138 €, et condamné l'organisme au paiement de cette somme au docteur [M] [O] avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2010.
La caisse a relevé appel de cette décision, le 9 juillet 2010.
Le conseil de l'appelant expose notamment sur le fond que les demandes formées par le docteur [O] se heurtent à une contestation sérieuse, que la jurisprudence établie a rejeté l'ensemble des demandes de remboursement dés lors que les feuilles de soins n'étaient pas en conformité avec la codification et la tarification qui leur était applicable, que la preuve de la bonne foi de la caisse est apportée en raison du remboursement par celle-ci de 247 feuilles de soins sur les 279 accordées par le juge des référés, et ce bien qu'elles étaient toujours cotées « CS ».
Il sollicite ainsi, que son appel soit déclaré recevable, l'infirmation de l'ordonnance déférée, et notamment le remboursement par le docteur [O] de l'intégralité des sommes indûment versées par la caisse s'élevant au montant de 6 152,72 €.
Il sollicite également une somme à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté le SMAER et le docteur [O] entendent notamment, au principal soulever l'irrecevabilité de l'appel de la caisse, subsidiairement au fond obtenir la confirmation de l'ordonnance du 4 juin 2010, en toute hypothèse démontrer que la demande de la caisse est abusive et solliciter une somme à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
La DRJSCS régulièrement convoquée n'a pas comparu.
SUR CE
Sur la recevabilité de l'appel de la caisse
Attendu que le SMAER et le docteur [O] soulèvent l'absence de respect des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile ; qu'en l'occurrence, l'absence de pouvoir du représentant de la caisse entraîne la nullité de la déclaration d'appel ;
Qu'ils rappellent qu'aux termes de l'article R 221-10 alinéa 5 du code de la sécurité sociale, c'est le seul directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie qui représente la caisse en justice ou bien un agent de direction désigné préalablement à cet effet par le directeur général ;
Qu'ils exposent que le directeur général est [W] [Y] ; que pourtant la déclaration d'appel, jointe en procédure, est effectuée par un nommé [U] [N] dont ne sont communiqués ni la fonction, ni surtout la désignation préalable au titre de représentant du directeur général ; qu'il est à noter que le procès verbal de cette déclaration d'appel, portant la date du 9 juillet 2010, mentionne que seule « une copie de la décision contestée a été jointe à la demande » ;
Attendu qu'en réponse, la caisse fait valoir un courrier du 8 juillet 2010, signé par [W] [Y], par lequel ce dernier « entend relever appel de la décision rendue en référé le 1er juin 2010 » ; qu'elle ajoute que c'est « la déclaration d'appel signée le 8 juillet 2010 sur laquelle le greffe s'est appuyé pour établir le PV susvisé » ;
Attendu alors que le docteur [O] affirme que la présence de cette lettre n'est aucunement mentionnée dans le procès verbal du greffe ; que la caisse aurait « pris la précaution de faire tamponner un double de cette lettre par le greffe ' » ; que cette lettre est ainsi créée pour les besoins de la cause et que nul ne peut se constituer de preuve à soi même ;
Attendu toutefois que l'examen de la lettre du 8 juillet 2010 produite en procédure, fait ressortir le tampon délivré par le secrétariat greffe de la cour d'appel d'Aix en Provence, service des déclarations d'appel, et portant la date du 9 juillet 2010 ;
Attendu qu'il y a lieu de considérer que la recevabilité de l'appel de la caisse ne peut donc être contestée à l'examen de ce dernier document ;
Attendu en conséquence qu'il convient de considérer que l'appel de la caisse doit être déclaré recevable ;
Sur le fond
Sur la recevabilité du SMAER
Attendu que la caisse fait observer que, bien que le SMAER soit représenté par un avocat, il ne peut agir en justice que s'il est représenté par une personne physique munie d'un mandat spécial établi pour l'action en cause ;
Attendu que l'examen du pouvoir donné au docteur [M] [O] fait apparaître une décision émanant du « conseil d'administration du mercredi 27 avril 2005 », rédigée en ces termes : « le syndicat des médecins d'[Localité 4] et région charge [M] [O] de saisir chaque fois que nécessaire toutes les juridictions compétentes », et signée par neuf personnes dont les identités sont précisées ;
Qu'il en résulte, que c'est à juste titre que le premier juge a apprécié cette pièce comme un mandat spécial à agir, que la représentation du syndicat des médecins en justice est régulière, et que le SMAER est donc recevable en son action ;
Sur le fond des demandes en référé
Attendu que conformément aux dispositions de l'article R 142-21-1 du code de la sécurité sociale, le juge des affaires de sécurité sociale agissant en référé peut ordonner toutes mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ;
Attendu que la caisse a, jusqu'au 3 juillet 2009, remboursé les feuilles de soins adressés par le docteur [O] comme des actes côtés « C », cotation d'un médecin sans spécialité (22 € au lieu de 23 €), mais qu'après le 3 juillet elle a toutefois cessé tout remboursement, et que ce refus porte sur 279 feuilles de soins ;
Attendu que le fond du litige entre la caisse et le docteur [O] réside dans l'appréciation de l'opposabilité à l'assurance maladie de la décision du conseil national de l'ordre des médecins ayant reconnu au docteur [O] la spécialité de médecine générale ;
Attendu toutefois qu'au seul stade du référé, il apparaît que la cotation des feuilles de soin émanant du docteur [O] est régulière au moins à hauteur de la cotation « C », soit 22 € par consultation de médecine générale ;
Attendu en outre que l'incertitude sur la cotation applicable compte tenu des termes du texte de l'article 1er de l'arrêté du 1er juin 1994, a été levée depuis l'arrêt de la cour de cassation du 8 avril 2010 ; qu'ainsi il a été précisé que le généraliste doit s'entendre du praticien qui exerce la médecine générale, et le spécialiste du praticien qui exerce, à titre exclusif, une spécialité déterminée ; qu'en conséquence, un généraliste intervenant dans tous les domaines de la médecine ne peut être tenu pour un spécialiste pouvant seul prétendre à la cotation « CS » ;
Attendu qu'en l'espèce pour la période antérieure à la décision susvisée du 8 avril 2010, qui est celle concernée par le présent litige, l'incertitude sur la cotation applicable n'avait pas été levée ;
Qu'ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a dit que pour la période antérieure à l'arrêt du 8 avril 2010, la cotation pratiquée par le docteur [O] ne présente aucun caractère frauduleux ;
Attendu alors que le litige porte, tel que déjà précisé ci-dessus, sur 279 feuilles de soins ; que la créance non sérieusement contestable du docteur [O] s'élève en conséquence à 279 x 22 €, soit la somme de 6 138 € ;
Que c'est à juste titre que le premier juge a ordonné que cette somme soit versée par la caisse avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2010, date de l'assignation en référé valant mise en demeure ;
Attendu que la présente procédure révèle un contentieux complexe et ayant donné lieu à une jurisprudence abondante ; que l'abus de procédure ne peut être caractérisé que lorsque l'action n'est fondée sur aucun élément précis et déterminant et qu'elle est particulièrement malveillante ; que cela n'est manifestement pas le cas en l'espèce, tant de la part de la caisse que du docteur [O] ; qu'ainsi, les demandes formées réciproquement par les parties en dommages et intérêts du chef de procédure abusive seront rejetées ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône, contre l'ordonnance de référé du 4 juin 2010,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé prononcée le 4 juin 2010 par le Président du Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône,
Rejette toute autre demande des parties,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERMadame Martine MATHIEU-GALLI
Conseiller