COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 26MARS 2012
om
N° 2012/ 140
Rôle N° 09/08511
SCI LA CLEF DES CHAMPS
C/
Syndicat des copropriétaires RESIDENCE LE BEAU SEJOUR
Grosse délivrée
le :
à : la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY
SELARL BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de GRASSE en date du 21 Avril 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 11-08-566.
APPELANTE
SCI LA CLEF DES CHAMPS, pris en la personne de son gérant en exercice, Monsieur [L] [O]
demeurant C/O , Monsieur [L] [O] - [Adresse 15]
représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de M° Elsa GARCIA pour la SELARL MASQUELIER, avocats au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
Syndicat des Copropropriétaires de la RESIDENCE LE BEAU SEJOUR,[Adresse 14] représenté par son syndic en exercice le CABINET CAGI , dont le siège social est sis [Adresse 5],
représenté par la SELARL BOULAN CHEFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , constituée aux lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS
assisté de Me Jean-Yves LEPAUL, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Odile MALLET, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2012,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 29 août 2005 la SCI La Clef des Champs, propriétaire des parcelles cadastrées commune d'[Localité 13], section [Cadastre 9] et [Cadastre 11], a assigné la copropriété Résidence Le Beau Séjour, propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 12], aux fins de voir procéder au bornage de leurs fonds contigus.
Par jugement du 7 février 2006 le tribunal d'instance de Grasse a, avant dire droit, ordonné une expertise confiée à Monsieur [W].
L'expert a déposé son rapport le 18 juin 2007.
Par jugement du 21 avril 2009 le tribunal d'instance de Grasse a :
dit que la limite entre la propriété de la SCI La Clef des Champs, d'une part, et celle du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Beau Séjour d'autre part, sera fixée selon les points DCBF du plan dressé par Monsieur [W], annexé 5 de son rapport, et que les limites de la propriété de la résidence Le Beau Séjour sont en cet endroit les points AEFBCD,
ordonné la publication du jugement au fichier immobilier,
ordonné l'implantation de bornes selon les points AEFBCD et l'établissement d'un procès-verbal de bornage et désigné Monsieur [W] à cette fin,
débouté les parties de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles,
partagé les dépens, y compris les frais de l'expertise, pour moitié entre les parties.
Appel de ce jugement a été interjeté par la SCI La Clef des Champs.
Par arrêt du 4 avril 2011 cette cour a ordonné la production par le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Beau Séjour du titre de propriété afférent au lot n°15 de la dite copropriété.
Cette pièce a été communiquée le 3 mai 2011.
POSITION DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 5 décembre 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la SCI La Clef des Champs demande à la cour :
d'infirmer le jugement,
de dire et juger que la copropriété Le Beau Séjour n'a pas acquis par usucapion une partie de la parcelle [Cadastre 8],
de fixer la limite entre les fonds des parties conformément à la solution n°1 proposée par l'expert, soit selon une ligne passant par les points ABCD, tels qu'ils figurent dans le plan annexé au rapport d'expertise,
de débouter la copropriété Le Beau Séjour de toutes ses demandes,
de condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Beau Séjour aux dépens et au paiement d'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 16 septembre 2011 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Beau Séjour demande au contraire à la cour :
de dire que la parcelle cadastrée [Localité 13], section [Cadastre 11] est la propriété du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Beau Séjour et ordonner la publication du jugement au fichier immobilier,
de fixer la limite divisoire conformément à la seconde proposition de l'expert, soit selon les points FBCD,
subsidiairement, de dire que le syndicat des copropriétaires a acquis par prescription la parcelle [Cadastre 8] et fixer la limite entre les fonds selon les points AEFBCD tels qu'ils figurent sur le plan dressé par l'expert,
d'ordonner l'implantation des bornes selon les points AEFBCD et désigner Monsieur [W] à cet effet,
de condamner la SCI La Clef des Champs aux entiers dépens qui comprendront les frais de l'expertise et au paiement d'une somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur la limite séparative
Les parties sont en litige quant au tracé de la limite séparative en ce que chacune d'elles revendique la propriété d'un triangle de terre compris entre l'[Adresse 14] au nord et le bâtiment B constituant le lot n°15 de la résidence Le Beau Séjour au sud. Le triangle litigieux, qui sert de voie d'accès automobile au bâtiment B est inclus dans les documents cadastraux dans la parcelle [Cadastre 8].
Il y a donc lieu de rechercher laquelle des parties justifie du droit le plus probable et le meilleur au regard des titres, de la possession et des marques et indices.
L'analyse de la chaîne des titres translatifs de propriété permet de constater que les parties auraient eu un auteur commun, leurs fonds ayant appartenu à la Station Climatérique d'Altitude de Thorenc, ultérieurement dénommée SA Générale Immobilière et Hôtelière de France.
L'étude des titres de propriété fait apparaître que la SCI La Clef des Champs s'est vu attribuer la parcelle [Cadastre 8] pour 550 m² aux termes d'un acte du 11 juin 2001 emportant partage de la SCI Thorenc. Cette parcelle appartenait à la SCI Thorenc pour lui avoir été attribuée par acte du 20 mars 1998 contenant liquidation-partage de la RLG France Investissements. Cette dernière société en était propriétaire par suite de la fusion absorption de la SA Echo de Thorenc décidée par une assemblée générale du 15 juillet 1996. La société Echo de Thorenc avait acquis la parcelle [Cadastre 8] entre les mains de Madame [P] suivant acte en date du 31 mai 1977. Ce dernier acte précise à la rubrique 'origine de propriété' que Madame [P] était propriétaire de la parcelle [Cadastre 8] aux termes d'un procès-verbal d'adjudication du 2 mai 1935 emportant vente du lot numéro un d'un grand domaine rural.
L'examen des titres de la copropriété Le Beau Séjour et de ses auteurs permet de constater que suivant acte du 23 décembre 1961 l'association de Villepinte a vendu à la SCI des Alpes l'immeuble situé à [Localité 13] appelé 'le grand hôtel des Alpes' comprenant un bâtiment principal et un bâtiment annexe, outre un terrain attenant, le tout alors cadastré section [Cadastre 10], [Cadastre 1], [Cadastre 6] et [Cadastre 2]. L'acte du 23 décembre 1961 précise que le tout joint au nord la [Adresse 16], trottoirs compris et à l'ouest le ravin de la ravinette. Le 2 décembre 1965 les gérants de la SCI les Alpes ont établi un règlement de copropriété dans lequel il est précisé que le bâtiment annexe, dénommé bâtiment B, cadastré [Cadastre 6] et [Cadastre 2] pour 56 ares joint au nord le [Adresse 14] et à l'ouest un passage et le ravin de la ravinette. Par acte des 1, 3 et 15 décembre 1969 la SCI les Alpes a attribué à Madame [B] le lot n°15 composé du bâtiment B. Il est précisé qu'à ce lot est affecté la jouissance exclusive d'une voie d'accès au nord.
Si le titre de la SCI La Clef des Champs et ceux de ses auteurs font expressément référence à la parcelle [Cadastre 8], ceux de la copropriété Le Beau Séjour contiennent un descriptif incluant une portion de terre comprise entre la voie publique et le ravin de la ravinette. Cet espace correspondant au triangle litigieux. Il en résulte que les titres attribuent à chacune d'elles le triangle revendiqué.
Les investigations réalisées par l'expert ont permis de constater que la parcelle litigieuse correspond aux parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 4] du cadastre napoléonien et à une partie de la parcelle [Cadastre 7] du cadastre rénové de 1938. Au cadastre de 1982 figure la parcelle [Cadastre 8] qui est issue d'une division de la parcelle [Cadastre 7]. Cependant les services du cadastre n'ont pas été en mesure de fournir à l'expert les éléments se trouvant à l'origine de la création de la parcelle [Cadastre 8], en l'état d'un incendie survenu dans ses services en 1993. Or aucun acte de mutation ne vient expliquer les raisons pour lesquels il a été procédé à la division de l'ancienne parcelle [Cadastre 7] et à la création de la parcelle [Cadastre 8] dans sa configuration actuelle.
Le triangle de terre litigieux dépendant de la parcelle [Cadastre 8] est clôturé au nord, soit aux droits de l'avenue François Théas, à l'aide d'une grille avaloir puis un mur bahut surmonté d'un grillage et à l'ouest un mur de soutènement surmonté d'un grillage et il ressort de divers échanges de correspondance entre Monsieur [B] et la DDE que ces clôtures sont anciennes et existaient déjà en 1976/1977.
Toutefois les actes de possession dont il est fait état, à savoir la demande et l'obtention d'un arrêté d'alignement du 15 septembre 1969, les démarches effectuées auprès de la direction de l'équipement en 1976 en vue d'assurer la remise en état du mur de clôture, les travaux de drainage réalisés en 1977 et la pose de dallage en 1995 n'ont pas été accomplis par le syndicat des copropriétaires mais par Monsieur [B] en sa qualité de copropriétaire du lot n°15 de sorte que ledit syndicat ne justifie pas avoir accompli d'actes matériels de possession au nom et pour le compte de la copropriété.
La SCI La Clef des Champs ne justifie ni n'allègue avoir accompli des actes de possession sur la portion de terre litigieuse qui est séparée de son fonds par des murets et clôtures.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucune des parties ne démontre avoir acquis la propriété de l'espace revendiqué par l'effet de la prescription acquisitive. Si les titres de la SCI La Clef des Champs lui attribuent la totalité de la parcelle [Cadastre 8], la création de cette parcelle dans sa configuration actuelle ne résulte d'aucun acte mais uniquement d'une révision des plans opérée arbitrairement par les services du cadastre et il n'est pas démontré que ses auteurs étaient antérieurement propriétaires de la parcelle [Cadastre 7] dont est issue la parcelle [Cadastre 8]. En revanche les titres de la copropriété Le Beau Séjour ont, depuis l'année 1961, toujours précisé que son fonds avait pour limite, au nord la voie publique, soit la [Adresse 16] devenue l'[Adresse 14], trottoirs compris, et à l'ouest le ravin de la ravinette.
En conséquence la copropriété Le Beau Séjour justifiant du droit le meilleur et le plus probable, le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que la copropriété Le Beau Séjour était propriétaire d'une partie de la parcelle de terre [Cadastre 8] délimitée par les points AEFBCD, tels qu'ils figurent sur le plan correspondant à l'annexe 5 du rapport d'expertise, en ce qu'il a fixé la limite des fonds selon les points DCBF, ordonné la publication du présent jugement et l'implantation de bornes par les soins de Monsieur [W].
* sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile et partagé les dépens, y compris les frais de l'expertise, par moitié entre les parties, sauf à préciser que l'implantation des bornes aux points DCBF sera réalisée aux frais partagés par moitié entre les parties.
Echouant en son recours la SCI La Clef des Champs sera condamnée aux dépens d'appel et ne peut, de ce fait, prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile. A ce titre elle sera condamnée à payer à la copropriété Le Beau Séjour une somme de 2.000 €.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en date du 21 avril 2009 rendu par le tribunal d'instance de Grasse en toutes ses dispositions, sauf à préciser que l' implantation des bornes aux points DCBF sera réalisée aux frais partagés par moitié entre les parties.
Y ajoutant,
Déboute la SCI La Clef des Champs de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCI La Clef des Champs à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Beau Séjour une somme de deux mille euros (2.000,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCI La Clef des Champs aux dépens d'appel avec droit de recouvrement prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
le greffier le président