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22/03/2012 | FRANCE | N°10/15816

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 22 mars 2012, 10/15816


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 22 MARS 2012

FG

N° 2012/205













Rôle N° 10/15816







SCI MAHOGANY





C/



[D] [D]





















Grosse délivrée

le :

à :

SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON





SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY













Décision déféré

e à la Cour :







Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 15 Mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/5041.





APPELANTE





SCI MAHOGANY,

demeurant [Adresse 2]

prise en la personne de sa gérante Mme [C] [C] y domiciliée.





représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barr...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 22 MARS 2012

FG

N° 2012/205

Rôle N° 10/15816

SCI MAHOGANY

C/

[D] [D]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON

SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 15 Mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/5041.

APPELANTE

SCI MAHOGANY,

demeurant [Adresse 2]

prise en la personne de sa gérante Mme [C] [C] y domiciliée.

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Morad FALEK, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Mademoiselle [D] [D]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 9]

représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué (e) aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués, assistée de Me Lionel PIERRI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Florence PUJOL, avocat au barreau de GRASSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Février 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2012,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

Par acte authentique du 6 juillet 2007, Mlle [D] [D], venderesse, a vendu à la société civile immobilière SCI Mahogany, ayant son siège à [Localité 8], un bien immobilier sis à [Localité 6] consistant en un appartement en sous-sol et rez-de-chaussée, décrit comme ayant une surface de 58,38 m² avec la jouissance exclusive d'une 'courette' de 18,30 m², le tout correspondant au lot n°14 de l'ensemble immobilier en copropriété du [Adresse 3] cadastré section BP n°[Cadastre 5] d'une contenance cadastrale de 01a 59ca, moyennant le prix de 205.000 €.

La SCI Mahogany dit avoir découvert, après l'acquisition, une défaut du bien immobilier relatif à l'absence de raccordement au réseau d'assainissement et à passage des eaux usées dans un conduit d'évacuation des eaux pluviales dans une conduite traversant la cour et le garage.

Le 8 août 2008, la SCI Mahogany a fait assigner Mlle [D] [D] devant le tribunal de grande instance de Grasse en garantie des vices cachés, sur le fondement de l'article 1641 du code civil pour la voir condamner à lui payer la somme correspondant au coût des travaux de mise en conformité, soit 8.999,15 €.

Par jugement contradictoire en date du 15 mars 2010, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- débouté la SCI Mahogany de sa demande tendant à voir condamner Mlle [D] [D] à lui payer la somme de 8.999,15 € correspondant aux travaux d'installation d'une station de relevage sur la terrasse afin de relever les eaux usées aux égouts sur le palier,

- condamné la SCI Mahogany à payer à Mlle [D] [D] la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la SCI Mahogany à payer à Mlle [D] [D] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SCI Mahogany de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SCI Mahogany aux dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration de la SCP LIBERAS, BUVAT et MICHOTEY, avoués, en date du 23 août 2010, la SCI Mahogany a relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 19 septembre 2011, la SCI Mahogany demande à la cour d'appel, au visa des articles 1641, 1643 et 1645 du code civil, de :

- recevoir la SCI Mahogany en son appel et la dire bien fondée,

- faire droit à ses prétentions,

- condamner Mlle [D] à payer à la SCI Mahogany la somme de 8.999,15 € au titre de la garantie des vices cachés,

- condamner Mlle [D] à payer à la SCI Mahogany la somme de 5.000 € au titre de la réparation du préjudice subi,

- condamner Mlle [D] à payer la somme de 2.000 € à la SCI Mahogany sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mlle [D] aux entiers dépens.

La SCI Mahogany estime que le défaut de raccordement au réseau des eaux usées et le passage de ces eaux usées par une conduite d'évacuation des eaux pluviales dans la cour et le garage constituent un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil. Elle fait valoir que ce vice rend le bien impropre à son usage.

Elle considère que la clause de non-garantie ne peut s'appliquer alors que la venderesse avait connaissance du vice et a volontairement omis de l'indiquer.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 février 2012, Mlle [D] [D] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1641 et 1643 du code civil, 32-1 du code de procédure civile, de :

- débouter la SCI Mahogany de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement,

- condamner la SCI Mahogany au paiement d'une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la SCI Mahogany au paiement d'une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamner la SCI Mahogany aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP de SAINT-FERREOL TOUBOUL et de la SCP BADIE & SIMON-THIBAUD & JUSTON, avocats.

Mlle [D] estime que la gêne dont se plaint la SCI Mahogany n'est pas un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil, alors que ce défaut allégué ne rend pas le bien impropre à son usage. Elle considère que l'acquéreur fait une confusion entre vice caché et installation non conforme. Elle se prévaut de la clause de non-garantie, alors qu'il n'est pas établi qu'elle aurait eu connaissance de ce vice allégué.

L'instruction de l'affaire a été déclarée définitivement close, après nouvelle constitution faisant suite à la suppression de la profession d'avoué, d'accord des représentants ainsi constitués des parties, le 23 février 2012 , avant les débats.

MOTIFS,

En application de l'article 1641 du code civil le vice caché est un défaut caché de la chose vendue qui la rend impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il l'avait connu.

Le vice dont se plaint la SCI Mahogany est l'absence de raccordement de l'appartement au réseau d'assainissement collectif de la copropriété.

Il s'est avéré que cet appartement, situé en sous-sol et rez-de-chaussée, n'avait pas de raccordement à ce réseau, pour être situé en contrebas par rapport à celui-ci.

Malgré tout, l'appartement était raccordé, mais de manière illégale, non pas à un réseau d'assainissement mais au réseau, distinct, d'évacuation des eaux pluviales.

Cette situation d'absence de raccordement au réseau d'assainissement et de déversement des eaux usées dans le réseau d'eaux pluviales n'est pas contestée par Mlle [D].

Celle-ci, en tout état de cause, connaissait ce problème, comme le prouve notamment un courrier du syndic de la copropriété J-K Gestion à Mlle [D] du 4 juillet 2007 :'nous vous informons avoir des plaintes de la résidence sous-jacente au [Adresse 4], pour ce qui concerne l'évacuation des eaux usées de votre appartement...Il semblerait que votre prédécesseur ait exécuté des travaux à l'intérieur de son appartement et ait relié les évacuations d'eaux usées au réseau d'eaux pluviales, ce qui est formellement interdit ..nous vous serions reconnaissants de bien vouloir faire intervenir un plombier ..'

Cette situation était ancienne, bien antérieure à l'acquisition par la SCI Mahogany le 6 juillet 2007 et même antérieure à son acquisition par Mlle [D] qui n'en était propriétaire que depuis le 15 mars 2007, et n'en avait été propriétaire que du 15 mars au 6 juillet 2007, pendant moins de quatre mois.

Un courrier de la Ville de [Localité 6] à JK Gestion, syndic, en date du 16 mars 2004 se réfère à un contrôle du réseau de décembre 2002 : 'la Lyonnaise des eaux, fermière du réseau d'assainissement de la commune, a effectué le 4 décembre 2002 un contrôle des installations d'assainissement privées de l'immeuble cité en objet ([Adresse 3]) ..deux lettres vous ont été adressées, la première en date du 20/12/2002, et la deuxième en date du 26/09/2003 vous demandant l'exécution des travaux de mise en conformité des installations. Sauf erreur de notre part, vous n'avez pas réalisé les travaux demandés. Devant cet état de fait, je réitère ma demande de mise en conformité des installations de l'immeuble ...' .

Mlle [D] estime que ce défaut de l'appartement ne constitue pas un vice qui rendrait l'appartement impropre à son usage d'habitation ni qui en diminuerait tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il l'avait connu.

En matière de réglementation de la salubrité publique, il est bien distingué d'une part l'évacuation des eaux usées, d'autre part l'évacuation des eaux pluviales. Les deux catégories d'eaux ne doivent pas être mélangées et évacuées par des réseaux communs, alors que les eaux pluviales aboutissent sans traitement dans le milieu naturel, tandis que les eaux usées passent par une station d'épuration pour éviter la pollution des cours d'eau ou de la mer.

Les dispositions des articles L.1331-1 et suivants du code de la santé publique précisent cette réglementation.

Il se trouve que l'appartement litigieux, faute d'un raccordement des eaux usées au réseau adapté dispose, en violation des dispositions de santé publique, d'une évacuation des eaux usées par le réseau des eaux pluviales.

Seul cet appartement présentait ce défaut. Le reste de la copropriété est raccordé au tout-à-l'égout.

L'historique de la copropriété permet de constater qu'à l'origine ce qui constitue aujourd'hui le lot n°14 correspondait à cinq lots, le lot n°1 était considéré comme un réduit en sous-sol, les lots n°3 et n°4 étaient deux caves en sous-sol, le lot n°5 était un couloir au sous-sol et au rez-de-chaussée seul le lot n°2 était considéré comme un appartement de deux pièces cuisine.

Par acte du 15 mars 2007, les auteurs de Mlle [D], juste avant de lui vendre le bien, ont réuni les lots 1, 2, 3, 4 et 5 en un seul lot de copropriété, le lot n°14. Pour une grande partie, ces lots de copropriété ne correspondaient pas à une surface habitable avant le 15 mars 2007.

Cet immeuble en copropriété correspond à une maison de deux étages sur rez-de-chaussée et sous-sol qui a été découpée en 12 lots de copropriété par des précédents propriétaires le 20 mars 1971.

Il en ressort qu'à l'origine le sous-sol de cette maison ne correspondait visiblement pas à une surface habitable et que cette partie, située en contre-bas du réseau de tout-à-l'égout, n'avait de raison d'y être reliée. Le sous-sol, par réunion des caves et d'une pièce, est devenu un appartement autonome, mais sans raccordement au tout-à-l'égout.

Ce raccordement était en effet coûteux.

Il résulte de l'étude de la société SC. Surface Corrigée qu'il est nécessaire d'installer une station de relevage des eaux usées, ce qui représente, au vu du devis du 21 juin 2008 coût TTC de 8.999,15 €.

Une autre solution eût été un raccordement sur l'immeuble voisin, mais le propriétaire de l'immeuble voisin n'est pas obligé de l'accepter. En l'occurrence, il l'a clairement refusé.

Un précédent propriétaire s'est alors permis, en toute illégalité, d'installer un conduit pour déverser les eaux usées de l'appartement dans le conduit d'évacuation des eaux pluviales.

Pour cette raison, le propriétaire de l'appartement s'expose à ce que la collectivité fasse faire les travaux d'office aux frais du propriétaire, en application des dispositions du code de la santé publique.

Cette situation anormale et totalement illicite d'évacuation des eaux usées par le conduit d'évacuation des eaux pluviales est un vice caché, antérieur à l'acquisition, équivalente à une absence d'installation de tout-à-l'égout, et de nature à diminuer tellement l'habitatibilité des lieux que l'acheteur n'aurait pas acquis cet appartement, ou en tout cas n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il l'avait connue.

Il a été constaté plus haut que Mlle [D] avait parfaitement connaissance de ce vice au vu d'un courrier qui lui avait été adressé par le syndic.

Mlle [D] ne pouvait ignorer que la SCI Mahogany allait rapidement être mise en demeure de faire cesser cette situation illégale de déversement des eaux usées par le conduit des eaux pluviales. Elle ne peut s'abriter derrière la clause de non garantie des vices cachés figurant à l'acte alors qu'elle aurait dû, par loyauté, aviser l'acquéreur de la difficulté au lieu de la taire.

Mlle [D] doit sa garantie à la SCI Mahogany au titre de ce vice caché.

La SCI Mahogany ne demande pas la résolution de la vente mais une somme en moins value correspondant au coût des travaux pour faire disparaître ce vice.

Le devis de la société SC. 'Surface Corrigée' du 21 janvier 2008, avec station de relevage des eaux usées aboutit à coût TTC de 8.999,15 €.

Mlle [D] sera condamnée à payer cette somme à la SCI Mahogany

Il n'y a pas d'autre préjudice réel subi. Le préjudice de jouissance n'est pas caractérisé compte tenu de ce que le raccordement illégal n'a pas été coupé. La gêne subie correspond aux frais irrépétibles exposés par la SCI Mahogany et que Mlle [D] devra indemniser, plus les dépens.

La demande de Mlle [D] pour procédure abusive n'a aucun fondement au vu de ce qui vient d'être jugé.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 15 mars 2010 par le tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mlle [D] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau, et ajoutant,

Condamne Mlle [D] [D] à payer à la SCI MAHOGANY la somme de huit mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf euros et quinze centimes (8.999,15 €) au titre de la garantie d'un vice caché suite à la vente le 6 juillet 2007 d'un bien immobilier consistant en un appartement en sous-sol et rez-de-chaussée lot n°14 de l'ensemble immobilier en copropriété, [Adresse 3],

Dit ne pas y avoir lieu à condamnation à dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

Condamne Mlle [D] [D] à payer à la SCI MAHOGANY la somme de deux mille euros (2.000 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mlle [D] [D] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 10/15816
Date de la décision : 22/03/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°10/15816 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-22;10.15816 ?
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