COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 16 MARS 2012
N° 2012/168
Rôle N° 10/22643
SOCIETE FININ LIMITED
C/
[L] [S] divorcée [R]
CAISSE DU CREDIT MUTUEL AIX EN PROVENCE MIRABEAU
SARL ZYLI'S
Grosse délivrée
le :
à : la SCP BADIE - SIMON-THIBAUD et JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 16 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/3311.
APPELANTE
SOCIETE FININ LIMITED, venant aux droits de la BANQUE FININDUS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis, demeurant [Adresse 5]
représentée par la SCP BADIE - SIMON-THIBAUD et JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoué, plaidant par la SCP ROCHMANN- LOCHEN - FERRAND-TOMASI LUCAIOLI-LAPERLE, avocats au barreau de PARIS
INTIMEES
Madame [L] [S] divorcée [R]
née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean Michel SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de la SCP SIDER, avoué et plaidant par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE,
CAISSE DU CREDIT MUTUEL AIX EN PROVENCE MIRABEAU, prise en la personne de son représentant légal y domicilié, demeurant [Adresse 4]
défaillante
SARL ZYLI'S, prise en la personne de son représentant légal y domicilié, demeurant [Adresse 3]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Février 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Olivier BRUE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2012.
ARRÊT
réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2012,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Agissant en exécution d'actes notariés des 10 octobre 1990, portant convention de compte courant et 30 octobre 1991, délivrant une ouverture de crédit complémentaire, la société Finin Limited a fait pratiquer, le 7 mai 2010, des saisies attributions, à l'encontre de Madame [L] [S], pour les sommes de 675'921,41 € et de 673'792,98 €, entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel Aix-en-Provence Mirabeau et de la SARL Zyli's .
Par acte du 20 mai 2010, Madame [L] [S] a fait citer la société Finin Limited devant le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence, aux fins d'obtenir, l'annulation des procès verbaux des saisies attribution susvisées, ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 700 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 16 décembre 2010, le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence a ordonné la jonction des deux procédures, déclaré nul et de nul effet, le procès verbal de la saisie attribution pratiquée le 7 mai 2010, entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel Aix-en-Provence Mirabeau, ainsi que le procès verbal de la saisie attribution pratiqué le même jour entre les mains de la société Zyli's et dit n'y avoir lieu d'appliquer l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration au greffe de la Cour en date du 17 décembre 2010, la société Finin Limited a
relevé appel de cette décision.
Par ordonnance de référé du 24 février 2011, Le Premier président de la cour d'appel a ordonné le sursis à exécution de cette décision.
Par écritures déposées le 29 décembre 2011, la société Finin Limited conclut à la réformation du jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence et sollicite le débouté des demandes de Madame [L] [S]. Elle réclame sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 €, à titre de dommages et intérêts et celle de 7 500 €, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir que les procès verbaux de saisie attribution comportent un décompte distinct des sommes réclamées, en principal, intérêts et frais, conformément aux dispositions du décret du 31 juillet 1992 et qu'une simple erreur de calcul, n'affecte pas la validité de l'acte de saisie.
La société Finin Limited précise qu'il n'y a pas lieu de produire différents décomptes, puisque les deux actes notariés complémentaires consacrent une créance unique, relative à un même compte courant. Elle ajoute que Madame [L] [S] n'a jamais contesté le montant de la créance, notamment dans le cadre de la procédure de saisie immobilière diligentée à son encontre et qu'elle l'a même visé dans ses conclusions, déposées à l'occasion de plusieurs procédures judiciaires.
Elle souligne que sa créance résulte des relevés de comptes et des intérêts contractuels, sous déduction des versements effectués et soutient que la débitrice, parfaitement informée des sommes dues, ne justifie ainsi d'aucun grief pouvant découler de la prétendue imprécision du décompte et que la nullité des procès verbaux de saisie ne peut être prononcée, en application de l'article 114 du Code de procédure civile.
Selon elle, Madame [L] [S] ne peut plus soulever la question de l'opposabilité de la cession de la créance, dès lors que cette dernière a elle même été déclarée valable par plusieurs décisions de justice définitives et qu'il lui appartenait de faire valoir ses moyens dès le début de l'instance. Elle rappelle que la cession intervenue par acte notarié du 22 janvier 1998 et dont l'endossement, régulier en la forme a été constaté par acte notarié du 19 mars 2011, a été signifiée par voie de conclusions, dans le cadre de différentes procédures judiciaires, conformément aux dispositions de l'article 1690 du Code civil. Selon elle, la jurisprudence considère que l'éventuelle nullité de l'endossement d'une copie exécutoire à ordre n'affecte pas sa validité.
La société Finin Limited soutient que Madame [L] [S] n'est plus recevable en sa demande d'annulation de la procuration donnée à son époux le 6 février 1990, en l'état de l'arrêt définitif rendu le 11 mai 2000, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et compte tenu de la prescription de l'article 1304 du code civil.
Par conclusions déposées le 4 janvier 2012, Madame [L] [S] sollicite la confirmation du jugement déféré, et réclame la condamnation de la société Finin Limited à lui payer la somme de 3 000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle invoque la jurisprudence imposant l'établissement de décomptes distincts pour chaque titre exécutoire mis à exécution , ainsi que pour chaque somme réclamée et considère que l'absence de ces mentions substantielles entraîne l'annulation de la saisie. Elle expose que les conditions financières des deux actes de prêt visés par les procès verbaux de saisie sont différentes, signale que l'imputation des paiements partiels n'est pas précisée et qu'il n'est pas justifié que le taux unique de 4,84 %, mentionné dans les procès verbaux de saisie attribution, correspond à des stipulations contractuelles, issues des deux contrats.
Madame [L] [S] affirme que l'usage d'un compte courant unique, dont la clôture n'est pas démontrée, ne fait pas disparaître la pluralité des créances de la banque.
Elle estime que la nullité résultant de l'absence de décompte conforme à l'exigence de l'article 56 du décret du 31 juillet 1992 n'est pas subordonnés à l'existence d'un grief et qu'en tout état de cause, elle n'a pas été mise en demeure de comprendre le montant réclamé au titre des intérêts.
Madame [L] [S] considère que la cession de créance intervenue entre la banque Finindus et la société Finin Limited lui est inopposable, à défaut de production de l'acte constatant l'endossement dont les mentions sont irrégulières, au regard de la loi du 15 juin 1976 et qui n'a pas été notifié au notaire ayant reçu les actes de prêt, ni à la débitrice.
Elle fait observer que les décisions antérieurement rendues n'ont pas statué sur les moyens soulevés dans le cadre de la présente procédure.
La Caisse de Crédit Mutuel Aix-en-Provence Mirabeau et la SARL Zyli's n'ont pas constitué avocat, ni comparu à l'audience
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 janvier 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que la Caisse de Crédit Mutuel Aix-en-Provence Mirabeau et la SARL Zyli's, citées par actes remis à personnes habilitées, n'ont pas constitué avocat, ni comparu à l'audience ; qu'il sera statué par décision réputée contradictoire, en application de l'article 474 du Code de procédure civile ;
Attendu que l'article 56 du décret du 31 juillet 1992, relatif à l'acte de saisie attribution prévoit qu'il contient à peine de nullité, en son 2°, l'énonciation du titre exécutoire, en vertu duquel elle est pratiquée, et, en son 3°, le décompte distinct des sommes réclamées, en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir, dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ;
Attendu que les saisies attributions contestées indiquent être fondées, sur un acte notarié du 10 octobre 1990, portant au profit de Monsieur [T] [R] et de Madame [L] [S], son épouse, une ouverture de crédit de 900'000 F, accordée par la Banque Finindus, ainsi qu'un acte notarié du 30 octobre 1991, par lequel leur a été consentie une ouverture de crédit complémentaire de 400'000 F ;
Attendu que la seconde convention mentionne expressément, la reprise du solde débiteur correspondant à l'ouverture de crédit initiale, dont les agios sont arrêtés au 30 septembre 2011, outre intérêts courus depuis le 1er octobre 2011, l'ouverture de crédit complémentaire, sur le même compte courant, précisant que le solde débiteur ne peut être intérieur à 1'300'000 F et stipule que les sommes seront productives, à compter du 1er octobre 1991, d'intérêts calculés au taux proportionnel annuel, égal au taux moyen trimestriel du marché monétaire T4 M, majoré de 4,5 points ;
Que son exposé préalable précise que, suite à de nouveaux besoins de trésorerie, l'emprunteur a demandé à la banque, une prorogation et une augmentation de la facilité de caisse, accordée par acte du 10 octobre 1990 ;
Que la rubrique «convention de compte courant » stipule que la banque avait convenu, dès avant ce jour, avec l'emprunteur, d'y faire entrer les opérations à traiter ensemble, et notamment les prêts et ouvertures de crédit, destinés à se balancer, à la clôture du compte, en un solde seul exigible ;
Attendu que la créance est donc constituée par le solde du compte courant, auquel le taux défini dans un deuxième temps, se substituant au taux initial, est seul applicable ;
Attendu que l'existence d'un titre d'ouverture de crédit initial et d'un second acte authentique, portant complément d'ouverture de crédit, n'exige pas, en l'espèce, en présence d'une créance unique, l'établissement de deux décomptes distincts ;
Attendu qu'aucune disposition légale n'impose au créancier saisissant de faire figurer sur l'acte de saisie, le détail du calcul des intérêts, dès lors que leur point de départ est connu et que leur taux est déterminable ;
Attendu que Madame [L] [S] mentionne, dans ses propres conclusions, l'évolution dans le temps de ce taux spécifique, dont elle a donc parfaitement connaissance ;
Attendu que la débitrice ne conteste pas le calcul du montant des intérêts en lui-même ;
Qu'elle ne formule aucune contestation sur le montant du principal qui a été validé par jugement rendu le 2 mai 1996 par le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence, ayant débouté Madame [L] [S] de sa contestation d'un commandement aux fins de saisie vente, délivré à son encontre, le 23 mai 1995, pour la somme de 1'700'225,47 F, sur le fondement des mêmes titres ;
Qu'aucune critique du décompte détaillé de la créance, avec calcul des intérêts, au jour le jour, produit aux débats par la banque, n'a été formulée ;
Que dans son assignation en responsabilité délivrée le 9 mai 1997, Madame [L] [S] a expressément reconnu devoir à la Banque Finindus la somme de 2'536'702,50 F, outre intérêts postérieurs au 31 mars 1997 ;
Attendu que par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 20 novembre 1992, se référant aux actes authentiques précités, la banque Finindus a mis en demeure Monsieur [R] de régler sous 8 jours le solde exigible de 1'470'303,58 F;
Attendu que la délivrance d'un commandement de payer aux fins de saisie immobilière le 20 décembre 1993, sur le fondement des mêmes actes notariés de prêts a également rendu le solde du compte exigible;
Que Madame [L] [S] n'est pas fondée à exiger la justification de la clôture du compte courant ;
Attendu que le décompte intégré dans les procès verbaux de saisies attributions litigieux mentionne, de manière distincte, le principal de 397'523,76 €, et les intérêts au taux contractuel de 4,84 %, pour les sommes de 273'917,14 € et 1 265,11 € ;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu d'annuler les saisies attributions pratiquées le 7 mai 2010 à l'encontre de Madame [L] [S] ;
Attendu que l'article 56 du décret du 31 juillet 1992 exige seulement que l'acte de saisie attribution comporte l'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel elle est pratiquée, et non sa production, ni la remise d'un exemplaire de celui-ci ;
Attendu que Madame [L] [S] reconnaît l'existence de la cession de la créance, intervenue entre la banque Finindus et la société Finin Limited, constatée par acte authentique du 22 janvier 1998, constaté par attestation notariée versée aux débats ;
Qu'elle ne conteste pas en avoir reçu signification, par voie de conclusions, notifiées le 30 mars 1998, avec le bordereau de communication, visant l'extrait authentique susvisé, dans le cadre d'une procédure judiciaire antérieure, devant le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence, ce, conformément aux dispositions prévues par l'article 1690 du Code civil ;
Que celle-ci est donc bien opposable à Madame [L] [S] ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question de la régularité de la transmission par endossement, dès lors que la cession de créance est intervenue régulièrement et que la banque était titulaire d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible l'autorisant à faire pratiquer des saisies attributions, conformément aux dispositions de l'article 42 de la loi du 9 juillet 1991;
Attendu qu'il convient de constater que Madame [L] [S] n'a pas repris, en cause d'appel, le moyen tiré de la nullité de la procuration, par mandat délivré à son époux et de la nullité des actes authentiques subséquents des 10 octobre 1990 et 30 octobre 1991, fondant les mesures d'exécution contestées ;
Attendu que dans ces conditions, il convient de rejeter la demande d'annulation des procès verbaux, de saisies attributions établis, le 7 mai 2010, à l'encontre de Madame [L] [S], pour les sommes de 675'921,41 € et de 673'792,98 €, entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel Aix-en-Provence Mirabeau et de la SARL Zyli's ;
Attendu que le jugement est infirmé ;
Attendu que le caractère abusif de la procédure n'est pas établi ; que la demande en dommages et intérêts formée de ce chef par la société Finin Limited est rejetée ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile en l'espèce ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Reçoit l'appel comme régulier en la forme,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu d'annuler les procès verbaux, de saisies attributions établis, le 7 mai 2010, à l'encontre de Madame [L] [S], pour les sommes de 675'921,41 € et de 673'792,98 €, entre les mains de la Caisse de Crédit Mutuel Aix-en-Provence Mirabeau et de la SARL Zyli's,
Rejette les autres demandes,
Condamne Madame [L] [S] aux dépens, ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,