La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2012 | FRANCE | N°11/00938

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 14 mars 2012, 11/00938


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 14 MARS 2012



N°2012/ 274















Rôle N° 11/00938







SAS BOSTON SCIENTIFIC





C/



[N] [V] épouse [Y]































Grosse délivrée le :



à :



-Me Yvette BEATRIX, avocat au barreau de PARIS



-Me Jean Christo

phe CHABAUD, avocat au barreau de TOULOUSE







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Décembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 10/409.





APPELANTE



SAS BOSTON SCIENTIFIC, dem...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2012

N°2012/ 274

Rôle N° 11/00938

SAS BOSTON SCIENTIFIC

C/

[N] [V] épouse [Y]

Grosse délivrée le :

à :

-Me Yvette BEATRIX, avocat au barreau de PARIS

-Me Jean Christophe CHABAUD, avocat au barreau de TOULOUSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Décembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 10/409.

APPELANTE

SAS BOSTON SCIENTIFIC, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Yvette BEATRIX, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [N] [V] épouse [Y], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assistée de Me Jean Christophe CHABAUD, avocat au barreau de TOULOUSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine VINDREAU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre

Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2012.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2012

Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[N] [Y] a été embauchée par la société GUIDANT FRANCE en qualité de responsable régionale position cadre à compter du 1er janvier 2000 avec reprise d'ancienneté au 1er janvier 1997.

La société GUIDANT FRANCE qui avait pour activité le commerce de gros de dispositifs médicaux a été absorbée le 1er juillet 2009 par la SAS BOSTON SCIENTIFIC.

La rémunération mensuelle brute de [N] [Y] était fixée à 26.924 FRF payables en 13 mensualités ce à quoi s'ajoutait une parie variable.

Au titre de ses fonctions, [N] [Y] représentait les produits de la société auprès de médecins et conviait régulièrement ceux-ci à différents types d'événements d'information et/ou de formation sur les produits de la société.

En septembre 2008, le Directeur Financier de la société GUIDANT FRANCE a alerté [N] [Y] sur certains non-respects des procédures internes de remboursement des frais professionnels.

La société GUIDANT FRANCE a décidé d'intégrer dans les missions du prochain audit interne le contrôle des notes de frais de l'ensemble du personnel.

Cet audit interne, qui s'est déroulé en octobre 2008, a permis de déceler des anomalies dans les justificatifs des frais professionnels de plusieurs salariés, dont [N] [Y].

Le 24 novembre 2008, la société, qui envisageait la rupture de la relation du travail, a convoqué [N] [Y] pour un entretien préalable avec mise à pied conservatoire.

L'employeur lui a notifié, par lettre du 8 décembre 2008 son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

[N] [Y] comptait une ancienneté de plus de près de 11 ans et était âgée de 44 ans.

* * * * *

Le 4 février 2010, [N] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de MARSEILLE pour contester cette mesure et demander à l'encontre de son employeur le règlement des sommes dues.

Par jugement en date du 10 décembre 2010, le conseil de prud'hommes de MARSEILLE :

- a débouté [N] [Y] de sa demande d'indemnité de clientèle,

- considéré que le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS BOSTON SCIENTIFIC venant aux droits de la société GUIDANT FRANCE à payer à [N] [Y] les sommes suivantes :

- 80 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

- 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

- rappelé qu'il n'y avait pas exécution provisoire quand elle n'était pas de droit,

- débouté [N] [Y] de ses demandes autres ou plus amples,

- débouté la SAS BOSTON SCIENTIFIC de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

- l'a condamnée aux dépens.

* * * * *

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 12 janvier 2011 et reçue au greffe de la cour d'appel le14 janvier 2011, la SAS BOSTON SCIENTIFIC a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , la SAS BOSTON SCIENTIFIC demande de :

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a décidé que le licenciement de [N] [Y] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- constater, dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter [N] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

- dire que [N] [Y] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice justifiant l'octroi de plus de six mois de salaires à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- la débouter de sa demande formulée à titre de dommages et intérêt excédant la somme de 74.527€,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté, dit et jugé que [N] [Y] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice justifiant l'octroi de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

- l'en débouter,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté, dit et jugé que [N] [Y] ne rapporte pas la preuve ni d'avoir exposé des frais de repas à hauteur des 95 € ni, en tout état de cause, du caractère professionnel des frais dont le remboursement est demandé,

- l'en débouter,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté, dit et jugé que [N] [Y] ne remplit pas les conditions pour relever du statut de VRP,

- la débouter de sa demande d'indemnité de clientèle,

A titre subsidiaire,

- dire qu'elle a perçu une indemnité conventionnelle de licenciement et ne justifie en outre pas du quantum de sa demande en particulier en ne rapportant pas la preuve d'une augmentation et nombre et en valeur de la clientèle,

- la débouter de plus fort de sa demande d'indemnité de clientèle,

En tout état de cause,

- condamner [N] [Y] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- la condamner aux éventuels dépens.

En réplique, au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués , [N] [Y] demande de :

- constater que les faits sont prescrits,

- constater l'absence de motif sérieux de licenciement,

- constater l'absence de motif réel de licenciement,

- condamner la SAS BOSTON SCIENTIFIC au paiement des sommes suivantes :

- 450 000 € pour licenciement injustifié,

- 10 000 € pour procédure vexatoire,

- 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamner la SAS BOSTON SCIENTIFIC aux entiers dépens.

Elle ne sollicite plus en cause d'appel le remboursement de frais professionnel d'un montant de 95€.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'indemnité de clientèle

En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges ont, par de motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté [N] [Y] de sa demande de ce chef.

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement du 8 décembre 2008 qui fixe les limites du litige est libellée en ces termes:

'Nous avons porté à votre connaissance les différentes étapes qui nous ont conduits à découvrir des irrégularités dans vos notes de frais et le non-respect des règles internes et externes.

A titre préalable, nous souhaitons rappeler que vous avez participé à diverses sessions de formation sur les règles internes et externes de 'sponsorships', la dernière datant du 2 février 2008 (feuille de présence dûment signée par vos soins). Durant ces sessions, il vous a été rappelé expressément nos obligations en tant que professionnel de la santé, notamment:

- les règles concernant les cadeaux, repas et divertissements (loi ami-cadeaux)

- les interdictions de toute restauration en night club ou lieu assimilé,

- les IRF (Internal request form /Formulaire interne) : utilisation obligatoire et préalable avant tout enregistrement budgétaire (contrat, invitation, dons, ... )

En date du 26 septembre 2008, [W] [A], Directeur Financier vous a adressé un courrier électronique vous informant du fait que l'analyse de vos notes de frais de juin laissait apparaître un certain nombre d'anomalies par rapport à nos procédures internes.

Un audit interne Corporate s'est déroulé en France, du 06 octobre au 24 octobre 2008. Au cours de cet audit toutes les notes de frais de l'entreprise ont été contrôlées, incluant les vôtres. Les auditeurs se sont interrogé sur la régularité de vos notes de frais et ont procédé à des investigations approfondies. Ils ont en effet contacté les fournisseurs pour avoir des explications ou leur demander les factures originales.

A la suite de cet audit, nous avons organisé une réunion le 17 novembre 2008, en présence de [D] [I], Manager of Corporate Analysis & Control (audit interne), de [X] [F], General Counsel EMEA ainsi que moi-même.

Durant cette réunion il vous a été présenté les factures concernant les événements suivants, dont le premier avait été relevé par le Directeur Financier, les autres ayant été révélés par l'enquête des auditeurs:

- Organisation par vos soins d'une session de formation, pour 8 clients durant deux jours, à Port Cros, pour un montant total de 5 498,10 € , correspondant à hébergement et repas, facture

' Hostellerie Provençale' du 29 juin 2008 et facture ' Le Manoir' du 29 juin 2008, sans avoir procédé à aucune déclaration préalable et obligatoire auprès du CNOM ' Conseil National de l'Ordre des Médecins'. Vous avez reconnu ne pas avoir fait les déclarations auprès du CNOM et avoir réglé vous-même les factures, en violation des règles internes et externes.

Une facture Proforma 'Destination Evasion Maroc' datée du 23 novembre 2007 pour un montant de 684€, correspondant à une excursion d'une journée ' Visite des 3 vallées' organisée par vos soins durant le ' Congrès Maghrébin de cardiologie à Marrakech'qui s'est tenu les 23 et 24 novembre 2007, sponsorisé par Boston Scientific pour 5 professionnels de santé. Cette excursion d'une journée entière dans le cadre d'un Congrès durant deux jours était interdite par nos procédures internes et externes de sponsorships. Vous avez reconnu avoir payé non seulement les 684 € correspondant aux frais de l'excursion mais également les sommes correspondant aux boissons/repas durant ladite journée.

Ces deux factures révèlent une infraction aux règles qui ne sont que le reflet des lois françaises en vigueur et concernent les relations de sponsorship qui peuvent être établies entre notre société et les professionnels de santé.

- Une photocopie de facture du 'Château Barnanau' que vous avez soumise dans vos notes de frais pour remboursement, en date du 7 septembre 2007 pour un montant de 325 € , concernant 7 invitations clients. Cette photocopie faisant apparaître 'réception au château 7 personnes le 25 août 2007", puis au-dessous du texte un trait et aucun autre libellé dans le corps de la facture (laissant porter à croire qu'une page blanche a été apposée sur la facture avant photocopie pour cacher le détail). Vous nous avez indiqué qu'elle vous avait été transmise par scan et que votre imprimante n'était pas de bonne qualité. Cependant, le fournisseur a adressé aux auditeurs, à leur demande, la facture originale qui ne fait nullement apparaître 7 invitations mais 26 bouteilles de vin suivant une liste dûment détaillée.

Le courrier daté du 4 décembre 2008 du Château Barbanau que vous nous avez adressé par courrier électronique du 4 décembre 2008, n'apporte pas les explications suffisantes pour clarifier cette situation. Nous sommes d'autant plus étonnés que ces documents ne nous parviennent que maintenant et non pas à la suite de la réunion du 17 novembre 2008, et a fortiori lors de l'entretien préalable du 3 1écembre 2008.

- Une facture du 7 juillet 2008, d'un montant de 140 € , indiquant 'un article', que vous avez soumis au remboursement comme 'réception de 2 clients' dont vous avez indiqué les noms au dos de la facture. Il s'avère que ce fournisseur est un magasin de maroquinerie. Lors de la réunion du 17 novembre, vous nous avez indiqué avoir commis une erreur en réglant cette facture avec votre carte Amex. Cependant, lors de l'établissement de votre note de frais vous ne pouviez sur un tel justificatif de dépenses indiquer aussi 'par erreur' 'réception de deux clients' en précisant leur nom. De surcroît lors de l'entretien préalable, vous nous avez donné une autre explication en indiquant que vous aviez acheté ' une valisette' pour mettre votre programmateur. Et nous prenons bonne note que vous nous avez adressé par le courrier électronique du 4 décembre, une facture précisant un achat du 7 juillet 2008 pour ladite 'valisette'. Cependant, cela n'explique toujours pas pourquoi dans votre note de frais originale vous avez indiqué 'réception de 2 clients' en fournissant de surcroît leurs noms. .

Il s'agit d'une falsification incontestable de ces deux notes de frais ' Château Barnanau' et

' [H] [O]'.

Votre comportement est incompatible avec le rôle de Responsable Régional que vous occupez, engendrant un risque évident, dans un domaine où le non-respect des procédures a des conséquences sérieuses, auxquelles notre société ne peut pas s'exposer, et rend impossible la poursuite des relations contractuelles.

Les explications fournies lors de l'entretien préalable, sur les faits énumérés ci-dessus, ne nous ont vas convaincus, et compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Votre préavis d'une durée de trois mois que nous vous dispensons d'effectuer mais qui vous sera néanmoins rémunéré le mois le mois et commencera à courir à compter de la date de la première présentation de la présente.'

La société s'est bien placée sur le terrain du licenciement disciplinaire, peu importe qu'elle n'ait retenu finalement que la faute simple.

Le conseil de prud'hommes a considéré à juste titre que malgré une antériorité des griefs retenus de plus de 2 mois lors de la mise en route de la procédure de licenciement, ce n'est qu'à l'occasion des opérations d'audit que la SAS BOSTON SCIENTIFIC 'a pu relever l'importance qu'elle a cru devoir attribuer aux faits qui fondent ses reproches'.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que les faits n'étaient pas prescrits contrairement à l'argumentation de [N] [Y].

Le courrier électronique du 26 septembre 2008 dans lequel [W] [A] fait part à [N] [Y] qu'il a relevé un certain nombre d'anomalies dans ses notes de frais du mois de juin ne mentionne au demeurant qu'un des faits mentionnés dans la lettre de licenciement à savoir la session de formation de Port Cros.

Sont reprochés à [N] [Y] dans la lettre de licenciement, des irrégularités ou anomalies dans les notes de frais illustrant un non-respect des règles internes ou externes (notes de frais de Port Cros et Marrakech) et principalement de ne pas avoir effectué les déclarations nécessaires auprès du Conseil National de l'Ordre des médecins, ainsi que des falsifications de notes (frais du 25 août 2007 et 7 juillet 2008).

Sur les notes de frais du 29 juin 2008 (Port Cros) et du 23 novembre 2007 (Marrakech)

La SAS BOSTON SCIENTIFIC produit de nombreux documents de nature à démontrer que ses salariés et notamment [N] [Y] ne pouvaient ignorer les dispositions légales relatives aux manifestations destinées aux membres des professions médicales et des règles applicables dans l'entreprise relatives aux frais professionnels.

Elle rappelle ainsi que les repas organisés et/ou adossés à un congrès devaient faire l'objet d'une déclaration au Conseil de l'Ordre des Médecins, que le manager direct du salarié invitant des professionnels de santé devait donner à ce dernier son autorisation préalable et écrite, qu'enfin une invitation client devait être traitée avant tout au travers des règles du 'sponsorships' et non au travers de la procédure des notes de frais (remboursement de frais professionnels) sauf pour les invitations spontanées et non prévisibles.

[N] [Y] fait valoir quant à elle que c'est de façon parfaitement concertée qu'étaient définies les différentes opérations de 'sponsorships', toutes connues et autorisées dans leur montant par GUIDANT avant d'être mises en place financièrement, que pendant plus de 10 ans, la société n'avait jamais émis la moindre observation sur les initiatives prises par elle dans la mesure où elle avait toujours agi en conformité avec les pratiques établies.

Elle justifie qu'après vérification, ses notes de frais (lesquelles comprenaient des réceptions et des repas offerts à des médecins) lui ont toujours été réglées.

Elle ajoute que c'est le nouveau propriétaire la SAS BOSTON SCIENTIFIC qui a envisagé des mesures d'économie et de réduction des dépenses et que c'est dans le cadre de ce programme qu'ont été élaborées de nouvelles procédures quant à l'engagement des dépenses par les salariés et la mise en place d'une nouvelle organisation comptable pour le suivi des dépenses structurée à compter du 1er octobre 2008.

Force est de constater que c'est le 30 juin 2008, soit postérieurement aux notes de frais litigieuses, que la société a diffusé ' la procédure applicable au remboursement des dépenses professionnelles applicable au 1er juillet 2008 ' [W] [A] précisant dans le document de transmission ' les objectifs de la présente procédure sont de définir le cadre dans lequel les dépenses professionnelles peuvent être engagées et remboursées, et de proposer une approche cohérente et homogène à suivre par tous les employés'.

Il ressort des dispositions de l'article L.4113-6 du code de la santé publique que la déclaration préalable au Conseil National de l'Ordre des Médecins est transmise par l'entreprise.

Les documents fournis par la société ne permettent pas de définir clairement à qui incombe cette tâche et la pratique de l'entreprise en la matière jusque là apparaît floue.

[N] [Y] indique à ce sujet qu'en 10 ans, elle n'a jamais effectué une telle transmission.

[E] [S] supérieur hiérarchique de [N] [Y] que la salariée dit avoir totalement associé aux opérations relatives à la formation à Port Cros ,a,quant à lui, entre autres griefs ,fait l'objet d'un avertissement en date du 2 décembre 2008 pour avoir autorisé une session de formation organisée par sa collaboratrice, l'avoir laissé régler toutes les factures alors qu'il était présent et ce, alors que, compte tenu de sa position hiérarchique, il se devait de régler lui-même ses dépenses.

Il est en outre relevé dans cet avertissement qu'il n'avait pas vérifié que cette formation avait été dûment déclarée au CNOM.

[M] [Z], supérieure hiérarchique directe de [N] [Y] en novembre 2007 lors du congrès de Marrakech témoigne avoir validé et supporté l'organisation du déplacement des médecins en cause, précisant que le directeur de division France était parfaitement informé et que les dépenses avaient été décidées en amont et validées par une demande d'engagement.

Quelles que soient les erreurs qu'a pu commettre [N] [Y] à l'occasion de ces deux manifestations, la cour estime que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a jugé que [N] [Y] 'a privilégié l'impact commercial de ses différentes actions auprès d'une clientèle à séduire à l'avantage de son employeur, qu'il n'apparaît à aucun moment, au-delà d'une recherche de commodité et de facilité dans exercice de son activité, qu'elle a pu commettre un détournement ou personnellement bénéficier financièrement de ses pratiques, et n'a fait qu'emprunter une voie que sa hiérarchie lui a longuement permis de suivre en connaissant parfaitement ses habitudes, avant que les autorités du nouveau Groupe croient devoir y mettre un terme brutal'.

En tout état de cause, une mesure de licenciement ne peut qu'être considérée que comme disproportionnée et non justifiée.

Sur les notes de frais du 25 août 2007 (Château Barnabau) et 7 juillet 2008 ([H] [O])

Le Château Barnabau a transmis un exemplaire certifié conforme à la facture correspondant strictement à celui que [N] [Y] avait soumis à sa hiérarchie.

Les médecins présents attestent de la réalité de la réunion ainsi que du repas et de la dégustation de vins qui ont suivi.

La supérieure hiérarchique de l'époque de [N] [Y] témoigne que celle-ci avait organisé cette manifestation avec son support et celui de sa hiérarchie.

La falsification que lui reproche la SAS BOSTON SCIENTIFIC n'est pas établie.

Concernant la facture du 7 juillet 2008 au magasin [H] [O], [N] [Y] justifie avoir acheté une valisette à roulette d'un montant de 140 € lui permettant de transporter son matériel professionnel, avec sa carte bancaire personnelle avant d'en demander le remboursement.

Elle explique que c'est suite à une erreur de saisie informatique que, lorsqu'elle a rempli sa note de frais, elle s'était trompée de ligne et avait saisi le montant de 140 € dans la colonne correspondant aux frais de réception des docteurs [C] et [R] qu'elle a invités au restaurant le même jour que l'achat de la valisette.

Elle produit la note de restaurant pour un montant de 95 €.

Elle ne demande plus en cause d'appel le remboursement de cette note.

La falsification que lui reproche la SAS BOSTON SCIENTIFIC n'est pas établie.

* * * * *

Il ressort des développements précédents que le licenciement de [N] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture

Le salaire de [N] [Y] a été de 155 882 € sur les 12 mois précédant la rupture soit un montant mensuel de 12 990 € .

Il est établi qu'elle a rapidement retrouvé un emploi, mais pour une rémunération moindre.

Au visa de l'article L 1235-3 du code du travail applicable en l'espèce, et tenant à l'ancienneté de la salariée, à son âge, sa qualification, et à sa rémunération, ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité à la somme de 130.000€, de telle sorte que le jugement doit être réformé en ce sens.

[N] [Y] ne justifie pas d'un préjudice distinct conséquence de la rupture et non pris en compte dans la précédente indemnisation de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire.

Sur les autres demandes des parties

L'équité en la cause commande de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à [N] [Y] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté la société de sa demande de ce chef.

Il convient de condamner la SAS BOSTON SCIENTIFIC, à payer [N] [Y] la somme de 2 000 € sur ce même fondement en cause d'appel et de rejeter sa demande de ce chef.

La SAS BOSTON SCIENTIFIC, qui succombe, supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Réforme partiellement le jugement déféré rendu le 10 décembre 2010 par le conseil de prud'hommes de MARSEILLE,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS BOSTON SCIENTIFIC venant aux droits de la société GUIDANT FRANCE, à payer à [N] [Y] la somme de 130 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirme pour le surplus la décision entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la SAS BOSTON SCIENTIFIC à payer à [N] [Y] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d 'appel,

Déboute la SAS BOSTON SCIENTIFIC de sa demande de ce chef,

La condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 11/00938
Date de la décision : 14/03/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°11/00938 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-14;11.00938 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award