La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/03/2012 | FRANCE | N°11/11223

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 01 mars 2012, 11/11223


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 01 MARS 2012

FG

N° 2012/161













Rôle N° 11/11223







[U] [C]





C/



[P] [D]





















Grosse délivrée

le :

à :



SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE



SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER













Décision défér

ée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 23 Mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/1960.







APPELANT







Monsieur [U] [C]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 7] (TUNISIE),

demeurant [Adresse 3]







représenté par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 01 MARS 2012

FG

N° 2012/161

Rôle N° 11/11223

[U] [C]

C/

[P] [D]

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE

SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 23 Mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/1960.

APPELANT

Monsieur [U] [C]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 7] (TUNISIE),

demeurant [Adresse 3]

représenté par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué (e) aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués et assisté de Me Stéphane CHIAVERINI, avocat au barreau de BASTIA

INTIME

Monsieur [P] [D]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 8] (LIBAN)

demeurant [Adresse 5]

représenté par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cédric PALAZZETTI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Laurent SCIACQUA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Février 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Mars 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Mars 2012,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

Par acte sous seing privé en date du 23 juin 2006, M.[U] [C], médecin, a cédé à M.[P] [D], médecin, la totalité de son activité au sein du service des urgences de la Polyclinique [6] à [Localité 4] moyennant 70.000 €.

La direction de la clinique a signé avec M.[D] un contrat d'exercice libéral.

Le 15 janvier 2007, la Polyclinique [6] lui a notifié son intention de résilier la convention tout en refusant d'agréer un successeur, lui rappelant que le contrat d'exercice libéral ne permettait pas de cession pendant 5 ans.

Le 23 février 2009, M.[P] [D] a fait assigner M.[U] [C] devant le tribunal de grande instance de Grasse en nullité de l'acte de cession de clientèle.

Par jugement contradictoire en date du 23 mai 2011, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- rejeté la fin de non-recevoir,

- déclaré nul l'acte de cession du 23 juin 2006 conclu entre [U] [C] et [P] [D],

- condamné en conséquence [U] [C] à restituer à [P] [D] la somme de 70.000 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 23 février 2009,

- condamné [U] [C] à lui payer en outre la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

- l'a condamné au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence de 70.000 €,

- condamné [U] [C] aux entiers dépens.

Par déclaration de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués, en date du 27 juin 2011,

M.[U] [C] a relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par ses conclusions, déposées et notifiées le 5 juillet 2011, M.[U] [C] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, de :

- dire que l'objet de l'acte de cession sous seing privé conclu entre M.[D] et M.[C] est licite,

- déclarer l'acte de cession valide,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner M.[D] au paiement d'une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[D] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN.

M.[C] expose avoir exercé à partir d'août 1999 aux urgences de la clinique [6] à [Localité 4], établissement privé. Il précise que M.[D] est venu le remplacer occasionnellement et a cherché à savoir s'il pourrait y succéder au sein de la clinique. M.[C] explique avoir indiqué à la clinique qu'il désirait céder son activité au sein des urgences à M.[D]. La clinique donnera son accord sous réserve d'une période d'essai, à la suite de laquelle M.[C] a passé le contrat de cession avec M.[D] et ce dernier un contrat d'exercice libéral avec la clinique. Le montant de la cession soit 70.000 € sera payé intégralement au 10 décembre 2006. M.[C] estime que l'objet de la cession, avec présentation du successeur, est licite.

M.[C] fait observer que M.[D] s'est acquitté du prix de cession après avoir signé le contrat d'exercice libéral avec la clinique et était au courant des clauses de ce contrat d'exercice libéral.

Par ses conclusions, déposées et notifiées le 10 octobre 2011, M.[P] [D] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1108, 1128 et suivants, 1116, 1110, 1371 du code civil, de :

- confirmer le jugement, sauf à parfaire sur le montant des dommages et intérêts,

- à titre principal, prononcer la nullité de l'acte de cession du 23 juin 2006, condamner M.[C] à restituer la somme de 70.000 € outre intérêts aux taux légal à compter du 23 février 2009, date de l'assignation,

- à titre subsidiaire, déclarer recevable l'action de in rem verso de M.[D], condamner M.[C] à indemniser M.[D] de son appauvrissement à hauteur de la somme de 70.000 €, outre intérêts aux taux légal à compter du 23 février 2009, date de l'assignation,

- en tout état de cause, rejeter toutes prétentions contraires,

- condamner M.[C] au paiement d'une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts, outre intérêts de droit à compter de l'assignation,

- condamner M.[C] au paiement d'une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[C] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER.

M.[D] fait observer qu'à la suite d'un différend avec la clinique, il s'est aperçu que le contrat d'exercice libéral signé avec elle ne permettait pas la cession pendant une durée de cinq ans. Il estime que M.[C] l'a trompé par réticence dolosive à ce sujet.

M.[D] considère que la clientèle cédée correspondant aux patients du service des urgences ne correspond pas à une clientèle de patients alors qu'il n'y a pas de liberté de choix du patient, et qu'elle ne peut faire l'objet d'une cession, alors qu'il s'agit d'une clientèle hors commerce. Il estime que l'objet de cette cession est indéterminé. Il considère qu'il y a absence de cause. Il fait état d'un dol, subsidiairement d'une erreur.

MOTIFS,

-I) L'objet du contrat de cession :

L'acte de cession est ainsi libellé:

'Acte de cession sous seing privé entre le docteur [U] [C], d'une part, vendeur...et le docteur [P] [D], d'autre part, acheteur, ...le docteur [U] [C] s'engage à céder la totalité de son activité au sein du service des urgences de la polyclinique [6] de [Localité 4] au docteur [P] [D] à compter du 25 juin 2006. En contrepartie, le dr [P] [D] s'engage à verser au docteur [C] une indemnité de 70.000 €. L'intégralité de cette somme sera versée avant le 31 décembre 2006....

Un premier versement de 20.000 € interviendra avant le 10 juillet 2006. Fait le 23 juin à [Localité 4].'

Par ce contrat, M.[C] cède à M.[D] 'son activité' en totalité 'au sein du service des urgences de la polyclinique'.

Le docteur [C] et le docteur [D] ont une qualification médicale particulière celle d'urgentiste ou de médecin des urgences.

Une telle spécialité ne peut forcément être exercée que dans un service d'urgence d'un hôpital ou d'une clinique.

Dans le cadre d'un établissement privé, le médecin urgentiste exerce de façon libérale.

En tout état de cause, le patient conserve le choix de s'adresser à un service d'urgence plutôt qu'à un autre, à se rendre dans une clinique privée plutôt que dans un service d'hôpital public.

Urgence ne signifie pas forcément hospitalisation subie après accident.

Rien n'empêche un patient qui ressent une situation d'urgence pour un cas banal, de se rendre plutôt auprès d'un médecin urgentiste qui le recevra sans attendre au lieu d'aller voir un médecin en cabinet de ville.

La qualification de médecin urgentiste n'est en conséquence pas incompatible avec la notion de clientèle.

M.[C] a par ailleurs présenté M.[D] à la polyclinique, cette présentation a permis à M.[D] d'accéder à un cabinet lui assurant une clientèle régulière.

Le contrat de cession a un objet, qui est dans le commerce au sens de l'article 1128 du code civil, cette présentation à la polyclinique et cette présentation à la clientèle de la polyclinique, tous éléments compatibles avec la liberté des patients. Ce contrat est causé.

-II) l'existence ou l'inexistence d'un vice du consentement :

M.[D] estime qu'il été trompé ou a commis une erreur substantielle du fait qu'il ne pouvait pas lui-même céder son activité acquise de M.[C].

A la suite de la cession, M.[D] a signé le 24 juin 2006 un acte sous seing privé avec la polyclinique [6] intitulé 'contrat d'exercice privilégié cessible sous conditions' mentionnant une qualification du docteur [D] comme médecin urgentiste.

Ce contrat permettait à M.[D] d'exercer son art à la clinique, laquelle mettait à sa disposition ses installations techniques et ses locaux.

La clinique procédait au recouvrement des honoraires et M.[D] s'engageait à verser à la clinique une participation aux frais.

L'article 15 de ce contrat d'exercice libéral, précisait : 'le présent contrat est cessible sous réserve du respect des conditions suivantes : le présent contrat ne pourra être cédé avant une période minimale de 5 ans à compter de la date d'effet du présent contrat..'

M.[D] prétend qu'il a été trompé par cette clause de cinq ans.

M.[D] a cependant payé progressivement l'indemnité convenue avec M.[C]. Il a fini de payer le 10 décembre 2006, six mois après avoir signé le contrat d'exercice privilégié avec la polyclinique, ce qui signifiait que, connaissance prise de cette clause, il ne remettait pas en cause la cession.

C'est la survenance d'un conflit avec la polyclinique qui a créé une difficulté.

Au demeurant, M.[D] a signé ce contrat d'exercice libéral le lendemain de la cession. Il lui appartenait de négocier un autre contrat d'exercice libéral sans cette clause.

Cette clause est pourtant évidente et M.[D] ne peut prétendre ne s'en être pas aperçu de suite alors que la dénomination du contrat est 'contrat d'exercice privilégié cessible sous conditions' . Il est précisé clairement 'cessible sous conditions'. Cette cessibilité conditionnelle est mise en exergue dans le titre même du contrat.

Il n'y a ni dol, ni erreur, ni dissimulation de la part de M.[C].

-III) la notion d'enrichissement sans cause :

Cette action pour enrichissement sans cause ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action.

Il a été vu ci-dessus que M.[D] disposait de plusieurs actions qui se sont avérées infondées.

En conséquence cette action pour enrichissement sans cause ne lui est pas ouverte.

Au demeurant, il n'y a pas appauvrissement de M.[D] corrélatif à l'enrichissement de M.[C]. C'est le conflit de M.[D] avec la clinique qui a provoqué cet appauvrissement. M.[D] n'a pas été en mesure de conserver l'activité cédée par M.[C]. Ce dernier n'y est pour rien.

Le jugement sera infirmé.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 23 mai 2011 par le tribunal de grande instance de Grasse,

Déboute M.[P] [D] de toutes ses demandes,

Condamne M.[P] [D] à payer à M.[U] [C] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[P] [D] aux entiers dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 11/11223
Date de la décision : 01/03/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°11/11223 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-01;11.11223 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award