COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 29 FEVRIER 2012
N° 2012/106
Rôle N° 10/15270
[D] [T]
C/
[E] [N] épouse [K]
[R] [K]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR
Grosse délivrée
le :
à :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 10 Mai 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 04/6035.
APPELANT
Monsieur [D] [T]
né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 13] ([Localité 13]), demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de la SCP ROLAND LESCUDIER / WILFRID LESCUDIER /
J-L LE SCUDIER, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Madame [E] [N] épouse [K]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8], demeurant [Adresse 7]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Jean Pierre DARMON, avocat au barreau d'AIX
Monsieur [R] [K]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 11] ([Localité 11]), demeurant [Adresse 7]
représenté par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Jean Pierre DARMON, avocat au barreau d'AIX
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR prise en la personne de son rerpésentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 6]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Patricia TOURNIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Brigitte VANNIER, Présidente
Madame Laure BOURREL, Conseiller
Madame Patricia TOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Février 2012. Le 15 Février 2012 le délibéré a été prorogé au 22 Février 2012. Le 22 Février 2012 le délibéré a été prorogé au 29 Février 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Février 2012,
Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
Le 9 mars 2001, madame [K] a été hospitalisée au centre hospitalier de [Localité 8] (Var), à la demande du docteur [T], son médecin traitant depuis 1996, qu'elle avait appelé à son domicile en raison de douleurs très importantes du membre inférieur gauche dans la nuit, et au constat par celui-ci d'une légère cyanose du pied très sensible au toucher ;
un écho-doppler des membres inférieurs a alors été réalisé.
Après aggravation de l'état de madame [K] pendant la nuit et transfert de celle-ci à la clinique [9] à [Localité 10], pour artériographie de l'aorte, du pelvis et des membres inférieurs, cet examen réalisé le 10 mars 2001 a mis en évidence une image lacunaire du bord gauche de l'aorte venant baver dans la racine de l'iliaque primitive gauche pouvant correspondre à une tumeur ou un caillot adhérent, outre des emboles multiples avec aspect critique de la vascularisation du membre inférieur gauche en aval de l'artère poplitée ;
une thrombectomie fémoro-poplitée a été faite le 10 mars, puis une thrombolyse in situ le 11 mars suite à une rethrombose ;
une thrombo-aspiration fémoro-poplitée gauche et tibiale antérieure et postérieure a ensuite été pratiquée le 12 mars 2001 en raison d'un thrombus persistant, puis une thrombectomie extensive des axes artériels du membre inférieur gauche le 13 mars en raison d'une thrombose itérative après la thrombolyse.
Un scanner abdominal a confirmé la persistance d'un caillot intra-aortique et mis en évidence une tumeur de la surrénale gauche associée à une hépatomégalie stéatosique.
Après une période de stabilisation sur le plan vasculaire avec perfusion du membre inférieur gauche limite, absence d'évolution péjorative du caillot intra-aortique et exploration pour la tumeur surrénalienne, notées le 20 mars, il a été procédé à l'amputation de la cuisse gauche de madame [K] le 27 mars pour ischémie dépassée du membre inférieur gauche par thrombose extensive de tout le réseau artériel et veineux, puis le 3 avril à une restauration aortique segment V par endartériectomie pour volumineuse formation intra-aortique latéralisée, et le 3 septembre à une surrénalectomie gauche pour adénome corticosurrénal.
Madame [K] est restée à la clinique jusqu'à cicatrisation et a poursuivi la rééducation à partir du 2 mai à l'hôpital [L] [X] jusqu'au 1er juin 2001, puis du 2 au 21 juin 2001, après une hospitalisation à la clinique [9] du 1er au 2 juin ;
elle a ensuite bénéficié d'une prothèse temporaire, puis un an après d'une prothèse définitive.
Après expertise médicale ordonnée par décision du juge des référés en date du 14 février 2003 et rapport d'expertise du docteur [H] clôturé le 16 février 2004, madame [K], critiquant ce rapport, a fait assigner le docteur [T] devant le tribunal de grande instance de Toulon par acte d'huissier en date du 13 octobre 2004, à l'effet de voir ordonner une nouvelle expertise et subsidiairement, de voir retenir la responsabilité du docteur [T] et de voir condamner celui-ci à indemniser son préjudice.
Par décision en date du 27 octobre 2005, le tribunal a ordonné, avant dire droit sur la responsabilité du docteur [T], une nouvelle expertise.
Après dépôt du rapport d'expertise le 25 septembre 2008 par le docteur [I], intervention volontaire à l'instance de monsieur [K] le 18 août 2009, mise en cause de la CPAM du Var par acte d'huissier du 5 août 2009, et jonction des deux instances, le tribunal par décision en date du 10 mai 2010 rendue au visa de l'article 1147 du code civil, a :
- déclaré le docteur [T] responsable du préjudice subi par madame [K],
- condamné le docteur [T] à réparer l'entier préjudice de madame [K] évalué à la somme de 564.571,30 €,
- condamné le docteur [T] à payer à monsieur [K] la somme de 60.000 € en réparation de son préjudice moral spécifique,
- condamné le docteur [T] à payer à la CPAM du Var la somme de 183.969,71 € outre la somme de 966 € en application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, et celle de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le docteur [T] à payer à madame [K] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à hauteur de la somme de 400.000 € pour le préjudice de madame [K] et de celle de 30.000 € pour le préjudice de monsieur [K],
- condamné le docteur [T] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.
Monsieur [T] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration déposée au greffe le 11 août 2010.
Aux termes de ses dernière écritures déposées le 8 décembre 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, monsieur [T] demande à la Cour au visa des articles 1147 et suivants du code civil, de :
- débouter monsieur et madame [K] de leur appel,
- faire droit à l'appel interjeté par le concluant,
- dire que madame [K] ne rapporte pas la preuve d'un manquement fautif du concluant, en relation de causalité directe, certaine et exclusive avec le préjudice invoqué,
- débouter madame [K] de toutes ses demandes,
- condamner madame [K] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- subsidiairement,
° dire que l'éventuel manquement du concluant ne peut être qu'à l'origine d'une perte de chance pour la patiente d'éviter l'amputation,
° fixer ce taux de perte de chance à 10% et l'appliquer à chacune des évaluations du préjudice, y compris pour la créance de la CPAM du Var,
° faire application des dispositions de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale modifié par la loi du 21 décembre 2006,
° réduire sensiblement les évaluations pratiquées par le tribunal en limitant ainsi notamment l'évaluation de l'indemnisation de l'incidence professionnelle à 5.000 € perte de chance prise en compte, celle du déficit fonctionnel permanent à 80.000 €, celle des souffrances endurées et du préjudice esthétique à 30.000 € chacune, celle du préjudice d'agrément à 18.000 €,
et écarter toute indemnisation au titre de la perte de gains professionnels actuels et de la tierce personne,
- condamner madame [K] aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Il soutient notamment que contrairement à ce que le second expert, le docteur [I], a retenu, madame [K] a présenté une artériopathie emboligène et non une artériopathie d'évolution lente, que seule l'artériographie aortique a permis de poser le diagnostic alors que l'examen clinique et l'echo-doppler ne l'avaient pas permis, qu'un doppler plus précoce n'aurait rien révélé et n'aurait pas permis un diagnostic plus tôt ni d'éviter l'évolution de la maladie qui selon le premier expert, est exceptionnelle ; que l'évolution de la maladie est paroxystique, que son point de départ est le thrombus qui est souvent de diagnostic très difficile ; qu'une artériographie n'est prescrite que dans l'hypothèse où un doppler est positif et que jusqu'au 9 mars, le doppler était négatif ; qu'aucun signe de la pathologie n'existait avant la nuit du 9 au 10 mars.
Par leurs dernières écritures déposées le 20 décembre 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et des prétentions, monsieur et madame [K] ont formé appel incident et demandent à la Cour au visa de l'article 1147 du code civile et de la loi du 4 mars 2002 :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'entière responsabilité du docteur [T],
- d'homologuer le rapport d'expertise judiciaire du docteur [I] et le rapport de l'ergothérapeute produit par les concluants,
- subsidiairement, de désigner un ergothérapeute,
- de réformer le jugement déféré concernant le montant des sommes allouées en réparation des préjudices subis par les concluants,
- de condamner le docteur [T] au paiement des sommes suivantes à madame [K]:
° 13.287,73 € au titre de l'ITT,
° 10.367,58 € au titre de l'ITP,
° 170.000 € au titre de l'IPP,
° 400.000 € au titre de l'incapacité permanente professionnelle totale,
° 60.000 € au titre des souffrances endurées,
° 60.000 € au titre du préjudice esthétique,
° 70.000 € au titre du préjudice d'agrément,
° 764,79 € au titre des frais de santé restés à charge,
° 125.311,81 € au titre des dépenses déjà exposées ( aménagements et tierce personne),
° 379.944,21 € au titre des dépenses futures,
° 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner le docteur [T] à payer à monsieur [K] la somme de 150.000 € en réparation de son préjudice d'accompagnement, de contemplation de la déchéance physique de son épouse et de son préjudice moral spécifique,
- de condamner le docteur [T] aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour ceux d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent notamment que le préjudice de madame [K] est consécutif au retard de diagnostic et au défaut de diligences du docteur [T], qui n'a pas mis en 'uvre les moyens d'investigation nécessaires au regard des plaintes répétées de sa patiente, des symptômes et des facteurs de risque qu'elle présentait ; que le rapport du docteur [I] doit être complété en ce qui concerne l'incidence du handicap de madame [K] sur la vie courante ( aménagements du domicile, aménagement spécifique du véhicule, tierce personne).
La CPAM du Var, par conclusions déposées le 29 avril 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, demande à la Cour au visa de l'article 1147 du code civil et subsidiairement 1382 du même code, des articles L 376-1 et L 454-1 du code de la sécurité sociale, de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- condamner le docteur [T] à lui payer la somme de 183.969,71 € au titre de ses débours, se décomposant ainsi :
° 34.879,87 € au titre des dépenses de santé actuelles,
° 97.664,64 € au titre des dépenses de santé futures,
° 10.702,59 € au titre des pertes de gains professionnels actuels,
° 40.722,61 € au titre du préjudice personnel ( DFP),
- dire que ladite somme portera intérêts à compter de la première demande et à défaut, à compter de la signification des présentes conclusions,
- condamner le docteur [T] au paiement de la somme de 980 € au titre de l'indemnité forfaitaire,
- débouter tous opposants de leurs demandes,
- les condamner aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour ceux d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure est en date du 10 janvier 2012.
Motifs de la décision :
* Sur la responsabilité du docteur [T] :
La responsabilité du docteur [T] ne peut être engagée que sur le fondement de l'article 1147 du code civil, compte tenu de la date des faits litigieux, qui sont antérieurs au 5 septembre 2001, date d'entrée en application de la loi du 4 mars 2002.
En application de ce texte, le docteur [T] était tenu d'une obligation de moyen et la
preuve d'un manquement à cette obligation incombe à madame [K].
Le docteur [I] a retenu l'existence d'une artériopathie périphérique évolutive dans un contexte de facteurs de risque cardiovasculaire importants (diabète, surcharge pondérale, tabagisme conséquent ancien ), en considérant :
que l'atteinte artérielle a évolué à partir de mars 2000 date à laquelle madame [K] avait consulté pour des douleurs du gros orteil gauche, mais avec un intervalle libre entre mars 2000 et mi-février 2001, aucune mention de récidive n'étant mentionnée dans le dossier médical du docteur [T] avant le 16 février 2001, alors que plusieurs consultations avaient eu lieu dans l'intervalle tant avec le docteur [T] qu'avec son associé, sans lien avec ces douleurs ;
qu'il y a eu reprise évolutive le 16 février, date à laquelle madame [K] a consulté le docteur [T] pour des douleurs des mollets, sans claudication intermittente véritable, le pouls étant alors perçu par le médecin et les réflexes ostéo-tendineux étant normaux et symétriques, et le docteur [T] ayant prescrit des veino-toniques en notant les stations debout prolongées de madame [K] qui était femme de salle dans une cantine scolaire, ainsi que la nécessité de vérifier la glycémie ;
que l'intervalle silencieux pendant 11 mois s'explique par le fait que la formation athéromateuse qui a été découverte sur l'aorte le 4 avril 2001 s'est constituée lentement, que cette formation très friable était la source potentielle d'embolies périphériques soit d'amas de plaquettes venues s'agréger à son contact, soit de micro-fragments athéromateux ;
qu'en mars 2000, il est légitime de penser qu'il y a eu une première micro-embolie périphérique intéressant les artères distales du pied gauche, dont le diagnostic était difficile à faire, de telle sorte qu'il ne peut être reproché au docteur [T] d'avoir retenu une origine rhumatismale et d'avoir prescrit un anti-inflammatoire ;
que les douleurs se sont progressivement amendées soit du fait d'une adaptation circulatoire au niveau du gros orteil, soit de la thrombolyse physiologique ;
qu'en février 2001 est survenue une récurrence d'embolies multiples et plus importantes intéressant les deux membres inférieurs avec prédominance à gauche, mais sans signes patents d'atteinte des gros troncs artériels, dès lors que les pouls étaient perçus aux membres inférieurs;
que la situation s'est dégradée à partir du 3 mars 2001, avec des consultations très rapprochées :
le 3 mars, madame [K] est venue consulter le docteur [T] pour des douleurs du pied gauche, le médecin notant alors que les pouls étaient perçus aux pieds, que les réflexes étaient normaux, qu'il existait une douleur à la pression d'allure neurologique ou fracture, et qu'il n'y avait pas de claudication et ayant prescrit des antalgiques et des radiographies ;
le 5 mars, la prescription d'un arrêt de travail et d'un antalgique est en contradiction avec la mention parallèle par le docteur [T] sur le dossier de celle-ci qu'elle allait mieux et que cette amélioration n'était pas en faveur d'une artérite dégénérative, et permet de déduire que madame [K] continuait à souffrir ;
le 8 mars 2001, le docteur [T] fait le constat que les radiographies prescrites précédemment n'avaient rien signalé, qu'il y avait toujours une douleur au pied gauche et prescrit à nouveau des antalgiques, avec prévision d'une demande d'avis à un rhumatologue.
Le docteur [I] relève que l'écho-doppler artériel pratiqué le 9 mars après-midi a révélé une atteinte artérielle, les pouls distaux aux membres inférieurs n'étant plus perçus, mais qu'il n'a pas conclu à une ischémie aiguë qui ne s'est produite que dans la nuit du 9 au 10 mars, au cours de laquelle est survenue une pluie d'emboles de gros calibres intéressant les gros troncs artériels des deux membres inférieurs avec prédominance à gauche ;
que par la suite, du fait des réactions inflammatoires liées aux gestes chirurgicaux et aux troubles de la coagulation engendrés par l'adénome cortico-surrénalien découvert pendant l'hospitalisation, l'évolution défavorable de l'état circulatoire dans le membre inférieur gauche sera lié non plus à des embolies, mais à des phénomènes de thrombose extensive in situ, de telle sorte que l'amputation était inéluctable.
L'expert considère que si lors de la reprise évolutive de la maladie le 16 février, il n'est pas étonnant que le docteur [T] n'ait pas évoqué une maladie artérielle compte tenu de son évolution particulière, l'aggravation de l'état de madame [K] à partir de cette date avec la douleur du pied gauche comme plainte essentielle formulée, l'inefficacité des traitements anti-inflammatoire et antalgique qu'il prescrivait, auraient dû attirer son attention et le conduire à étendre ses recherches vers d'autres causes d'aggravation de l'état de sa malade, d'autant qu'elle présentait des facteurs de risques vasculaires importants, et non se contenter de prescrire une radiographie, un bilan lipidique et une évaluation de la glycémie ;
qu'un écho-doppler des veines et des artères des membres inférieurs pratiqué dans les jours précédents aurait certes conclu de la même façon que celui effectué le 9 mars, mais aurait fait le diagnostic et aurait permis de montrer madame [K] à un spécialiste des vaisseaux ou de l'hospitaliser plus précocement, ce qui aurait permis la découverte plus précoce du matériel emboligène de l'aorte et une chirurgie rapide et préventive des embolies périphériques;
que dans le cadre d'un diagnostic plus rapide, l'intervention initiale aurait d'emblée porté sur l'aorte, les membres inférieurs n'étant pas encore menacés par une ischémie aiguë ou sub-aiguë, alors qu'en l'espèce, le chirurgien a dû faire face à une pluie d'emboles qui menaçaient directement les membres inférieurs, et a donc été réduit à faire des gestes de sauvetage sur ceux-ci sans pouvoir s'occuper de la cause première des emboles, à savoir la pathologie aortique ;
qu'il est classique que la pathologie embolique se transforme dans un second temps en maladie thrombosante lorsque les gestes de sauvetage ont été pratiqués en extrême urgence, du fait même de l'acte chirurgical, qui entraîne des phénomènes inflammatoires et des troubles importants de la coagulation, troubles aggravés encore en l'espèce par la pathologie surrénalienne surajoutée ;
que l'attentisme du docteur [T] a fait perdre à madame [K] des chances de guérison et d'éviter l'amputation au niveau de la cuisse gauche mais que la chirurgie de l'aorte n'est pas un acte anodin, de sorte qu'il n'est pas certain qu'une autre démarche aurait évité l'évolution défavorable.
Pour contester cette analyse, le docteur [T] ne peut utilement se prévaloir des conclusions du premier expert désigné ;
le docteur [H] avait en effet estimé que la responsabilité du docteur [T] ne pouvait être retenue, en considérant que madame [K] avait été victime d'un accident thrombo-embolique à répétition gravissime lié à la présence méconnue d'une tumeur surrénale bénigne, et non pas d'une artériopathie chronique passée sur un mode aigu, soulignant que le réseau artériel était apparu totalement sain en bien des points, que l'existence de désordres de la coagulation n'avait pas été recherchée au moment où l'accident s'était produit de telle sorte que son absence constatée a posteriori n'avait pas la même valeur ( les analyses biologiques effectuées le 18 mars 2001 montraient l'absence d'anticoagulant circulant et de résistance à la protéine C activée, et faisaient état d'un syndrome inflammatoire expliquant l'hyper-agrégabilité plaquettaire avec agrégation spontanée ), et en s'appuyant sur des publications faisant état de l'existence d'anomalies de coagulation responsables d'accidents thrombo-emboliques plus ou moins graves en cas de tumeurs surrénales ; il concluait qu'il s'agissait d'une pathologie exceptionnelle aux complications exceptionnelles ;
il éludait toutefois ainsi totalement la question des plaintes antérieures de madame [K] relatives à son pied et de l'absence de tout examen hormis une radiographie, qu'avait soulevée son sapiteur.
Il ne peut davantage se fonder sur le rapport du docteur [C] établi le 22 novembre 2010, qui retient que les embolies à partir d'un caillot de l'aorte sont très rares, de sorte qu'il est quasi impossible de penser à rechercher une cause emboligène aortique, que jusqu'au 9 mars 2001, les signes cliniques d'une ischémie (froideur, pâleur, douleur, absence de pouls, éventuellement paralysie ) n'étaient pas réunis, que le docteur [T] ne pouvait donc en faire le diagnostic avant cette date, qu'aucune faute ne peut donc être reprochée à celui-ci ;
ce rapport fait en effet également abstraction des signes antérieurs de souffrance exprimés par madame [K] et de l'inefficacité des traitements prescrits.
Les conclusions extrêmement précises et motivées du docteur [I] doivent en conséquence être entérinées.
Elles impliquent de retenir à l'encontre du docteur [T], non pas la responsabilité de l'entier préjudice de madame [K], mais seulement une perte de chance pour celle-ci d'échapper à l'amputation eu égard aux aléas de la chirurgie de l'aorte soulignés par l'expert, perte de chance qu'il convient de fixer à 80%.
* Sur la réparation du préjudice de madame [K] :
Il ressort du rapport d'expertise que les conséquences médico-légales pour madame [K], née le [Date naissance 4] 1959, sont les suivantes :
° incapacité temporaire totale du 27 mars 2001 au 27 septembre 2001,
° incapacité temporaire partielle à 70% du 27 septembre 2001 au 5 mars 2004,
° consolidation le 5 mars 2004,
° incapacité permanente partielle de 40%, l'appareillage étant satisfaisant, bien adapté, bien toléré sur une amputation réalisée au tiers moyen de la cuisse gauche,
° incapacité permanente professionnelle totale de 100%,
° souffrances endurées de 6 sur 7,
° préjudice esthétique de 6 sur 7 (cicatrices, moignon),
° préjudice d'agrément qualifié de certain et notable du fait des perturbations de la vie quotidienne.
L'expert a par ailleurs noté que madame [K] se plaint de douleurs fantômes importantes au niveau du membre amputé et de douleurs survenant à la marche au niveau du membre inférieur droit, qu'elle marche avec l'aide de cannes canadiennes, fait ses courses mais évite les grands magasins, est peu perturbée dans les activités de la vie quotidienne, habite un appartement au rez-de-chaussée depuis son amputation.
La Cour dispose ainsi des éléments lui permettant de déterminer le préjudice de madame [K], qui doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour aucune des parties.
Pour déterminer les sommes devant revenir à madame [K], il doit en outre en application de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, être tenu compte des débours du tiers payeur que la victime subroge par l'effet de la loi dans la limite de ses propres droits à l'indemnité, débours qui doivent être pris en considération poste par poste pour les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'il a pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel, sauf dans ce dernier cas, si la caisse établit qu'elle a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant incontestablement ces postes de préjudices ;
lorsque la décision d'attribution d'une rente d'invalidité servie à la victime est définitive, le tiers payeur est tenu sous peine d'astreinte en cas de retard injustifié du versement de cette prestation, de sorte que la condition tenant au versement préalable et effectif de la prestation est remplie, tant pour les arrérages à échoir, que pour les arrérages échus ;
la rente versée à la victime indemnise nécessairement d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ;
la subrogation ne peut toutefois nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie, et en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur, dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle.
sur les préjudices patrimoniaux :
° dépenses de santé actuelles (frais hospitaliers, médicaux ..) :
La CPAM a exposé la somme de 34.879,87 € pour la période du 9 mars 2001 au 9 septembre 2002, à laquelle s'ajoutent les frais restés à charge de madame [K] à hauteur de 764,79 €, de telle sorte que les dépenses de santé pour cette période s'élèvent à la somme totale de 35.644,66 € qui ne fait pas l'objet de contestation.
Compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, il revient dès lors à madame [K] la somme de 764,79 € et à la CPAM celle de 27.750,93 €.
° dépenses de santé futures (frais médicaux, frais liés à l'installation de prothèse ou d'appareillage spécifiques ) :
La CPAM fait état d'une somme de 97.664,64 € au titre des frais futurs liés exclusivement à l'appareillage de madame [K].
Madame [K] produit un rapport établi à sa demande le 24 février 2009 par un ergothérapeute, monsieur [V], rapport soumis à un débat contradictoire dans le cadre de l'instance, dont il résulte qu'elle a en outre besoin d'un chausse prothèse qui doit être changé tous les ans dont le coût est de 68,10 € non pris en charge par l'organisme social.
Madame [K] sollicitant l'indemnisation de ce chef de préjudice sur la base de l'euro de rente viager à 45 ans en se référant à la date de consolidation, tel que résultant de la table publiée par la Gazette du Palais en novembre 2004, la réparation doit être fixée à la somme de 68,10 x 22,355 = 1.522,37 €.
Madame [K] sollicite également la prise en compte du coût de la prothèse, d'une chaise intérieure de confort et d'un fauteuil roulant, en se référant au décompte établi par monsieur [V] ; il convient toutefois de constater que celui-ci n'a absolument pas retenu la nécessité absolue d'une chaise intérieure et d'un fauteuil roulant, qu'il avait seulement évoquée dans son rapport pour la première, comme possible dans l'avenir, pour le second comme utile pour les longues distances (marches supérieures à deux heures), et que la somme de 1.267,63€ qu'il mentionne et que madame [K] sollicite, correspond au coût annuel de la prothèse principale, dont il est établi qu'elle est prise en charge par la CPAM, à l'exception de 1 €, soit 0,20 € réparti sur 5 ans ( durée de vie d'une prothèse).
Madame [K] ne peut donc prétendre qu'à la prise en compte d'une capitalisation de cette somme, soit 0,20 x 22,355 = 4,47 €
Les dépenses de santé futures s'élèvent par conséquent à la somme totale de 99.191,48€.
Compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame [K] la somme de 1.526,84 € et à la CPAM celle de 77.826,34 €.
° frais de logement adapté et de véhicule adapté :
Il résulte suffisamment du rapport de monsieur [V] qu'au regard des séquelles dont madame [K] est atteinte, il a été effectivement nécessaire d'aménager la salle de bains avec douche en siphon de sol, de mettre de plain pied toutes les pièces, de refaire le carrelage avec pose d'un carrelage antidérapant, et qu'il serait nécessaire de poser en outre des barres d'appui dans la douche, les WC et l'entrée principale pour sécuriser l'accès, ainsi que de poser un carrelage antidérapant sur la surface de la cour extérieure jusqu'au portail.
Le handicap de madame [K] l'a également contrainte à déménager de façon à ne plus avoir d'escaliers à monter.
Madame [K] justifie par la production de devis, que le coût d'un tel déménagement est de 1.636,95 € et celui de la totalité des travaux d'aménagement du logement est de
15.713,90 €.
Elle est donc fondée à solliciter l'indemnisation de ces frais qui s'élèvent au total à la somme de 17.350,85 €.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame [K] la somme de 13.880,68 €.
Monsieur [V] a également constaté la nécessité d'adapter les véhicules automobiles du couple en les équipant d'une boîte automatique ;
madame [K] produisant les factures acquittées pour ces modifications , il convient de retenir la somme totale de 4.811,96 € exposée.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame [K] la somme de 3.849,56 €.
Pour la période à échoir, compte tenu de la nécessité de procéder au remplacement d'un véhicule tous les 7 ans, sur la base d'un surcoût du véhicule de 4.100 € pour l'achat d'un véhicule à boîte automatique, soit annuellement 585,71 €, et en se référant à l'euro de rente viager résultant du barème publié par la Gazette du Palais en novembre 2004, en fonction de l'âge de madame [K] à la date de la présente décision, soit 52 ans, le véhicule dont le certificat d'immatriculation est produit datant de 2005, l'indemnisation doit être fixée à la somme de 585,71 x 20,273 = 11.874,18 €.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame [K] la somme de 9.499,34 €.
° assistance par tierce personne :
Monsieur [V] a estimé qu'une aide était nécessaire pour la préparation des repas, pour le petit ménage quotidien (faire son lit, essuyer le sol ...) et le ménage hebdomadaire , pour l'entretien du linge, les courses, les petits bricolages intérieurs (changement d'ampoules et autres), en retenant une durée moyenne de 2 heures à 2 heures 15 par jour ;
faisant la description d'une journée type de madame [K] selon les déclarations de celle-ci, il a noté qu'elle fait seule son lit et accomplit les taches ménagères légères, prépare le déjeuner sous réserve de ne pas avoir à rester debout trop longtemps, fait la vaisselle, mais sort obligatoirement accompagnée pour faire les courses.
L'expert judiciaire n'avait pas retenu la nécessité d'une tierce personne et la pension d'invalidité accordée à madame [K] ne comprend pas de majoration pour tierce personne, mais les difficultés de madame [K] pour se baisser et rester debout sur le long terme ainsi que l'impossibilité de se déplacer à l'extérieur sans des cannes qui se déduisent du rapport d'expertise et sont mises en évidence par monsieur [V], justifient de retenir une aide à raison de 1 heure par jour.
L'indemnisation de la tierce personne échue, à savoir de la date du retour à domicile le 22 juin 2001, jusqu'à la présente décision, doit se faire sur la base de 12 € de l'heure, au regard du montant du salaire minimum moyen et en l'absence de justification par madame [K] qu'elle a dû régler des charges sociales pour cette période.
L'indemnisation pour la période échue doit en conséquence être fixée à la somme de 46.836 €.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame [K] la somme de 37.468,80 €.
Pour la tierce personne à échoir, il convient de retenir une indemnisation sur la base de 18,25 € de l'heure, au vu du devis établi le 2 mars 2009 par Entraide sociale du Var tenant compte d'interventions également les dimanches.
Madame [K] étant actuellement âgée de 52 ans, l'indemnisation de la tierce personne doit être fixée en appliquant l'euro de rente viager résultant du barème publié par la Gazette du Palais en novembre 2004, soit 20,273 :
365 heures x 18,25 x 20,273 = 135.043,52 €.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame [K] la somme de 108.034,81 €.
° pertes de gains professionnels actuels in concreto au regard de la preuve de la perte d'une perte de revenus jusqu'à la date de consolidation :
Madame [K] soutient avoir subi une perte de revenu de 1.287,73 € durant la période du 27 mars au 27 septembre 2001 déduction faite du recours de la CPAM, et une perte de revenu de 10.367,58 € durant la période du 27 septembre 2001 au 5 mars 2004, sauf à déduire le recours de la CPAM.
Madame [K] était employée à temps partiel en tant qu'agent d'entretien par la mairie de [12], depuis le 1er mars 2000 dans le cadre d'un contrat emploi solidarité rémunéré sur la base du SMIC en vigueur, et ce contrat avait été renouvelé pour une période de 12 mois à compter du 1er mars 2001 ; il était spécifié qu'il n'était pas renouvelable au delà de cette période ; aucun élément ne permet de retenir que madame [K] aurait ensuite continué à percevoir un salaire équivalent ; seuls ses revenus jusqu'au 28 février 2002 peuvent de ce fait être pris en compte ;
elle avait perçu en janvier et février 2001 un salaire mensuel net imposable de 3.208,11 francs, soit 489,07 € ; aucun document ne justifie qu'elle percevait en outre des primes de fin d'année.
La CPAM lui a versé des indemnités journalières à compter du 8 mars 2001 jusqu'au 4 mars 2004 pour un montant total de 10.702,59 €, somme que le docteur [T] ne conteste pas devoir prendre en compte.
Durant cette période, madame [K] aurait dû percevoir un revenu salarial de 5.771,02 € net imposable, montant de la perte de gains professionnels actuels ;
elle n'a donc subi aucune perte de revenu, cette perte ayant été compensée par les indemnités journalières versées.
Compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à la CPAM la somme de 4.616,81 € et aucune somme à madame [K].
° incidence professionnelle après consolidation :
Les séquelles dont madame [K] est atteinte, interdisent à celle-ci l'exercice d'une activité professionnelle.
S'il est constant que madame [K] occupait un emploi précaire et avait peu de qualifications, il n'en demeure pas moins qu'elle s'est trouvée privée à 44 ans de toute chance de trouver un emploi lui procurant un revenu à tout le moins équivalent à celui perçu antérieurement, perte de chance qui doit être indemnisée par la somme de 105.000 €.
Depuis le 5 mars 2004, madame [K] perçoit toutefois de la CPAM, une rente
invalidité dont les arrérages échus au 5 janvier 2010 s'élevaient à la somme de 17.705,56 € et le capital représentatif à celle de 23.017,05 €, soit une somme totale de 40.722,61 €.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient dès lors à madame [K] la somme de 64.277,39 € et à la CPAM celle de 19.722,61 €.
sur les préjudices extra-patrimoniaux :
* sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation ) :
° déficit fonctionnel temporaire ( indemnisation de l'invalidité subie dans la sphère personnelle de la victime pendant la maladie traumatique, à savoir la perte de qualité de vie):
Le tribunal a exactement fixé à la somme de 18.410 € l'indemnisation de ce chef de préjudice.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame [K] la somme de 14.728 €.
° souffrances endurées (souffrances physiques et psychiques et troubles associés endurés jusqu'à la consolidation ) :
Au regard du taux proposé par l'expert, le tribunal a exactement fixé à la somme de 40.000 € l'indemnisation de ce chef de préjudice.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame
[K] la somme de 32.000 €.
* sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation ) :
° déficit fonctionnel permanent ( indemnisation du préjudice extra-patrimonial découlant d'une incapacité médicalement constatée, à savoir les atteintes aux fonctions physiologiques, la douleur permanente ressentie, la perte de qualité de vie, les troubles dans les conditions d'existence ) :
Au regard du taux de déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert et de l'âge de madame [K] lors de la consolidation, soit 44 ans, le tribunal a exactement chiffré à la somme de 120.000 € la réparation de ce chef de préjudice.
La CPAM n'a pas vu la totalité de sa créance prise en compte concernant la rente versée à madame [K], le solde de la pension d'invalidité s'élevant à la somme de 21.000 €.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu et en application du droit de préférence de la victime, il revient toutefois à madame [K] la somme de 96.000 € et aucune somme à la CPAM.
° préjudice d'agrément :
Ce préjudice est exclusivement lié à l'impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique de loisir ou sportive, apprécié in concreto, et n'a pas pour objet de réparer les difficultés rencontrées dans la vie courante du fait des séquelles subsistantes qui sont prises en compte dans le cadre de la réparation du déficit fonctionnel permanent, tout comme l'impact psychologique de ces séquelles.
Madame [K] ne produisant aucune pièce pour justifier de la pratique antérieure d'une activité précise de loisir ou sportive, il convient d'entériner l'offre du docteur [T] au titre de la réparation de ce préjudice, soit 18.000 €.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame [K] la somme de 14.400 €.
° préjudice esthétique permanent :
Au regard de l'incidence de l'amputation d'une jambe pour une femme de 44 ans, il convient de fixer à la somme de 45.000 € l'indemnisation de ce chef de préjudice.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu, il revient à madame [K] la somme de 36.000 €.
**************
Il revient en conséquence à madame [K] la somme globale de 432.430,21 € et à la CPAM celle de 129.916,69 €.
La somme allouée à la CPAM portera intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2011, à défaut de justification de la date d'une demande antérieure.
Il convient d'allouer en outre à la CPAM l'indemnité forfaitaire de 980 € prévue par l'article L376-1 du code de la sécurité sociale.
Les condamnations seront prononcées en deniers ou quittance de façon à tenir compte des sommes susceptibles d'avoir été versées au titre de l'exécution provisoire.
* Sur la réparation du préjudice de monsieur [K] :
Si le handicap de son épouse a une incidence sur la vie de monsieur [K] et lui cause un préjudice moral, celui-ci ne peut solliciter réparation de l'aide matérielle qu'il apporte de fait à celle-ci dès lors qu'une indemnisation a été demandée par madame [K] au titre de la tierce personne ;
son préjudice sera réparé par la somme de 40.000 €.
Après application du pourcentage de perte de chance retenu pour la réparation du préjudice de madame [K] qui s'applique à monsieur [K], il revient à celui-ci la somme de 32.000 €.
La condamnation sera prononcée en deniers ou quittance de façon à tenir compte de la somme susceptible d'avoir été versée au titre de l'exécution provisoire.
* Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure
civile:
Le droit à réparation de madame [K] étant retenu, les dépens seront supportés par
monsieur [T], qui sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
il n'est pas inéquitable de le condamner sur ce fondement au paiement de la somme de 2.000 € à monsieur et madame [K] in solidum et de celle de 700 € à la CPAM.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Infirme la décision du tribunal de grande instance de Toulon en date du 10 mai 2010, excepté en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit que monsieur [T] a commis une faute dont il est résulté pour madame [T]
une perte de chance d'éviter l'amputation au niveau de la cuisse gauche, perte de chance devant être fixée à 80%.
Condamne monsieur [T] à payer en deniers ou quittance, à :
- madame [K], la somme de 432.430,21 € en réparation de son préjudice corporel,
- la CPAM du Var, la somme de 129.916,69 € au titre de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2011, ainsi que la somme de 980 € au titre de l'indemnité forfaitaire,
- monsieur [K], la somme de 32.000 € en réparation de son préjudice consécutif à l'amputation de sa femme au niveau de la cuisse.
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.
Condamne monsieur [T] aux dépens de la présente instance, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Condamne monsieur [T] à payer à monsieur et madame [K] in solidum, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à la CPAM du Var celle de 700 € sur ce même fondement.
Déboute monsieur [T] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,