COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 23 FEVRIER 2012
N° 2012/ 101
Rôle N° 05/15402
S.A. AXA FRANCE VIE
C/
[L] [U]
Grosse délivrée
le :
à :
la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU
la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Juin 2005 enregistré au répertoire général sous le n° 04/3003.
APPELANTE
S.A. AXA FRANCE VIE,
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Jean françois ABEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alexandra JULIEN-FERRIOL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [L] [U]
née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 4] (PORTUGAL), demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Michel LAO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sabrina SAOUDI, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de Chambre
Madame Frédérique BRUEL, Conseiller
Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2012,
Signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de Chambre et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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I. FAITS PROCÉDURE
Le 17 juin 1998, Mme [L] [U] a souscrit auprès de la compagnie d'assurances AXA France Vie un contrat d'assurance dit Primordial avec effet le 1er juillet 1998, au titre des garanties indemnités journalières en cas d'ITT, rente en cas d'IPP et exonération des cotisations en cas d'incapacité et d'invalidité.
Mme [L] [U] s'est trouvée en arrêt de travail à compter du 15 septembre 1999. La compagnie AXA France Vie lui a alors versé des indemnités journalières, mais les a réduites à la suite du rapport de son expert selon lequel à compter du 23 avril 2000, elle s'est trouvée en incapacité partielle de travail.
Entre-temps, le 22 novembre 1999, Madame [U] a subi à la suite d'une chute une fracture du tibia droit, et s'est trouvée en arrêt de travail.
Le 14 mai 2001, AXA France Vie a informé Mme [U] de l'annulation du contrat pour fausses déclarations concernant sa profession lors de la souscription du contrat. Postérieurement, AXA France Vie a renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat.
Par jugement du 9 juin 2005, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a condamné la compagnie d'assurances AXA France Vie à payer à Madame [L] [U],
-- la somme de 19'161,04 € au titre de la rente d'invalidité mensuelle due pour la période du 15 juillet 2002, date de la consolidation, au 15 mai 2005, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chacune des échéances de la rente,
-- une rente mensuelle de 563,56 € à compter du 15 juin 2005,
-- la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
-- ordonné l'exécution provisoire.
-- rejeté la demande d'exonération des cotisations, prévue dans le seul cas d'invalidité permanente égale ou supérieure à 66 %.
AXA France Vie a été également condamnée à payer à Madame [L] [U] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Par acte remis le 22 juillet 2005, la compagnie d'assurances AXA France Vie a interjeté appel du jugement précité.
Par arrêt avant dire droit du 20 décembre 2006, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a désigné un expert en la personne du docteur [D] [H]. Ce dernier a déposé son rapport le 23 juin 2009.
Par arrêt du 20 mai 2010, la cour a constaté que l'expert n'avait pas répondu aux questions qui lui étaient soumises, et a ordonné une nouvelle expertise confiée au docteur [T] [F]. L'expert a déposé son rapport le 25 octobre 2010.
***
Vu les dernières conclusions de AXA France Vie du 7 janvier 2011,
Vu les dernières conclusions de Mme [L] [U] du 6 décembre 2011,
Vu l'ordonnance de clôture du 14 décembre 2011,
II. DÉCISION.
- Sur la demande relative à l'état dépressif de Madame [U].
Attendu selon AXA France Vie, qu'en application de l'article 3.4 des conditions générales, Mme [U] ne peut bénéficier des garanties, que ces dispositions excluent de la garantie toute affection due à une maladie dont la première manifestation survient dans le délai d'un an pour les maladies mentales et états dépressifs.
Attendu que le délai d'attente est venu à expiration le 31 juin 1999.
Attendu que selon certificat du 13 février 2003, le Dr [N] a notamment indiqué donner ses soins à Mme [U] [L] depuis 10 ans, qu'aucun traitement psychiatrique ou arrêt d'ordre psychiatrique n'a été prescrit durant cette période, qu'il a précisé que le début des soins psychotropes à visée anxiolytique a débuté en septembre 1999 sur des problèmes secondaires à une fracture du membre inférieur droit qui a fait ressurgir le décès de son époux.
Mais attendu que Mme [L] [U] a indiqué tant au docteur [R], médecin-conseil de la compagnie AXA qui l'a reçue au mois de janvier 2010, qu'à l'expert judiciaire le docteur [F], expert désigné par la cour par arrêt du 20 mai 2010, que dès l'automne 1998, en s'approchant de la date anniversaire du décès de son époux, elle a eu des premières manifestations dépressives pendant quelques mois, prises en charge par son médecin traitant qui aurait alors prescrit Prozac et Lysanxia.
Attendu que la réitération de ces indications et la précision de la prise de ces médicaments ainsi que de la période, émanent bien de l'intéressée, que les différents experts n'ont pu les noter que sur indication de Madame [U], que celle-ci indique au demeurant non pas que les experts ont mal compris ce qu'elle leur avait indiqué mais que son seul avis ne devrait pas être retenu dès lors qu'elle n'est pas médecin et qu'elle n'est pas à même de juger de son propre état de santé, que son affirmation selon laquelle elle n'a eu aucune prescription médicale est contradictoire avec ses propres indications et ne peut être retenue.
Attendu qu'il convient de retenir que Mme [L] [U] a pris pendant quelques mois à compter de l'automne 1998 du Prozac et du Lysanxia, que la prise de ces médicaments établit l'existence d'un état dépressif, que par suite AXA France Vie fait valoir à bon droit que la première manifestation de l'état dépressif subi par Madame [U] est survenue fin 1998, avant l'expiration du délai d'attente.
Attendu en conséquence, que les demandes de Madame [U] au titre des conséquences de son état dépressif doivent être rejetées.
Attendu que la compagnie AXA France Vie réclame à bon droit les indemnités journalières versées avant le 22 novembre 1999 soit la somme de 1128,12 €, qu'il convient de condamner Mme [L] [U] à rembourser ce montant à l'appelante outre intérêts au taux légal à compter de ce jour.
- Sur la demande relative à la fracture de la jambe de Madame [U].
Attendu selon l'expert judiciaire [F], que l'incapacité temporaire concernant la fracture de la jambe du 22 novembre 1999, a été totale du 22 novembre 1999 jusqu'au 21 mai 2000 puis du 6 mars au 5 avril 2001 (ablation du matériel d'ostéosynthèse), que l'incapacité temporaire a été partielle du 22 mai 2000 au 5 mars 2001 et que l'invalidité permanente partielle suivant le barème AT doit être fixée à 8 % pour les séquelles du genou droit.
Attendu sur la garantie incapacité, que l'article 2.14 des conditions générales prévoient une indemnité par jour d'arrêt de travail médicalement justifié en cas d'incapacité temporaire totale de travail et une réduction des prestations de 50 % en cas de reprise partielle de l'activité professionnelle.
Attendu que la garantie incapacité temporaire se trouve due en intégralité pour la période du 22 novembre 1999 au 21 mai 2000 (soit 182 jours), puis pour la période du 6 mars au 5 avril 2001 (soit 31 jours), et à concurrence de 50 % pour la période du 22 mai 2000 au 5 mars 2001 (soit 288 jours), qu'en revanche, Mme [U] ne justifie pas d'un arrêt de travail pour la période du 22 mai 2000 au 6 mars 2001, que si Mme [U] pouvait prétendre à des indemnités journalières à taux plein à concurrence de 182 + 31 = 213 jours, et à taux de 50 % à concurrence de 288 jours, qu'il est en conséquence dû à Mme [U] la somme de 200 x 213 = 42'600 francs, et celle de 100 x 288 = 28'800 francs, soit un total de 71'400 francs au titre de la garantie incapacité temporaire, soit 10'884 €, que le premier juge a justement retenu que la revalorisation des indemnités journalières demandée par Madame [U] n'est pas dû car en effet, l'article 5.5 des conditions générales stipulant que les prestations en cours de service sous forme d'indemnités journalières ne sont pas revalorisées, et qu'en l'état du montant des sommes déjà perçues (Madame [U] a reçu la somme de 15'771,88 €), il ne lui est revenait aucune somme à ce titre, que le jugement doit être sur ce point confirmé.
Attendu sur la demande de remboursement de la compagnie AXA, que celle-ci n'est pas chiffrée et doit être déclarée irrecevable.
Attendu sur la garantie invalidité, que selon l'article 2.9 alinéa 3 des conditions générales, les prestations sont dues à partir d'un taux d'invalidité de 11 % en accident, que l'expert judiciaire [F] estime le taux de cette invalidité à 8 % avec une consolidation au 7 septembre 2001, tandis que le docteur [K] [R], médecin-conseil de la compagnie AXA a indiqué le 24 juillet 2002 qu'en raison de la persistance des douleurs de la jambe et du genou droit, de la limitation douloureuse de flexion et de rotation des deux hanches, des signes de cervicarthrose et de lombarthrose, l'invalidité permanente partielle présentée par Mme [U] selon le barème accident du travail doit être fixée à 35 % avec une consolidation au 15 juillet 2002,qu'il n'y a pas lieu malgré ces deux avis divergents, d'ordonner une nouvelle expertise, qu'il convient en revanche de retenir le taux proposé par le Dr [R], médecin-conseil de l'appelante.
Attendu en conséquence, qu'au seul titre de l'accident du 22 novembre 1999, la garantie invalidité permanente partielle doit être retenue à concurrence de 35 %, que le calcul établi par le premier juge est exact, le jugement devant être par suite confirmé en ce qu'il a condamné la compagnie d'assurances AXA France Vie à payer à Madame [L] [U],
--la somme de 19'161,04 € au titre de la rente d'invalidité mensuelle due pour la période du 15 juillet 2002, date de la consolidation, au 15 mai 2005, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité de chacune des échéances de la rente,
--une rente mensuelle de 563,56 € à compter du 15 juin 2005,
Attendu que la demande de dommages et intérêts à été par ailleurs justement évaluée par le premier juge, la condamnation au paiement de la somme de 1500 € devant être confirmée, étant observé que Mme [U] perçoit des intérêts moratoires qui constituent une indemnisation du retard.
Attendu que la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil est de droit, qu'il convient de l'allouer.
***
Attendu que l'équité impose de laisser à la charge de la compagnie AXA France Vie les frais exposés par Madame [L] [U] et non compris dans les dépens, qu'il convient de la condamner à lui payer la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile (procédures de première instance et d'appel).
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- INFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'arrêt de travail du 15 septembre 1999 devait être pris en charge par la compagnie d'assurances AXA France Vie.
- ET STATUANT à nouveau,
- REJETTE les demandes de Madame [U] au titre des conséquences de son état dépressif.
- CONDAMNE Mme [L] [U] à rembourser à la compagnie AXA France Vie la somme de 1128,12 € , outre intérêts au taux légal à compter de ce jour, au titre des indemnités journalières versées avant le 22 novembre 1999.
- DÉCLARE irrecevable la demande de remboursement de la compagnie AXA France Vie au titre des indemnités journalières trop versées.
- CONFIRME le surplus du jugement en ce qu'il a condamné la compagnie d'assurances AXA France Vie à verser à Mme [L] [U] la somme de 19'161,04 € au titre de la rente d'invalidité mensuelle avec intérêts au taux légal, à compter de la date d'exigibilité de chacune des échéances de la rente, et une rente mensuelle de 563,56 € à compter du 15 juin 2005, ainsi que la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- Y AJOUTANT, DIT que la rente mensuelle versée à compter du 15 juin 2005 doit porter intérêts au taux légal à compter de l'exigibilité de chacune des échéances de la rente et que la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil est de droit.
- CONDAMNE la compagnie d'assurances AXA France Vie à verser à Mme [L] [U] la somme de 3500€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- REJETTE le surplus des demandes.
- CONDAMNE la compagnie AXA France Vie aux dépens, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile au bénéfice des avoués de la cause.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
RMP