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16/02/2012 | FRANCE | N°09/18922

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 16 février 2012, 09/18922


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2012



N° 2012/144













Rôle N° 09/18922





CAF DES [Localité 4]





C/



[F] [X]

Monsieur le PREFET DE LA REGION [Localité 5] DRASS

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Marie-Josèphe JAULIN, avocat au barreau de MARSE

ILLE

Me Jean Luc GUASCO, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur le PREFET DE LA REGION [Localité 5] DRASS



Copie certifiée conforme délivrée le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 24 Septembre 2009, enregistré au rép...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2012

N° 2012/144

Rôle N° 09/18922

CAF DES [Localité 4]

C/

[F] [X]

Monsieur le PREFET DE LA REGION [Localité 5] DRASS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Marie-Josèphe JAULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean Luc GUASCO, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur le PREFET DE LA REGION [Localité 5] DRASS

Copie certifiée conforme délivrée le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 24 Septembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/2291.

APPELANTE

CAF DES [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Marie-Josèphe JAULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [F] [X], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean Luc GUASCO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Elsa BARTOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur le PREFET DE LA REGION [Localité 5] DRASS, demeurant [Adresse 2]

défaillante

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2012..

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2012.

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE :

La Caisse d'allocations familiales des [Localité 4] (la Caf) a interjeté appel par lettre postée le 20 octobre 2009 du jugement rendu le 24 septembre 2009 par le juge du départage du conseil de prud'hommes de Marseille qui l'a enjointe de régulariser la situation de sa salariée madame [X] par l'attribution du niveau 4 à compter du 1er juin 2003 et l'a condamnée à lui payer la somme de 15.000,00 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

La Caf demande à la cour d'infirmer ce jugement, de débouter madame [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui payer la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [X] conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit qu'elle avait fait l'objet d'une discrimination syndicale et en ce qu'il a enjoint la Caf à régulariser sa situation par l'attribution du niveau 4 à compter du 1er juin 2003 ; elle forme toutefois appel incident en réclamant la condamnation de la Caf à lui payer la somme de 100.000,00 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au jour de la demande et capitalisation de ceux-ci; elle sollicite enfin la somme de 3.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La longueur de cette procédure s'explique par le fait que cette affaire, initialement fixée devant un magistrat chargé de l'instruire, a fait l'objet d'un renvoi devant la formation collégiale de cette chambre à la demande de la Caf.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à la décision déférée et aux écritures déposées, oralement reprises à l'audience du 15 décembre 2011.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance; or, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

Aux termes de l'article L. 412-2 ancien du code du travail, devenu L. 2141-5, il est interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement ; en outre, en application de l'article L. 122-45 ancien du code du travail, devenu L. 1132-1, en cas de litige relatif à la discrimination, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, la Caf a embauché madame [X] le 1er octobre 1970 en qualité d'agent de fichiers et elle a été titularisée le 1er avril 1971 ; elle est partie à la retraite le 30 juin 2007.

Le parcours professionnel, syndical et représentatif de la salariée a été le suivant :

- mai 1975 : agent technique niveau 3,

- août 1975 : agent technique qualifié,

- mai 1977 : agent technique hautement qualifié,

- 1978 : déléguée du personnel,

- avril 1979 : agent technique hautement qualifié EP10,

- 1980 : élue au comité d'entreprise,

- octobre 1980 : agent technique de qualification supérieure,

- 1983 : déléguée du personnel,

- 1er janvier 1984 : employée principale 5 %,

- 1er janvier 1989 : employée principale 10 %,

- 1er janvier 1991 : employée principale 15 %,

- avril 1991 : agent technique de qualification supérieure EP15,

- 1er janvier 1993 : reclassement au niveau 3 de la nouvelle classification du 14 mai 1992,

- décembre 1993 : technicien PF niveau 3,

- 1996 : élue au comité d'entreprise,

- 1er juin 1997 : attribution du 3ème degré du niveau 3 qui ne comporte que 4 degrés,

- 1998 : déléguée du personnel

- avril 1998 : technicien conseil PF nouvelle classification,

- 1er mai 2000 : attribution du 4ème degré du niveau 3,

- 2000, 2002, 2004 et 2006 : élue déléguée du personnel et au comité d'entreprise, membre permanent du Ce en sa qualité de secrétaire,

- 1er février 2005 : transposition au niveau 3, coefficient 205, 50 points d'expérience et 42 points de compétence en application de l'accord du 30 novembre 2004,

- 1er janvier 2007 : attribution de 8 points de compétence.

Pour soutenir qu'elle a été victime de discrimination, madame [X] met en exergue les éléments suivants :

- après avoir obtenu automatiquement l'échelon 10 en avril 1979 il lui a fallu attendre 12 ans pour obtenir l'échelon 15 immédiatement supérieur et laissé à la discrétion de l'employeur;

- elle est restée au niveau 3 depuis 1975, malgré les modifications intervenues en matière de classification, alors que quatre de ses collègues qui comptent pourtant moins d'ancienneté qu'elle, également élus délégués du personnel ou au comité d'entreprise mais appartenant à d'autres organisations syndicales, sont passés au choix de l'employeur au niveau 4, madame [U] en 2007, monsieur [W] en 2005, messieurs [V] et [M] en 1999 ;

- elle n'a fait l'objet d'aucune notation pendant les 37 années de sa carrière professionnelle et elle n'a pas bénéficié des entretiens annuels d'évaluation pourtant prévus par la convention collective.

Ainsi que l'a fort justement motivé le juge départiteur, les éléments de fait présentés par madame [X] ne permettent pas de présumer qu'entre 1978 et 1991 sa carrière aurait connu des retards ou une évolution particulièrement lente.

L'employeur reconnaît qu'à compter du mois de novembre 2000, madame [X] était 'non seulement au maximum de ses degrés, mais aussi au maximum du coefficient de base du niveau 3, soit 40 %'. Il explique qu'à compter de juin 2003, il a mis en place un plan progressif de promotion des techniciens conseils PF du niveau 3 au niveau 4 pour leur permettre de poursuivre un déroulement de carrière sans être bloqué et qu'il avait décidé d'étaler les promotions sur 4 années ; il précise que seulement 15 d'entre-eux sur 293 ont été promus du niveau 3 au niveau 4 à compter du 1er juin 2003 et que pour pallier l'absence de promotion de madame [X] au niveau 4 il lui a octroyé le 1er janvier 2007 8 points de compétence ce qui lui a donné une augmentation de salaire supérieure à celle qu'elle aurait eu si elle avait été promue au niveau 4.

Les articles 31et 33 de la convention collective, applicables antérieurement au protocole d'accord national du 30 novembre 2004 - et qui n'ont pu être supprimés par le simple accord constaté dans un procès verbal du comité d'entreprise du 30 mars 1993 - prévoyaient notamment que les échelons supplémentaires étaient attribués dans l'ordre d'un tableau d'avancement établi compte tenu des notes attribuées par la Direction au vu des appréciations des chefs de service et que toute promotion dans un niveau de qualification supérieur intervenait en principe dans l'ordre d'un tableau de promotion sur lequel figuraient les agents que leurs notes et les appréciations de leur responsable hiérarchique destinaient à un niveau de qualification supérieur ; or, la Caf, qui reconnaît qu'il n'existait avant 2004 que des entretiens qu'elle qualifie d' 'informels' et qui ne produit pas aux débats les notations de madame [X] - à supposer que celle-ci ait bien été notée comme le prévoyait la convention collective - ne prouve pas que ses décisions portant sur la carrière de l'intéressée entre novembre 2000 et l'année 2004 étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Par ailleurs, si l'on peut admettre, ainsi que l'expose la Caf dans un courrier adressé au syndicat Cgt le 22 décembre 2006, que la nomination de secrétaires syndicaux au niveau 4 n'a rien d'automatique et qu'il 'est tout à fait normal que ces évolutions se fassent de manière proportionnelle et non prioritaire par rapport aux autres catégories de personnel', encore faut-il que l'employeur puisse démontrer que les promotions qu'il a effectuées ne revêtent pas de caractère discriminatoire.

Or, si l'employeur reconnaît que madame [X] 'avait vocation à être promue' il se contente d'affirmer qu'elle ne l'a pas été 'compte tenu du caractère récent de son affectation à mi-temps au BOP' - ce qui ne constitue pas une explication suffisante pour écarter tout caractère discriminatoire - et s'il lui a octroyé 1er janvier 2007 8 points de compétence supplémentaires c'était bien, ainsi qu'il l'explique lui-même, 'pour pallier son absence de promotion' qu'il ne parvient pas à justifier notamment au regard de l'avancement des 4 personnes avec lesquelles se compare l'intéressée ; en effet, la Caf - qui ne la compare qu'à une dame [E] promue au niveau 4 qu'en 2009 - ne peut sérieusement soutenir que madame [X], qui était titulaire d'un Bepc et était âgée de 20 ans lors de son embauche en 1970 ne saurait se comparer, pour s'en tenir à ces deux seuls exemples, à madame [U] et à monsieur [V] alors que :

1 - madame [U] a été promue le 1er janvier 2007 et l'employeur prétend expliquer la différence de traitement aux motifs qu'elle est titulaire d'un Bepc et d'un Cap, qu'elle était âgée de 41 ans lors de son embauche en 1991 et qu'elle avait de l'expérience professionnelle; toutefois, lorsque madame [U] a été recrutée, madame [X] avait approximativement le même âge qu'elle et elle avait également 21 années d'expérience professionnelle, qui plus est au sein de la Caf ; en outre, le fait que l'une a un diplôme de plus que l'autre - dont il n'est pas prouvé l'utilité dans les fonctions réellement exercées - ne peut expliquer à lui seul la promotion de l'une et le seul octroi de points de compétence supplémentaires à l'autre qui, quel que soit le montant de sa rémunération plus élevée, restait au niveau inférieur ;

2 - monsieur [V] a été promu le 1er décembre 2005 , aux motifs, selon la Caf, qu'il était titulaire d'un Cep et du niveau baccalauréat et qu'il avait déjà une expérience professionnelle de plus de 10 ans lors de son embauche le 1er avril 1983 ; or, là encore, il n'est pas démontré que la différence de formation était déterminante dans l'emploi exercé et madame [X] avait quant à elle une expérience professionnelle de 13 années à la Caf lors du recrutement de monsieur [V].

Ainsi, l'employeur - qui au surplus ne produit aucun entretien annuel ni aucune notation des intéressés justifiant leur différence de traitements - ne rapporte pas la preuve que l'absence de promotion de madame [X] du niveau 3 au niveau 4 était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, madame [X] ne produisant aux débats aucun justificatif permettant de reconsidérer en cause d'appel le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués, la cour considérant que le premier juge a fait une juste appréciation du préjudice de la salariée.

Les sommes dues à titre indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les ordonne et, s'agissant d'une décision de confirmation, à compter du 24 septembre 2009; le bénéfice de l'anatocisme est acquis depuis le 24 septembre 2010.

Il n'est pas inéquitable que la Caf qui succombe verse à madame [X] la somme de 1.500,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 24 septembre 2009,

Dit que à les dommages-intérêts alloués portent intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2009 et qu'ils seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse d'allocations familiales des [Localité 4] à payer à madame [X] 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 09/18922
Date de la décision : 16/02/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°09/18922 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-16;09.18922 ?
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