COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 02 FEVRIER 2012
N°2012/112
Rôle N° 11/11013
[M] [P] épouse [D]
C/
CAP MUTUELLE SOLIDAIRE
Grosse délivrée le :
à :
Me Roland LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Bruno SIAU, avocat au barreau de BEZIERS
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Juin 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/4085.
APPELANTE
Madame [M] [P] épouse [D], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Roland LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Grégory FENECH, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
CAP MUTUELLE SOLIDAIRE ( code APE 6512Z )prise en la personnne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Bruno SIAU, avocat au barreau de BEZIERS
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Michel VANNIER, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Février 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Février 2012
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Cap mutuelle solidaire (Cap mutuelle), mutuelle créé en 2002, a embauché le 11 septembre 2007 madame [D]-[P] sous contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité d'assistante dentaire ; elle était promu assistante dentaire qualifiée coordinatrice par avenant du 1er juin 2008 et sa rémunération moyenne mensuelle brute était de 2.039,32 euros.
La salariée, qui était en arrêt maladie depuis le 10 août et jusqu'au 14 octobre 2009, a été licenciée par lettre recommandée en date du 8 octobre 2009 ainsi libellée:
'Par courrier recommandé avec avis de réception du 22 Septembre 2009, nous vous avons adressé une convocation à un entretien en vue d'un éventuel licenciement.
Au cours de cet entretien préalable du 02 Octobre 2009, nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement.
Nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement. Nous vous rappelons les raisons qui nous contraignent à prendre cette mesure : nous vous avons proposé - dans le cadre de la 'réorganisation du Centre de Santé Dentaire "Gambetta" rendue nécessaire par la situation plus que délicate qui est la sienne - un changement d'affectation au sein du dit Centre, qui consistait en un poste d'Assistante Dentaire Qualifiée en cabinet. Argumentant sur un simple changement de vos conditions de travail touchant à une modification de vos jours et horaires de travail, vous avez refusé, par lettre du 17 Août 2009, le poste que nous vous avons proposé.
Accédant à votre requête, nous vous avons reçue le 17 Septembre 2009 dans le cadre d'un entretien explicatif qui n'a pas connu une issue positive.
C'est dans ce cadre là qu'après réflexion, suite à notre entretien du 02 Octobre courant, nous avons décidé de vous licencier.
Etant en arrêt maladie non professionnelle, vous ne percevrez pas d'indemnité compensatrice de préavis car vous êtes dans l'impossibilité physique de l'exécuter (cass.soc. 20 novembre 2001, BC V n°352).
Comme convenu, vous recevrez par courrier votre solde de tout compte, votre certificat de travail ainsi que votre attestation Pôle-Emploi.
Nous vous prions d'agréer, Madame, l'expression de nos sentiments distingués'.
Par lettre postée le 15 juin 2011, madame [D]-[P] a régulièrement interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes de Marseille en date du 7 juin 2011 qui l'a débouté de l'intégralité de ses demandes fondé sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; elle demande à la cour de dire que son licenciement est illégitime et de condamner Cap mutuelle à lui payer 30.000,00 euros de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation en application de l'article 1154 du code civil, outre la somme de 2.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Cap mutuelle conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de l'appelante à lui verser 3.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à la décision déférée et aux écritures déposées oralement reprises à l'audience du 5 décembre 2011.
MOTIFS DE LA DECISION :
Cap mutuelle, qui avait une activité uniquement assurencielle, a souhaité se diversifier en 2007 ; c'est ainsi qu'elle a fusionné cette activité au sein de la mutuelle Harmonie Mutualité et qu'elle a créé en fin d'année un centre dentaire à l'activité duquel elle s'est alors exclusivement consacrée après avoir recruté le personnel qu'elle jugeait nécessaire.
Le contrat de travail de madame [D]-[P] du 11 septembre 2007 prévoit qu'elle est embauchée comme assistante dentaire qualifiée confirmée, catégorie employé E4 conformément aux dispositions de la convention collective mutualité du 31 janvier 2000 ; elle devait exercer son activité, sous la responsabilité du chargé de mission de la mutuelle Harmonie mutualité, au sein du centre situé [Adresse 2] ; l'article 7 prévoyait :
- que la répartition de son horaire de travail fixé à 151,67 heures devait lui être indiqué par son responsable hiérarchique ;
- qu'il lui appartenait 'de respecter les modalités d'organisation retenues par CAP MUTUELLE SOLIDAIRE laquelle pourra adopter les modes d'organisation du travail qui lui sembleront les plus adaptés aux nécessités du service' ;
- que l'organisation et la répartition du temps de travail 'ne constituent pas des éléments contractuels et sont donc susceptibles d'évoluer à l'initiative de CAP MUTUELLE SOLIDAIRE'.
Les horaires de travail de madame [D]-[P], non contractualisés, allaient être les suivants : de 9h00 à 12h45 et de 13h45 à 18h45 les lundis, mardis, jeudis et vendredis, la journée du mercredi n'étant pas travaillée.
L'avenant signé par la salariée le 1er juin 2008 nomme madame [D]-[P] 'assistante dentaire qualifiée coordinatrice' (article 3) et fixe sa rémunération annuelle à la somme de 24.000,00 euros payée en 13,55 mensualités ; la fiche de fonction prévoit que l'assistante dentaire qualifiée coordinatrice est sous la responsabilité du chargé de mission, exerce son activité au centre dentaire Gambetta et assume, en plus de ses tâches habituelles, des responsabilités de supervision concernant les assistantes qualifiées et un suivi de certaines tâches techniques et administratives ; à partir de cette date, elle poursuivait ses activités sous les mêmes horaires de travail qu'auparavant.
Cap mutuelle prétend qu'il était nécessaire qu'elle se réorganise en raison de sa situation économique particulièrement difficile en produisant aux débats un certain nombre de documents qui font ressortir que sous le mandat de gestion de la mutuelle Harmonie son déficit a été de 195.789,00 euros en 2008 (contre 26.131,19 euros l'année précédente) et de 234.331,00 euros en 2009. Ce serait la raison pour laquelle elle a décidé dès le mois d'avril 2009 de changer de gestionnaire et de réorganiser le centre dentaire pour en augmenter son activité ; c'est ainsi qu'elle a changé de directeur, recruté un nouveau dentiste en vue d'occuper un troisième fauteuil et d'assurer les fonctions de dentiste référent en remplacement des fonctions de l'assistante coordinatrice, embauché une assistante de ce nouveau dentiste et une secrétaire en vue d'assurer l'accueil et d'exécuter certaines tâches administratives et qu'elle a décidé de faire travailler son personnel le mercredi pour attirer la clientèle infantile.
Toutefois, si Cap mutuelle avait le droit et le pouvoir de modifier les horaires de travail non contractualisés de madame [D]-[P] et de lui imposer de venir travailler le mercredi, aucun argument économique ou autre ne peut justifier que l'employeur ait voulu par ailleurs changer son contrat de travail et la rétrograder au poste d'assistante dentaire qualifiée en lui retirant sa fonction de coordinatrice et les responsabilités qui lui étaient attachées pour les confier au dentiste nouvellement recruté ; c'est donc à juste titre que la salariée a refusé cette modification substantielle de son contrat ; le jugement déféré sera donc infirmé.
Madame [D]-[P] était âgée de 45 ans lors de son licenciement, elle est mère de deux enfants adolescents, elle a occupé plusieurs emplois à durée déterminée ou en intérim dès le 1er décembre 2009 et elle a été prise en charge à l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 23 février 2010 ; elle a signé un contrat de travail à durée indéterminée comme assistante dentaire le 14 novembre 2011; son préjudice sera intégralement réparé par le paiement par Cap mutuelle de la somme de 12.600,00 euros de dommages-intérêts qui produira intérêt à compter de la présente décision, le bénéfice de l'anatocisme n'étant pas dû.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Infirme le jugement déféré,
Dit que le licenciement de madame [D]-[P] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne Cap Mutuelle Solidaire à lui payer la somme de 12.600,00 euros à titre de dommages-intérêts,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne Cap Mutuelle Solidaire à payer à madame [D]-[P] 1.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles et la condamne aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT