La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2012 | FRANCE | N°11/07173

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 02 février 2012, 11/07173


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 02 FEVRIER 2012

FG

N° 2012/80













Rôle N° 11/07173







[L] [G]

ETUDE NOTARIAL [C]





C/



SARL AUFA

[H] [P]





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP COHEN GUEDJ



SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE









Décisio

n déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 15 Mars 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/201.





APPELANTS





Maître [L] [G]

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 5],

Notaire honoraire

demeurant [Adresse 4]





ETUDE NOTARIAL [C]

Notaire

demeurant [A...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 02 FEVRIER 2012

FG

N° 2012/80

Rôle N° 11/07173

[L] [G]

ETUDE NOTARIAL [C]

C/

SARL AUFA

[H] [P]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP COHEN GUEDJ

SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 15 Mars 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/201.

APPELANTS

Maître [L] [G]

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 5],

Notaire honoraire

demeurant [Adresse 4]

ETUDE NOTARIAL [C]

Notaire

demeurant [Adresse 3]

prise en la personne de son représentant légal.

représentés par la SCP COHEN GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE assistés de Me MAGNAN de la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocats au barreau d'ALPES DE HAUTE PROVENCE.

INTIMES

SARL AUFA

dont le siège social est sis [Adresse 7]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

Monsieur [J] [P]

demeurant [Adresse 1]

représentés par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistés de Me Magalie ABENZA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Février 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Février 2012,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

M.[P] est commerçant à [Adresse 8] au titre d'un magasin situé dans une galerie commerciale, pour une activité de location et vente de matériel de ski et accessoires.

M.[P] chargeait M°[G], notaire à [Localité 5], de réaliser les actes d'une opération immobilière visant à permettre au travers l'acquisition d'un appartement en rez-de-chaussée de la galerie commerciale et du droit au bail d'un local contigu, à procéder à un développement de sa surface commerciale.

Malgré l'acquisition de l'appartement, l'opération n'aboutira pas faute de cession du droit au bail, le cédant tirant prétexte des clauses de la promesse synallagmatique de cession pour se retirer.

Le 5 février 2009, M. [P] et la Sarl AUFA ont fait assigner l'étude notariale [G] [C] et M°[G] devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains en responsabilité délictuelle.

Par jugement en date du 15 mars 2011, le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a :

- dit que le cumul du défaut de diligences du notaire dans le contrôle de la réalisation des conditions suspensives et la délivrance précipitée par le notaire d'une attestation de caducité qui libérait le vendeur de ses obligations sont la cause directe de l'échec de l'ensemble de l'opération immobi1ière et commerciale projetée par M.[P] dans laquelle le notaire était intervenu en qualité rédacteur d'actes et en qualité de conseil au montage juridique,

- condamné sur le fondement de sa responsabilité professionnelle M°[L] [G] solidairement avec l'étude notariale [C] à réparer l'intégralité des préjudices supportés par le requérant M.[J] [P] et la SARL AUFA,

- avant dire droit :

- ordonné une expertise,

- commis pour y procéder M.[F] [N],

expert inscrit sur la liste de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (') avec pour mission de :

- entendre les parties et se faire remettre toutes pièces utiles, fournir les éléments d'appréciation permettant d'évaluer le préjudice immobilier des demandeurs [P] et Sarl AUFA en relevant que l'acquisition de 1'appartement est définitivement intervenue, que cette acquisition patrimoniale ouvre droit à des loyers et fait peser la charge d' un crédit, que dans le cadre du montage d'origine cette acquisition immobilière aurait pu obtenir une valorisation commerciale locative plus intéressante, que le préjudice peut s'apprécier de la différence entre les revenus immobiliers actuels et certains et les revenus locatifs commerciaux escomptés, Fournir les éléments d'appréciation du préjudice commercial des mêmes résultant de la perte de chance liée à la mise à néant du projet commercial envisagé en chiffrant les diverses pertes de marge et les diverses pertes d'exploitation ou pertes de chiffre d'affaires ou pertes de perspective de chiffre d'affaires etc..., pertes qui seront résultées de l'échec de cette opération d'agrandissement de surface et d'extension d'activité et de l'existence d'une concurrence dans les locaux convoités et ce à l'échéance de chacune des périodes de 3 ans, 6 ans et 9 ans du bail commercial projeté pour l'ensemble de l'opération, Fournir les éléments d'appréciation de toute autre forme de préjudice complémentaire, Proposer des tableaux d'évaluation et faire le compte entre les parties,

- procéder, de façon générale, à toutes constatations et conclusions utiles à solution du litige et répondre aux dires des parties,

- ('),

- dit que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par M.[P], qui devra consigner la somme de 2.500 € à valoir sur la rémunération de l'expert, entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal de grande instance Digne-les-Bains dans le délai d'un mois compter de décision étant précisé que la charge définitive en incombera, sauf transaction, à la partie condamnée aux dépens, ou que désignera spécialement le juge en fin d'instance,

- ('),

- condamné in solidum M°[G] et 1'étude notariale [C] à payer à M.[P] et à la Sarl AUFA la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M°[G] et l'étude notariale [C] à supporter les présents dépens de la procédure sauf l'avance des frais d'expertise qui seront à la charge du demandeur [P],

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration de la SCP COHEN GUEDJ, avoués, en date du 19 avril 2011, M°[L] [G] et l'étude notariale [C] ont relevé appel de ce jugement.

Par leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 21 novembre 2011, M°[L] [G] et l'étude notariale [C] demandent à la cour d'appel, au visa de l'article 1382 du code civil, de :

- surseoir à statuer dans l'attente du rapport d'expertise,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire que M°[G] n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité,

- débouter M.[P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement la Sarl AUFA et M.[P] au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la Sarl AUFA et M.[P] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ.

M°[G] fait observer que M.[P] avait mis en place une opération complexe dont il était le maître d'oeuvre et que M.[P] a préféré poursuivre le notaire plutôt que le cédant défaillant.

M°[G] précise que M.[P] ne l'avait pas informé de ce que le bailleur lui avait donné l'autorisation écrite de faire des travaux. Il estime avoir fait les diligences nécessaires.

Il considère n'avoir fait que constater la situation dans l'attestation de caducité.

M°[G] estime que M.[P] ne démontre pas le lien de causalité entre le préjudice prétendu et la faute alléguée. Il fait observer que M.[P] n'a subi aucun préjudice du fait de l'acquisition de l'appartement, que la prétendue perte d'exploitation de la société AUFA est purement éventuelle et qu'il n'y a aucun préjudice moral.

Par leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 13 décembre 2011, M.[J] [P] et la SARL AUFA et demandent à la cour d'appel de :

- débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions y compris de leur demande tardive de sursis à statuer dépourvue de tout fondement et qui serait privative du double degré de juridiction,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit le notaire entièrement responsable sur le fondement de l'article 1382 du code civil, conjointement et solidairement avec l'étude notariale, dit que ces fautes sont lourdes, désigner une expert pour évaluer le préjudice,

- le réformer en partie et condamner les appelants au paiement d'une provision qui ne saurait être inférieure à 30.000 € , eu égard aux préjudices estimés à 153.000 €, 1.332.000 € et 8.000 €, condamner solidairement les appelants au remboursement de l'avance sur provision de l'expert de 2.500 €, dire que les appelants doivent avancer tous les suppléments de provision réclamés par l'expert judiciaire et le solde des honoraires,

- condamner conjointement et solidairement M° [G] et l'étude notariale [C] au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M° [G] et l'étude notariale [C] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY et LEVAIQUE.

M.[P] expose être commerçant depuis 16 ans notamment à [Adresse 8] sous l'enseigne Grasset Sport, au travers la Sarl AUFA, dans un magasin exploité depuis 2000 dans la galerie commerciale de [Adresse 8], avec une activité de location-vente de matériel de ski et accessoires.

Il explique avoir chargé en 2004 M°[G], notaire à [Localité 5], notaire de famille, de réaliser les actes relatifs à l'acquisition d'un appartement en rez-de-chaussée côté Nord dans le bâtiment [Adresse 6], l'acquisition par la Sarl AUFA du droit au bail du local strictement contigu et l'établissement d'un bail commercial, dont les loyers devaient permettre de payer les mensualités de l'emprunt nécessaire pour acheter l'appartement.

Il précise que l'acte d'acquisition de l'appartement était reçu le 1er octobre 2004 et que la promesse synallagmatique de cession du droit au bail commercial intervenait le 15 décembre 2004, sous diverses conditions suspensives. Il expose que le cédant refusa de passer l'acte de cession compte tenu de ce que le délai de réalisation de cet acte était dépassé, ce qui fut attesté par M°[G].

M.[P] estime que le notaire a manqué à son obligation de conseil au titre de son intervention en ce montage juridique, et a manqué à son obligation d'assurer la sécurité et l'efficacité des actes.

Il considère que le notaire a commis des fautes en n'incluant pas de condition suspensive de la cession du bail dans l'acte d'acquisition de l'appartement, en ne convoquant pas le cédant avant la date butoir, par manque de diligences. Il estime que la condition suspensive relative à l'autorisation de travaux était levée et que rien n'empêchait la signature de l'acte de cession dans les délais prévus.

M.[P] et la Sarl AUFA estiment que les préjudices sont au nombre de trois, du fait du coût inutile de l'achat de l'appartement, de la perte d'exploitation du second magasin et du préjudice moral.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 15 décembre 2011.

MOTIFS,

I) Les éléments objectifs du dossier :

M°[G] a établi les actes suivants.

Il a aidé à la rédaction d'un acte sous seing privé de promesse synallagmatique de vente des 22 et 28 mai 2004. Il s'agissait de la vente par la SCI Le Maraval à M.[J] [P] et Mme [T] [A] épouse [P] des lots 131 et 189 de l'immeuble en copropriété [Adresse 6] (Alpes de Haute-Provence) station de [Adresse 8], consistant en un appartement au rez-de-chaussée et en emplacement de garage au sous-sol, moyennant le prix de 50.308 €, avec condition suspensive d'un prêt.

Il a établi l'acte de prêt et l'acte authentique de vente de ces deux lots de copropriété le 1er octobre 2004.

M°[G] a aidé à la rédaction d'un acte sous seing privé de promesse synallagmatique de cession le 15 décembre 2004 entre la société L'Agneau et Le Loup Sarl et M.[J] [P].

La société cédante s'est engagée à céder le droit au bail qu'elle détenait de la société propriétaire, la SCI du Loup, pour le temps restant à courir sur les locaux consistant aux lots 125 et 129 de l'immeuble en copropriété [Adresse 6], station de [Adresse 8], un local réserve en sous-sol et un local commercial en rez-de-chaussée, moyennant un prix de cession de 91.470 €.

Cette promesse était conclue sous huit conditions suspensives, de l'obtention d'un prêt, du certificat d'urbanisme, de l'absence d'exercice de droit de préemption, de l'intervention du propriétaire bailleur, de l'acceptation par ce dernier d'une activité magasin de sport, de l'acceptation par le propriétaire de l'ouverture entre les locaux et l'appartement contigu de M.[P], de l'acceptation par la copropriété, du caractère réalisable des travaux, ces conditions devant être levées le 30 avril 2005, avec prorogation éventuelle en attente de pièce administrative, et réalisation de l'acte un mois après la levée de la dernière des conditions suspensives.

L'acte précise que :'les conditions ayant été réalisées, le consentement du cédant à la présente cession et la mutation de propriété seront subordonnés à la condition de la signature de l'acte authentique avec le paiement du prix fixé et des frais dans le délai sus-indiqué.'

En ce qui concerne la levée des conditions suspensives, hors celle du droit de préemption et du certificat d'urbanisme, sur lesquelles les parties n'ont pas donné de précision et qui doivent être considérées comme ayant été levées, M.[P] fait état de la levée des autres conditions.

Il est justifié d'une offre de prêt au 5 avril 2005.

Il est produit une autorisation de la SCI du Loup datée du 17 novembre 2004 donnant l'autorisation de démolir la cloison du fond du magasin pour le réunir avec l'appartement contigu, ainsi que d'une autorisation du syndicat des copropriétaires du 29 décembre 2004.

Il est communiqué un document sur la faisabilité des travaux du 29 novembre 2004 de M.[U] [Z], architecte.

M°[G] a écrit le 5 juillet 2005 à Mme [Y], gérante de la Sarl L'Agneau et Le Loup pour l'informer que la signature de l'acte de cession pouvait être régularisée.

Le 19 juillet 2005 M°[G] a sommé Mme [Y] de se présenter à cette fin à son étude.

L'acte authentique n'a pas été signé.

Mme [Y], pour la Sarl L'Agneau et Le Loup a répondu le 19 juillet 2005 à la sommation interpellative du notaire : ' comme indiqué dans le compromis de vente, l'acte authentique devait être passé chez M°[G] au plus tard le 15/4/2005. Ce délai n'a pas été respecté par vos soins. Je n'ai reçu de vos nouvelles que le 11 juin 2005, date à laquelle vous m'avez adressé un projet de vente. A cette date, le délai imparti étant dépassé, j'ai donc repris la libre disposition de mon bien'.

Le 2 août 2005 M°[G] a établi l'attestation suivante : 'la société dénommée L'Agneau et Le Loup....devait céder son droit au bail d'un commerce à [Adresse 6], concernant deux locaux à usage de commerce à M.[J] [P]...cette cession devait avoir lieu au plus tard le 30 avril 2005. La signature définitive n'ayant pu intervenir avant cette (sic) le compromis de cession est devenue (sic) caduque, nul et de nul effet. La présente attestation a été délivrée pour servir et valoir ce que de droit. Le 2 août 2005.'

II) Le notaire a t'il commis des fautes :

M.[P] et la société AUFA estiment que M°[G] a tout d'abord manqué à son obligation de conseil eu égard à la cohérence du montage juridique de l'opération.

Cette opération consistait pour M.[P] et sa société AUFA à ouvrir un local commercial dans l'immeuble [Adresse 6], local commercial qui aurait consisté en un appartement plus le local déjà existant loué par la SCI du Loup à la Sarl L'Agneau et Le Loup. Cela supposait l'acquisition d'un appartement plus la reprise du bail détenu par la société L'Agneau et Le Loup.

M.[P] affirme que M°[G] était un notaire de famille qui était au courant de son projet global, et à ce titre devait le conseiller.

M°[G] ne conteste pas avoir eu connaissance du projet global de M.[P] et avoir été au courant de l'ensemble de l'opération.

A ce titre, il se devait d'attirer l'attention de M.[P] sur la nécessité de coordonner les actes d'acquisition de l'appartement et de cession du droit au bail et sur la vérification des possibilités de faire communiquer l'appartement et le local commercial loué voisin.

De nombreuses conditions suspensives dans la promesse synallagmatique de cession de bail ont trait à la vérification de la possibilité de communication entre le local et l'appartement.

M.[P] estime que M°[G] aurait dû lui conseiller d'insérer une condition suspensive de l'obtention de la cession du bail dans la promesse synallagmatique de vente de l'appartement.

Il y a lieu d'observer que la promesse synallagmatique de cession du bail n'a pu être obtenue de M.[P] que le 15 décembre 2004, alors que la promesse synallagmatique de vente de l'appartement était des 22 et 28 mai 2004 et que l'acte authentique de vente de cet appartement est du 1er octobre 2004. Une coordination concomitante n'aurait été possible que si les deux promesses synallagmatiques avaient été prises à des dates rapprochées, mais à la date de la promesse synallagmatique de vente de l'appartement, M.[P] n'avait pas encore obtenu l'accord de la Sarl L'Agneau et Le Loup pour la cession, une telle condition suspensive aurait été potestative et illicite.

Il ne peut être reproché à M°[G] de ne pas avoir suggéré l'insertion d'une telle clause.

Il aurait fallu que la date de la promesse synallagmatique de vente de l'appartement soit repoussée. M.[P] et Mme [P], puisqu'ils sont deux acheteurs, ont décidé d'acquérir l'appartement avant d'avoir la certitude d'obtenir une promesse de cession de bail.

C'est leur choix. Le notaire n'a commis aucune faute à cet égard.

M.[P] et la société AUFA reprochent au notaire son manque de diligences et des erreurs au sujet de la promesse synallagmatique de cession de bail.

La promesse synallagmatique de cession comportait la clause insérée par M°[G], rédacteur, selon laquelle, une fois les conditions réalisées, le consentement du cédant était subordonné à la condition de la signature de l'acte authentique avec le paiement du prix fixé et des frais dans le délai indiqué. Ce délai tel que précisé était : un mois après la levée de la dernière des conditions suspensives, lesquelles en tout état de cause devaient être levées au plus tard le 30 avril 2005. Cela donnait un délai ultime au 30 mai 2005 pour la signature de l'acte.

Cette clause donnait la possibilité au cédant de se désister si les délais étaient dépassés, même si les conditions suspensives étaient levées, alors qu'usuellement il est prévu qu'une fois les conditions suspensives levées chacune des parties peut obliger l'autre à signer. Une telle clause devait inciter à une particulière vigilance.

Le fait pour M°[G] d'avoir invité la gérante de la Sarl L'Agneau et Le Loup seulement par courrier du 5 juillet 2005 à venir signer l'acte, soit plus d'un mois après la date limite prévue au risque de voir la promettante se prévaloir de cette clause, est le résultat d'un manque de diligence de sa part.

Dans son attestation du 2 août 2005 M°[G] écrit, de manière erronée, que la cession devait avoir lieu au plus tard le 30 avril 2005, au lieu du 30 mai 2005. Il se considère encore moins diligent qu'il ne l'a été réellement, alors que selon ce document, il aurait attendu plus de deux mois après la date de caducité avant d'inviter la promettante à venir signer.

La rédaction de cette attestation établit que M°[G] avait bien conscience des dates et prouve son réel manque de diligences.

M°[G] prétend qu'il ignorait que toutes les conditions suspensives étaient levées et que M.[P] ne l'avait pas mis au courant de l'accord du propriétaire pour abattre une cloison.

Ainsi qu'il a été constaté dans le rappel ci-dessus des éléments objectifs de ce dossier, toutes les conditions suspensives avaient été levées à la date du 30 avril 2005.

M.[P] justifie, par un relevé de ses communications téléphoniques, avoir appelé l'étude de M°[G] ou M°[G] personnellement pas moins de 23 fois au cours du mois de mai 2005.

Il est évident que la question de la levée de toutes les conditions suspensives n'a pas pu ne pas être discutée au cours de ces nombreux échanges téléphoniques.

M°[G] a commis une faute par manque de diligences.

Le jugement sera confirmé en ce sens, sauf à ne pas retenir la notion juridique de faute lourde qui n'a rien à voir avec le présent litige.

III) Sur les conséquences de cette faute :

Le premier juge ne s'est pas prononcé sur le montant préjudice subi , se bornant à constater que M.[P] avait subi un préjudice en lien causal avec la faute du notaire, et ordonner une expertise avant dire droit sur l'évaluation de ce préjudice.

Aucune partie n'a demandé à la cour que la mission de l'expertise soit modifiée.

La demande de provision de dommages et intérêts est recevable. Il est certain que M.[P] a subi un préjudice alors qu'il a perdu la chance d'obtenir la cession du droit au bail du fait essentiellement de la faute de M°[G]. Il lui sera alloué une provision de 8.000 €.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme avec substitution de motifs le jugement rendu le 15 mars 2011 par le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains,

Y ajoutant,

Condamne M.[L] [G], solidairement avec l'office notarial [C], à payer à M.[J] [P] la somme de huit mille euros (8.000 €) à titre de provision de dommages et intérêts,

Condamne M.[L] [G], solidairement avec l'office notarial [C], à payer à M.[P] et la Sarl AUFA la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne M.[L] [G], solidairement avec l'office notarial [C], aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 11/07173
Date de la décision : 02/02/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°11/07173 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-02;11.07173 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award