COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 19 JANVIER 2012
D.D-P
N° 2012/41
Rôle N° 10/05485
[TK] [W] [O] [A]
[D] [N] [A]
[G] [A]
[P] [A]
[LT] [A]
C/
[M] [NN]
SOCIETE AGRICOLE DU DOMAINE DE RECOURS DITE SOCARE
[C] [NN] épouse [B]
[S] [NN]
[T] [I] épouse [NN]
[PZ] [NN]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL
SCP BOTTAI GEREUX BOULAN
Sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 02 Février 2010 enregistré au répertoire général sous le n° H09-11-910 lequel a cassé et annulé l'arrêt au fond n° 2008/573 rendu le 25 novembre 2008 par la 1ère chambre A de la cour d'appel d'Aix en Provence (RG 07/13442) à l'encontre du jugement rendu le 28 JUIN 2007 par le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN (RG 02/5709).
DEMANDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [TK] [W] [O] [A]
né le [Date naissance 1] 1921 à [Localité 17],
demeurant [Adresse 11]
es qualité d'usufruitier de Mme [X] [A] née [I], décédée le [Date décès 9]03
Madame [D] [N] [A]
née le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 16],
demeurant [Adresse 11]
es qualité d'héritière de Mme [X] [A] née [I], décédée le [Date décès 9]03 et de M. [L] [J] [A] décédé le [Date décès 2]09
Monsieur [G] [A]
demeurant [Adresse 14]
es qualité d'héritier de M. [L] [J] [A] décédé le [Date décès 2]09
Mademoiselle [P] [A]
demeurant [Adresse 14]
es qualité d'héritière de M. [L] [J] [A] décédé le [Date décès 2]09
Monsieur [LT] [A]
demeurant [Adresse 14]
es qualité d'héritière de M. [L] [J] [A] décédé le [Date décès 2]09
représentés par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour, assistés de Me Gérard SABATER avocat au barreau de DRAGUIGNAN et Me Christian ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [M] [NN],
né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 15],
demeurant [Adresse 10] , es qualtié d'héritier de Mme [U] [ET] veuve [I]
Madame [C] [NN] épouse [B]
née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 15] ,
demeurant [Adresse 13] (ESPAGNE)
Monsieur [S] [NN]
né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 15],
demeurant [Adresse 12]
Madame [T] [I] épouse [NN]
née le [Date naissance 3] 1926 à [Localité 16],
demeurant [Adresse 10]
Monsieur [PZ] [NN]
né le [Date naissance 7] 1935 à [Localité 16],
demeurant [Adresse 10]
représentés par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour, assistés de Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SOCIETE AGRICOLE DU DOMAINE DE RECOURS DITE SOCARE, dont le siège social est [Adresse 10] prise en la personne de son représentant légal en exercice.
Non comparante
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2012.
ARRÊT
Par défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2012,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 21 janvier 1956 [W] [K] [I], [W] [J] [I] et [T] [I] créaient à parts égales une société civile agricole dénommée [I] SO CA FLO ayant pour objet social la gestion d'une exploitation viticole sur un domaine de 309 ha 26 a et 93 ca sis à [Localité 16].
Suite au décès de [W] [K] [I], la société se poursuivait entre [T] [I] épouse [NN], [X] [F] [I] épouse [A] et [W] [J] [I] lequel qui assurait les fonctions de gérant jusqu'à son décès survenu le [Date décès 8] 1981.
Suite à un conflit portant sur la gestion sociale, [T] [I] épouse [NN] obtenait le 17 mars 1984 la désignation de M.[V] en qualité d'administrateur aux fins de convocation d'une assemblée générale et désignation d'un nouveau gérant.
Par décision du 26 juillet 1984 [T] [I] épouse [NN] était désignée en qualité de gérante pour une durée illimitée, tandis que [X] [A] était écartée de sa demande de co-gérance.
Suivant acte sous seing privé du 24 août 1984, [ET] [U] veuve [I] [W] [J], [T] [I] épouse [NN] et [X] [F] [I] épouse [A] adoptaient de nouveaux statuts sous la dénomination sociale de DOMAINE DU RECOURS, au capital de 63 000 francs, soit 9 604,29 € représentant 630 parts réparties par tiers entre chacun des associés.
[T] [I] épouse [NN] était désignée en qualité de gérante statutaire pour une durée illimitée, les statuts se référant expressément à la décision prise en assemblée générale.
Suite à un conflit portant sur la gestion sociale, [X] [F] [I] épouse [A] obtenait la désignation d'un administrateur en la personne de Me [E] suivant ordonnance de référé rendue le 26 mai 1993.
Ayant recouru à un expert-comptable et à un expert agricole, l'administrateur initialement commis pour une année poursuivait sa mission jusqu'au 10 octobre 2001, date à laquelle le juge des référés disait qu'il appartenait aux organes de gestion de la société de convoquer les assemblées générales, de faire approuver les comptes et de faire éventuellement désigner un nouveau gérant.
Le 12 novembre 2001 une assemblée générale constatait la fin de mission de l'administrateur, la remise par ce dernier à la gérante des bilans et comptes de résultat des exercices 1993 à 1998 avec les pièces comptables sauf les pièces relatives aux exercices 1997 et 1998, les bilans des exercices 2000 et 2001 étant en cours d'élaboration chez l'expert-comptable sapiteur de l'administrateur.
Les associés refusaient d'adopter la résolution concernant l'approbation des comptes des exercices 1993 à 1998, mais ils adoptaient la résolution relative à l'affectation de leur résultat en la forme d'un report à nouveau.
Par assemblée générale du 2 mars 2002, les associés, prenant acte de la démission de [T] [NN] de sa fonction de gérante, lui donnaient quitus de sa gestion effective et nommaient [M] [NN] en qualité de gérant.
Par assemble générale du 31 mai 2003 les associés votaient à la majorité des deux tiers une modification des statuts en décidant une extension de l'objet social comprenant la commercialisation directe des produits de l'exploitation d'une part, et d'autre part, la prorogation de la durée de la société pour cinquante années expirant le 21 janvier 2056.
L'assemblée générale du 6 mars 2004 approuvait à la majorité des deux tiers le rapport de la gérance, donnaient quitus au gérant, votaient le report à nouveau des résultats de l'exercice 2003.
Les 22 et 27 novembre 2002, Mme [X] [F] [A] faisait assigner la société agricole du Domaine du Recours dite SOCARE, Mme [T] [NN], M. [PZ] [NN], M. [M] [NN], M. [S] [NN] afin de voir declarer illicites les opérations étrangères à l'objet social qui ont abouti à faire supporter par la société des sommes dépensées dans l'intérêt personnel de la gérante et au profit de tiers liés à celle-ci, de faire annuler les decisions des assemblées générales ordinaires et extra ordinaires des 12 novembre 2001,2 mars 2002 et 2 mai 2002 et de faire condamner chacun des défendeurs à restituer à la société Socare des sommes provisionnelles à parfaire après expertise, en remboursement des sommes détournées à leur profit, d'obtenir la designation d'un expert pour fournir au tribunal tous éléments d'évaluation des sommes détournées au detriment de la société SOCARE et enfin la condamnation in solidum des défendeurs à verser à Mme [X] [I] épouse [A] la somme de 200'000 € à titre de dommages et intérêts en reparation du prejudice causé par les abus de majorité, illégalités et fautes caractérisées commises.
Par jugement contradictoire mixte en date du 12 mai 2005, devenu définitif,le Tribunal de Grande Instance de Draguignan a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de M.[TK] [A], de M.[L] [A] et de Mme [D] [A], venant aux droits de [X] [A],
- les a déboutés de leur demande d'annulation des délibérations des assemblées générales de la société du Domaine du RECOURS en date des 12 novembre 2001, 2 mars 2002 et 2 mai 2002,
- dit que le fondement de l'action en dommages et intérêts des consorts [A] ne s'analyse pas comme relevant de l'abus de majorité,
- dit que l'action relève de de la mise en jeu de la responsabilité personnelle de [T] [NN] prise en sa qualité de gérante de fait et de droit de la société,
- ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de développer leurs moyens et notamment sur la recevabilité de l'action,
- et renvoyé la procédure à la mise en état.
Par jugement mixte contradictoire en date du 28 juin 2007, le Tribunal de Grande Instance de Draguignan a :
- constaté que le jugement du 12 mai 2005 a déjà rejeté les demandes d'annulation des assemblées générales en date des 12 novembre 2001, 2 mars 2002 et 2 mai 2002,
- déclaré irrecevables les demandes en dommages et intérêts formées par les consorts [A], associés, à l'encontre de [PZ] [NN], [M] [NN], [S] [NN] en leurs qualités d'associés,
- déclaré recevable, comme non prescrite, l'action en responsabilité pour les fautes commises dans la gérance de la société,
- débouté MM. [TK] [A], [L] [A] et Mme [D] [A] de leur action et de leurs dema ndes fondées sur la responsabilité de M. [M] [NN] en sa qualité de gérant de la société depuis le 2 mars 2002,
- les a déboutés de leur action en responsabilité dirigée contre Mme [T] [I] épouse [NN] en sa qualité de gérante de la Société Agricole du DOMAINE DU RECOURS dite SOCARE, pour la période du 26 mai 1993 au 21 mai 2001,
- avant dire droit sur l'action en responsabilité dirigée contre Mme [T] [I] épouse [NN] en sa qualité de gérante de la Société Agricole du DOMAINE DU RECOURS dite SOCARE, pour la période de 1980 jusqu'au 26 mai 1993,
- ordonné une expertise,
- désigné en qualité d'experts MM. [W] [Y], et [R] [V],avec pour mission de :
* se faire remettre l'ensemble des pièces comptables de la Société DOMAINE DU RECOURS dite SOCARE pour la période de 1981 au 26 mai 1993, avec toutes les pièces justificatives,
*recevoir les explications des parties et de tous sachants et prendre connaissance des documents et rapports d'expertise déjà établis à la demande de chacune des parties,
*décrire l'état de cette comptabilité et dire si elle était complète et sincère,
* Rechercher quelle a été la gestion de la société par Mme [T] [NN] au cours de la période de 1981 à mai 1993 tant sur le plan comptable que de technique agricole,
* Rechercher si la comptabilité ou la gestion révéle des opérations contraires à l'intérêt social et au profit de la gérante, de certains associés ou de tiers, et dans l'affirmative les décrire,
* Rechercher et évaluer le préjudice ainsi occasionné à la société le DOMAINE DU RECOURS dite SOCARE,
* Rechercher si ces agissements ont occasionné des préjudices personnels, et distincts de ceux de la société, aux autres associés et dans ce cas, évaluer les préjudices personnels des associés,
* D'une manière générale, fournir au tribunal tous éléments techniques et de fait permettant de statuer sur les responsabilités encourues et les préjudices subis,
- fixé à 2 000 € le montant de la consignation à valoir sur les frais et honoraires des experts à la charge des demandeurs,
- réservé les dépens et l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- et renvoyé la cause et les parties à la mise en état .
Par declaration au grefffe du 1eraoût 2007 et declaration d'appel rectificatives des 2 et 3 août 2007, MM. [L] et [TK] [A], et Mme [D] [A], agissant en leur qualité d'héritiers de Mme [X] [A], ont relevé appel de ce jugement.
Par arrêt contradictoire en date du 25 novembre 2008, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :
- confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
y ajoutant,
- déclaré irrecevable la demande des consorts [A] présentée contre M. [PZ] [NN] pris en son nom personnel,
- débouté les intimés de leur demande de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- et condamné les consorts [A] aux dépens.
Sur pourvoi formé par les consorts [A], la chambre commerciale de la Cour de cassation, par arrêt en date du 2 février 2010 a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a débouté MM. [TK] et [L] [A] et Mme [D] [A] de leurs demandes dirigées contre M. [M] [NN] et fondées sur les fautes que celui-ci aurait commises dans l'exercice de ses fonctions de gérant de la société Socare, l'arrêt rendu le 25 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyés devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée .
- condamné M. [M] [NN] aux dépens ;
- et l'a condamné à payer à Mme [D] [A], à M. [TK] [A], à Mmes [LT] et [P] [A] et à M. [G] [A] la somme globale de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour énonce en ses motifs que dans leurs écritures d'appel, les consorts [NN] imputaient d'autres fautes à M. [M] [NN], au titre de la période postérieure à sa nomination en qualité de gérant de la société Socare, et que la cour d'appel dénaturant les conclusions dont elle était saisie avait violé l'article 4 du code de procedure civile.
Par déclarations aux fins de saisine en date des 19 mars et 23 août 2010, MM. [L] et [TK] [A], et Mme [D] [A], agissant en leur qualité d'héritiers de Mme [X] [A], ont saisi la cour d'appel de céans.
Par conclusions déposées le 23 août 2011, MM. [L] [A],et [TK] [A], et Mme [D] [A], Mmes [LT] et [P] [A], et [G] [A], ces trois derniers venant aux droits de [L] [A], (les consorts [A]) demandent à la cour :
- de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN le 28 juin 2007, en ce qu'il a dit l'action recevable et non prescrite, et en ce qu'il a commis un expert pour la période de 1981 à mai 1993,
le réformant pour le surplus,
- de rejeter comme irrecevables ou mal fondées les prétentions adverses,
- de débouter la société agricole du DOMAINE de RECOURS, dite SOCARE, Mme [T] [I], née [NN], MM. [S] [NN], M [M] [NN], [H] [NN], [PZ] [NN] et Mme [C] [B], de toutes leurs demandes,
- de déclarer illicites toutes les opérations étrangères à l'objet social qui ont abouti à faire supporter, par la société Socare dont les comptes n'ont d'ailleurs pas été approuvés, des sommes dépensées dans l'intérêt personnel de la gérante d'alors et au profit de tiers liés à elle, la société SOCARE devenant ainsi manifestement fictive,
- de dire, par application de l'article 1382 du code civil, que la carence, les fautes de gestion et man'uvres de M.[M] [NN] ont engagé sa responsabilité et ont entraîné, pour la société SOCARE, et, en conséquence pour les associés minoritaires, d'une part, pour les ayants-droit de [X] [A], d'autre part et distinctement, un appauvrissement considérable et, pour la famille [NN] qui a concouru à la réalisation de l'entier dommage, un enrichissement corrélatif manifestement illicite dont elle ne peut prétendre conserver le bénéfice,
- de dire, en particulier, que l'occupation gratuite, par les majoritaires depuis 1964, des maisons appartenant à la société, sans contrepartie pour les minoritaires, appauvrit illégalement la SOCARE, méconnaît l'objet social et romp l'égalité qui doit régner entre les associés,
- de dire que M.[M] [NN] a profité des fautes de gestion de Mme [NN] pour bénéficier du détournement d'une somme de 18 293 €, outre une somme de 40 246 € de1990 à 2001,
- de condamner M.[M] [NN], à payer à la Société SOCARE, en réparation des préjudices causés par les illégalités et fautes commises, d'une somme de 98 477,51€, outre une somme de 40 246 € (1980 à 1984 et 1989 à 2001), avec intérêts de droit depuis le 31 décembre 2002 et anatocisme, ou, subsidiairement, à reverser ces sommes dans la caisse de la Société, afin de permettre l'exercice des droits des associés minoritaires,
- de condamner M.[M] [NN] au paiement, à la Société SOCARE, de la somme de 18 293 € de dommages et intérêts, outre une somme de 40 246 € (1990 à 2001), en réparation des préjudices causés par les illégalités et fautes commises, avec intérêts de droit depuis le 31 décembre 1998 et anatocisme, sauf à parfaire, ou, subsidiairement, à reverser ces sommes dans la caisse de la Société, afin de permettre l'exercice des droits des associés minoritaires,
- de condamner M.[M] [NN], à payer à M.[TK] [W] [O] [A], à Mme [D] [N] [A], à Mme [LT] [A], à Mlle [P] [A], à M.[G] [A], ayants-droit de [X] [A], une somme globale de 300 000 €, en réparation des pertes de trésorerie subies et des atteintes portées à la valeur de leurs parts,
- d'ordonner une expertise complémentaire, du chef de la gestion de M. [M] [NN] depuis le 26 mai 1993 en l'état de son intervention comme gérant de fait, ses agissements fautifs étant confirmés à partir des premiers documents partiellement versés aux débats, et en toute hypothèse depuis sa nomination comme gérant en 2002, avec mission donnée à l'expert qui parait pouvoir être à nouveau, M.[Y] :
* d'apprécier les caractères complet et sincère de la comptabilité sous la gestion de M.[M] [NN],
* de rechercher si la comptabilité et la gestion révèlent des opérations contraires à l'intérêt social et au profit du gérant, de certains associés ou de tiers et dans l'affirmative les décrire,
* de rechercher et d'évaluer le préjudice ainsi occasionné, sous la gestion de fait ou de droit de M.[M] [NN], à la Société Le Domaine du Recours dite SOCARE,
* de rechercher si ces agissements ont occasionne des préjudices personnels et distincts de ceux subis par la Société aux autres associés et dans ce cas évaluer les préjudices personnels des associés,
* d'une manière générale, de fournir à la juridiction, tous documents techniques et de fait permettant de statuer sur les responsabilités encourues et plus particulièrement sur celle de M.[M] [NN] depuis sa prise de fonction comme grant,
- condamner in solidum[T] [I], née [NN], M.[S] [NN], M.[M] [NN], M.[H] [NN], M.[PZ] [NN] et Mme [C] [B], à payer aux ayants droit de [X] [A] d'une somme de 35 000 € sur le fondement de l'article 700 C.P.C., ainsi qu' aux entiers dépens qui comprendront les frais et honoraires des deux experts.
Par conclusions en date du 17 novembre 2011 M.[M] [NN], M.[S] [NN], [T] [NN] née [I], M.[H] [NN], M.[PZ] [NN] et Mme [C] [NN] spouse [B] ( les consorts [NN]) demandent à la cour, au visa des articles 1843-5, 1844-10, 1850 et 1382 du code civil :
- de déclarer irrecevable comme nouvelles les prétentions fondées à la reconnaissance de la qualité de gérant de fait de M.[M] [NN],
- de confirmer le jugement querellé,
- de débouter les consorts [A] de leuirs demandes,
- et de les condamner à leur payer la somme de 45 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens avec distraction.
La société agricole du Domaine de Recours dite SOCARE, assignée le 25 février 2011 par exploit délivré à personne présente au domicile du gérant, n'a pas constitué avoué.
L'ordonnance de cloture est datée du 23 novembre 2011.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
MOTIFS,
Attendu que les consorts [A] font valoir au soutien de leur appel que M. [M] [NN] a eu pour préoccupation majeure de couvrir les illégalités antérieures et d'éviter à sa famille d'avoir à en subir les conséquences, en aggravant le préjudice causé à la société et aux minoritaires et en les dissimulant ; qu'il a continué à profiter du système de gestion mis en place au mépris de l'objet social et de la personnalité morale de la société ; que la société Domaine du Recours dite Socare a été gérée comme une entreprise personnelle au seul profit des associés majoritaires ;que les assemblées générales de 2003 à 2010 se sont déroulées avec les mêmes errements que précédemment, M. [M] [NN] prétendant ignorer les bilans passés, ou s'opposant à la demande de reversement dans la caisse de la société des fonds déterminés par l'expert, et poursuivant les paiements indus au profit de la famille [NN] au préjudice de la société SOCARE : notamment paiement de la taxe d'habitation des immeubles, une villa et deux appartements meublés occupés sans contrepartie par les familles [NN] , absence de paiement des loyers des immeubles occupés, frais locatifs assumés par la SOCARE (eau électicité, téléphone, fleurs, tuyauterie d'arrosage), fioul de la maison personnelle de Mme [NN] de St Maximin pour un montant de 70'245 F , surconsommation de carburant permettant à M. [M] [NN] de faire régler par la société le carburant de son véhicule personnel, paiement des honoraires d'avocats pour des procédures personnelles, disparition d'une partie de chaque récolte, absence d'inventaire des parcelles de terre et du matériel, en dépit de multiples réclamations ; TVA encaissée par M. [PZ] [NN] jamais récupérée par la SOCARE et jamais payée au trésor , soit 15'890 F ;
Attendu que les appelants soutiennent encore que M. [M] [NN] a fait obstruction aux opérations d'expertise confiées à M. [Y] qui a relevé dans son rapport d'étape du 22 décembre 2009 l'absence de pièces de caisse et autres justificatifs ou anomalies ; que les sorties de caisse s'élèvent à la somme minimum de 1'550'000 F ; qu'ils ont été constatés sur intervention de la chambre d'agriculture dès 1992 ; et que la responsabilité de M. [M] [NN] qui n'a jamais agi pour recouvrer les sommes dues à la société, ni à partir de 1993 comme associé et gérant de fait conjointement avec sa mère [T] [NN], gérante de droit, ni depuis sa désignation officielle en 2002, est engagée de ce chef ;
Mais attendu que par l'assignation introductive d'instance des consorts [NN] en date du 22 novembre 2002 Mme [X] [A] puis les consorts [A] en leurs dernières écritures, avaient sollicité du tribunal la reconnaissance de ce que 'la société SOCARE était gérée comme si elle appartenait en propre et exclusivement à Mme [NN] et à ses enfants' et ' dénoncé diverses anomalies comptables et des consommations d'essence, et d'engrais opérées par [M] [NN]' ;
Attendu que le tribunal par le jugement définitif en date du 12 mai 2005 les a déboutés de leur demande d'annulation des assemblées générales des 12 novembre 2001,2 mars 2002 et 2 mai 2002 en relevant d'une part 'qu'il n'était pas démontré que les résolutions prises en assemblée générale aient été adoptées ou rejetées dans le seul intérêt des associés majoritaires' ; que le tribunal a statué , d'autre part, sur les demandes de dommages et intérêts présentées par les consorts [A] à l'encontre des autres associés de la société fondées sur des opérations prétendument illicites contraires à l'intérêt social de la société et à l'ensemble des associés, et en son dispositif a : 'Dit que le fondement de l'action en dommages et intérêts des consorts [A] ne s'analyse pas comme relevant de l'abus de majorité et que l'action relève de la mise en jeu de la responsabilité personnelle de Mme [T] [NN] prise en sa qualité de gérante de fait et de droit' ;
Attendu que l'arrêt confirmatif du jugement déféré du 28 juin 2007 n'a été cassé par la Cour de Cassation que sur le troisième moyen développé par les consorts [A], pris en sa première branche, c'est-à-dire en ce que la cour d'appel de ce siège a dénaturé les conclusions des appelants dans la mesure où, 'dans leurs écritures d'appel, ces consorts imputaient d'autres fautes à M. [M] [NN] au titre de la période postérieure à sa nomination en qualité de gérant de la société SOCARE', soit à partir de mars 2002 ;
Attendu que les consorts [NN] font donc valoir exactement que les prétentions indemnitaires et d'expertise complémentaire présentées par les consorts [A] en ce qu'elles sont fondées sur de prétendus agissements, abus de majorité, irrégularités et fautes de gestion antérieurs au mois de mars 2002 tendent à remettre en cause les décisions définitives précédemment rendues ; qu'elles sont dès lors irrecevables ;
Attendu queles consorts [A] font grief à M. [M] [NN] , dans le cadre du débat tel que circonscrit par l'arrêt rendu par la Cour de Cassation, de n'avoir pas agi depuis sa désignation en 2002 pour recouvrer les sommes dues à la société ;
Mais attendu que la question de savoir si ces sommes sont réellement dues à la société SOCARE est précisément l'objet de l'expertise actuellement en cours sur la période de gestion de Mme [T] [NN] de 1981 à 1993, sa responsabilité ayant été écartée pour les années 1993 à 2001, durant le mandat de l'administrateur provisoire qui exercé le pouvoir de gestion administrative, sociale, comptable et financière de la société SOCARE, comme l'a dit, définitivement sur ce point, le tribunal ;
Attendu que cette expertise est en cours aux fins de déterminer quel pourrait être le préjudice subi par la société susceptible de résulter d'éventuelles fautes de gestion commise par la gérante d'alors, à laquelle les consorts [A] reprochaient déjà de favoriser les membres de sa famille, dont [M] [NN] ; que les consorts [A] ne démontrent pas que ce dernier aurait commis des fautes dans l'exercice de son mandat en s'abstenant d'anticiper les conclusions à venir de l'expert nommé et en omettant de réparer un préjudice, pour l'heure purement putatif, causé à la société SOCARE ;
Attendu ensuite, en ce qui concerne l'irrégularité prétendue de la convocation par M. [M] [NN] de l'assemblée générale du 2 mars 2002 et la présentation à l'assemblée par M. [M] [NN] le 25 mai 2002 des comptes de l'exercice 2001 que le tribunal a déjà débouté définitivement les consorts [A] de leur demande d'annulation des délibérations adoptées lors de ces assemblées, en relevant à juste titre qu'il ne pouvait être prétendu que les résolutions aient été adoptées ou rejetées dans le seul intérêt des associés majoritaires et que l'intérêt général de la société n'ait pas été respecté ;
Attendu que les comptes de l'exercice 2001 ont été établis par l'administrateur désigné et son sapiteur expert-comptable ;
Attendu qu'en ce qui concerne l'occupation gratuite d'une maison et de deux appartements qu'aucune faute ne peut être retenue contre M. [M] [NN] à cet égard dans la mesure où cette occupation à titre gratuit , laquelle inclut nécessairement la prise en charge par la société SOCARE des frais afférents, a été autorisée par une assemblée générale des associés en date du 18 décembre 1964 (pièce n°37), bien avant qu'il n'acquière lui-même des parts de la société et en devienne associé ; et qu'il est à relever de surcroît qu'en tant que mandataire social, il lui appartient de respecter les délibérations de ladite assemblée, aux consorts [A] , eux-mêmes, le cas échéant, de mettre à l'ordre du jour la suppression ou la réduction de cet avantage en nature concédé aux associés ;
Attendu que les consorts [A] affirment également qu'il y aurait eu une perte de TVA de l'ordre de 15'800 € ; que cette affirmation n'est mieux étayée alors qu'il leur appartenait de critiquer sur ce point avec précision les pièces comptables de la société ;
Attendu qu' il en va de même de leurs allégations selon lesquelles la société SOCARE assumerait des dépenses qui seraient personnelles à M. [M] [NN] ou à des membres de sa famille; que les productions, et notamment les factures versées aux débats, sont insuffisantes à cet égard; que les appelants, auxquels la charge de la preuve incombe, n'ont pas même répliqué aux explications fournies par les intimés ;
Attendu enfin qu'une mesure d'instruction ne saurait avoir pour finalité de corroborer des accusations portées de manière générale et suppléer la carence d' une partie dans l'administration de la preuve ; que la demande d'expertise complémentaire concernant la gestion de M. [M] [NN] partir du 2 mars 2002 sera donc écartée ;
Attendu en définitive qu'il y a lieu d'approuver entièrement le jugement déféré ;
Attendu que les appelants succombant devront supporter la charge des dépens de la présente procédure d'appel, et ceux de l'arrêt cassé en date du 25 novembre 2008, en application de l'article 639 du code de procédure civile ; qu'ils devront verser en équité la somme de 4 000 € aux intimés au titre des frais irrépétibles que ceux-ci ont dû exposer pour leur défense ;
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt de défaut, par suite de la défaillance de la société agricole du Domaine de Recours dite SOCARE, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 28 juin 2007 des chefs déférés par l'arrêt de la Cour de cassation en date du 2 février 2010,
Y ajoutant
Déclare irrecevables les demandes présentées par les consorts [A] portant sur des chefs devenus définitifs,
Les déboute de toutes leurs autres demandes, notamment celle tendant à voir ordonner une mesure d'expertise complémentaire,
Condamne in solidum M. [TK] [A], Mme [D] [A], Mme [LT] [A], Mme [P] [A], M. [W] [Z] [A] à payer à M. [M] [NN], Mme [T] [NN] née [I], M. [PZ] [NN], Mme [C] [NN] épouse [B] et M. [S] [NN] la somme de 4000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé,
Autorise la SCP d'avoués Bottai-Gereux-Boulan à les recouvrer directement en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT