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18/01/2012 | FRANCE | N°10/13928

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 18 janvier 2012, 10/13928


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 18 JANVIER 2012



N°2012/91

Rôle N° 10/13928







SAS ROYAL SCANDINAVIA HOTEL NICE





C/



URSSAF DES ALPES MARITIMES



DRJSCS















































Grosse délivrée le :

à :





Me Philippe SOUSSI, avocat au barreau

de NICE



Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE









Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ALPES MARITIMES en date du 15 Juin 2010,enregistré au répertoire général sous le n° 20801218.





APPELANTE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 18 JANVIER 2012

N°2012/91

Rôle N° 10/13928

SAS ROYAL SCANDINAVIA HOTEL NICE

C/

URSSAF DES ALPES MARITIMES

DRJSCS

Grosse délivrée le :

à :

Me Philippe SOUSSI, avocat au barreau de NICE

Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ALPES MARITIMES en date du 15 Juin 2010,enregistré au répertoire général sous le n° 20801218.

APPELANTE

SAS ROYAL SCANDINAVIA HOTEL NICE, représentée par son Président Général, Monsieur [Y] [T], demeurant es qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe SOUSSI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Solenne REBEYROL, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

URSSAF DES ALPES MARITIMES, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

DRJSCS, demeurant [Adresse 3]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette AUGE, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2012

Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Courant juillet 2005, l'URSSAF qui procédait à un contrôle de la société Royal Scandinavia chargée de l'exploitation d'un hôtel appartenant au Groupe Radisson à [Localité 4] (06) a relevé diverses irrégularités, a procédé à un redressement d'environ 67330 euros et a poursuivi ses investigations dans un cadre plus vaste mettant en évidence l'existence d'un délit probable de travail dissimulé, pour la période allant de 2002 à 2005.

Il résultait en effet des documents présentés au contrôle que la société hôtelière avait sous-traité à l'entreprise "[B] [R]" la sécurité de l'hôtel, que les agents chargés de cette sécurité étaient des policiers à la retraite non déclarés à l'URSSAF, recrutés par Monsieur [E], salarié de l'entreprise, non déclaré à l'URSSAF et ex-mari de la gérante [B] [R] laquelle semblait n'avoir aucune activité réelle dans la gestion de l'entreprise, et que les faits n'avaient perduré que par l'effet d'une négligence coupable ou à tout le moins d'un accord tacite des deux responsables successifs de l'établissement niçois, et en l'espèce Monsieur [D] à cette époque.

L'URSSAF a établi un procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé à l'encontre de Madame [B] [R] daté des 11 juillet - 29 septembre 2005 et transmis au Parquet de [Localité 4].

Aucune poursuite n'a été engagée à l'encontre de Madame [R].

Après enquête de la gendarmerie, le Parquet de Nice a renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Nice la société Scandinavia, Monsieur [W] son gérant, et Monsieur [E], auteur des infractions de travail dissimulé.

Par jugement du 11 janvier 2007, le Tribunal est entré en voie de condamnation à l'égard des trois personnes poursuivies, mais la Cour, par arrêt du 26 mai 2009, a relaxé la société hôtelière et son gérant des fins de la poursuite.

Parallèlement, l'URSSAF a mis en place à l'encontre de la société Scandinavia la procédure prévue par la loi du 13 août 2004 et par le décret du 27 octobre 2005 relatifs à la solidarité financière du donneur d'ordre et lui a notifié un redressement de 160 924 euros, le 27 novembre 2007.

La société Royal Scandinavia a contesté ce redressement devant le Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Alpes Maritimes qui, par jugement en date du 15 juin 2010, l'a déboutée de son recours, a confirmé la décision de la Commission de recours amiable "de la Caisse Régionale d'assurance maladie"(sic), et a fait droit à la demande de condamnation des cotisations et majorations de retard ainsi éludées pour la période 2002 à juin 2005, soit 160 924 euros.

La société Royal Scandinavia a fait appel du jugement.

Par conclusions du 10 octobre 2011 reprises oralement à l'audience de plaidoirie du 7 décembre 2011, la société Royal Scandinavia a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de dire qu'elle ne peut être tenue solidairement avec Madame [R], gérante de droit de l'EURL chargée de la sécurité de l'hôtel, qui n'a pas été poursuivie pénalement, alors que Monsieur [E] gérant de fait, n'a jamais été poursuivi du chef de travail dissimulé, d'annuler l'avis de recouvrement du 27 novembre 2007 et de condamner l'URSSAF à 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reprises oralement à l'audience de plaidoirie du 7 décembre 2011, l'URSSAF a demandé à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner l'appelante à 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La DRJSCS régulièrement avisée n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

I-) La procédure de la solidarité financière entre l'auteur d'un travail dissimulé et son client (ou «donneur d'ordre») a été créée par la loi 91-1383 du 31 décembre 1991 et le décret d'application du 11 juin 1992, textes modifiés par l'article 71 de la loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et le décret du 27 octobre 2005 relatif au travail dissimulé.

Elle autorise le recouvrement « civil » des sommes éludées (impôts et taxes; cotisations et contributions obligatoires URSSAF), à l'encontre du donneur d'ordre, qui est souvent le véritable bénéficiaire, voire l'instigateur, de ces pratiques frauduleuses, génératrices d'une importante évasion sociale et fiscale.

Cette responsabilité peut également être engagée pénalement, sur le fondement du délit de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, prévu et réprimé notamment par les articles L. 324-9 et suivants du code du travail.

Deux procédures sont prévues pour engager la solidarité financière, selon qu'il l'existe ou non un procès-verbal constatant que le donneur d'ordre a eu recours à un travail dissimulé, mais dans ces deux hypothèses, il doit exister un procès-verbal constatant que le prestataire de service a commis l'infraction de travail dissimulé :

- 1) la procédure directe qui n'exige pas de procès-verbal contre le donneur d'ordre ni sa condamnation pénale comme préalable au recouvrement: le recouvrement est alors possible dès l'établissement d'un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre de celui qui a réalisé la prestation, et s'il est démontré que le donneur d'ordre n'a pas effectué certaines vérifications spécifiques à l'égard du prestataire (articles L. 324-14, L. 324-14-1 et L. 324-14-2 du code du travail) ;

- 2) la procédure indirecte, après une condamnation pénale définitive du donneur d'ordre, pour recours aux services d'un prestataire exerçant un travail dissimulé (article L. 324-13-1 du code du travail) ;

Donc, si un procès-verbal de recours à du travail dissimulé a été établi, la procédure de la solidarité financière ne pourra être mise en 'uvre qu'après la condamnation pénale définitive du donneur d'ordre.

Les créanciers des sommes éludées (services fiscaux, URSSAF et autres) émettent des titres exécutoires, et le donneur d'ordre, débiteur solidaire, devra s'acquitter de sa dette ou la contester en formant un recours devant la juridiction compétente.

En l'espèce, s'agissant de cotisations sociales URSSAF, le recours a été valablement porté devant le Tribunal des Affaires de sécurité sociale.

II-) L'application de ce principe de solidarité au cas d'espèce

L'URSSAF a demandé la mise en oeuvre de cette solidarité afin de recouvrer sur la société Royal Scandinavia la somme de 160 924 euros.

Il résulte des textes régissant la procédure de solidarité financière telle rappelée rapidement ci-dessus, que la solidarité prévue par l'article L 324-14 du code du travail est subordonnée à "l'établissement d'un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre de celui qui a réalisé la prestation », sans qu'il soit nécessaire qu'il ait été condamné pénalement de ce chef.

En effet, aucun texte ne soumet la validité de la procédure à une condamnation pénale de l'auteur du travail dissimulé, contrairement à ce que soutient l'appelante.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats par les parties que l'URSSAF a bien établi un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre de la responsable de l'entreprise « [B] [R] » le 11 juillet 2005, et que Monsieur [E], responsable de la sécurité au sein de l'Hôtel Scandinavia, qui s'était comporté comme gérant de fait de l'entreprise de sécurité, a fait l'objet d'un procès-verbal identique puisqu'il a été poursuivi pénalement du chef de l'infraction de travail dissimulé.

Le seul interlocuteur de la société Scandinavia était en effet Monsieur [E], depuis Mars 2000.

Ces éléments résultent tant de l'enquête de gendarmerie que de l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix en Provence qui, le 26 mai 2009, a confirmé sa condamation pénale.

Cet arrêt a relaxé la société Scandinavia et son gérant, Monsieur [W] des fins de la poursuite du chef de « recours à une personne exerçant un travail clandestin ».

L'absence de condamnation pénale du donneur d'ordre n'interdisait pas la mise en oeuvre de la procédure dite « directe », à condition de démontrer le non-respect de l'article L 324-14 du code du travail (voir ci-dessus).

Le contrôle de l'URSSAF et le redressement lié au travail dissimulé ont concerné la période allant de Janvier 2002 au 30 juin 2005.

Un procès-verbal mettant en évidence que, sur toute cette période, la société Scandinavia n'avait jamais respecté les obligations de vigilance et de vérification de la situation de l'entreprise de sécurité telles qu'imposées par les articles L 324-14 et R 324-4 du code du travail, avait été établi le 27 février 2007.

Ainsi, par exemple, les prestations de sécurité se sont déroulées, sans vérification de l'agrément préfectoral, et, postérieurement à 2003 (liquidation de l'entreprise) en dehors de tout contrat écrit, avec Monsieur [E], dont il est établi qu'il n'avait aucune compétence ni autorisation (agrément préfectoral) d'exploiter une entreprise de sécurité au regard de la réglementation strictement prévue (loi du 12 juillet 1983 et décrets de septembre 1986, mars 2002 et septembre 2005 notamment).

La relaxe pénale de la société Scandinavia, donneur d'ordre, est sans incidence sur la validité de la procédure de la solidarité qui s'est inscrite valablement dans le cadre de la procédure dite « directe » (voir ci-dessus).

L'absence d'action en recouvrement de l'URSSAF contre le (ou les) prestataires du travail dissimulé est également sans incidence sur la validité de la procédure de solidarité financière engagée contre le donneur d'ordre, le créancier ayant toute liberté d'option pour parvenir au paiement de sa créance.

En conséquence, l'URSSAF a respecté la procédure imposée par les textes précités, et elle était fondée à demander le paiement des sommes éludées, (dont le montant n'a pas été contesté, même à titre subsidiaire) en faisant application des règles de la solidarité financière à l'encontre de la société Scandinavia.

Concernant les autres demandes

Le jugement est confirmé, sauf en ce qu'il a « Confirmé la décision de la CRA de la Caisse d'assurance maladie des Alpes Maritimes ainsi que la mise en demeure du 27 novembre 2007 pour un montant de 160 924 euros, et Condamné la SAS Royal Scandinavie »et la Cour fait droit à la demande de l'intimée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant en matière de sécurité sociale,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a « Confirmé la décision de la CRA de la Caisse d'assurance maladie des Alpes Maritimes ainsi que la mise en demeure du 27 novembre 2007 pour un montant de 160 924 euros, et Condamné la SAS Royal Scandinavie... »

Et statuant à nouveau,

Confirme la décision de la Commission de Recours Amiable de l'URSSAF des Alpes Maritimes en date du 30 mai 2008,

Condamne la SAS Royal Scandinavia à payer à l'URSSAF la somme de 160924 euros,

Et y ajoutant,

Condamne la SAS Royal Scandinavia à payer à l'URSSAF la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute l'appelante de ses demandes.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 10/13928
Date de la décision : 18/01/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°10/13928 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-18;10.13928 ?
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