COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 13 JANVIER 2012
N° 2012/23
Rôle N° 10/13415
[G] [J]
C/
Syndicat des copropriétaires VILLA MEDICIS
S.A.R.L. CABINET PROGEDI
Grosse délivrée
le :
à :la S.C.P. MAYNARD - SIMONI
la S.C.P. LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 17 juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/04887.
APPELANTE
Madame [G] [J], demeurant [Adresse 3]
représentée par la S.C.P. MAYNARD SIMONI, avoués à la Cour, plaidant par Me Yann STEMMER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Emmanuelle BRICE, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Syndicat des copropriétaires [Adresse 2], pris en la personne de son Syndic en exercice, S.A.R.L. Cabinet PROGEDI [Adresse 1],
S.A.R.L. CABINET PROGEDI, [Adresse 1], prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social,
représentés par la S.C.P. LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avoués à la Cour, ayant Me Jean-Luc RICHARD, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président
Monsieur André FORTIN, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie AUDOUBERT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Magistrat Rédacteur : Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2012,
Signé par Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président et Madame Sylvie AUDOUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et moyens des parties :
Madame [J] [G] est propriétaire du lot 373 sis au rez de chaussée de la copropriété VILLA MEDICIS et donnant notamment sur la plage de la piscine. Lors de l'assemblée des copropriétaires en date du 2 avril 2009, elle a demandé à cette assemblée de diviser son lot en 2 à charge pour elle de faire procéder à la modification du règlement de copropriété et d'autoriser la mise en place, pour sécuriser l'accès à la piscine, de garde-corps identiques à ceux existant sur les autres lots du rez-de-chaussée.
Par la résolution n° 22, cette demande de Madame [J] a été rejetée à la majorité et après le vote de cette résolution, il a été demandé au syndic, aidé du conseil syndical et de Madame [J], de poser, en vue de sécuriser l'accès à la piscine, une barrière de sécurité devant le lot de Madame [J], dont la charge resterait à la copropriété.
Le syndic a, ensuite, fait procéder à l'installation de barrières, au ras des portes-fenêtres, du lot 373.
Par exploit d'huissier en date du 13 août 2009, Madame [J] a fait assigner le syndicat des copropriétaires et son syndic, la S.A.R.L. CABINET PROGEDI, par-devant le Tribunal de Grande Instance de Nice, aux fins de voir annuler la résolution n° 22, de condamner le syndicat des copropriétaires et le syndic à la remise en état des lieux et de les voir condamner au paiement de 10.000 € au titre de dommages-intérêts.
Par jugement en date du 17 juin 2010, le tribunal de grande Instance de Nice a statué ainsi qu'il suit :
- dit Madame [J] [G] irrecevable en sa demande tendant à 'faire juger que la résolution de l'assemblée du 2 avril 2009 relative à la pose d'une barrière devant le lot 373 doit être annulée',
- déboute Madame [G] [J] de ses autres demandes,
- rejette la demande reconventionnelle du Syndicat des copropriétaires VILLA MEDICIS et de la S.A.R.L. CABINET PROGEDI en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamne Madame [G] [J] à verser au Syndicat des copropriétaires VILLA MEDICIS et à la S.A.R.L. CABINET PROGEDI la somme de 600 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne Madame [G] [J] aux dépens et autorise la SELARL TANDONNET-RICHARD-CALANDRI à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 15 juillet 2010, Madame [J] a interjeté appel du jugement, intimant aux débats le Syndicat des copropriétaires VILLA MEDICIS et la S.A.R.L. CABINET PROGEDI.
Par conclusions déposées le 20 octobre 20111, Madame [J] demande à la Cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- voir dire et juger que 'la résolution' de l'assemblée du 2 avril 2009 relative à la pose d'une barrière devant le lot 373 doit être annulée pour les raisons sus exposées ce, pour autant que la Cour veuille bien y voir une décision,
- voir dire et juger qu'en tout état de cause, les dispositions exprimées par cette assemblée n'ont aucunement été respectées par le syndicat et le syndic, qui ont au contraire procédé d'autorité à l'obturation des portes-fenêtres du lot 373,
- à défaut, dire que la pose des barrières sans vote préalable digne de ce nom est une décision que ne pouvait pas prendre le syndicat ou le syndic, comme portant atteinte à la libre jouissance de Madame [J] sur son lot et modifiant les conditions de jouissance du dit lot,
- voir dire que le syndicat et le syndic sont responsables du préjudice ainsi causé à Madame [J], les condamner solidairement en conséquence à remettre en état les lieux par suppression des barrières ancrées devant les portes-fenêtres du lot 373, et ce sous astreinte de 1.000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir,
- voir condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et le syndic au paiement de 28.675 €, à parfaire au jour de la décision à intervenir, outre 925 € par mois jusqu'à enlèvement effectif des barrières,
- voir condamner les parties requises au paiement de 4.000 € au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE, et en tous les dépens, dont distraction au profit de la S.C.P. MAYNARD SIMONI, avoué aux offres de droit.
Par conclusions déposées le 20 décembre 2010, la S.A.R.L. CABINET PROGEDI et le Syndicat des copropriétaires VILLA MEDICIS demandent à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 17 juin 2010,
- condamner Madame [G] [J] au paiement de la somme de 2.000 euros pour procédure abusive,
- condamner Madame [G] [J], à payer au syndicat des copropriétaires VILLA MEDICIS, la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Madame [G] [J], à payer à la S.A.R.L. CABINET PROGEDI, la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Madame [G] [J] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la S.C.P. LATIL-PENARROYA-LATIL-ALLIGIER, Avoués, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prise le 24 octobre 2011.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; rien au dossier ne conduit la Cour à le faire d'office. L'appel sera déclaré recevable.
Sur le fond :
L'ordre du jour de l'assemblée générale du 2 avril 2009 mentionne en son point 22 : 'travaux réalisés par Madame [J] pour son lot 373 (ancienne salle de restaurant)'.
Par cette résolution, l'assemblée générale était saisie de la ratification de la division en 2 lots du logement de Madame [J] selon le plan du géomètre joint et de l'autorisation de mettre en place, pour sécuriser l'accès à la piscine, 2 garde corps identiques à ceux existant sur les autres lots du rez-de-chaussée. Madame [J] a voté 'pour' cette résolution qui a été finalement rejetée et doit donc être considérée comme opposante à ce vote.
Toutefois, ce n'est pas ce vote qui fait l'objet de la critique de Madame [J], mais les mentions qui le suivent, ci après reproduites :
'En vue de sécuriser l'accès à la piscine, l'assemblée demande au syndic de poser une barrière de sécurité devant le lot 373.
L'exigibilité de la dépense de 4400€ à la charge de la copropriété est fixée au 1er juillet 2009.
Le syndic, assisté du conseil syndical, se rapprochera de Madame [J] en vue de trouver de nouvelles solutions et d'obtenir de nouvelles précisions à présenter lors d'une prochaine assemblée générale ».
Madame [J] attaque cette seule partie de la 'résolution'.
Or, il est constant que ces observations n'ont, quant à elles, fait l'objet d'aucun vote.
Dans ces conditions, elles ne sauraient être considérées comme constitutives d'une résolution et Madame [J] ne peut en solliciter l'annulation.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
En revanche, il n'est pas contesté que des barrières ont été ultérieurement installées devant les portes-fenêtres du lot 373.
Ces travaux ont été réalisés sans qu'il ne soit démontré que le syndic se soit au préalable entouré, ainsi que le prévoyaient les mentions sus visées du procès verbal, de l'avis de Madame [J], ni que leur engagement ait fait l'objet d'un vote par une assemblée générale ultérieure.
Par ailleurs, les décisions des assemblées antérieures, invoquées par le syndicat des copropriétaires et par son syndic, comme des assemblées qu'ils avaient le devoir de mettre à exécution n'ont, pour leur part, voté aucun projet précis de clôture de la piscine.
L'assemblée du 4 mars 2004 s'est, en effet, contentée de voter une provision pour pouvoir réaliser les travaux de fermeture de la piscine dans les meilleurs délais, précisant qu'en l'absence de parution des textes d'application, les modalités exactes de clôture ne pouvaient pas encore être déterminées, et l'assemblée du 6 avril 2006 n'a fait que rappeler l'enveloppe précédemment votée, puis, adopter des travaux de réfection des seules plages, peu important que ces travaux aient été engagés dans le but de permettre la réalisation ultérieure d'une protection à la piscine dès lors que les travaux à effectuer pour cette protection n'ont donc pas été votés.
Relativement aux travaux reprochés, Madame [J] prétend encore que les installations mises en place obturent ses portes-fenêtres et qu'elles entraînent une atteinte aux modalités de jouissance de son lot, ce qui justifie sa demande en dommages et intérêts et de remise en état.
Il résulte à cet égard du constat d'huissier produit que les barrières se situent à l'aplomb même des portes-fenêtres, au ras de ses huisseries, et sans aucun espace de circulation possible, ce qui ne permet plus à Madame [J] de sortir de son appartement directement sur les parties communes. Elles font donc obstacle à l'utilisation normale de ses portes-fenêtres par Madame [J], alors précisément que la fonction d'un tel dispositif, qui s'ouvre de plain-pied, est de faire office de porte pour la pièce où elle se trouve installée, et de permettre cette libre entrée ou sortie, sans pour autant conférer à Madame [J], (qui, certes, n'a pas de loggia dans son lot), un quelconque droit de jouissance privative sur les parties communes du syndicat des copropriétaires.
Enfin, la circonstance que le règlement de copropriété prévoit des heures d'accès à la piscine ne peut venir justifier le fait que Madame [J] soit privée de la libre jouissance de ses portes-fenêtres, leur utilisation n'étant en effet nullement liée à celle de la piscine.
La réalisation de ces travaux pour lesquels aucune autorisation n'est donc justifiée et dont le caractère nécessaire n'est pas non plus établi au regard des exigences relatives au respect des règles sur la clôture de la piscine, les photographies des lieux permettant d'envisager que celle ci peut être réalisée autrement compte tenu de l'espace existant tout autour, est préjudiciable à Madame [J] qui subit indéniablement une restriction et un trouble dans la jouissance de son lot.
Le syndicat des copropriétaires, qui revendique n'avoir ainsi fait qu'une stricte application de la loi et du règlement de copropriété et le syndic, qui a donc agi sans autorisation régulière en seront déclarés responsables, et seront, en conséquence, condamnés, in solidum, à payer de ce chef à Madame [J] la somme de 3.500 € à titre de dommages et intérêts.
Le syndicat des copropriétaires sera, en outre, condamné à remettre les lieux en leur état initial en ce qui concerne les portes-fenêtres de Madame [J].
Il n'y a pas lieu, à ce stade, d'assortir d'une astreinte la condamnation à remettre les lieux en état.
En raison de leur succombance sur la contestation par Madame [J] des installations litigieuses, le syndicat des copropriétaires et le CABINET PROGEDI seront condamnés à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, et verseront, en équité, à Madame [J] la somme de 1.500€ par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive sera, en conséquence, rejetée comme dépourvue de fondement.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Reçoit l'appel,
Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a dit Madame [J] irrecevable en sa demande tendant à faire juger que la 'résolution' de l'assemblée du 12 avril 2009 relative à la pose d'une barrière devant le lot 373 doit être annulée, et statuant à nouveau des autres chefs :
Dit que le syndicat des copropriétaires et le syndic, la Société CABINET PROGEDI, en procédant à la pose de barrières à l'aplomb des portes-fenêtres du lot de Madame [J], ont commis une faute lui ayant causé un préjudice,
Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires et la Société CABINET PROGEDI à payer à Madame [J] la somme de 3.500 € à titre de dommages et intérêts,
Condamne le syndicat des copropriétaires à remettre en état les lieux en leur état initial en ce qui concerne les portes-fenêtres du lot de Madame [J],
Rejette les demandes plus amples des parties,
Condamne le syndicat des copropriétaires et la Société CABINET PROGEDI à payer à Madame [J] la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel avec pour ceux d'appel distraction au profit de la S.C.P. Maynard Simoni, avoués.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
S. AUDOUBERTJ-P. ASTIER