COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 13 JANVIER 2012
N° 2012/ 21
Rôle N° 10/12565
[F] [D] épouse [T]
C/
S.A.R.L. FIDUCIMO IMMOBILIER
Grosse délivrée
le :
à :la S.C.P. BOTTAI-GEREUX-BOULAN
la S.C.P. DE SAINT FERREOL - TOUBOUL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 25 juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/06721.
APPELANTE
Madame [F] [D]
demeurant [Adresse 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 10/011168 du 21/10/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)
représentée par la S.C.P. BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour, plaidant par Me Nicolas CRESSON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
S.A.R.L. FIDUCIMO IMMOBILIER, [Adresse 2]
agissant par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social,
représenté par la S.C.P. MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par la ASS COUTELIER L COUTELIER F., avocats au barreau de TOULON substituée par Me Corinne GANET, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président
Monsieur André FORTIN, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie AUDOUBERT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Magistrat Rédacteur : Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2012
Signé par Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président et Madame Sylvie AUDOUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et moyens des parties :
Par contrat du 19 septembre 2002, Madame [D] a conclu avec l'agence FIDUCIMO un mandat de gérance avec pour mission d'administrer les biens du mandant, rédiger et signer tous baux, accepter et donner tous congés.
Le 21 avril 2005, la société FIDUCIMO a consenti, en exécution de ce mandat, un bail pour une location meublée d'une année.
Madame [D] reproche à la société FIDUCIMO d'avoir reconduit ce bail pour une même durée malgré la consigne contraire qu'elle lui avait donnée par un courrier du 16 décembre 2006. Elle affirme que le maintien dans les lieux du locataire qui, de surcroît, n'a plus payé ses loyers, lui a causé divers préjudices dont elle demande réparation.
Par jugement du 25 juin 2010, le tribunal de grande instance de Draguignan, saisi du litige, a statué ainsi qu'il suit :
- déboute Madame [D] de ses demandes,
- rejette la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive de la société FIDUCIMO,
- condamne Madame [D] à payer à la société FIDUCIMO la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejette toutes autres demandes plus amples contraires,
- condamne Madame [D] aux dépens.
Par déclaration du 2 juillet 2010, Madame [D] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 21 janvier 2011, Madame [D] demande à la Cour de :
Vu la loi du 2 janvier 1970,
Vu les articles 1989, 1991, 1992, 1996 du Code civil,
Vu la loi du 9 juillet 1991,
Vu l'article L6 32- 1du code de la construction et de l'habitat,
Vu les articles 1730 et 1732 du Code civil,
Vu le mandat de gérance,
Vu le jugement d'expulsion du 3 mars 2008,
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire que la société FIDUCIMO a commis des fautes engageant sa responsabilité et en conséquence,
- la condamner à payer à Madame [D] à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :
* 975,28 euros en remboursement des honoraires versés à FIDUCIMO,
* 8.125,14 euros au titre des loyers et charges impayées par le locataire,
* 1.295,98 euros au titre des taxes d'habitation et d'enlèvement d'ordures ménagères, charges locatives, remplacement de l'électroménager indûment mis à la charge de Madame [D],
* 1.020,60 euros au titre des frais de procédure et frais accessoires exposés par Madame [D],
* 1.843,60 euros au titre des frais engagés par Madame [D] au-delà de la caution,
- condamner FIDUCIMO à lui payer la somme de 20.000 €au titre de son préjudice moral,
- condamner FIDUCIMO à lui payer la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, ces derniers devant être recouvrés par l'administration de l'enregistrement - sic-.
Par conclusions déposées le 30 décembre 2010, la société FIDUCIMO demande à la Cour de :
- dire l'appel de Madame [D] infondé,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner Madame [D] à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et celle de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la S.C.P. de Saint-Ferréol Touboul, avoués.
L'ordonnance de clôture a été prise le 26 avril 2011.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; rien au dossier ne conduit la Cour à le faire d'office. L'appel sera donc déclaré recevable.
Sur le fond :
Les demandes de Madame [D] sont fondées sur l'exécution fautive de ses obligations de mandataire par la société FIDUCIMO.
Madame [D] lui reproche ainsi de ne pas avoir dénoncé le bail de ses locataires de sorte que celui-ci s'est trouvé reconduit pour un an, alors qu'elle prétend lui avoir donné l'injonction de délivrer congé. La société FIDUCIMO lui oppose qu'elle n'a jamais reçu de consigne claire à cet égard.
Madame [D] lui fait également divers griefs sur la gestion de son bien.
Il ressort des pièces versées aux débats :
- que le bail litigieux a été conclu, le 22 avril 2005, pour une durée d'une année,
- que Madame [D] ayant informé la société FIDUCIMO de son souhait de vendre le bien loué, la société FIDUCIMO lui a adressé, le 15 décembre 2006, un courriel précisant qu'elle était prête à établir le mandat de vente, qu'elle avait besoin, pour cela, de la copie de son titre de propriété, qu'elle devait donc lui faire parvenir, et elle sollicitait en même temps un courrier officiel de Madame [D] afin qu'elle puisse 'donner congé très rapidement' au locataire ('par fax pour aller vite, et envoi par courrier pour avoir une signature originale') ;
- que le 16 décembre 2006, Madame [D] répondait par courriel à ce message qu'elle allait rechercher le titre de propriété et qu'il était inutile de faire un courrier au locataire car elle attendrait l'échéance du bail ;
- qu'à cette même date, Madame [D] écrivait aussi à la société FIDUCIMO une lettre recommandée que la cour analysera en ses 3 pages manuscrites étant précisé que la page 2, prétendument occultée par l'intimée, figure bien dans la pièce communiquée par l'agence immobilière comme le verso de la 1ère page et que d'ailleurs, le tribunal en a examiné l'entier contenu, ce qui rend vain les observations de Madame [D] sur le caractère incomplet de ce document.
Or, dans ce courrier, Madame [D] commence par préciser qu'elle joint son titre de propriété et demande qu'il lui soit adressé un mandat de vente.
Puis, elle aborde longuement le problème des plus-values en évoquant le congé à donner, sans cependant préciser sa date d'effet et de surcroît, dans une phrase à formulation interrogative.
Enfin, à la suite de ses observations sur le régime fiscal, elle précise encore :
« en tout état de cause il est préférable d'attendre le 20 juin 2007 pour réaliser la vente,
ce qui est réalisable compte tenu du congé à donner aux locataires (21 avril 2007) et des délais de vente (visites, compromis, signature) et toutefois le délai de cinq ans n'est pas exigé lorsque la cession est motivée par des événements tenant à la situation personnelle, familiale ou professionnelle du contribuable.
.......»
La lettre se termine par de nouvelles considérations sur les plus values et Madame [D] la conclut par le paragraphe suivant :
' Je vous remercie néanmoins d'examiner les points ci-dessus pour me confirmer mon analyse en vous en remerciant par avance.
Dans l'attente de vous lire... »
En l'état de ces développements, incontestablement confus, contenus au courrier, et dont ne saurait être déduite une quelconque volonté clairement exprimée de Madame [D] de donner congé, alors pourtant que son mandataire l'avait, de son côté, expressément sollicité à cet effet, et que le régime particulier du congé pour vendre un bien loué exige la manifestation d'une volonté précisément exprimée par le mandant, c'est donc, à bon droit, que le tribunal a considéré qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la société FIDUCIMO quant à la non-délivrance d'un congé au locataire en place.
Il est, par ailleurs, établi que Madame [D] a résilié le contrat de mandat à la date du 1er juin 2007, qu'elle a alors repris la gestion de la location de son bien, et que la défaillance de son locataire n'est intervenue que postérieurement à cette date alors que le mandat ne s'exécutait donc plus, étant, en outre, considéré que les griefs développés sur le choix d'un locataire non suffisamment solvable au regard de ses ressources, comparées au montant du loyer, ne sauraient être retenus comme une faute causale du préjudice consistant dans la non-perception du loyer dès lors que pendant 2 années, le locataire s'en est régulièrement acquitté, la véracité des allégations de Madame [D] sur le paiement de ce loyer par un crédit revolving n'étant, de surcroît, nullement établie.
Madame [D] ne peut donc, non plus, se prévaloir à l'encontre de la société FIDUCIMO d'aucun des préjudices invoqués relativement à la procédure d'expulsion et aux dégradations dont elle prétend que le bien loué a été victime lorsqu'elle l'a récupéré dans l'été 2008,compte tenu des observations ci dessus et alors que l'expulsion a été diligentée par Madame [D], seule, et suite à la défaillance de son locataire, en toute hypothèse postérieure à l'expiration du mandat de gestion.
Sur les charges afférentes au bien, Madame [D] prétend vainement qu'en prenant 'connaissance des termes du bail elle s'aperçoit que la société FIDUCIMO (les) a mises à sa charge du bailleur au lieu du locataire en violation du § 1 du mandat de gérance', dès lors que les clauses 1.8 et suivantes du contrat de bail précisent bien que 'le locataire acquittera ses contributions personnelles : taxe d'habitation et généralement tous impôts, contributions et taxes auxquels il est assujetti personnellement ainsi que celles dont le bailleur pourrait être responsable à un titre quelconque', et que 'le locataire remboursera au bailleur toutes les charges qu'elle qu'en soit la nature y compris les frais d'entretien ou de réparation des parties communes afférents aux biens loués et à l'immeuble' à l'exception de l'assurance de l'immeuble et des honoraires de gestion de l'immeuble et des biens loués.
Sur le défaut d'assurance, la société FIDUCIMO produit deux documents de la société Aviva démontrant que pendant le temps de sa gestion, l'appartement était régulièrement assuré jusqu'au 16 octobre 2007. La circonstance qu'une sommation a été délivrée pour des primes impayées notamment au 21 avril 2007ne peut, seule, démontrer la réalité du grief reproché de ce chef par Madame [D].
Les honoraires d'établissement du bail (213,76 €)sont dus dès lors que la société FIDUCIMO a établi le bail, et le surplus des honoraires réclamés par l'appelante n'est pas établi.
Madame [D] est, enfin, mal fondée à reprocher à la société FIDUCIMO de ne pas avoir recouvré la taxe d'habitation et la taxe d'ordures ménagères dès lors que le contrat de mandat exigeait à cet effet une demande expresse du bailleur pour que la mandataire puisse, ensuite, les répercuter éventuellement auprès des locataires, et qu'il n'est pas établi que le mandataire avait reçu cette instruction de Madame [D]. Elle ne prouve, par ailleurs, pas être créditrice de ses locataires pour des charges de copropriété non recouvrées, et elle ne démontre pas le caractère non justifié du coût des dépenses mobilières engagées par l'agence dans son appartement.
Madame [D] sera donc déboutée des fins de son recours et le jugement sera, par suite, confirmé.
En raison de sa succombance, Madame [D] supportera les dépens de la procédure d'appel et versera, en équité, à la société FIDUCIMO la somme de 1.200 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Celle ci ne justifiant pas d'un préjudice autre que celui ci dessus indemnisé sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Reçoit l'appel,
Déboute Madame [D] des fins de son recours et confirme le jugement déféré,
Y ajoutant :
Condamne Madame [D] à verser à la société FIDUCIMO la somme de 1.200 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Rejette les demandes plus amples des parties,
Condamne Madame [D] à supporter les dépens d'appel distraits au profit de la S.C.P. De Saint Ferreol Touboul, avoués.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
S. AUDOUBERTJ-P. ASTIER