COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 13 JANVIER 2012
N° 2012/2
Rôle N° 09/05816
S.A.S. LA GALERE
C/
S.C.I. PATELA
Grosse délivrée
le :
à : la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL
la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 13 Février 2007 enregistré au répertoire général sous le n° 05/8958.
APPELANTE
S.A.S. LA GALERE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée de Me Jean-Marie TROEGELER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
S.C.I. PATELA, prise en la personne de son représentant légal y domicilié, demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour, assistée de Me Denis NABERES, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2012.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2012,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par jugement rendu avec exécution provisoire le 26 mars 2004 par le tribunal de grande instance de Draguignan, la SARL LA GALERE a été condamnée 'à démolir sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai de 3 mois après signification de la décision, la cheminée et les climatiseurs décrits par constat d'huissier de justice de Maître [Y] du 5 septembre 2003', et, en exécution dudit jugement, le juge de l'exécution du même tribunal de grande instance a, par décision du 18 janvier 2005, liquidé l'astreinte à 23.800 € sur demande de la SCI PATELA.
Après jugement du 21 mars 2006, renvoyant l'affaire à l'audience du 21 novembre 2006 outre sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel à intervenir au fond, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan, par nouveau jugement du 13 février 2007, a liquidé l'astreinte fixée par le jugement du 26 mars 2004 à la somme de 152.200 €, pour la période du 21 juillet 2004 au 21 décembre 2006, et condamné la SARL LA GALERE à payer ce montant à la SCI PATELA, outre une indemnité de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 26 février 2007 la SAS LA GALERE a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions déposées et signifiées le 25 mars 2011, rappelant les faits et la procédure, la SAS LA GALERE évoque la nullité du jugement dont appel résultant du défaut de respect du principe du contradictoire et des droits de la défense, le greffe n'ayant pas avisé son conseil ou elle-même, suite à l'appel de l'affaire à l'audience du mardi 21 novembre 2006, du nouveau renvoi à l'audience du 16 janvier 2007, compte tenu de la fixation de l'audience au fond devant la cour le 21 novembre 2006 avec délibéré le 22 décembre 2006, et ajoute sur ce point qu'à l'audience du 16 janvier 2007 l'affaire a été retenue et plaidée par le demandeur sans sa présence et celle de son conseil, avec une demande additionnelle formée par la SCI PATELA, alors de plus que l'instance devait être poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, impliquant ainsi une nouvelle convocation par le greffe en présence d'un renvoi non contradictoire.
Elle se prévaut sur le fond du litige de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, de nature à recevoir application puisqu'elle n'a jamais entendu s'opposer à l'exécution de la décision de justice, soutient que la démolition de la cheminée litigieuse pouvait entraîner pour elle des conséquences catastrophiques de par l'impossibilité d'exploiter et l'obligation de licencier 20 personnes, de sorte qu'elle a préféré courir le risque de ne pas démolir en recherchant le plus rapidement possible l'autorisation dont elle avait besoin, étant contrainte depuis l'origine d'obtenir une ratification des travaux litigieux, observe que l'autorisation dépendait du syndicat des copropriétaires totalement désorganisé à cette époque, et souligne que la cour, par arrêt du 22 décembre 2006, a jugé que la 1ère ratification obtenue dès le 13 février 2006 par les propriétaires d'un seul bâtiment n'était pas valable, la contraignant à organiser à son initiative la désignation d'un syndic judiciaire et professionnel pour la réunion de 2 assemblées générales extraordinaires portant ratification des travaux litigieux.
Elle explique avoir rencontré des difficultés techniques à l'origine d'un retard pour des questions de procédure ne relevant pas de son fait, affirme que le système d'extraction des fumées mis en place par la société intimée ne bénéficiait d'aucune autorisation de la copropriété ni de l'association syndicale libre, au point d'être sanctionné par un jugement rendu le 31 mai 2007 par le tribunal de grande instance de Draguignan condamnant la SCI PATELA à une remise en état des lieux sous astreinte de 600 € par jour de retard, souligne l'absence de réalisation des travaux nécessaires, et considère que les difficultés multiples ayant empêché le respect des obligations mises à sa charge justifie de supprimer ou limiter en l'espèce la liquidation de l'astreinte à la somme symbolique de 1 €.
La SAS LA GALERE se réfère à l'arrêt de la cour d'appel du 25 février 2011 suite à la décision du juge de l'exécution du 2 septembre 2008, concernant la liquidation de l'astreinte pour la période du 22 décembre 2006 au 25 juin 2010, qui a relevé l'historique de la désignation d'un mandataire judiciaire provisoire et de la ratification des projets de travaux examinée par assemblées générales successives, avec liquidation de l'astreinte à la somme de 30.000 € objet d'un règlement, précise avoir payé la somme totale de 174.000 € outre la somme complémentaire de 30.000 €, fait état d'une nouvelle assignation délivrée à la requête de la société intimée le 26 août 2010 en vue d'obtenir la nullité de la résolution n°6 du 25 juin 2010 relative à la ratification des travaux effectués par la société RELAIS DES ROCHES et visant à anéantir la dernière autorisation administrative pour pouvoir ultérieurement liquider une nouvelle fois l'astreinte, et demande à la cour de :
- prononcer l'annulation du jugement déféré et de constater que les travaux litigieux ont été ratifiés par l'assemblée générale extraordinaire du 28 février 2008 régulièrement convoquée par le syndicat professionnel en exercice, avec un vote à la majorité de l'ensemble des propriétaires des quatre bâtiments conformément aux prescriptions de l'arrêt du 22 décembre 2006 en dépit de multiples difficultés retardant cette ratification,
- constater son comportement justifiant de limiter la liquidation de l'astreinte à 1 € symbolique, alors de plus que l'intimée ne justifie d'aucun préjudice particulier,
- rejeter les demandes de celle-ci, et de la condamner à lui restituer la somme de 152.200 € payée en exécution du jugement entrepris, outre une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 11 janvier 2011 la SCI PATELA réplique, après le rappel des faits et des procédures, que l'astreinte peut courir tant que la démolition ordonnée n'a pas été exécutée, s'oppose à la demande de nullité du jugement motivée par un prétendu défaut de respect du principe du contradictoire dans la mesure où il appartenait à la société appelante de se préoccuper de l'audience du 21 novembre 2006, soutient que les condamnations par jugement du 26 mars 2004 n'ont pas été exécutées tout en relevant que l'argumentation de la SAS LA GALERE ne saurait être retenue, comme ayant présenté seulement fin 2007 une demande d'autorisation de travaux, soit plus de 3 ans après sa condamnation, et estime qu'aucune difficulté sérieuse ne peut être invoquée.
L'intimée formule diverses observations sur la cheminée toujours privée de démolition, et sur les climatiseurs à partir d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 16 avril 2008 caractérisant certes une exécution totale sans aucun effort de la société débitrice de l'injonction avant cette date ni preuve d'une cause étrangère insurmontable, et conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet de toutes les demandes, fins et conclusions de l'appelante et à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 2.500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En exécution du jugement rendu avec exécution provisoire le 26 mars 2004 par le tribunal de grande instance de Draguignan et régulièrement signifié par acte du 20 avril 2004, condamnant la SARL LA GALERE 'à démolir sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai de 3 mois après signification de la décision, la cheminée et les climatiseurs décrits par constat d'huissier de justice de Maître [Y] du 5 septembre 2003', le juge de l'exécution du même tribunal de grande instance a :
1) par décision du 18 janvier 2005, liquidé l'astreinte à 23.800 € sur demande de la SCI PATELA, pour la période du 21 juillet 2004 au 1er octobre 2004 date de l'assignation introductive d'instance,
2) par jugement du 21 mars 2006 renvoyé l'affaire à l'audience du 21 novembre 2006 et sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la cour d'appel, qui, par arrêt du 22 décembre 2006, a confirmé la décision initiale du 26 mars 2004 tout en condamnant la SARL LA GALERE au paiement d'une indemnité de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
3) suivant nouveau jugement du 13 février 2007, liquidé ladite astreinte à la somme de 152.200 € et condamné la SARL LA GALERE à payer ce montant à la SCI PATELA, outre une indemnité de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur l'exception de procédure :
La nullité du jugement dont appel, motivée selon écritures de la SAS LA GALERE par la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense tirée du renvoi de l'affaire initialement fixée à l'audience du 21 novembre 2006, jour correspondant à la fixation de l'affaire au fond devant la cour d'appel, à celle du 16 janvier 2007 sans information de son conseil et d'elle-même, ne saurait prospérer.
En effet en l'espèce le juge de l'exécution a, par jugement du 21 mars 2006 porté à la connaissance de ladite société suite à la notification par courrier recommandé du greffe du 23 mars 2006, dont elle a signé l'avis de réception le 25 mars 2006 ainsi qu'il ressort de l'examen de celui-ci, sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la cour de céans saisie de l'appel interjeté par elle, venant aux droits de la SARL LA GALERE, à l'encontre du jugement de condamnation originel du 26 mars 2004, et renvoyé expressément l'affaire à l'audience du 21 novembre 2006.
Il appartenait donc à ladite société, parfaitement informée de cette date de renvoi, de prendre toutes dispositions en vue d'être représentée ou assistée lors de la suite de la procédure, ce qui justifie de la débouter de sa demande de nullité du jugement déféré, auquel la prétendue violation du principe du contradictoire est reprochée à tort.
Il est observé de plus que le prétendu caractère non utile de la date du 21 novembre 2006, motifs pris d'une correspondance de fixation des affaires soumises respectivement au juge de l'exécution et à la présente cour, ne dispensait pas la SAS LA GALERE de s'assurer d'une telle représentation ou assistance à chaque audience, sous peine, à défaut de ce faire, de s'exposer à un nouveau renvoi n'impliquant pas, en raison de sa défaillance à l'audience communément indiquée du 21 novembre 2006, un avis de son existence.
Sur la liquidation de l'astreinte :
Tenue de 'démolir sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai de 3 mois après signification de la décision, la cheminée et les climatiseurs décrits par constat d'huissier de justice de Maître [Y] du 5 septembre 2003', la SAS LA GALERE n'est pas en mesure de se prévaloir de 'conséquences catastrophiques de par l'impossibilité d'exploiter et l'obligation de licencier 20 personnes', sous peine de remettre en cause le dispositif du jugement initial de condamnation rendu le 26 mars 2004 par le tribunal de grande instance de Draguignan, devenu définitif suite à saz confirmation par arrêt de la cour de céans du 22 décembre 2006, alors de plus qu'elle a conclu avoir 'préféré courir le risque de ne pas démolir en recherchant le plus rapidement possible l'autorisation dont elle avait besoin, étant contrainte depuis l'origine d'obtenir une ratification des travaux litigieux'.
D'ailleurs la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 26 mars 2004, instituant l'astreinte, soutenue par la SAS LA GALERE, a été rejetée par ordonnance de référé du 28 octobre 2005, motifs pris de ce que ladite société n'avait pas tiré profit du 'temps nécessaire pour obtenir les autorisations exigées' dont elle avait pourtant bénéficié, caractérisant ainsi sa propre turpitude nullement salvatrice en l'espèce.
De surcroît par l'arrêt susmentionné du 22 décembre 2008 la présente cour a jugé que l'autorisation requise d'exécution des travaux, supposée résulter du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 13 février 2006 valant autorisation de ce faire, ne présentait 'aucun intérêt et que les décisions qu'il comporte sont inexistantes au regard du fonctionnement de la copropriété des CA29 CA 30 CA 31 CA 32 de la place du marché' dans la mesure où 'il n'existe aucun syndicat des copropriétaires du CA 32'.
Ensuite par ordonnance de référé de la cour du 3 mai 2007 les demandes d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 13 février 2007 et d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile formées par la SAS LA GALERE ont été rejetées, outre sa condamnation au paiement de la somme de 1.500 € en vertu de ce texte.
Enfin l'argumentation de l'appelante, fondée sur la décision du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan du 2 septembre 2008, ayant dit 'n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte concernant les travaux touchant la cheminée en l'état d'une régularisation de ces travaux par l'assemblée générale des copropriétaires du 28 février 2008', ne peut prospérer.
En effet par arrêt (RG n° 2011/102) du 25 février 2011, dont copie régulièrement produite et visa par écritures de la société appelante, la présente cour, saisie de l'appel interjeté par elle à l'encontre du jugement du 2 septembre 2008, l'a infirmé, et, statuant à nouveau, a 'dit qu'il y a lieu de liquider l'astreinte, tant pour l'obligation liée à la cheminée extérieure que pour celle liée à l'enlèvement des climatiseurs', et, tenant compte de 'l'existence de difficultés d'exécution au sens de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, dans la mesure où l'origine du litige porte essentiellement sur l'absence d'autorisation de la copropriété', a liquidé 'l'astreinte assortissant ces 2 obligations à 30.000 € à ce titre pour la période du 2 [lire 22] décembre 2006 au 25 juin 2010', après avoir également relevé que 'la ratification des travaux d'enlèvement des compresseurs extérieurs et l'édification d'une cheminée permettant une évacuation en toiture des fumées par une installation située à l'intérieur des locaux, devant être réalisés par la SAS LA GALERE, n'est intervenue que par l'assemblée générale ordinaire du 25 juin 2010'.
La coordination de ces éléments démontre ainsi que la SAS LA GALERE, qui ne communique à l'adresse de la cour aucun justificatif d'éventuels travaux se rapportant à l'injonction mise à sa charge, est ainsi défaillante, en sorte que le principe de la liquidation de l'astreinte a été retenu à bon droit par le premier juge.
Compte tenu de ce que la carence de la société débitrice des obligations considérées est néanmoins atténuée par des difficultés au sens de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, caractérisées par l'obtention tardive de l'autorisation d'exécution des ouvrages lui incombant malgré ses démarches en vue de l'octroi des autorisations par assemblées successives des copropriétaires, le jugement est infirmé du chef du montant de la liquidation que la cour estime devoir réduire de 152.200 € à 50.000 € comme apparaissant mieux proportionné eu égard aux circonstances et à la teneur du litige, pour la période ayant couru du 1er octobre 2004 au 21 décembre 2006.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a liquidé l'astreinte instituée par jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 26 mars 2004 à la somme de 152.200 €, et statuant à nouveau de ce seul chef,
Liquide l'astreinte à la somme de 50.000 € (cinquante mille) pour la période écoulée du 1er octobre 2004 au 21 décembre 2006, et condamne la SAS LA GALERE à payer ce montant à la SCI PATELA,
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SAS LA GALERE aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président