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16/12/2011 | FRANCE | N°09/11764

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 16 décembre 2011, 09/11764


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND



DU 16 DECEMBRE 2011



N° 2011/915













Rôle N° 09/11764





[O] [X]





C/



Société COMEX NUCLEAIRE SAS

































Grosse délivrée le :



à :



-Me Véronique RONDEAU-ABOULY, avocat au barreau de MARSEILLE



-Me Miche

l DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE











Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Juin 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/923.







APPELANT



Monsieur [O] [X], d...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2011

N° 2011/915

Rôle N° 09/11764

[O] [X]

C/

Société COMEX NUCLEAIRE SAS

Grosse délivrée le :

à :

-Me Véronique RONDEAU-ABOULY, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Juin 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/923.

APPELANT

Monsieur [O] [X], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Véronique RONDEAU-ABOULY, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société COMEX NUCLEAIRE SAS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2011.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2011.

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [X] a interjeté appel par lettre postée le 22 juin 2009 du jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 11 juin 2009 qui a jugé valable la clause de non concurrence qui le liait à la Sas Comex Nucléaire (ci-après la Comex) et l'a condamné à payer à cette dernière pour violation de la dite clause la somme de 17.101,02 euros outre celle de 300,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant conclut à la nullité de la clause de non concurrence en application de l'article L. 1121-1 du code du travail en ce qu'elle aurait pour conséquence de le priver de la possibilité d'exercer son métier en dehors de tout intérêt légitime précis justifié par l'employeur ; il soutient qu'en le privant pendant un an de la liberté de choisir son travail et son employeur, cette clause serait contraire :

- à la Constitution qui lui reconnaîtrait le droit résilier son contrat de travail et mettre en oeuvre l'exercice de la liberté protégée de choisir son travail,

- à la jurisprudence de la Cour de cassation,

- à l'article 6-1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 directement applicable en droit interne,

- aux dispositions de l'article 1 paragraphe 2 de la Charte sociale européenne,

- à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

il prétend avoir été victime d'un préjudice d'anxiété du fait de la nullité qu'il invoque et sollicite de ce chef la somme de 5.000,00 euros de dommages-intérêts ;

il réclame enfin la condamnation de la Comex à lui payer 2.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La Comex, qui conclut à la confirmation du jugement déféré, demande à la cour de dire que la clause litigieuse est valable et licite, que monsieur [X] ne l'a pas respectée et elle sollicite en conséquence sa condamnation à lui payer la somme de 17.101,02 euros à titre de la clause pénale et celle de 3.000,00 euros pour ses frais irrépétibles.

La longueur de cette procédure est dûe au fait que cette affaire, initialement fixée à l'audience d'un conseiller chargé de l'instruire du 22 février 2010, a fait l'objet, à la demande du salarié en date du 11 février 2010, d'un renvoi à l'audience collégiale.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à la décision déférée et aux écritures déposées oralement reprises à l'audience du 17 octobre 2011.

MOTIFS DE LA DECISION :

Une clause de non concurrence, pour être licite au regard du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle, et pour être conforme à l'article L. 1121 du code du travail, selon lequel 'nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché', doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporter pour l'employeur l'obligation de verser au salarié une contrepartie financière postérieurement à la rupture de la relation contractuelle ; lorsque ces conditions cumulatives sont réunies la clause de non concurrence prévue au contrat de travail n'est entâchée d'aucune nullité quand bien même la convention collective applicable dans les rapports entre les parties ne prévoit pas la possibilité d'instituer une telle obligation.

Par contrat à durée indéterminée en date du 25 novembre 1991, monsieur [X] a été recruté par la Comex à compter du 2 décembre 1991 en qualité d'ingénieur soudeur, catégorie cadre, position 1-2 de la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études et techniques, cabinet d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseils (convention collective Syntec), convention qui ne prévoit pas l'instauration d'une clause de non concurrence.

Par avenant en date du 11 mai 2000, le salarié, 'compte tenu de la nature de ses fonctions et/ou des informations de haute technicité dont il dispose' s'est engagé, en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque motif que ce soit, à ne pas entrer au service d'une société concurrente ou d'une filiale ou d'une entité d'un groupe directement concurrente des activités de Comex Nucléaire et à ne pas s'intéresser directement ou indirectement à toute fabrication, tout commerce ou autre activité entrant en concurrence avec l'activité de Comex Nucléaire à la date de la rupture du contrat de travail ; en contrepartie de cette interdiction de concurrence, qui lui était applicable 'compte tenu de la spécificité du marché et des activités' de la Comex, à compter du jour de son départ effectif, pendant une durée de un an et sur l'ensemble du territoire national, monsieur [X] devait percevoir, après son départ effectif, une indemnité versée mois par mois pendant un an au maximum égale à 5/ 10ème de la moyenne mensuelle des 12 derniers appointements.

Monsieur [X] a présenté sa démission par courrier réceptionné par la Comex le 31 juillet 2007 afin de pouvoir intégrer les effectifs de la société Westinghouse également spécialisée dans le nucléaire, cette dernière entreprise ayant confirmé à la Comex l'embauche de monsieur [X] par courrier en date du 5 novembre 2007.

Dès le 2 août 2007, l'employeur fera connaître par écrit à son salarié qu'il comptait appliquer à l'issue du préavis fixée au 31 octobre 2007 au soir la clause de non concurrence prévue à son contrat de travail ; monsieur [X] attendra le 31 octobre pour dénoncer par lettre recommandée à son employeur l'illégalité de la clause de non concurrence tout en lui précisant qu'il refusait de recevoir le paiement de la contrepartie financière de cette clause.

*

Il n'est pas démontré par l'attestation de monsieur [J], délégué syndical, en date du 30 novembre 2007 - qui déclare 'avoir mis en garde [ses] collègues de travail contre un refus de la clause de non concurrence [...] pouvant entraîner un licenciement pour motif réel et sérieux selon les avocats consultés à l'époque' - que la Comex aurait exercé un chantage au licenciement ou toute autre menace sur monsieur [X] afin de le contraindre à accepter l'institution de la clause litigieuse.

Il n'est pas sérieusement contestable que la Comex est une des très rares entreprises françaises spécialisées dans le secteur du nucléaire, monsieur [X] lui-même reconnaissant qu'en France Edf, Cea-Cogema, Areva, Westinghouse et Comex 'se divisent le marché de la prestation de service de l'entretien des centrales nucléaires françaises' (page 14 de ses conclusions) ; la Comex a donc bien un intérêt légitime pour imposer une clause de non concurrence à ses collaborateurs dont les connaissances techniques risqueraient de lui causer un préjudice important si elles étaient mises au service d'une entreprise concurrente comme l'est justement la société Westinghouse qui a des activités similaires à celles de Comex, comme le reconnaît d'ailleurs monsieur [X] (page 23 de ses conclusions).

Or, monsieur [X], ingénieur soudeur, responsable chez Comex depuis le 1er janvier 2007 de la cellule soudage, qui percevait un salaire mensuel de 4.120,00 euros, avait bien connaissance d'informations de haute technicité puisqu'il reconnaît lui-même (cote 8 de son dossier de plaidoirie) que dans le cadre de ses 'fonctions d'encadrement' :

- il encadrait notamment un cadre 'responsable du laboratoire de soudage' ;

- il était le référent technique pour les questions relatives :

* au développement de modes opératoires et aux techniques de soudage et aussi 'à la conception et à la réalisation de machines spéciales de soudage',

* à la réglementation applicable au soudage et aux assemblages soudés, au secteur nucléaire ;

- il préparait les offres de prix des affaires de soudage (développement et machines spéciales) et les gérait sur les plans techniques et financiers ;

- il définissait et suivait les programmes de recherches et de développement soudage.

En outre, la clause de non concurrence - qui ne lui a pas interdit de rompre son contrat de travail au moment où il l'a souhaité - était d'une durée limitée dans le temps et dans l'espace puisqu'elle s'appliquait à toute entreprise concurrente située sur le territoire national mais seulement pendant une durée d'un an ; ainsi, l'intéressé pouvait travailler, immédiatement après son départ de la Comex, dans le secteur du nucléaire dans un autre pays que la France, notamment de la communauté européenne, et il pouvait également exercer ses compétences sur le territoire français mais dans un autre secteur que le nucléaire ; or, monsieur [X], en sa qualité d'ingénieur soudeur, avait bien les compétences lui permettant de travailler dans une entreprise non concurrente de la Comex puisque :

- il s'est lui-même défini (cote 8 de son dossier de plaidoirie) comme étant un référent technique pour les questions relatives à la réglementation applicable au soudage et aux assemblages soudés certes au secteur nucléaire mais également 'aux autres secteurs industriels', précisant lui-même : 'naval, pétrochimie, aéronautique, énergie hydraulique, distribution d'eau, laboratoires de recherche sur la matière' ;

- il reconnaît (même cote de plaidoirie) avoir exercé une activité complémentaire 'dans tous les sujets d'ingénierie' concernant les installations nucléaires 'ou autres', la fourniture et l'installation d'équipements 'divers en atelier, laboratoire, ou sur chantier' et qu'il s'occupait enfin à hauteur de 10 % de son activité à des 'études de prix et de maîtrise d'oeuvre' pour des entreprises diverses.

Enfin, la clause de non concurrence litigieuse comportait bien le versement, postérieurement à la rupture du contrat de travail, d'une contrepartie financière sérieuse, en rapport avec le salaire et les restrictions imposées au salarié, puisqu'elle représentait 50 % du dernier salaire moyen mensuel de monsieur [X], son premier versement, refusé par le salarié, étant d'un montant de 2.604,77 euros.

Ainsi, c'est à bon droit que le jugement déféré a refusé d'annuler la clause de non concurrence acceptée par monsieur [X] le 11 mai 2000, clause dont il est établi qu'elle ne lui a jamais interdit, contrairement à ce qu'il prétend, de gagner sa vie par son travail et clause dont il ne démontre pas qu'elle lui aurait causé un préjudice d'anxiété contrairement à ce qu'il soutient.

*

L'avenant du 11 mai 2000 a prévu qu'en cas de violation par monsieur [X] de l'interdiction de non concurrence, le salarié devra payer, par infraction constatée, une indemnité forfaitaire égale à la rémunération des ses 3 derniers mois d'activité sans préjudice du droit pour la société de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation de l'entier préjudice subi.

Cette clause pénale que la Comex a chiffré à la somme de 17.101,02 euros - et dont le montant n'est pas plus discuté par le salarié en cause d'appel que devant les premiers juges - n'est pas excessive compte tenu de la rémunération de monsieur [X] et du montant de la contrepartie financière qu'il aurait perçue s'il avait respecté la clause de non concurrence ; de ce chef, le jugement déféré sera également confirmé.

*

Monsieur [X] qui succombe paiera à la Comex la somme de 2.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne monsieur [X] à payer à à la Sas Comex Nucléaire la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 09/11764
Date de la décision : 16/12/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°09/11764 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-16;09.11764 ?
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