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14/12/2011 | FRANCE | N°09/23303

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 14 décembre 2011, 09/23303


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 14 DECEMBRE 2011



N° 2011/501













Rôle N° 09/23303







[E] [D]





C/



Compagnie AXA FRANCE IARD

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES

ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG

SA GAN ASSURANCE



OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX



















Grosse dé

livrée

le :

à :

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 27 Août 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 02/82.





APPELANTE



Madame [E] [D]

née en 1951 à [Localité 6] (MAROC) (99), demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 14 DECEMBRE 2011

N° 2011/501

Rôle N° 09/23303

[E] [D]

C/

Compagnie AXA FRANCE IARD

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES

ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG

SA GAN ASSURANCE

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 27 Août 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 02/82.

APPELANTE

Madame [E] [D]

née en 1951 à [Localité 6] (MAROC) (99), demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués à la Cour,

assistée de Me Robert CHEMLA, avocat au barreau de NICE

INTIMES

AXA FRANCE IARD anciennement AXA COURTAGE IARD) inscrite au RCS de PARIS n° B 722 057 460 en qualité d'assureur du CTS de [Localité 9], demeurant [Adresse 3]

représentée par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avoués à la Cour,

assistée de Me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Lucie BERNARDI, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES, prise en la personne de son représentant habilité en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 4]

représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour

ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

représenté par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour,

assisté de Me Clément BERAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

SA GAN ASSURANCE, RCS PARIS B 542 063 797 , prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 5]

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour,

assistée de la SCP TETAUD LAMBARD & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Laurence MAILLARD, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, agissant poursuites et diligences de son Directeur en exercice domicilié en cette qualité au siège sis, demeurant [Adresse 8]

représenté par la SCP J F JOURDAN - P G WATTECAMPS, avoués à la Cour, assisté de Me Patrick DE LA GRANCE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Camille PARPEX, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Brigitte VANNIER, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Brigitte VANNIER, Présidente

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2011,

Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

I - Exposé du litige :

Madame [E] [D] a été contaminée par le virus de l'hépatite C suite à des transfusions sanguines réalisées au cours de son hospitalisation au service de réanimation du CHU de [7] au mois d'avril 1983.

Statuant après expertise, le tribunal de grande instance de Nice, par jugement mixte du 12 juillet 2005 qui a acquis force de chose jugée, après avoir dit que l'Etablissement français du sang (l'EFS) était responsable de cette contamination, a, en particulier,

- condamné l'EFS payer à madame [D] une provision de 10.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel

- ordonné une expertise confiée au professeur [U]

- réservé les droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes maritimes (la CPAM)

- dit que la garantie de chacun de ses assureurs, la société AXA Courtage IARD et la société GAN Assurances, est acquise à l'EFS

- condamné in solidum les deux assureurs avec l'EFS au paiement des sommes allouées à madame [D]

- condamné in solidum l'EFS, la société AXA Courtage et la société GAN assurances aux dépens.

Par jugement du 27 août 2009 le tribunal statuant après la seconde expertise a

- condamné l'EFS, la société AXA courtage IARD et la société GAN assurances à verser en deniers ou quittance

° à madame [D] la somme de 22.750 € en réparation de son préjudice corporel

outre celle de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

° à la CPAM la somme de 21.212,93 € en réparation de ses débours

outre celle de 941 € au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale et celle de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire

- condamné in solidum l'EFS et ses deux assureurs aux dépens comprenant les frais des deux expertises judiciaires.

Madame [D] a interjeté appel de ce jugement.

Prenant acte de l'intervention volontaire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), elle demande à la cour de porter son indemnisation à 75.500 € et de la mettre à la charge solidaire de l'ONIAM, de l'EFS et de ses assureurs.

Elle réclame en outre la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM demande confirmation du jugement.

L'EFS demande à la cour

- de constater que, par application de l'article 67 IV de la loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008, l'ONIAM lui est substitué à compter du 1er juin 2010 dans les contentieux en cours au titre des préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguin ou une injection de médicaments dérivés du sang, et que, par application de l'article L.1221-14 du code de la santé publique, les victimes de ces contaminations sont indemnisées par l'ONIAM

- de dire que l'ONIAM répond des conséquences dommageables résultant pour madame [D] de sa contamination par le virus de l'hépatite C

- de rejeter en conséquences les demandes de madame [D] et de la CPAM dirigées contre lui.

En l'état de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 12 juillet 2005, il demande à la cour de dire

- que sa seule responsabilité reste acquise

-qu'il reste titulaires des contrats d'assurance

- qu'il est fondé à demander que ses assureurs prennent en charge directement le sinistre en indemnisant la victime et l'organisme social.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'ONIAM indemniserait la victime, l'EFS demande à la cour de dire

- que c'est lui, EFS, qui assume la prise en charge financière des indemnisations par le biais de la dotation qu'il verse à l'ONIAM en application de l'article L.1142-23 et de l'article D.1142-59-1 du code de la santé publique

- que, en conséquence, les assureurs devront lui rembourser les sommes avancées par l'ONIAM sur production par lui de l'attestation de paiement établie par l'ONIAM.

L'ONIAM demande acte de son intervention volontaire en application de l'article 67 IV de la loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008.

A titre principal elle demande à la cour de dire

- que AXA a radicalement modifié les termes de ses prétentions dans ses dernières écritures signifiées du 18 août 2011, méconnaissant le principe selon lequel nul ne doit se contredire au détriment d'autrui, de sorte que ces écritures sont irrecevables

- que AXA ne conteste pas devoir sa garantie à l'EFS

- que le GAN ne conteste pas devoir sa garantie à son assuré mais devoir indemniser madame [D]

- que l'ONIAM ne peut être déclaré responsable de la contamination de madame [D]

- que la substitution de l'ONIAM à l'EFS ne peut bénéficier à ses assureurs

- que seuls les assureurs de l'EFS seront tenus d'indemniser madame [D]

- que les demandes de madame [D], en ce qu'elles sont dirigées contre lui, seront rejetées.

A titre subsidiaire pour le cas où la cour entrerait en voie de condamnation contre lui, il lui demande

- de constater que madame [D] est guérie depuis le mois de mai 2002

- de rejeter les demandes de madame [D] au titre de son préjudice d'agrément et de son préjudice esthétique

- de réduire ses prétentions en fixant l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire à 3.352,20 € et celle de son déficit fonctionnel permanent à 3.730,72 €

- de déduire de ces sommes la provision de 10.000 € que madame [D] a perçue.

Dans le corps de ses écritures il s'en remet à la sagesse de la cour concernant le bien fondé de la créance de la CPAM.

La société AXA France IARD (anciennement AXA courtage IARD) demande à la cour

à titre principal

- de constater la substitution de l'ONIAM à l'EFS

- de constater que cette intervention se fait au titre de la solidarité nationale

- de constater l'absence de dette de responsabilité de l'ONIAM et de l'EFS à l'égard de madame [D]

- en conséquence de débouter madame [D], la CPAM, l'ONIAM et l'EFS de leurs demandes dirigées contre elle.

A titre subsidiaire elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf à réduire les prétentions indemnitaires de madame [D].

Elle réclame à tout succombant une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GAN assurances demande à la cour

- d'infirmer le jugement et de dire que l'ONIAM est seul débiteur de l'indemnisation de madame [D]

- de dire que le recours de la CPAM est irrecevable et mal fondé

- de dire que l'ONIAM ne démontre aucune faute de l'EFS et que toute demande de l'ONIAM à l'encontre du GAN est irrecevable et mal fondée

- de dire que tout contestant doit être débouté de ses demandes contre le GAN

- de reconnaître que le GAN a droit au remboursement des sommes versées en exécution du jugement déféré.

Subsidiairement le GAN demande que les prétentions de madame [D] soient réduites à de plus justes proportions.

Il réclame à tout succombant une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision critiquée et aux dernières conclusions déposées par les parties (par madame [D] le 20 octobre 2011, par la CPAM le 8 septembre 2010, par l'EFS le 20 octobre 2011, par l'ONIAM le 26 octobre 2011, par AXA le 4 novembre 2011, par le GAN le 7 novembre 2001).

II - Motifs :

Il sera en premier lieu donné acte à l'ONIAM de son intervention volontaire.

Sur la recevabilité des conclusions de la société AXA

L'ONIAM conclut à l'irrecevabilité des conclusions de la société AXA signifiées le 18 août 2011, (conclusions dont il doit être observé qu'elles ne constituent pas ses dernières écritures) au motif qu'elle y a opéré un changement de position qui viole le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

De fait, dans ses premières écritures, AXA ne concluait qu'à la réduction des prétentions de madame [D], alors que dans ses écritures postérieures elle conteste être tenue à indemnisation de la victime.

Cependant le comportement procédural d'AXA ne constitue pas pour autant un changement de position en droit de nature à induire l'ONIAM en erreur sur ses intentions et ne constitue donc pas un estoppel.

En effet, dans ses premières conclusions AXA ne tirait aucune conséquence de l'intervention de l'Office, qui à cette date n'avait pas conclu au fond . Dans ces conditions, sa position n'était donc pas de nature à faire naître chez celui-ci l'espoir d'une reconnaissance par AXA que son obligation d'indemniser la victime survivait à son intervention.

Si, dans ses écritures ultérieures, la société AXA conteste devoir indemniser madame [D], c'est parce qu'elle tire, cette fois, comme elle se devait de le faire, des conséquences juridiques de l'intervention de l'ONIAM, la circonstance que ces conséquences puissent être en tout ou partie erronées au regard de ce qui a été définitivement jugé par la décision du 12 juillet 2005 n'étant pas davantage de nature à caractériser un estoppel.

L'ONIAM verra donc écartées ses prétentions tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions d'AXA notifiées et déposées le 18 août 2011.

Sur la détermination du débiteur de l'indemnisation de madame [D]

Rappelant qu'il a été définitivement jugé par jugement du 12 juillet 2005 que l'EFS est responsable de la contamination de madame [D] par le virus de l'hépatite C et que ses assureurs AXA et GAN lui doivent garantie, Madame [D] demande à la cour de condamner in solidum l'EFS, AXA, le GAN et l'ONIAM à l'indemniser de son préjudice.

Toutefois l'EFS objecte à bon droit que, bien que responsable de la contamination, il ne peut plus être condamné à indemniser madame [D], l'ONIAM devant seul répondre des conséquences dommageables de cette contamination.

En effet, en application de l'article 67 IV de la loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008, les victimes contaminées par le virus de l'hépatite C suite à une transfusion de produits sanguins ou à une injection de produits dérivés du sang sont indemnisées par l'ONIAM aux lieu et place de l'EFS dans les procédures en cours, dès lors que le contentieux n'a pas donné lieu à une décision irrévocable à la date d'entrée en vigueur de ce texte fixée au 1er juin 2010.

Ce mécanisme légal s'impose aux victimes comme à l'ONIAM dont l'intervention ne revêt aucun caractère de subsidiarité.

La circonstance que le jugement du 12 juillet 2005 ayant force de chose jugée ait retenu la responsabilité de l'EFS ne fait pas obstacle à ce que l'ONIAM soit substitué à l'EFS dans l'exécution de son obligation à indemnisation qui n'a été déterminée que par le jugement déféré.

Madame [D] n'est donc plus fondée à demander la confirmation du jugement déféré qui a condamné l'EFS à l'indemniser, le jugement devant être infirmé de ce chef.

L'EFS, bien que responsable du dommage, contrairement à ce que prétend AXA, n'étant plus le débiteur de l'indemnisation, madame [D] n'est pas davantage fondée à exercer contre AXA et le GAN, assureurs de l'EFS, l'action directe prévue à l'article L.124-3 du code des assurances qui confère à la victime un droit propre sur l'indemnité dont l'assuré est reconnu débiteur.

La demande de madame [D] tendant à la confirmation du jugement qui a condamné AXA et le GAN in solidum avec l'EFS à l'indemniser sera donc rejetée.

L'obligation d'indemniser madame [D] pèse donc sur l'ONIAM seul et celui-ci, qui ne prétend pas exercer contre l'EFS et ses assureurs l'action subrogatoire prévue à l'article L.3122-4 du code de la santé publique, n'est pas fondé à demander que AXA et le GAN, qui sont les assureurs du responsable, l'exécutent à sa place.

En effet l'ONIAM n'est pas le bénéficiaire des contrats souscrits auprès d'AXA et du GAN et la circonstance qu'il soit définitivement jugé que ceux-ci doivent garantie à leur assuré légalement dispensé d'indemniser la victime, n'a pas pour effet de faire bénéficier de leurs garanties l'ONIAM qui est obligé à indemnisation par l'effet de la loi.

Par ailleurs le fait que l'EFS ait vocation à assumer la charge définitive de l'indemnisation par le biais de la dotation qu'il verse à l'ONIAM en application de l'article L.1142-23 du code de la santé publique n'a pas non plus pour effet de dispenser cet organisme, qui intervient au titre de la solidarité nationale au profit des victimes, d'exécuter ses propres obligations à leur égard.

En outre le versement de cette dotation par l'EFS à l'ONIAM ne constitue pas pour l'EFS un mode de règlement de la créance de la victime née la reconnaissance de sa responsabilité, mais il est effectué en exécution d'une obligation légale, de sorte qu'il n'oblige pas ses assureurs de responsabilité à garantie.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de l'EFS qui tend à voir juger que ses assureurs devront lui rembourser les sommes payées par l'ONIAM à la victime sur présentation de son attestation de paiement.

En revanche l'EFS soutient exactement que ses assureurs seront tenu de garantir les indemnités qui seraient mises à sa charge, mais une telle condamnation ne pourrait résulter que de l'exercice par l'ONIAM de son action subrogatoire et l'obligation des assureurs résulterait alors de l'exécution du jugement du 12 juillet 2005, sans que la cour ait à ajouter à ce qui a été définitivement jugé.

Aucune condamnation ne sera donc mise à la charge de AXA et du GAN.

S'agissant de la créance subrogatoire de la CPAM, l'ONIAM, dans l'hypothèse où il serait jugé qu'il a l'obligation d'indemniser la victime, s'en rapporte à la sagesse de la cour.

Le législateur ayant, dans les procédures tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article L.1221-14 du code de la santé publique, en cours à la date de l'entrée en vigueur de l'article 67 IV de la loi du 17 décembre 2008, entendu substituer l'ONIAM à l'EFS tant à l'égard de l'organisme social que des victimes, c'est l'ONIAM qui aura la charge du remboursement des prestations servies par la CPAM à madame [D].

Sur l'étendue du droit à indemnisation de madame [D]

Il ressort du rapport d'expertise que madame [D], née en 1951, a reçu des transfusions de produits sanguins en 1983. Une asthénie croissante étant apparue au cours de l'année 1992, une biopsie hépatique a été réalisée au mois de décembre de la même année, qui a conduit à la découverte de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Un traitement par Interferon a été aussitôt mis en place, qui a entraîné une aggravation de l'asthénie, l'apparition de céphalées occasionnelles, des douleurs épigastriques avec certains jours des vomissements, des douleurs lombaires.

En outre, depuis 1984 s'étaient manifestées des douleurs atypiques musculaires et articulaires et en 1993 était apparu un syndrome sec des yeux et, dans une moindre mesure, de la bouche.

L'expert considère que ces pathologie sont la conséquence de l'hépatite.

Un bilan biologique réalisé au mois de février 2000, suivi d'une biopsie hépatique en novembre, ont révélé une rechute de l'hépatite C.

Madame [D] a alors été traitée par [W] et [Z] jusqu'au mois de décembre 2001. Les mêmes effets secondaires se sont manifestés au cours de la prise de ce traitement.

Ce second traitement a permis de stopper l'évolutivité du virus, de sorte que l'expert considère que madame [D] est consolidée depuis le 15 mai 2002.

Subsiste une asthénie et des troubles digestifs. Les troubles de type rhumatismal perdurent également.

Les conclusions du rapport d'expertise sont les suivantes :

- l'incapacité temporaire a été totale du 21 décembre 1992 au 21 juin 1993 et du 1er décembre 2000 au 15 octobre 2001

- la consolidation est acquise le 15 mai 2002

- le déficit fonctionnel permanent est de 4%

- le préjudice lié à la douleur physique et psychologique est de 3/7

- le préjudice d'agrément existe, entendu en tant que perte de la qualité de la vie.

La cour dispose ainsi des éléments lui permettant de déterminer le préjudice de madame [D] qui doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

Pour déterminer les sommes devant revenir à la victime il doit en outre, en application de l'article 31 de la loi 5 juillet 1985, être tenu compte des débours du tiers payeur, qui doivent être pris en considération poste par poste pour les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'il a pris en charge.

I- Préjudices patrimoniaux

- dépenses de santé actuelles :

Elles s'élèvent à 21.212,93 €, montant de la créance de la caisse, de sorte qu'il ne revient rien à la victime de ce chef.

II- Préjudices extra-patrimoniaux

A- Temporaires

- déficit fonctionnel temporaire :

Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et les joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique.

Au titre de son déficit fonctionnel temporaire qu'elle considère comme total pendant 16 mois et demi, madame [D] réclame la somme de 16.500 €. Hors cette période, elle ne réclame rien au titre de la gêne éprouvée de sa contamination à sa consolidation.

L'ONIAM offre la somme de 3.353,20 € en considérant que le déficit fonctionnel temporaire de madame [D] n'a été total que pendant ses périodes d'hospitalisation (4 jours) mais qu'il a été limité à 50% pendant le reste du temps.

Toutefois l'expert, répondant à un dire, a parfaitement motivé son avis en faisant valoir que les troubles ressentis par madame [D] pendant ses deux périodes de traitement avaient une ampleur telle qu'ils caractérisaient un déficit fonctionnel temporaire total, à telle enseigne qu'elle ne pouvait même plus s'occuper de son foyer et devait être substituée par ses proches.

La cour indemnisera ce poste du déficit fonctionnel temporaire total par l'allocation de la somme de 12.000 €.

- souffrances endurées :

Les souffrances endurées par madame [D] de sa contamination à sa consolidation ont été cotées 3/7 par l'expert compte tenu des souffrances physiques et psychiques induites par la maladie hépatique elle-même, par les maladies qui en ont été la conséquence (syndrome rhumatismal et syndrome sec) et compte tenu des souffrances induites par les deux traitements.

Elles seront réparées par la somme de 8.000 €.

B- Permanents

- déficit fonctionnel permanent :

L'expert a mis en évidence que madame [D] était consolidée, ce qui lui a permis de caractériser le déficit fonctionnel permanent dont elle demeure atteinte.

Le déficit fonctionnel permanent inclut pour la période postérieure à la date de consolidation les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de la vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles familiales et sociales.

La victime réclame à ce titre la somme de 24.000 € et, si elle évoque l'existence d'un préjudice spécifique de contamination, elle ne formule aucune demande à ce titre.

Compte tenu du taux de 4% retenu par l'expert et de l'âge de madame [D] à la consolidation (51 ans) la somme de 5.200 € allouée par le premier juge mérite approbation.

- préjudice d'agrément et préjudice esthétique :

En réparation de ces deux postes de préjudice confondus madame [D] réclame la somme de 15.000 €.

Toutefois l'expert n'a caractérisé aucun préjudice esthétique et le préjudice d'agrément n'est pas la perte de qualité de la vie qu'il retient, laquelle a été indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

En effet, le préjudice d'agrément vise exclusivement à l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

En l'absence de preuve de ce que madame [D] aurait pratiqué de telles activités avant sa contamination, activités dont elle aurait été privée en raison de son déficit fonctionnel subsistant, c'est à bon doit que le tribunal a rejeté ses prétentions.

Au total le préjudice de madame [D] s'établit à 46.412,93 €, somme sur laquelle il revient

° 21.212,93 € à la CPAM

° 25.200 € à madame [D].

Ces sommes seront mises à la charge de l'ONIAM.

Ne saurait être déduite de la somme de 25.200 € celle de 10.000 € allouée à madame [D] par le jugement du 12 juillet 2005, qui n'a pas été versée par l'ONIAM.

Le présent arrêt constituant pour l'EFS et/ou ses assureurs qui ont versé des sommes à madame [D] à titre provisionnel et en exécution du jugement déféré, le titre leur ouvrant droit à restitution, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du GAN tendant à ce que soit, par une disposition spéciale, reconnu son droit à remboursement.

*

Les dépens de première instance qui comprendront le coût de la seconde expertise, mais pas celui de la première qui a été pris en compte dans les dépens du jugement du 12 juillet 2005, et les dépens d'appel seront mis à la charge de l'ONIAM.

Il sera alloué en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2.000 € à madame [D], celle de 1.500 € à AXA et celle de 1.500 € au GAN.

Rien ne justifie que la CPAM se voie allouer une indemnité à ce titre alors qu'elle percevra l'indemnité, qu'elle fixe à 941 €, qui lui est due en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

Ces sommes seront mises à la charge de l'ONIAM.

Par ces motifs :

LA COUR :

- Reçoit l'ONIAM en son intervention volontaire

-Rejette la demande de l'ONIAM tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions d'AXA notifiées et déposées le 18 août 2011

- Infirme le jugement déféré

- Statuant à nouveau

- Fixe le préjudice de madame [D] à 46.412,93 €

- Dit que sur cette somme il revient

° 21.212,93 € à la CPAM

° 25.200 € à madame [D]

- Met ces sommes à la charge de l'ONIAM

- Rejette les demandes de madame [D] dirigées contre l'EFS, la société AXA et la société GAN

- Rejette les demandes de l'ONIAM dirigées contre la société AXA et contre la société GAN

- Rejette les demandes de l'EFS dirigées contre la société AXA et contre la société GAN

- Rejette toutes demandes plus amples ou contraires

- Alloue en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2.000 € à madame [D], celle de 1.500 € à AXA, celle de 1.500 € au GAN

- Alloue en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale la somme de 941 € à la CPAM

- Met ces sommes à la charge de l'ONIAM

- Met les dépens de première instance (comprenant le coût de l'expertise du docteur [U] déposée le 26 mars 2007) et d'appel à la charge le l'ONIAM et dit que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 09/23303
Date de la décision : 14/12/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°09/23303 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-14;09.23303 ?
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