COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 08 DECEMBRE 2011
N° 2011/ 788
Rôle N° 09/05649
EURL MBA
C/
SARL SNACK DU PORT
Grosse délivrée
le :
à :
SCP COHEN
SCP TOUBOUL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 11 Mars 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F2933.
APPELANTE
EURL MBA,
dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
assistée par Me Jean-Louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL SNACK DU PORT,,
dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée par Me Danyelle DIDIERLAURENT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Guy SCHMITT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2011,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement frappé d'appel rendu le 11 mars 2009 par le tribunal de commerce de Marseille ;
Vu les conclusions déposées le 25 octobre 2011 par la société MBA , appelante ;
Vu les conclusions déposées le 18 octobre 2011 par la société SNACK DU PORT, intimée ;
Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties;
Attendu que par acte en date du 26 mars 2008 la société SNACK DU PORT a vendu à la société MBA un fonds de commerce de restauration rapide situé à [Localité 2] au prix de 220'000 €; que, soutenant qu'elle ne pouvait exploiter que 26 des 70 m² de terrasse dépendant du fonds, la société MBA a réclamé une minoration du prix, obtenu l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire, et assigné en restitution d'une part de prix de 183'000 €; que par le jugement attaqué le tribunal de commerce de Marseille a rejeté la demande aux motifs que l'associée unique de la société acquéreuse, qui avait travaillé pour le compte de la venderesse antérieurement à la cession, connaissait parfaitement la situation, que les contestations de la mairie quant à l'étendue de la terrasse étaient connues avant la signature de l'acte, et que la terrasse avait été réhabilitée avant la cession aux dimensions autorisées ; qu'il a en revanche fait droit partiellement aux demandes reconventionnelles de la société SNACK DU PORT et accordé à cette dernière, d'une part les intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2008 de la somme de 183'000 € faisant l'objet de la saisie conservatoire, d'autre part une somme de 7'500 € à titre de dommages-intérêts ;
SUR CE,
Sur les demandes de la société MBA.
Attendu qu'il est établi, notamment par les photographies versées aux débats, que la société MBA ne peut servir des clients consommant sur place que sur la terrasse dont elle dispose, le local abrité par les murs ne pouvant contenir que la cuisine et les toilettes ; que, bien que la dimension de la terrasse exploitable ait dans ces conditions revêtu une importance primordiale, l'acte de vente n'y fait aucunement allusion et ses annexes pas davantage, l'acquéreuse ayant simplement déclaré connaître le fonds et faire son affaire du respect des servitudes et limitations administratives énumérées dans les annexes ; qu'il est constant par ailleurs qu'à la date de la vente la venderesse ne disposait que d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public portant sur 26 m² correspondant aux termes d'un constat d'huissier du 11 avril 2008 à 18 tables et 32 places assises, alors pourtant qu'elle avait mis en place, aux termes du même constat, une bâche de 40 m² correspondant à 50 places assises et vendu à l'acquéreuse 60 chaises et 30 tables ;
Attendu, certes, que le notaire instrumentaire a attesté dans deux courrier du 11 juin et du 16 décembre 2008 de ce que l'acquéreuse avait confirmé postérieurement à la vente qu'elle était déjà antérieurement au courant des problèmes de terrasse, son attestation n'étant cependant pas crédible dès lors qu'il avait tout intérêt à se disculper en considération des énonciations de l'acte qu'il avait rédigé contenant notamment la reconnaissance par l'acquéreuse que lui avaient été fournis tous éclaircissements complémentaires sur la portée, l'étendue et les effets des charges, prescriptions et limitations afférentes au fonds et que, concernant l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public pourtant essentielle, aucune information n'avait de manière prouvée été fournie ; qu'il ne peut être retenu que les renseignements suffisants avaient été transmis à l'acquéreuse par les autorités administratives compétentes, les courriers versés aux débats démontrant que celles-ci n'ont été sollicitées pour la première fois que le 25 avril 2008, postérieurement à la conclusion de la vente, en raison de renseignements fournis par le voisinage ;
Attendu que la venderesse s'est fait délivrer, notamment par d'anciens salariés, des attestations comportant l'affirmation que la gérante de la société acquéreuse avait travaillé pendant plusieurs mois dans le fonds avant la signature de l'acte, tenu la caisse et assisté à des inspections de la commune, de sorte qu'elle était parfaitement au courant de l'étendue de l'autorisation d'occupation du domaine public ; que, outre que l'acquéreuse a porté plainte entre les mains du procureur de la république en qualifiant ces attestations de faux, celles-ci ne peuvent valoir preuve suffisante de l'information prétendue alors qu'elles ne rapportent aucun échange précis entre l'acquéreuse et, soit la venderesse, soit les autorités administratives compétentes, soit encore la SCI propriétaire du local voisin devant lequel la venderesse exploitait la partie excédentaire de sa terrasse ; que, les dimensions de la terrasse existante ayant été de nature, malgré l'existence d'une partie carrelée limitée à 26 m², à conforter l'acquéreuse dans la certitude que les droits d'exploitation s'étendaient à l'ensemble de la superficie accaparée, rien ne permet de considérer que cette dernière a été dûment et positivement informée comme l'exigeait une situation pour le moins ambigüe ;
Attendu qu'il faut dans ces conditions retenir que la venderesse, avec la complicité passive du notaire qui a omis de se renseigner sur les conditions d'exploitation exactes du fonds et l'autorisation d'occupation du domaine public, a, au moins par sa réticence à révéler l'inadéquation entre la superficie exploitée et les autorisations obtenues, trompé sa cocontractante quant au potentiel réel du fonds ; que la demande en minoration du prix de vente est en conséquence fondée dans son principe ;
Attendu qu'alors que la société venderesse a déclaré dans l'acte de vente avoir réalisé de 2005 à 2007 des chiffres d'affaires successifs de 205'075, 260'215, et 203 498 €uros, les bilans de la société acquéreuse font ressortir, pour 10 mois et demi d'exploitation en 2008 un chiffre d'affaires de 68'045 €uros et une perte de 7'303 € et, pour l'année 2009, un chiffre d'affaires de 120'793 € et une perte de 9384 €uros ; que, pour prétendre que ces chiffres sont délibérément minorés, la société venderesse produit des photographies censées démontrer que la terrasse est exploitée sur une superficie aussi importante qu'antérieurement ainsi que des attestations émanant de prétendus candidats à l'acquisition rapportant les affirmations de la dirigeante de la société selon lesquelles cette dernière aurait minoré ses résultats en considération du contentieux en cours ; que cependant, d'une part les photographies, si elles démontrent effectivement un débordement de la même ampleur qu'antérieurement, ne font pas foi de son caractère permanent, ce d'autant que l'acquéreuse reconnaît et prouve avoir, en juillet et août 2008, obtenu l'autorisation ponctuelle de son voisin d'occuper la terrasse de ce dernier le 14 juillet et pendant les fêtes votives et que rien ne permet de retenir que les photographies ont été prises un autre jour ; que, d'autre part, non confortées par d'indispensables éléments supplémentaires, les attestations invoquées ne démontrent pas la réalité de la fraude affirmée sur la foi de déclarations que l'acquéreuse n'avait aucun intérêt à tenir ; qu'il est, enfin, pris argument par la venderesse de la différence de taux de TVA entre la vente à emporter et la vente à consommer sur place qui serait l'un des instruments de la fraude de l'acquéreuse, aucune certitude ne pouvant être acquise sur la foi de ce qui, en l'état, ne correspond qu'à de simples affirmations ;
Attendu que compte tenu de la réduction de moitié de la terrasse révélée postérieurement à la vente il est certain que, si l'acquéreuse en avait eu la certitude antérieurement, elle n'aurait, même compte tenu du potentiel de la vente à emporter s'agissant d'un fonds vendant notamment des sandwiches, pas payé un prix supérieur à 140'000 € ; que la venderesse sera en conséquence condamnée à lui rembourser une somme de 80'000 €; qu'elle sera également condamnée à lui payer la somme de 9'436,44 € que, selon facture du 30 juin 2008, elle a dû débourser pour mettre la bâche aux dimensions de la terrasse dont l'exploitation était autorisée ; que sera rejetée la demande de l'acquéreuse en remboursement des sommes de 1088,36 et 311,23 € correspondant à des frais de réfection du conduit de désenfumage, aucun document probant ne démontrant que celui qui existait n'était pas suffisant ;
Attendu que l'acquéreuse soutient que la venderesse s'est livrée à de la concurrence déloyale en offrant dans un autre fonds exploité par son dirigeant les plats antérieurement vendus dans le fonds cédé; qu'aucune preuve n'en est cependant rapportée, les cartes étant au demeurant totalement différentes ; que néanmoins, en considération des tracas qu'elle a subis en raison de la mauvaise foi de la venderesse et des accusations gratuites proférées par cette dernière, l'acquéreuse peut prétendre à des dommages-intérêts ; que la venderesse sera, toutes causes confondues, condamnée à lui payer une somme de 100'000 € et la saisie conservatoire validée à due concurrence ;
Sur les demandes de la société SNACK DU PORT.
Attendu que, la demande de la société acquéreuse étant justifiée à concurrence de 100'000 €, le surplus saisi conservatoirement doit être restitué ; que, coupable de dol par réticence, la société venderesse ne saurait en revanche se voir accorder le moindre dédommagement en réparation de l'indisponibilité de la somme saisie ou du dommage causé par un prétendu abus de procédure ; qu'elle sera déboutée également de sa demande en paiement du stock et du petit outillage chiffrés à 15'000 € alors que l'acte de vente n'y fait pas allusion, que la facture correspondante a été établie unilatéralement, et que par jugement en date du 17 octobre 2011 le tribunal de grande instance de Marseille a annulé pour absence de cause deux chèques de 7'500 € chacun émis antérieurement à la vente par la gérante de la société MBA en contrepartie, prétendument, de l'acquisition du stock ; qu'elle sera encore déboutée de sa demande en remboursement d'un dépôt de garantie versé aux bailleurs de 777 uros, ni l'acte de vente ni le contrat de bail ne mettant ce remboursement à la charge de la société acquéreuse ; que, l'acte de vente prévoyant que l'acquéreuse doit remboursement au prorata des charges notamment fiscales afférentes au fonds, la venderesse réclame à juste titre le remboursement d'une somme de 1544 € au titre de la taxe professionnelle de l'année 2008 d'un montant total de 2059 € ; que les intérêts de retard ne seront accordés sur cette somme qu'à compter de la notification de la première demande en justice qui y a trait;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare les appels réguliers et recevables en la forme.
Au fond, infirme le jugement attaqué et, statuant à nouveau,
Condamne la société SNACK DU PORT à payer à la société MBA une somme de 80'000 € à titre de réduction du prix de vente du fonds litigieux ainsi qu'une somme de 20'000 € en remboursement du coût de remplacement de la bâche et à titre de dommages-intérêts.
Valide en conséquence à concurrence de 100'000 € la saisie conservatoire pratiquée par la société MBA le 10 juin 28 et l'opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce régularisée par elle le 13 mai 2008.
Dit que le surplus des sommes saisies et frappées d'opposition devra être restitué à la société SNACK DU PORT avec les intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt.
Condamne la société MBA à payer à la société SNACK DU PORT une somme de 1544 € au titre de la taxe professionnelle de l'année 2008 avec les intérêts au taux légal à compter de la notification de la première demande en justice en comportant revendication.
Déboute la société SNACK DU PORT du surplus de ses demandes.
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La condamne à payer à la société MBA une somme de 5'000 € au titre des frais irrépétibles.
Accorde à l'avoué de la société MBA le bénéfice de distraction de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président