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07/12/2011 | FRANCE | N°10/09339

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 07 décembre 2011, 10/09339


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2011



N°2011/492











Rôle N° 10/09339







FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS





C/



[X] [N]









































Grosse délivrée

le :

à :






>Décision déférée à la Cour :



Décision rendue le 20 Avril 2010 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, enregistrée au répertoire général sous le n° 09/682.





APPELANT



FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, géré pa...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2011

N°2011/492

Rôle N° 10/09339

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS

C/

[X] [N]

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Décision rendue le 20 Avril 2010 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, enregistrée au répertoire général sous le n° 09/682.

APPELANT

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, géré par le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES, avec le sigle FGAO, dont le siège social est [Adresse 4], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en sa délégation de [Localité 6], [Adresse 3]

représenté par la SCP GIACOMETTI DESOMBRE, avoués à la Cour,

assisté de la SCP ALIAS P. - BOULAN M. - CAGNOL P. - MENESTRIER L., avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Audrey CIAPPA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [X] [N]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,

assisté de Me Patrice REVIRON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Brigitte VANNIER, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Brigitte VANNIER, Présidente

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2011..

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2011.

Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I - Exposé du litige :

Par arrêt du 7 mars 2008 la cour d'assises de l'Isère statuant en premier ressort a condamné [T] [U] pour viol sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur [X] [N].

Par arrêt du même jour statuant sur intérêts civils la cour a alloué à la victime la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts et l'a informée de ce qu'elle pouvait saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales.

Monsieur [U] qui avait interjeté appel contre l'arrêt pénal s'en étant désisté, le président de la cour d'assises de la Drome, désignée pour connaître de l'affaire en appel, a constaté le désistement d'appel du condamné et dit que ce désistement rendait caduc l'appel incident formé par le Ministère Public, par ordonnance du 10 octobre 2008.

Monsieur [N] a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales près le tribunal de grande instance de Marseille (la CIVI) d'une demande d'indemnisation par requête enregistrée le 11 août 2009.

Le Fonds de garantie des victimes d'infractions (le Fonds) ayant conclu à la forclusion, la CIVI, par décision du 20 avril 2010, a

- dit qu'il existait un motif permettant de relever la forclusion

- déclaré recevable monsieur [N]

- alloué à ce dernier la somme de 20.000 € outre 250 € au titre de ses frais irrépétibles

- dit que les dépens resteraient à la charge du trésor public.

Le Fonds a interjeté appel de cette décision.

Il fait valoir que la demande d'indemnisation de monsieur [N] est forclose pour avoir été déposée plus d'un an après l'avis qui lui a été donné par la décision de la juridiction pénale lui ayant alloué des dommages et intérêts et que le requérant ne justifie d'aucun motif légitime autorisant un relevé de forclusion, de sorte que sa demande doit être déclarée irrecevable.

Monsieur [N] forme appel incident en demandant à la cour à titre principal de dire qu'il n'est pas forclos dès lors que l'avis prévu à l'article 706-15 du code de procédure pénale ne lui a pas été donné par une décision ayant statué définitivement et que, sauf à provoquer des conséquences non prévues par le législateur et créant une disparité entre les victimes selon que l'auteur est condamné ou non à payer des dommages et intérêts, la loi a voulu donner aux victimes le délai d'un an pour saisir la CIVI après qu'une décision est devenue définitive, soit en l'espèce après le 10 octobre 2008.

A titre subsidiaire il conclut à la confirmation de la décision qui l'a relevé de sa forclusion et en toute hypothèse à la confirmation du montant de l'indemnisation qui lui a été acordée.

Le dossier a été communiqué au Ministère Public qui n'a pas présenté d'observations.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision critiquée et aux dernières conclusions déposées par les parties (par le Fonds le 14 octobre 2011, par monsieur [N] le 25 février 2011).

I - Motifs :

Aux termes de l'article 706-3 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à sa personne, en particulier lorsque celles-ci ont entraîné une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois.

L'article 706-5 du même code prévoit que 'à peine de forclusion, la demande d'indemnisation doit être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l'infraction ; lorsque des poursuites pénales sont exercées, ce délai est prorogé et n'expire qu'un an après la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée par-devant la juridiction répressive ; lorsque l'auteur d'une infraction mentionnée aux articles 706-3 et 706-14 est condamné à verser des dommages et intérêts, le délai d'un an court à compter de l'avis donné par la juridiction en application de l'article 706-15. Toutefois la commission relève le requérant de la forclusion lorsqu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou lorsqu'il subit une aggravation de son préjudice ou pour tout autre motif légitime'.

L'avis prévu à l'article 706-15 du code de procédure pénale consiste dans l'information donnée, par la juridiction pénale, à la partie civile qui s'est vue allouer des dommages et intérêts, de ce qu'elle a la possibilité de saisir la CIVI.

Contrairement à ce que prétend monsieur [N] le texte de l'article 706-5 du code de procédure pénale est clair.

Son objet est de définir les délais pour agir devant la CIVI et, au nombre des situations procédurales auxquelles la victime est confrontée, il envisage le cas spécifique où la juridiction pénale lui a alloué des dommages et intérêts ; il fixe alors le point de départ du délai d'un an imposé à la victime pour saisir la CIVI à la date de l'avis qui lui a été donné en application de l'article 706-15 du code de procédure pénale.

Les travaux préparatoires de la loi du 15 juin 2000, qui a introduit tant l'obligation d'information par les juridictions répressives de la victime ayant obtenu des dommages et intérêts, que la disposition relative au point de départ du délai de forclusion d'un an à compter de l'avis ainsi donné, ne laissent aucun doute sur le fait que cette dernière disposition ne s'applique que dans les cas où la victime s'est vue allouer des dommages et intérêts par la juridiction pénale, sans distinction selon que la juridiction est du premier ou du second degré (ce qui rend sans emport les moyens de monsieur [N] tirés du caractère non définitif de la décision lui ayant alloué une indemnisation), ni selon qu'elle juge des crimes, des délits ou des contraventions (ce qui rend sans emport les développements de monsieur [N] relatifs à la date d'entrée en vigueur des dispositions introduisant l'appel devant les cours d'assises).

Cette disposition ne rompt pas l'égalité entre les victimes d'infractions puisque, en fixant des points de départs différents au délai pendant lequel la victime peut saisir la CIVI selon qu'elle s'est vue allouer ou non des dommages et intérêts, elle traite différemment des situations différentes.

Elle ne vide pas de son contenu la disposition précédente qui prévoit une saisine de la CIVI dans l'année suivant la décision de la juridiction qui a statué définitivement sur l'action publique ou sur l'action civile engagée devant la juridiction répressive, puisque cette disposition trouve à s'appliquer lorsque la juridiction répressive a statué définitivement sur l'action civile, mais sans allouer de dommages et intérêts à la partie civile.

Elle est en cohérence avec le principe d'autonomie de la CIVI que la victime peut saisir alors même qu'il n'a pas été statué sur l'action pénale et, si elle a obtenu des dommages et intérêts, sans attendre l'issue de ses tentatives d'exécution.

Elle est conforme à l'esprit de la loi, favorable aux victimes, puisque la victime dont le droit à indemnisation a été reconnu par la juridiction pénale peut agir devant la CIVI sans attendre l'issue de la procédure d'appel pouvant porter tant sur la décision pénale que sur la décision civile.

Elle n'entraîne pas de conséquences imprévues par le législateur, puisque celui-ci a, au contraire, envisagé à l'article 706-8 du code de procédure pénale le cas où la juridiction statuant sur les intérêts civils (sans distinguer selon que c'est au premier degré ou en appel) allouerait à la victime de dommages et intérêts supérieurs au montant de l'indemnité accordée par la CIVI, et ouvert à la victime le droit de demander un complément d'indemnité.

Pour toutes ces raisons la disposition critiquée par monsieur [N] apparaît dénuée d'équivoque et compatible avec l'ensemble du dispositif législatif régissant le droit des victimes d'infraction, de sorte qu'elle n'est pas susceptible d'interprétation et doit, comme telle, recevoir application.

En l'espèce la cour d'assises de l'Isère a alloué des dommages et intérêts à monsieur [N] et le Fonds justifie que l'avis prévu à l'article 706-15 du code de procédure pénale lui a été donné.

Cette décision est en date du 7 mars 2008.

La requête saisissant la CIVI est en date du 11 août 2009.

A cette date le délai d'un an pour saisir la CIVI, qui partait du 7 mars 2008, jour de l'avis, était expiré.

Monsieur [N] était donc forclos, ainsi que la CIVI l'a exactement constaté.

En revanche c'est à tort que la CIVI, pour relever monsieur [N] de cette forclusion, a considéré que le texte de l'article 706-5 du code de procédure pénale pouvait présenter des difficultés d'interprétation de nature à induire en erreur le requérant et son conseil.

Par ailleurs monsieur [N] n'allègue ni n'invoque aucune autre circonstance de nature à caractériser le motif légitime autorisant la cour à le relever de sa forclusion.

Il sera donc déclaré irrecevable en sa demande.

Les dépens de l'instance seront mis à la charge du Trésor Public en application de l'article R.50-21 du code de procédure pénale.

- Par ces motifs :

LA COUR :

- Infirme la décision déférée

- Dit que monsieur [N] est forclos en sa demande

- Rejette sa demande de relevé de forclusion

- Déclare en conséquence la demande de monsieur [N] irrecevable

- Met les dépens à la charge du Trésor Public et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 10/09339
Date de la décision : 07/12/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°10/09339 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-12-07;10.09339 ?
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