COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 25 NOVEMBRE 2011
N°2011/783
Rôle N° 10/11978
[W] [X]
C/
[Z] [E]
Grosse délivrée le :
à :
Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Juin 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1169.
APPELANTE
Madame [W] [X], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
(RCS Marseille 442 305 918 ), pris en la personne de son représentant Monsieur [Z] [E], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2011
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Par lettre recommandée postée le 23 juin 2010 Mme [X] a relevé appel du jugement rendu le par le 11 juin 2010 par le conseil de prud'hommes de Marseille la déboutant de ses demandes à l'encontre de M. [E].
La salariée demande à la cour de lui allouer les sommes suivantes :
- 13 290,63 euros, ainsi que 1 329,06 euros au titre des congés payés, après requalification d'un contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein,
- 2 684,42 euros, ainsi que 268,44 euros au titre des congés payés afférents, pour préavis,
- 492,14 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- 8 000 euros pour préjudice moral, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du juge social, sous le bénéfice de l'anatocisme.
Elle chiffre à 2 000 euros ses frais irrépétibles.
L'employeur conclut à la confirmation du jugement déféré ; il chiffre à 1 500 euros ses frais non répétibles.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 12 septembre 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la requalification :
Les parties sont en l'état d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel selon lequel Mme [X] est engagée à compter du 5 mars 2005 en qualité de femmes toutes mains au sein de l'hôtel Beaulieu-Glaris, propriété de M. [E].
Suivent deux avenants augmentant les heures de travail de la salariée, sans atteindre 35 heures hebdomadaires, Mme [X] devenant femme de chambre réceptionniste.
Les deux avenants omettent de préciser la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
De plus, la salariée a parfois cumuler un temps de travail excédant la durée légale comme en font foi ses bulletins de salaire :
- 164,97 heures au mois de décembre 2005,
- 170,47 heures au mois d'avril 2006,
- 173,83 heures au mois d'avril 2007,
- 166,33 heures au mois de juin 2007.
Il en résulte que la salariée était placée dans un situation de complète incertitude quant à ses horaires, ce qui l'obligeait à se tenir à la disposition de son employeur très au-delà de ses obligations contractuelles.
En conséquence, la requalification s'impose et Mme [X] recevra à ce titre les sommes de 13 290,63 euros et 1 329,06 euros dont les montants ne sont pas discutés.
Sur le licenciement :
La salariée a été licenciée par une lettre recommandée du 31 mars 2008 dont une photocopie est annexée au présent arrêt.
Sur le grief pris de retards fréquents et d'absences injustifiées, nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, l'employeur est particulièrement malvenu à élever de pareils reproches à une salariée qui ne connaissait pas, par sa faute, ses plages de travail.
Sur le grief pris d'une rixe avec un veilleur de nuit, l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en adressant pour ces faits à la salariée un avertissement écrit en date du 4 février 2008.
Sur le refus d'exécuter certaines tâches au sein de l'hôtel d'Athènes, le contrat de travail et les deux avenants à ce contrat stipulent que Mme [X] a pour lieu de travail l'hôtel Beaulieu-Glaris.
On ne saurait donc utilement lui reprocher de ne pas avoir travaillé au sein de l'hôtel d'Athènes qui appartient également à M. [E].
Reste le dernier grief pris de la 'limitation depuis quelques semaines ... etc.' sur lequel M. [E] soutient sa position en versant aux débats une attestation de son fils et une attestation de son épouse.
Sachant que M. [E] a sous ses ordres plusieurs salariés à même de témoigner de la qualité du travail de Mme [X], ces attestations familiales ne peuvent suppléer les témoignages d'étrangers à la famille [E].
Ces deux attestations ne pouvaient qu'être complaisantes et les auteurs n'ont guère fait preuve de précautions puisque ces deux attestations sont rédigées en page 1 en termes identiques, sauf à intervertir 'mon père' par 'mon mari' et inversement.
En conséquence, infirmant la cour juge que l'employeur ne démontre pas que le licenciement prononcé pour faute grave repose sur une cause réelle et sérieuse.
.../...
Ni sur la forme ni sur le fond le comportement de l'employeur à l'occasion de ce licenciement ne peut être qualifié d'abusif.
.../...
Sur l'existence d'un préjudice moral indemnisable, né de la rupture de son contrat de travail, Mme [X] verse aux débats une main courante du 7 novembre 2001 par laquelle elle imputait à son employeur la perte d'une dent à la suite d'une agression ; elle verse également un certificat médical de première constatation confirmant le fait.
Mais Mme [X] ayant refusé de porter plainte à l'encontre de M. [E] et la même n'ayant déclaré à son médecin qu'une agression sans autre commentaire, ces pièces ne sont pas opérantes.
Mme [X] ne recevra donc pas 8 000 euros pour préjudice moral.
Âgée de 30 ans au moment de son licenciement, Mme [X] a perdu, pour un travail à temps plein, un salaire brut de 2 682,42 euros par mois en l'état d'une ancienneté de 3 ans au sein d'une entreprise occupant plus de 11 salariés comme en fait foi l'attestation délivrée par l'employeur destinée à l'Assédic.
Mme [X] ne disant rien de son devenir professionnel, la cour arrête la réparation de son préjudice à 6 mois de salaire, soit la somme de 16 095 euros.
La salariée recevra ses indemnités légales et conventionnelles de rupture représentant, sur son salaire théorique, les sommes réclamées de 2 684,42 euros, 268,44 euros et 492,14 euros, soit, au total, la somme de 3 445 euros.
Sur l'intérêt moratoire et l'anatocisme :
Le présent arrêt est déclaratif de droit pour les sommes de 13 290,63 euros, 1 329,06 euros et 3 445 euros.
Ces sommes, représentant au total 18 064,69 euros, porteront intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2008, sous le bénéfice de l'anatocisme à compter du 26 mai 2009.
Sur les dépens :
L'employeur, qui succombe au principal, supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Infirme le jugement déféré ;
Et, statuant à nouveau :
Requalifiant le contrat de travail et disant illégitime le licenciement, condamne M. [E] à verser à Mme [X] les sommes suivantes :
- 18 064,69 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2008, sous le bénéfice de l'anatocisme à compter du 26 mai 2009,
- 16 095 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Rejette le surplus des demandes de la salariée ;
Condamne l'employeur aux entiers dépens et le condamne à verser à la salariée 1 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT