COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 25 NOVEMBRE 2011
N°2011/779
Rôle N° 10/07478
Société JENNY CRAIG
C/
[J] [C]
Grosse délivrée le :
à :
Me Philippe BODIN, avocat au barreau de NANTES
Me Angèle SAVOYE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 17 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/2892.
APPELANTE
Société JENNY CRAIG, venant aux droits de la Société PROTEIKA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 1]
représentée par Me Philippe BODIN, avocat au barreau de NANTES
INTIMEE
Madame [J] [C],
demeurant [Adresse 2]
comparant en personne,
assistée de Me Angèle SAVOYE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure ROCHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2011
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 15 avril 2010 la société Jenny Craig a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 17 mars 2010 par le conseil des prud'hommes de Marseille qui a condamné la société Proteika , aux droits de laquelle vient la société Jenny Craig, à verser à madame [J] [C] un rappel de commissions de 73874,53 euros, des dommages et intérêts de 15000 euros ainsi que 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
***
Madame [C] a été embauchée en qualité de déléguée technico commerciale, le 1° juin 1998, par la société Pro-Ldk , à laquelle a succédé la société Proteika. Sa rémunération comportait une partie fixe et un pourcentage sur le chiffre d'affaire qu'elle réalisait.
Par avenant à son contrat de travail, signé le 1° avril 2004, les éléments de calcul de la partie variable de sa rémunération ont été modifiés.
Madame [C] a été licenciée pour motif économique en 2009.
***
La société Jenny Craig soutient que les demandes formulées par madame [C] sont irrecevables par application du principe de l'unicité de l'instance.
A titre subsidiaire, elle conclut que madame [C] doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée à rembourser les sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution provisoire.
Elle chiffre ses frais irrépétibles à 4000 euros .
Madame [C] soutient qu'elle n'a eu connaissance du fondement de ses demandes qu'au mois de juin 2008 , soit après la clôture des débats de la première instance qu'elle a engagée à l'encontre de la société Jenny Craig , de sorte que le principe de l'unicité de l'instance ne peut lui être opposé.
Elle demande, outre la confirmation des sommes allouées par le jugement querellé, un rappel de commissions de 10097,54 euros et la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réclame également la condamnation sous astreinte de l'employeur à lui délivrer des bulletins de paie rectifiés.
Pour un plus ample exposé des moyens et arguments de chacune des parties ,il convient de se reporter à leurs conclusions écrites qui ont été soutenues oralement ,à l'audience du 10 octobre 2011.
MOTIFS
Aux termes de l'article R1452-6 du code du travail, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font ,qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil des prud'hommes.
Madame [C] a introduit, avec huit autres salariés, une première procédure à l'encontre de la société Proteika devant le conseil des prud'hommes de Saint Nazaire , en novembre 2005.Cette procédure s'est terminée par un arrêt de la cour d'appel de Rennes, définitif, en date du 12 juin 2008, lequel a débouté la salariée de sa demande de prime d'ancienneté et accueilli partiellement sa demande relative au contrat de retraite supplémentaire .
Les débats devant la cour d'appel de Rennes ont été clôturés le 16 mai 2008.
Madame [C] a saisi le conseil des prud'hommes de Marseille du présent litige, le 2 octobre 2008.
Elle soutient que l'employeur n'a jamais respecté l'avenant du 1°avril 2004 et ,depuis l' été 2008 ,a exclu de l'assiette de calcul de ses commissions les commandes de produits passées sans prescription médicale.
Pour établir qu'elle n'a eu connaissance des éléments lui permettant d'élever ces prétentions que postérieurement à la première instance , elle produit :
-un courriel , comportant le détail de ses commissions depuis octobre 2007,qui lui a été adressé le 2 juin 2008
-un document , non signé, intitulé ' réponses aux questions des délégués du personnel du 7 octobre 2008" rapportant qu 'elle a demandé, en sa qualité de déléguée du personnel, depuis quelle date le nom du médecin prescripteur disparaissait lorsque le client n'avait pas effectué d'achat au cours des douze derniers mois et qu'il lui a été répondu que cette procédure avait toujours existé mais n'avait pas été systématiquement respectée et qu'un nettoyage des fichiers avait été fait en ce sens le 28 mai 2008.
Toutefois, l'employeur produit l'attestation de madame [O] , responsable de la paie, qui indique qu' elle a joint le tableau récapitulatif des commissions, aux bulletins de salaire qu'elle adressait aux commerciaux ,jusqu'au mois de septembre 2007(postérieurement à cette date le service de paie a été externalisé); elle indique que ce tableau récapitulatif lui était transmis par le service financier , ce que confirme monsieur [S] , assistant de gestion , qui atteste qu'il envoyait à madame [O] les tableaux de commissions qu'il réalisait ,de mars 2001 à septembre 2007, et que le calcul de ces dernières n'a pas changé après l'avenant de 2004 , seul le taux de commissionnement ayant été modifié.
Il faut également noter que madame [C] a demandé par écrit à l'employeur des explications sur le calcul des commissions à la fin de l'année 2006.L'employeur indique, sans en justifier, qu'il lui a répondu oralement et madame [C] affirme qu'elle n'a jamais obtenu de réponse : force est de constater qu' elle n'a pas relancé l'employeur .
En tout état de cause, il est établi qu'elle s'est préoccupée du calcul des commissions fin 2006 et n'a donné aucune suite à la réponse ou à l'absence de réponse de l'employeur .
Par ailleurs , ce dernier explique que les cures de produits diététiques qu'il commercialise durent quelques mois et jamais plus d'un an ,de sorte que si un client achète dans une boutique Proteika des produits, initialement prescrits par un médecin démarché par un commercial, plus d'un après son dernier achat, le nom du médecin prescripteur ne doit plus apparaître dans la liste des ventes effectuées par le commercial . Il justifie cette pratique en soulignant qu'il a toujours été prévu contractuellement des commissions sur les ventes faites par l'intermédiaire de professionnels de santé .
Aucun élément objectif ne vient infirmer la réponse de l'employeur au cours de la réunion de délégués du personnel selon laquelle la suppression de la référence au médecin prescripteur lorsque le client qui n'avait plus effectué d'achat au cours de l'année écoulée, achète à nouveau un produit dans une boutique , a toujours existé .
Madame [C] disposait donc des éléments qui lui permettaient de faire valoir ses prétentions avant le 16 mai 2008, date de la clôture des débats devant la cour d'appel de Rennes: elle avait de ce fait la possibilité de les exprimer devant une juridiction prud'homale.
C'est donc à juste titre que la société Jenny Craig invoque la fin de non recevoir découlant du principe de l'unicité de l'instance .
Les demandes de madame [C] sont en conséquence irrecevables.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe
Vu l'article 696 du code de procédure civile
Infirme le jugement déféré
Dit que les demandes de madame [C] sont irrecevables par application du principe de l'unicité de l'instance
Rejette les demandes formées par las parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Dit que les dépens seront supportés par madame [C] .
Le Greffier Le Président