COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2011
HF
N° 2011/732
Rôle N° 10/23102
[I] [K] [G]
C/
[N] [J] [M]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BLANC CHERFILS
SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 02 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/517.
APPELANT
Monsieur [I] [K] [G]
né le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 5] (ESPAGNE), demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
assisté de Me Alain CLERGERIE, avocat au barreau de TARASCON
INTIMEE
Madame [N] [J] [M]
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée de Me Isabelle BARACHINI FALLET, avocat au barreau de TARASCON
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2011,
Signé par Monsieur Hugues FOURNIER, conseiller et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
Monsieur [G] et madame [M], après avoir vécu pendant de nombreuses années en concubinage, se sont séparés en mars 2005.
Deux enfant sont nés de leur union.
Au cours de leur concubinage (en août 1991 et mai 2003), ils ont acquis en indivision pour moitié deux terrains, sur lesquels des constructions ont été édifiées.
Monsieur [G] a créé et développé une activité artisanale de plâtrier, qu'il continue d'exercer à l'heure actuelle sous la forme d'une Eurl.
Madame [M] a participé à l'entreprise en assumant des travaux de comptabilité.
Après leur séparation, madame [M] est demeurée dans la maison indivise avec les enfants jusqu'au 1er janvier 2008, date à partir de laquelle monsieur [G] l'occupe.
Madame [M] a assigné monsieur [G] devant le tribunal de grande instance de Tarascon en ouverture des opérations de compte, liquidation, et partage de l'indivision.
Vu les appels par monsieur [G] les 23 décembre 2010 et 12 janvier 2011 du jugement prononcé le 2 décembre 2010 ayant, notamment, ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision résultant de l'achat en indivision des deux terrains et de la construction édifiée sur ces terrains, dit qu'il s'agit d'une indivision pour moitié, dit qu'il devra être tenu compte, sauf meilleur accord des parties, des dépenses faites par monsieur [G] en remboursement du prêt de 263.000 francs à date de valeur du 10 juillet 1993 suivant tableau d'amortissement du 2 juillet 1993 de la Banque Populaire Provençale et Corse, désigné un notaire et un juge, ordonné une expertise aux fins de procéder à l'évaluation de l'actif immobilier, de rechercher si les biens sont commodément partageables en nature, évaluer la valeur locative depuis le 1er janvier 2008, donner tous éléments utiles à la solution du litige, ayant donné acte à madame [M] qu'elle n'a cause d'opposition à l'attribution de l'immeuble à monsieur [G], dit que celui-ci est redevable d'une indemnité d'occupation mensuelle depuis le 1er janvier 2008, l'ayant condamné à payer à madame [M] une provision de 2.500 euros, ayant réservé les frais et les dépens, renvoyé à la mise en état;
Vu la jonction ordonnée le 20 janvier 2011;
Vu les conclusions notifiées ou signifiées le 24 octobre 2011 par monsieur [G], et le 26 octobre 2011 par madame [M];
Vu la clôture prononcée le 27 octobre 2011;
MOTIFS
1) Il doit être fait droit à la demande de monsieur [G] de se voir attribuer
préférentiellement l'immeuble indivis, à laquelle madame [M] (qui conclut à la vente judiciaire dudit immeuble, à défaut de demande d'attribution de la part de monsieur [G]) n'oppose pas de contestation.
2) Monsieur [G] estime qu'il doit être tenu compte, en déduction de la moitié de la valeur de l'immeuble telle qu'évaluée par l'expert qu'il aura à payer à titre de soulte, de 'l'intégralité des dépenses faites (par lui) pour l'amélioration des biens indivis, tant au titre des différents emprunts successivement contractés que de la réalisation des constructions édifiées sur les parcelles acquises en indivision', et demande que mission soit donnée à l'expert de calculer sa créance de ce chef.
Madame [M] estime que le partage de l'immeuble indivis doit être strictement égalitaire, au motif principal que chacun des coindivisaires a participé à l'acquisition et au financement de l'immeuble, et au motif subsidiaire, qu'il y a eu intention libérale de la part de monsieur [G].
Il est acquis aux débats que monsieur [G] a financé seul l'achat des deux terrains, alors que leur acquisition a été faite indivisément par moitié entre madame [M] et lui.
Ne demandant aucun compte à madame [M] à cet égard (il vise les seules dépenses d'amélioration et non d'acquisition de ces biens indivis), il doit être retenu à ce titre une intention libérale de sa part en faveur de celle-ci, en 1991, et en 2003.
L'ensemble des dépenses relatives à la construction de l'immeuble indivis ont été engagées (au vu des productions) entre 1993 et 1997.
Monsieur [G] n'allègue ni ne justifie qu'il aurait eu recours à un emprunt, à cette période, dont il aurait encore assumé le remboursement après la séparation.
Madame [M] justifie (par les nombreuses attestations qu'elle verse aux débats, en particulier celle de son père, de son frère, et de l'expert-comptable de l'entreprise de plâtrerie) que, pendant cette période, et jusqu'en 2004, elle a assumé seule, en sus de sa propre activité salariée, l'ensemble du secrétariat et de la comptabilité, ce qui a représenté un travail significatif, monsieur [G] n'opposant aucune contestation au fait que l'entreprise avait embauché à son démarrage (en 1986/87) un ou deux salariés, et que leur nombre était allé en augmentant par la suite, pour atteindre la dizaine de personnes en 2004.
Dans ces conditions, rappel étant fait de l'intention libérale constatée en ce qui concerne l'acquisition des terrains, et sachant que monsieur [G] n'allègue ni ne justifie que les dépenses pour la construction de l'immeuble indivis auraient été financées par d'autres sources que les produits générés par l'entreprise, à la bonne marche et au développement de laquelle madame [M] a oeuvré, pendant de nombreuses années, de façon substantielle, et sans être rémunérée, il est admis que la charge de ces dépenses a également représenté pour celui-ci, pour la portion ayant pu excéder son obligation de co-indivisaire, la mise en oeuvre d'une intention libérale de sa part en faveur de sa concubine.
Il s'ensuit qu'il doit être débouté de ses demandes tendant à ce qu'il soit tenu compte de ses dépenses pour l'amélioration du bien indivis, et à ce que la mission de l'expert soit étendue.
Inversement, il est fait droit à la demande de madame [M] tendant à à voir fixer le montant la soulte à la moitié de la valeur de l'immeuble, sans préjudice toutefois des autres comptes à faire entre les parties que ceux relatifs à son amélioration.
3) Les deux parties sont d'accord pour fixer le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation due par monsieur [G] envers l'indivision à compter du 1er janvier 2008 à 1.400 euros.
Monsieur [G] réclame qu'une même indemnité soit mise à la charge de madame [M] du 1er mars 2005 au 31 décembre 2007, ce à quoi elle s'oppose en faisant valoir qu'il s'agirait d'une demande nouvelle, prescrite pour partie, et infondée dans la mesure où elle a occupé les lieux, avec la famille, avec son accord, et qu'il ne s'est nullement acquitté pendant cette période de sa contribution paternelle.
La demande, qui se rapporte directement à la demande de compte, liquidation, et partage de l'immeuble indivis, n'est pas nouvelle, même formée en cause d'appel.
Ayant été formée pour la première fois au terme de conclusions notifiées le 10 mars 2011, elle est prescrite en ce qui concerne la période courue de la date de séparation des parties au 10 mars 2006.
Il y sera fait droit en son principe à compter de cette dernière date, madame [M] ne s'y étant opposée que de façon abstraite, sans apporter le moindre élément touchant aux revenus et charges respectifs des parties depuis le mois de mars 2005, alors que la charge de la preuve lui incombe de justifier son allégation selon laquelle monsieur [G] aurait manqué à son obligation de contribution paternelle.
Le montant de l'indemnité sera calculée en prenant pour base la somme mensuelle de 1.400 euros au 1er janvier 2008, en fonction de l'évolution de l'indice de référence des loyers entre le 10 mars 2006 et le 1er janvier 2008.
4) L'obligation de monsieur [G] envers madame [M], résultant de la différence entre leurs dettes respectives envers l'indivision en ce qui concerne leur occupation successive de l'immeuble indivis, est non sérieusement contestable à hauteur d'une somme de 15.000 euros, au paiement de laquelle il est en conséquence condamné.
5) Les dépens et les frais irrépétibles de première instance sont réservés.
Chacune des parties supportent la charge de ses dépens et frais irrépétibles d'appel.
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Il suit de l'ensemble de ce qui précède que le jugement doit être confirmé sauf en ce qu'il a dit qu'il devra être tenu compte, sauf meilleur accord des parties, des dépenses faites par monsieur [G] en remboursement du prêt de 263.000 francs à la date de valeur du 10 juillet 1993 suivant tableau d'amortissement du 2 juillet 1993 de la Banque Populaire Provençale et Corse, et condamné monsieur [G] à payer à madame [M] une provision à valoir sur le partage de l'indivision la somme de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit qu'il devra être tenu compte, sauf meilleur accord des parties, des dépenses faites par monsieur [G] en remboursement du prêt de 263.000 francs à la date de valeur du 10 juillet 1993 suivant tableau d'amortissement du 2 juillet 1993 de la Banque Populaire Provençale et Corse, et condamné monsieur [G] à payer à madame [M] une provision à valoir sur le partage de l'indivision la somme de 2.500 euros.
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées, et y ajoutant,
Attribue l'immeuble indivis à monsieur [G].
Déboute monsieur [G] de ses demandes tendant à ce qu'il soit tenu compte de ses dépenses pour l'amélioration du bien indivis, et à ce que la mission de l'expert soit étendue.
Fixe le montant de la soulte due par lui à madame [M], en conséquence de l'attribution du bien indivis en sa faveur, à la moitié de la valeur dudit immeuble, sans préjudice des autres comptes à faire entre les parties que ceux relatifs à son amélioration.
Fixe l'indemnité d'occupation due par monsieur [G] envers l'indivision à 1.400 euros par mois à compter du 1er janvier 2008.
Dit prescrite la demande de monsieur [G] tendant à fixer à la charge de madame [M] une indemnité d'occupation de la date de leur séparation jusqu'au 10 mars 2006.
Dit que madame [M] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation, pour la période courue du 10 mars 2006 au 1er janvier 2008, sur la base d'une somme mensuelle de 1.400 euros au 1er janvier 2008, et en fonction de l'évolution de l'indice de référence des loyers pendant cette même période.
Condamne monsieur [G] à payer à madame [M] une provision de 15.000 euros.
Dit que chacune des parties supporte la charge de ses dépens et frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER POUR LE PRESIDENT EMPECHE