COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2011
FG
N° 2011/718
Rôle N° 10/17985
[Y] [X] [V] [G]
[C] [D] [K] [G]
[P] [L] [G]
C/
SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT - S.M.C.
SA SOCIETE GENERALE
Grosse délivrée
le :
à :
SCP COHEN GUEDJ
SCP BLANC CHERFILS
SCP PRIMOUT FAIVRE,
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Septembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 07/10731.
APPELANTS
Monsieur [Y] [X] [V] [G]
né le [Date naissance 3] 1988 à [Localité 14] (13),
demeurant [Adresse 16]
Monsieur [C] [D] [K] [G]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 14] (13),
demeurant [Adresse 16]
Monsieur [P] [L] [G]
né le [Date naissance 5] 1952 à [Localité 19] (TUNISIE),
demeurant [Adresse 16]
représentés par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
assistés de Me Alain CHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT - S.M.C., prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 10]
représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
assistée de Me Louis CABAYE de l'association ROUSSEL Jean/ CABAYE/ ROUSSEL Hubert, avocats au barreau de MARSEILLE
SA SOCIETE GENERALE,
dont le siège social est sis [Adresse 6]
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social et encore [Adresse 13]
représentée par la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués à la Cour,
assistée de Me Hubert ROUSSEL de l'association ROUSSEL Jean/ CABAYE/ ROUSSEL Hubert, avocats au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2011,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
Par jugement en date du 14 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Marseille a :
- déclaré inopposable à la Société Générale et à la Société Marseillaise de Crédit l'acte de donation reçu le 16 avril 1996 par M°[S] [F], notaire à [Localité 14], publié au bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 14] le 17 mai 1996, volume 96p n°3575, aux termes duquel M.[P] [G] a fait donation à M.[C] [G] et M.[Y] [G] de la nue-propriété de sa quote-part fixée à 25% de l'immeuble indivis sis à [Adresse 16] et [Adresse 4], consistant en une parcelle de terrain sur laquelle est édifiée une maison d'habitation, une construction élevée d'un rez-de-chaussée surélevé avec garage en sous-sol, figurant au cadastre [Adresse 17](338), section [Cadastre 11] K n°[Cadastre 9] pour une contenance de 5 ares 13 centiares,
- déclaré inopposable à la Société Générale et à la Société Marseillaise de Crédit l'acte de donation reçu le 13 septembre 1996 par M°[S] [F], notaire à [Localité 14], publié au bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 14] le 25 octobre 1996, volume 96p n°7982, aux termes duquel M.[P] [G] a fait donation à M.[C] [G] et M.[Y] [G] de la nue-propriété de ses droits correspondant au lot 268 consistant en un appartement de type 2 au 6ème étage du bâtiment 4 et les 41/10.000èmes des parties communes de l'immeuble indivis sis à [Adresse 15] et [Adresse 8] figurant au cadastre [Adresse 18] (839), section [Cadastre 7] E n°[Cadastre 2] pour une contenance de 67 ares 96 centiares, ledit immeuble ayant fait l'objet d'un règlement de copropriété établi suivant acte reçu aux minutes de M°[I] en date du 12 décembre 1972, publié au troisième bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 14] le 17 janvier 1973 volume 889 n°1, modifié suivant acte reçu auxdites minutes le 12 décembre 1972, publié au troisième bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 14] le 17 janvier 1973 volume 889 n°2 et suivant acte reçu aux dites minutes le 7 octobre 1976, publié au troisième bureau de la conservation des hypothèques de Marseille le 1er décembre 1976, volume 2548 n°6,
- ordonné la publication de la décision au bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 14],
- condamné M.[P] [G] à verser à la Société Générale SA la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M.[P] [G] à verser à la Société Marseillaise de Crédit SA la somme de 1.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- rejeté toute autre demande,
- condamné M.[P] [G] aux dépens, en ce compris les frais de publicité foncière, avec distraction au profit de M°Louis CABAYE et M°Hubert ROUSSEL, avocats au barreau de Marseille.
Par déclaration de la SCP Hervé COHEN Laurent COHEN & Paul GUEDJ, avoués, en date du 7 octobre 2010, M.[P] [G], M.[C] [G] et M.[Y] [G] ont relevé appel de ce jugement.
Par leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 12 octobre 2011, M.[P] [G], M.[C] [G] et M.[Y] [G] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1167 et 1415 du code civil, de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 14 septembre 2010,
- dire que l'article 1167 du code civil ne trouve pas à s'appliquer au cas d'espèce,
- dire que Mme [G] n'ayant pas consenti expressément aux engagements de caution souscrits par M.[P] [G] au profit de la Société Générale et de la Société Marseillaise de Crédit, celles-ci ne peuvent agir sur les biens communs du couple, objet des actes litigieux,
- dire que la situation financière de la société Gold Training n'était pas obérée à la date des deux actes incriminés,
- dire que M.[P] [G] n'a pas agi dans l'intention de nuire à la Société Générale,
- en conséquence, et en tout état de cause, débouter la Société Générale et la Société Marseillaise de Crédit de leurs demandes, fins et conclusions, comme infondées et injustifiées
- accueillir la demande reconventionnelle formulée par [O]Paul, [C] et [Y] [G],
- condamner conjointement et solidairement la Société Générale et la Société Marseillaise de Crédit au paiement de la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit la SCP Hervé COHEN Laurent COHEN & Paul GUEDJ, avoués.
M.[P] [G], M.[C] [G] et M.[Y] [G] font observer que Mme [G] n'était pas engagée par les actes de cautionnement et ne peut voir ses biens concernés. Ils font remarquer que les biens avaient été acquis en partie grâce à des fonds de [C] et [Y] [G]. Ils font valoir que l'acte de cautionnement de la Société Générale est postérieur à l'acquisition du bien de l'[Adresse 16]. Ils exposent qu'à la date des actes, M.[P] [G] était parfaitement solvable et qu'il n'y avait aucune volonté d'appauvrissement au préjudice des banques. Ils précisent qu'à la date des actes la société Gold Training n'était pas en difficultés et que la cessation des paiements est intervenue deux ans plus tard.
M.[P] [G] fait état d'un épisode dépressif en 1996, avec crainte de la mort, qui l'avait amené à ces actes.
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 5 octobre 2011, la Société Générale SA demande à la cour d'appel , au visa de l'article 1167 du code civil de :
- dire que les conditions de l'action paulienne sont réunies en l'espèce,
- dire que s'agissant d'actes de donation, à titre gratuit, ils constituent par eux-mêmes des actes d'appauvrissement susceptibles d'être attaqués par la voie de l'action paulienne,
- dire que le créancier n'a à démontrer qu'une insolvabilité simplement apparente,
- dire qu'en l'espèce, cette insolvabilité au moins apparente est démontrée puisqu'il s'agissait de la donation des seuls biens immobiliers du débiteur, M.[P] [G] n'établissant ni même prétendant qu'il avait à cette date d'autres biens,
- dire que la circonstance que le débiteur prétendait croire à sa très prochaine mort et qu'il voulait transférer son patrimoine à ses héritiers ne fait que renforcer la conscience de la fraude paulienne,
- dire qu'il ne peut pas prétendre que sa société se portait bien et qu'il avait des revenus à l'époque puisque d'abord ses revenus étaient loin de couvrir son engagement de caution, ensuite il indique lui-même qu'il était dans un état l'empêchant de travailler et surtout il résulte de ses propres pièces et notamment de l'expertise du 23 février 2000 qu'il a abandonné six mois de salaires en 1996 du fait des difficultés de sa société,
- dire que l'insolvabilité au moins apparente est démontrée en l'espèce,
- dire que la fraude paulienne résulte de la connaissance qu'a le débiteur du préjudice qu'il cause au créancier en se rendant insolvable ou en augmentant son insolvabilité,
- dire que M.[G] ne peut s'opposer à la demande en invoquant des droits attachés exclusivement à sa personne,
- dire qu'en aucune façon, les droits visés par cette action ne répondent à cette définition,
- dire que c'est vainement que M.[P] [G] prétend qu'il n'avait pas conscience de causer un préjudice du fait de sa dépression,
- dire que s'agissant d'un acte d'appauvrissement, à titre gratuit, le débiteur a nécessairement conscience du préjudice qu'il cause au créancier et que la fraude paulienne résulte de la seule connaissance du préjudice causé au créancier,
- dire que les pièces qu'il verse lui-même aux débats prouvent de manière manifeste que dès 1996 sa société Gold Training connaissait des difficultés, ce qui a empiré en 1997 et 1998, et que son gérant [P] [G] en était pleinement conscient, ayant abandonné six mois de salaires en 1996,
- rejeter les moyens des consorts [G] basés sur les dispositions de l'article 1415 du code civil, dire que cet article est inapplicable en l'espèce, s'agissant d'époux mariés sous contrat de séparation de biens,
- dire que M.[P] [G] ne démontre pas que les comptes de ses enfants aient servi à l'apport de 530.000 F pour la maison de la [Adresse 16] et encore moins que cela ait servi à ses 25% alors même que son épouse sans profession acquiert 75%,
- dire que ceci est encore plus vrai pour l'appartement du [Adresse 12] pour lequel les consorts [G] ne prétendent même pas qu'il y ait eu la moindre utilisation de l'épargne des deux enfants,
- dire que M.[P] [G] n'établit absolument pas comment cette épargne aurait été constituée alors qu'au moment de l'achat de la maison [Adresse 16] le 5 mars 1996, M.[C] [G] est collégien et n'a que 15 ans et demi et de son côté M.[Y] [G], écolier, n'a pas 8 ans, d'autant que les relevés fournis font apparaître des virements provenant du compte de M.[P] [G],
- dire que les parties sont liées par la qualification de leurs actes qu'ils ont expressément qualifiés d'actes de donation,
- confirmer le jugement du 14 septembre 2010, en ce qui concerne l'inopposabilité des donations à la Société Générale,
- sur le montant de la condamnation à frais irrépétibles, condamner solidairement M.[P] [G], M.[C] [G] et M.[Y] [G] à payer à la Société Générale la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M.[P] [G], M.[C] [G] et M.[Y] [G] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP PRIMOUT et FAIVRE, avoués.
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 30 septembre 2011, la société Marseillaise de Crédit demande à la cour d'appel, au visa de l'article 1167 du code civil de :
- confirmer purement et simplement le jugement de première instance,
- dire que s'agissant d'actes de donation, à titre gratuit, ils constituent par eux-mêmes des actes d'appauvrissement susceptibles d'être attaqués par la voie de l'action paulienne,
- dire que le créancier n'a à démontrer qu'une insolvabilité simplement apparente,
- dire qu'en l'espèce, cette insolvabilité au moins apparente est démontrée puisqu'il s'agissait de la donation des seuls biens immobiliers du débiteur, M.[P] [G] n'établissant ni même prétendant qu'il avait à cette date d'autres biens,
- dire que la circonstance que le débiteur prétendait croire à sa très prochaine mort et qu'il voulait transférer son patrimoine à ses héritiers ne fait que renforcer la conscience de la fraude paulienne,
- dire qu'il ne peut pas prétendre que sa société se portait bien et qu'il avait des revenus à l'époque puisque d'abord ses revenus étaient loin de couvrir son engagement de caution, ensuite il indique lui-même qu'il était dans un état l'empêchant de travailler et surtout il résulte de ses propres pièces et notamment de l'expertise du 23 février 2000 qu'il a abandonné six mois de salaires en 1996 du fait des difficultés de sa société,
- dire que l'insolvabilité au moins apparente est démontrée en l'espèce,
- dire que la fraude paulienne résulte de la connaissance qu'a le débiteur du préjudice qu'il cause au créancier en se rendant insolvable ou en augmentant son insolvabilité,
- dire que M.[G] ne peut s'opposer à la demande en invoquant des droits attachés exclusivement à sa personne,
- dire qu'en aucune façon, les droits visés par cette action ne répondent à cette définition,
- dire que c'est vainement que M.[P] [G] prétend qu'il n'avait pas conscience de causer un préjudice du fait de sa dépression,
- dire que s'agissant d'un acte d'appauvrissement, à titre gratuit, le débiteur a nécessairement conscience du préjudice qu'il cause au créancier et que la fraude paulienne résulte de la seule connaissance du préjudice causé au créancier,
- dire que les pièces qu'il verse lui-même aux débats prouvent de manière manifeste que dès 1996 sa société Gold Training connaissait des difficultés, ce qui a empiré en 1997 et 1998, et que son gérant [P] [G] en était pleinement conscient, ayant abandonné six mois de salaires en 1996,
- rejeter les moyens des consorts [G] basés sur les dispositions de l'article 1415 du code civil, dire que cet article est inapplicable en l'espèce, s'agissant d'époux mariés sous contrat de séparation de biens,
- dire que M.[P] [G] ne démontre pas que les comptes de ses enfants aient servi à l'apport de 530.000 F pour la maison de la [Adresse 16] et encore moins que cela ait servi à ses 25% alors même que son épouse sans profession acquiert 75%,
- dire que ceci est encore plus vrai pour l'appartement du [Adresse 12] pour lequel les consorts [G] ne prétendent même pas qu'il y ait eu la moindre utilisation de l'épargne des deux enfants,
- dire que M.[P] [G] n'établit absolument pas comment cette épargne aurait été constituée alors qu'au moment de l'achat de la maison [Adresse 16] le 5 mars 1996, M.[C] [G] est collégien et n'a que 15 ans et demi et de son côté M.[Y] [G], écolier, n'a pas 8 ans, d'autant que les relevés fournis font apparaître des virements provenant du compte de M.[P] [G],
- dire que les parties sont liées par la qualification de leurs actes qu'ils ont expressément qualifiés d'actes de donation,
- débouter les consorts [G] de leurs prétentions,
- confirmer le jugement du 14 septembre 2010, en ce qui concerne l'inopposabilité des donations à la Société Marseillaise de Crédit,
- sur le montant de la condamnation à frais irrépétibles, condamner solidairement M.[P] [G], M.[C] [G] et M.[Y] [G] à payer à la Société Marseillaise de Crédit la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M.[P] [G], M.[C] [G] et M.[Y] [G] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP BLANC et CHERFILS, avoués.
L'instruction de l'affaire a été déclarée définitivement close le 27 octobre 2011, d'accord des représentants des parties.
MOTIFS,
L'article 1167 du code civil dispose que les créanciers peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.
Cela suppose une créance et une fraude commise par le débiteur.
Les actes suspects de fraude paulienne sont en dates des 16 avril 1996 et 13 septembre 1996.
-I) Sur la créance :
Les débiteurs doivent établir l'existence d'une créance certaine en son principe antérieure aux actes suspects.
La créance des deux établissements bancaires est fondée sur deux actes de cautionnement par M.[P] [G] de la société Gold Training.
La société à responsabilité limitée Gold Training, constituée en 1993 avec pour associés à 50/50 M.[A] et M.[P] [G], dont le siège est à [Localité 14], avec pour activité l'import, l'export, la vente en gros, demi-gros ou au détail d'articles de consommation courante, a bénéficié de crédits par différents établissements bancaires notamment la Société Marseillaise de Crédit et la Société Générale. M.[P] [G] est le gérant de cette société Gold Training.
Par acte sous seing privé du 25 octobre 1995, M.[P] [G] s'est porté caution solidaire de la société Gold Training à l'égard de la Société Marseillaise de Crédit à concurrence de huit millions cinq cent mille francs ( 1.295.816,60 €) en principal, plus commissions, intérêts, pénalités, indemnités, frais et accessoires.
Par acte sous seing privé du 7 mars 1996, M.[P] [G] s'est porté caution solidaire de la société Gold Training à l'égard de la Société Générale à hauteur de deux millions de francs
( 381.122,54 €) en principal plus intérêts, commissions, frais et accessoires.
Les deux actes de cautionnement des 25 octobre 1995 et 7 mars 1996 sont antérieurs aux actes de donations des 16 avril 1996 et 13 septembre 1996. Mais à la date de ces actes, aucune des deux banques créancières n'avait encore mis en oeuvre ces cautionnements.
La Société Marseillaise de Crédit a mis en demeure le 21 juillet 1998 M.[P] [G] à titre de caution solidaire de la société Gold Training pour le paiement d'une somme de 5.411.102,90 F ( 824.917,32 €).
Par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 6 mars 2008, M.[P] [G] a été condamné en tant que caution de la société Gold Training à payer à la Société Marseillaise de Crédit la somme de 645.959,74 € avec intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure.
Par jugement du 9 novembre 2000, le tribunal de grande instance de Marseille a condamné M.[P] [G] en tant que caution de la société Gold Training à payer à la Société Générale la somme de 1.735.215,12 F avec intérêts à 6% l'an à compter du 1er octobre 1997.
Les créances des deux établissements bancaires ont été fixées après les actes des 16 avril et 13 septembre 1996. La question est de savoir si ces créances étaient déjà certaines en leur principe, même si leur montant n'était pas déterminé, aux dates des actes litigieux.
Ces créances sont devenues certaines en leur principe à partir du moment où la situation financière de la société Gold Training s'est dégradée avec des sommes restant dues aux établissements bancaires, ce qui allait provoquer inévitablement la mise en oeuvre des cautionnements par ces établissements.
La déclaration de cessation des paiements de la société Gold Training est intervenue le 25 mai 1998, soit deux ans après les actes litigieux..
L'analyse de la situation de la société Gold Training par un expert précise que la société, constituée en 1993, a eu une activité bénéficiaire jusqu'en 1997, année au cours de laquelle elle s'est retrouvée en situation déficitaire.
Au cours de l'année 1996, la situation s'était légèrement dégradée, mais avec quand même un résultat bénéficiaire, même si c'était au prix, au moins en partie, de la cession d'un bien immobilier et de l'abandon de son salaire pendant six mois par M.[P] [G].
Les causes de la défaillance de l'entreprise sont, selon l'expert, notamment l'escroquerie d'un fournisseur, un redressement fiscal, un impayé, des actions douanière et en contrefaçon, une rupture pour des raisons confuses avec un important fournisseur.
Ces éléments n'établissent pas que la société Gold Training était en septembre 1996, et encore moins en avril 1996, dans une situation telle qu'elle était ou allait irrémédiablement être dans l'impossibilité d'honorer ses engagements vis à vis des banques Société Marseillaise de Crédit et Société Générale.
Rien ne permettait de dire, en avril ou en septembre 1996 que M.[P] [G], en qualité de caution, se trouvait débiteur de la Société Marseillaise de Crédit ni de la Société Générale.
Il était caution, mais rien ne permettait de dire qu'à ce titre il était en position de débiteur d'une dette certaine en son principe de la société Gold Training à l'égard de l'un ou de l'autre des deux établissements bancaires. Il n'est pas établi qu'aux dates des actes litigieux la société Gold Training était dans l'incapacité de répondre à ses engagements à l'égard de l'une ou de l'autre des deux banques.
-II) Les actes :
L'acte suspect doit être un acte d'appauvrissement du débiteur, qui a conscience de causer ainsi un préjudice à son créancier.
Un acte à titre de gratuit, de donation, est un acte d'appauvrissement.
Le caractère frauduleux s'apprécie à la date de l'acte suspect.
II-1) L'acte de donation du 16 avril 1996 :
C'est une donation par M.[P] [G], né le [Date naissance 5] 1952, marié sous le régime de la séparation de biens, à ses deux enfants M.[C] [G], né le [Date naissance 1] 1982, âgé de 13 ans et demi, et M.[Y] [G], né le [Date naissance 3] 1988, âgé de 7 ans et demi, du quart en nue-propriété d'un bien immobilier consistant en 'dans un immeuble sis à [Adresse 16] et [Adresse 4], consistant en une parcelle de terrain sur partie de laquelle est édifiée une maison en très mauvais état, une construction élevée d'un rez-de-chaussée surélevé avec garage en sous-sol, construite en pierre et couverte de tuiles...pour une contenance de 5a 13ca ..'. L'acte précise que l'immeuble entier en pleine propriété est évalué à 2.000.000 F (304.898,03 €), de sorte que le quart en nue-propriété donné est estimé à 300.000 F (45.734,71 €).
Ce bien avait été acquis le 5 mars 1996 en indivision par M.[P] [G] et par son épouse Mme [E] [H] épouse [G], à raison du quart par M.[P] [G] et des trois-quarts par Mme [E] [H] épouse [G].
Il avait été payé en partie sur apport personnel et en partie, pour 1.470.000 F par deux prêts auprès la Société Marseillaise de Crédit un prêt épargne logement de 600.000 F et un prêt complémentaire de 870.000 F.
M.[P] [G] prétend que c'est le plan épargne logement d'un de ses enfants qui aurait servi à l'acquisition, mais ce compte était alimenté par lui de sorte que cet élément est sans conséquence.
A la suite de la donation, Mme [E] [H] épouse [G] restait pleine propriétaire des trois quarts indivis, M.[P] [G] conservait l'usufruit d'un quart indivis et les deux enfants donataires avaient la nue-propriété d'un quart indivis.
L'appauvrissement était réduit, puisque la valeur de cette donation était de 45.734,71 €.
A cette date du 16 avril 1996, rien ne permettait de dire que M.[P] [G] allait avoir son cautionnement engagé. Il venait d'ailleurs d'acquérir ses parts dans ce bien un mois avant le 5 mars 1996. La Société Marseillaise de Crédit ne considérait pas que sa situation était mauvaise alors qu'elle lui avait accordé un prêt le 5 mars 1996.
Sa situation vis à vis des deux établissements bancaires n'avait pas changé entre le 5 mars et le 16 avril 1996.
II-2) L'acte de donation du 13 septembre 1996 :
Cet acte est un acte double.
Il comporte deux donations M.[C] [G] et M.[Y] [G], susnommés.
Il s'agit d'une part une donation par Mme [E] [H] épouse [G] aux deux enfants de la nue-propriété des dix vingtièmes indivis du bien immobilier visé dans le précédent acte de donation du 16 avril 1996, correspondant à la moitié de sa part sur ce bien dont elle était propriétaire pour 3/4. Il en résulte une situation complexe pour la propriété de ce bien. Cette partie de l'acte n'est pas critiquée, alors que Mme [E] [H] épouse [G] n'est pas dans la procédure.
Il s'agit d'autre part, et c'est ce qui est considéré comme suspect par les deux banques, d'une
donation par M.[P] [G] à ses deux enfants [C] et [Y], de la nue propriété d'un autre bien immobilier, un appartement de type 2, 6ème étage, bâtiment A avec entrée, séjour, kitchenette, chambre, bains, wc, penderie-placards, lot n°2 de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 15] et [Adresse 8], et les 41/10.000èmes indivis des parties communes générales. Ce dernier bien est évalué en pleine propriété dans l'acte à 210.000 F (32.014,29 €) et la nue-propriété à 126.000 F ( 19.208,58 €).
Cet appartement avait été acquis le 29 mars 1995 par M.[P] [G] au prix de 210.000 F, au moyen d'un prêt de la Société Marseillaise de Crédit de 200.000 F.
L'appauvrissement de M.[P] [G] est réduit, puisque la nue-propriété est évaluée à
19.208,58 €.
La situation de M.[P] [G] vis à vis de la Société Marseillaise de Crédit n'était pas obérée à ce moment là. Rien ne permet de dire que M.[P] [G] avait l'intention de nuire à ces établissements bancaires, alors que son cautionnement n'avait pas été engagé et qu'il n'était pas du tout certain qu'il le soit.
M.[P] [G] n'était pas en situation d'insolvabilité, il justifie de 486.057 F (74.097 €), 478.628 F (72.964 €) et 516.970 F (78.811 €) de salaires en 1995, 1996 et 1997.
Il était en mesure de faire face à ses engagements le cas échéant.
Au surplus, une expertise médicale établie en 2002 justifie de ce que M.[P] [G] été considéré comme atteint d'un état psychotique maniaco-dépressif de type mélancolique à la date de ces actes, ce qui n'a pu que contribuer à renforcer son désir de laisser des biens à ses enfants, alors qu'il imaginait sa mort prochaine.
Ces donations s'inscrivent dans un contexte personnel et familial sans volonté de fraude.
En l'absence de créance certaine en son principe et en l'absence de fraude, les conditions de l'action paulienne ne sont pas réunies.
Le jugement sera infirmé.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 14 septembre 2010 par le tribunal de grande instance de Marseille en toutes ses dispositions,
Déboute la Société Générale et la Société Marseillaise de Crédit de leurs demandes,
Dit que les actes de donation par M.[P] [G] à ses enfants M.[C] [G] et M.[Y] [G] des 16 avril 1996 et 13 septembre 1996 n'ont rien de frauduleux et sont opposables à la Société Générale et à la Société Marseillaise de Crédit,
Condamne la Société Marseillaise de Crédit à payer aux consorts [G] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Société Générale à payer aux consorts [G] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement la Société Marseillaise de Crédit et la Société Générale aux entiers dépens, et autorise la SCP Hervé COHEN Laurent COHEN & Paul GUEDJ, avoués, à recouvrer directement contre elles, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les dépens dont ces avoués affirment avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT