COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2011
N° 2011/560
Rôle N° 10/02271
[H] [X] [O]
C/
[U] [Y]
SARL MNC
[T] [R] épouse [Y]
Grosse délivrée
le :
à : COHEN
TOLLINCHI
BOTTAI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 21 Janvier 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F39.
APPELANT
Monsieur [H] [X] [O]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 11] (ALGERIE),
demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Pascale AMSELLEM-AMRAM, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [U] [Y]
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 9] (MAROC),
demeurant [Adresse 7] (ESPAGNE)
représenté par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour, ayant Me Pascal CERMOLACCE, avocat au barreau de MARSEILLE
SARL MNC, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour,
plaidant par Me Frédéric SARRAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [T] [R] épouse [Y]
née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 7] ESPAGNE
représentée par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour,
ayant Me Pascal CERMOLACCE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mr JUNILLON, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie Chantal COUX, Président
Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller
Madame Marie-Florence BRENGARD, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2011,
Signé par Madame Marie Chantal COUX, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 21 janvier 2010 dans l'instance opposant la SARL MNC à Monsieur [E] [O] et Monsieur et Madame [U] [Y];
Vu l'appel interjeté par Monsieur [O] à l'encontre de cette décision par déclarations des 4 février 2010 et 2 juin 2010;
Vu les conclusions récapitulatives déposées par Monsieur [O] le 23 septembre 2011;
Vu les conclusions récapitulatives déposées par la SARL MNC le 7 septembre 2011;
Vu les conclusions récapitulatives déposées par Monsieur et Madame [Y] le 21 septembre 2011;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 septembre 2011;
Monsieur [O], titulaire d'un bail commercial sur un local situé [Adresse 5], appartenant à Monsieur et Madame [Y], renouvelé pour 9 ans à compter du 1er juin 2007, a cédé son droit au bail à la SARL MNC suivant acte sous seing privé du 9 octobre 2007, avec l'agrément des bailleurs, pour un prix de 130.000 euros.
Par exploit du 24 décembre 2008, la société MNC l'a assigné devant le Tribunal de commerce de Marseille en paiement d'une somme de 52.000 euros au motif que la surface du local loué était d'environ 12 m2 au lieu de 20 m2 comme mentionné dans le bail commercial (soit une différence de 40%).
Monsieur [O] a appelé en garantie les bailleurs par exploit du 3 juin 2009.
Par jugement rendu le 21 janvier 2010 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Marseille a rejeté l'exception d'incompétence, condamné Monsieur [O] à payer à la SARL MNC la somme de 26.000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, et mis hors de cause Monsieur et Madame [Y].
Régulièrement appelant de cette décision, Monsieur [O] demande à la Cour de dire que le Tribunal de grande instance de Marseille était compétent pour connaître du litige et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction.
Il soutient que le Tribunal de grande instance est exclusivement compétent en matière de baux commerciaux et de cession de droit au bail et qu'une procédure est en cours devant le Tribunal de grande instance de Marseille ensuite de la demande en diminution de loyer formée par la société MNC à l'encontre des bailleurs.
A titre subsidiaire, il demande à la Cour de déclarer l'action engagée par la société MNC plus d'un an après la signature de l'acte de cession irrecevable en application de l'article 1622 du code civil, dire que le protocole d'accord transactionnel signé le 27 mars 2008 a mis fin au litige, débouter la société MNC de toutes ses prétentions et la condamner à lui payer 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
A titre plus subsidiaire il sollicite la condamnation de Monsieur et Madame [Y] à le garantir des condamnations prononcées.
Il indique que la société cessionnaire du droit au bail connaissait parfaitement les lieux pour les avoir visités à plusieurs reprises, et qu'aux termes de l'acte de cession elle était informée de ce que la mezzanine qui se trouvait initialement dans les locaux loués avait été supprimée. Il ajoute que la preuve d'une superficie inexacte ne ressort pas des constatations faites par un huissier qui n'est ni géomètre expert ni expert foncier, qu'en outre la mention de la superficie n'est pas obligatoire en matière de bail commercial et n'ouvre pas droit à une action en diminution de prix en cas de différence.
La SARL MNC conclut au déboutement de Monsieur [O] et à la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 52.000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la date de la cession.
Sur la compétence, elle fait observer que le litige n'oppose pas propriétaire et locataire mais concerne la cession d'un droit au bail par un commerçant à un autre commerçant et relève donc de la compétence du Tribunal de commerce.
Elle estime l'article 1622 du code civil inapplicable à la cession d'un droit au bail qui constitue un bien meuble incorporel et non un immeuble.
Elle précise que l'accord transactionnel allégué ne portait que sur la réparation du rideau métallique et non sur le litige relatif à la surface des locaux.
Au fond elle considère qu'il n'y a pas eu de délivrance conforme et qu'il importe peu que les m2 manquants proviennent de l'enlèvement d'une mezzanine.
Monsieur et Madame [Y] s'en rapportent à Justice sur l'exception d'incompétence soulevée et sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé leur mise hors de cause en faisant valoir que seul le vendeur est tenu de l'obligation de délivrance conforme.
Ils estiment irrecevable en application de l'article 564 du CPC la demande de Monsieur [O] tendant à leur condamnation à le relever et garantir des sommes mises à sa charge.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA COMPÉTENCE
Attendu que le litige concernant la cession d'un droit au bail par un commerçant à un autre commerçant, et non un différend entre propriétaire et locataire, relevait de la compétence du Tribunal de commerce; Que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté l'exception d'incompétence, peu important qu'une procédure en réduction du loyer ait été engagée devant le Tribunal de grande instance de Marseille par la société cessionnaire contre les bailleurs;
SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION DE LA SARL MNC
Attendu que c'est en vain que l'appelant invoque la prescription annale prévue à l'article 1622 du code civil dès lors que ce texte qui concerne la vente d'immeuble est inapplicable en l'espèce s'agissant de la cession d'un droit au bail, laquelle ne constitue pas une vente d'immeuble;
Attendu que le moyen tiré de la signature par les parties d'une transaction ne peut non plus prospérer, qu'en effet il ressort des termes du protocole d'accord du 27 mars 2008 que seul a été envisagé le différend concernant le mauvais fonctionnement du rideau métallique constaté par huissier le 9 octobre 2007 et que la transaction est limitée à la prise en charge par le cédant des frais de réparation à hauteur de 400 euros;
SUR LE BIEN FONDE DE LA DEMANDE
Attendu qu'aux termes de l'acte du 9 octobre 2007, la cession porte sur le droit au bail des locaux dépendant d'un immeuble appartenant à Monsieur et Madame [Y], situé à [Adresse 10] à savoir un local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble, d'environ 20 m2 représentant les 28/10.000èmes des parties communes générales de l'immeuble;
Attendu qu'il ressort du constat d'huissier établi le même jour à la requête de la SARL MNC, qui constitue un élément probant soumis à la discussion des parties et n'est contredit par aucune autre pièce, que le local litigieux a une superficie de seulement 12 m2 environ;
Attendu que le manquement de Monsieur [O] à son obligation de délivrance conforme est ainsi établi; Qu'il importe peu à cet égard que la société cessionnaire qui connaissait le local ait été informée de ce qu'une mezzanine qui équipait les lieux initialement avait été démontée par le cédant;
Attendu par contre qu'il ne ressort d'aucune pièce que le prix de la cession a été calculée en fonction du nombre de m2 du local loué;
Attendu qu'au vu des éléments du dossier, c'est à bon droit que les premiers juges ont chiffré le préjudice subi par la SARL MNC à 26.000 euros; Qu'il convient de confirmer le jugement déféré sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts, lesquels sont dus au taux légal à compter du 21 janvier 2010, date du jugement en fixant le montant, conformément à l'article 1153-1 du code civil;
SUR LES DEMANDES A L'ENCONTRE DE MONSIEUR ET MADAME [Y]
Attendu que les prétentions de Monsieur [O] à l'encontre des bailleurs ne constituent pas des demandes nouvelles irrecevables en cause d'appel en application de l'article 564 du CPC dès lors qu'elles figuraient déjà dans l'assignation devant le Tribunal de commerce signifiée le 3 juin 2009;
Attendu cependant que ces demandes ne sont pas fondées et doivent être rejetées;
Attendu en effet que les bailleurs, qui doivent eux-mêmes se défendre à une action en réduction du loyer, ne sont pas responsables du défaut de délivrance conforme par le cédant à l'occasion de la cession du droit au bail; Qu'il sera observé à cet égard que, dans ses conclusions notifiées le 2 juin 2010, Monsieur [O] reconnaissait lui-même expressément que l'écart de superficie résultait de l'enlèvement pas ses soins de la mezzanine et qu'aucune faute ne pouvait être reprochée aux bailleurs dont la présence était toutefois nécessaire aux débats;
SUR LES DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR PROCÉDURE ABUSIVE, L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU CPC ET LES DÉPENS
Attendu que ce qui est jugé au principal commande de rejeter le demande de Monsieur [O] en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive;
Attendu qu'il est équitable d'allouer à la SARL MNC d'une part, aux époux [Y] d'autre part la somme de 1.000 euros à chacun en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel, ces sommes s'ajoutant à celles accordées par le premier juge sur le fondement de l'article 700 du CPC;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles fixant le point de départ des intérêts à compter de la signification du jugement; Le réforme sur ce point
Et statuant à nouveau de ce chef
- Dit que la condamnation de Monsieur [E] [O] à payer à la SARL MNC la somme de 26.000 euros à titre de dommages-intérêts sera assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement
Y ajoutant
- Condamne Monsieur [E] [O] à payer SARL MNC d'une part, aux époux [U] [Y] d'autre part, la somme de 1.000 euros à chacun en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel
- Rejette toutes autres demandes des parties
- Condamne Monsieur [E] [O] aux dépens d'appel distraits au profit des SCP d'avoués BOTTAI-GEREUX-BOULAN et TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI conformément à l'article 699 du CPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT