COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 21 NOVEMBRE 2011
jlg
N° 2011/ 443
Rôle N° 10/02254
[F] [J]
C/
[T] [D]
SOCIETE GENERALE DE BANQUES EN COTE D'IVOIRE SGBCI
[G] [W] [J]
Grosse délivrée
le :
à : Me JAUFFRES
la SCP COHEN-GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 19 Janvier 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 07/7058.
APPELANT
Monsieur [F] [J]
né le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 13] (SENEGAL) (99),
de nationalité française , administrateur de société ,
demeurant [Adresse 11]
représenté par Me Jean marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
assisté de Me Hatem AYADI, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Maître [T] [D],
Notaire ,
[Adresse 4]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
assisté de M° DUTERTRE pour la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocats au barreau de NICE
SOCIETE GENERALE DE BANQUES EN COTE D'IVOIRE SGBCI, SA de droit ivoirien au capitalde 11 500 000 000 F CFA, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié
[Adresse 10] (COTE D'IVOIRE)
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
assistée de M° DUTERTRE pour la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocats au barreau de NICE
Monsieur [G] [W] [J]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 13] (SENEGAL) (99), demeurant C/O Maître [R] [Y] - [Adresse 2]
représenté par Me Jean marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
assisté de Me Alain CURTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Hatem AYADI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Didier CHALUMEAU, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2011,
Signé par Monsieur Didier CHALUMEAU, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties :
Selon acte reçu le 3 juillet 1990 par Maître [T] [D], notaire à [Localité 14], [F] [J], représenté par [M] [A] à qui il a donné procuration aux termes d'un acte reçu le 4 avril 1990 par Maître [O] [N], notaire à [Localité 12], a déclaré réitéré les engagements résultant d'un acte reçu les 9 et 19 mars 1990 par ce même notaire, s'est porté caution simplement hypothécaire de la SARL SIFTEX-CI et a affecté les lots 829 (appartement), 430 (garage) et 333 (cave) d'un immeuble en copropriété situé à [Localité 14], cadastré section LA numéros [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], à l'acquittement des sommes dues par cette société à la Société générale de banques en Côte d'Ivoire (la SGBCI), à hauteur d'une somme de 2 260 000 francs.
Cette hypothèque a été inscrite le 27 juillet 1990 et cette inscription a été renouvelée le 19 juin 2000.
Selon acte reçu le 22 novembre 2004 par Maître [H] [V], notaire à [Localité 15], [F] [J] a vendu les lots 829 et 430 à [G] [W] [J] pour le prix de 411 612,35 euros payable au plus tard le 21 novembre 2011, étant précisé que le montant des paiements que l'acquéreur serait tenu d'effectuer entre les mains de la SGBCI, viendrait en déduction de ce prix.
Par acte des 12 et 14 novembre 2007, [F] [J] a assigné, d'une part, la SGBCI en annulation de l'acte du 3 juillet 1990 ainsi que de l'inscription du 27 juillet 1990 et de son renouvellement du 19 juin 2000, d'autre part, le notaire [T] [D] en responsabilité.
[G] [W] [J] est intervenu volontairement pour se joindre à ces demandes.
Par jugement du 19 janvier 2010, le tribunal de grande instance de NICE a :
-reçu [G] [W] [J] en son intervention volontaire,
-pris acte de la régularisation en cours de la procédure du chef de la publication de l'assignation à la conservation des hypothèques,
-reçu [F] [J] et [G] [W] [J] en leurs demandes d'annulation,
-débouté ces derniers de la totalité de ces demandes,
-constaté l'écoulement de la prescription du chef de la demande dirigée contre [T] [D],
-rejeté en conséquence, cette demande,
-condamné [F] [J] à régler 3 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, d'une part, à [T] [D], d'autre part, à la SGBCI,
-condamné également [F] [J] à régler 2 500 euros d'indemnité pour frais irrépétibles, d'une part, à [T] [D], d'autre part, à la SGBCI,
-débouté [F] [J] de sa demande de ce chef,
-condamné [F] [J] et [G] [W] [J] aux entiers dépens.
[F] [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 février 2010.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 8 septembre 2011, il demande à la cour :
-d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
-de dire et juger nul et de nul effet l'acte notarié du 3 juillet 1990 portant affectation hypothécaire au profit de la SGBCI et portant réitération de l'acte notarié établi à [Localité 12] les 9 et 19 mars 1990,
-de dire nulle et de nul effet l'inscription hypothécaire faite par [T] [D] sur les biens dont il est propriétaire à [Localité 14],
-de dire et juger nul et de nul effet le renouvellement de ladite inscription,
-de condamner [T] [D] à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 8 septembre 2011, [G] [W] [J] demande à la cour :
-d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
-de dire et juger nul et de nul effet l'acte notarié du 3 juillet 1990 portant affectation hypothécaire au profit de la SGBCI et portant réitération de l'acte notarié établi à [Localité 12] les 9 et 19 mars 1990,
-de dire nulle et de nul effet l'inscription hypothécaire faite par [T] [D] sur les biens dont il est propriétaire à [Localité 14],
-de dire et juger nul et de nul effet le renouvellement de ladite inscription,
-de condamner [T] [D] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[F] [J] et [G] [W] [J] font valoir en substance :
-qu'il résulte de l'article 44 de l'accord franco-ivoirien de coopération en matière de justice du 24 avril 1961, que l'hypothèque conventionnelle consentie aux termes de l'acte des 9 et 19 mars 1990 ne pouvait être inscrite en FRANCE car cet acte n'a fait l'objet d'aucune procédure d'exequatur,
-que l'acte réitératif du 3 juillet 1990 n'a aucune autonomie par rapport à l'acte des 9 et 19 mars 1990 qui constitue un acte de cautionnement hypothécaire et non une simple promesse d'affectation hypothécaire,
-que l'acte du 3 juillet 1990 ne pouvait « réitérer » le contenu de l'acte des 9 et 19 mars 1990 nul en vertu de la loi française ou n'ayant aucun effet sur le territoire français,
-que le président directeur général de la SGBCI ne pouvait donner procuration à [C] [Z] par acte sous seing privé en date à [Localité 12] du 20 mars 1990 à l'effet d'accepter, au nom et pour le compte de la SGBCI, l'affectation hypothécaire car selon l'article 5 du décret ivoirien n° 71-74 du 16 février 1971 relatif aux procédure domaniales et foncières, toute convention ayant pour objet de modifier un droit réel immobilier et toutes procurations y afférentes doivent être passées par acte notarié,
-que l'acte du 3 juillet 1990 ne présente pas les caractères d'un acte authentique,
-que ce n'est pas le notaire [T] [D] qui a reçu l'acte et vérifié l'accord de [F] [J] ni entendu ce dernier, en sorte que cet acte ne satisfait pas aux exigences de l'article 2416 du code civil,
-qu'en effet, le 4 avril 1990, [F] [J] a donné mandat à [M] [A], clerc du notaire [T] [D], pour consentir à ce qu'il soit pris, en son nom, inscription d'hypothèque au profit de la SGBCI sur les biens lui appartenant à [Localité 14], et que mandat fut également donné à [C] [Z] par le président directeur général de la SGBCI pour accepter cette hypothèque,
-que [M] [A] et [C] [Z], qui n'étaient que mandataires, n'avaient pas eu mission d'instrumenter un acte dans lequel elles auraient recueilli les signatures des parties afin de l'authentifier par la signature du notaire qui les auraient habilitées,
-que les clercs du notaire [T] [D] n'avaient pas instrumenté un acte pour recueillir les signatures des parties et qu'ils étaient simplement des mandataires,
-qu'un acte de cautionnement hypothécaire ne peut être reçu que par notaire dans les solennités requises à cet effet pour l'authentifier, et qu'à défaut, signé par l'intermédiaire de mandataire, fût-il clerc de notaire, l'acte est nul et de nul effet.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 24 mai 2011, [T] [D] demande à la cour :
-de constater que le premier juge s'est fondé à tort sur une ordonnance présidentielle qui n'était pas aux débats, car produite après une ordonnance de clôture dont le rabat avait été expressément refusé par le jugement, et que ladite ordonnance sur requête, rendue au demeurant en violation des dispositions de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955, ne justifiait pas de la publication effective de l'assignation,
-de constater en conséquence qu'il n'a pas été justifié avant que le juge statue de la publication de l'assignation par [F] [J] dans les conditions de l'article 30-5 du décret du 4 janvier 1955 et qu'il n'en est toujours pas justifié en cause d'appel,
-de dire et juger qu'en présence d'un cautionnement simplement hypothécaire, le bien grevé ayant été vendu par [F] [J] sans payer le créancier inscrit et l'acquéreur s'étant engagé à faire son affaire de ladite inscription, [F] [J] ne justifie d'aucun intérêt légitime à agir, et donc de qualité à agir en nullité de l'acte d'affectation hypothécaire et de l'inscription hypothécaire,
-en conséquence,
-faisant droit à son appel incident, de réformer partiellement le jugement déféré mais uniquement en ce qu'il a déclaré recevables [F] [J] et [G] [W] [J] en leurs demandes d'annulation,
-de les déclarer irrecevables en leurs demandes, par application des articles 30-5 du décret du 4 janvier 1955, 31, 32 et 122 du code de procédure civile,
-de confirmer le jugement pour le surplus et de débouter les consorts [J] des fins de leur appel et de toutes leurs demandes,
-de condamner [F] [J] et [G] [W] [J] in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure et appel abusif, ainsi que celle de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions déposées le 15 mars 2011, la SGBCI demande à la cour :
-d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il déclare l'action de [F] [J] non prescrite,
-de déclarer cette action prescrite,
-de confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,
-en toute hypothèse, de déclarer infondée l'action de [F] [J],
-de le condamner à payer à la SGBCI la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2011.
Motifs de la décision :
Attendu que l'assignation des 12 et 14 novembre 2007 a été publiée au premier bureau de la conservation des hypothèques de NICE le 7 décembre 2009 et le 18 janvier 2010 ainsi que cela résulte des mentions de ces publicités dont est revêtue la copie de cette assignation, produite par
[F] [J] le 8 septembre 2011 ; que l'irrecevabilité soulevée par les intimés sera donc écartée en application de l'article 126 du code de procédure civile qui dispose que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue, sans faire de distinction entre le juge de première instance et le juge d'appel ;
Attendu que nonobstant la vente du 22 novembre 2004, [F] [J] justifie d'un intérêt, et donc de sa qualité à agir, dès lors qu'il a été convenu entre lui et l'acquéreur que le montant des paiements que ce dernier serait tenu d'effectuer entre les mains de la SGBCI, viendrait en déduction du prix de vente ;
Attendu que c'est par des motifs pertinents, que le premier juge, après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, a déclaré recevable la demande tendant à l'annulation de l'acte d'affectation hypothécaire du 3 juillet 1990 ainsi que des inscriptions subséquentes ;
Attendu que selon l'article 2270-1 du code civil, applicable à la cause, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; que le dommage invoqué par [F] [J] résultant notamment du renouvellement de l'inscription hypothécaire, son action contre le notaire n'est pas prescrite ;
Attendu que la forme de la procuration donnée pour convenir d'une affectation hypothécaire est gouvernée par la loi du lieu de situation de l'immeuble affecté ; que si, selon l'article 2416 du code civil, l'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte notarié, la loi n'exige pas le même formalisme en ce qui concerne l'acceptation de l'hypothèque qui peut avoir lieu sous une forme quelconque ; qu'en conséquence, [C] [Z] pouvait être investie d'une procuration sous seing privé ;
Attendu que l'acte du 3 juillet 1990 a été reçu par [T] [D] en personne qui l'a signé avec les mandataires des parties ; qu'il s'agit donc d'un acte authentique contrairement à ce que soutiennent [F] [J] et [G] [W] [J] ;
Attendu que cet acte, dans lequel, après avoir rappelé qu'aux termes d'un acte des 9 et 19 mars 1990, [F] [J] s'était porté caution simplement hypothécaire de la SARL SIFTEX-CI et avait consenti à ce qu'il soit pris inscription d'hypothèque au profit de la SGBCI sur les biens et droits immobiliers dont il était propriétaire à [Localité 14], à la garantie du solde débiteur du compte courant constitué entre ces dernières en vertu d'une convention des 9 et 13 novembre 1987, [M] [A], agissant au nom de [F] [J], a déclaré réitéré cet engagement et se rendre caution simplement hypothécaire de la SARL SIFTEX-CI, a désigné par leurs références cadastrales les biens hypothéqués et a précisé que l'inscription sera prise pour un montant de 2 260 000 francs avec effet jusqu'au 3 juillet 2000, répond à toutes les exigences prévues par les articles 2416 et suivants du code civil pour qu'une hypothèque puisse être valablement constituée sur des biens situés en FRANCE ; qu'il s'ensuit que l'inscription du 27 juillet 1990 et son renouvellement du 19 juin 2000 sont valables et que c'est par une exacte appréciation que le premier juge a débouté [F] [J] et [G] [W] [J] de leurs demandes ;
Attendu qu'[T] [D] n'ayant commis aucune faute, [F] [J] sera débouté de ses demandes à son encontre ;
Attendu que la mauvaise foi ou l'intention de nuire de [F] [J] et d'[G] [W] [J] n'étant pas établies, ces derniers n'ont commis aucune faute dans l'exercice de leur droit d'agir en justice, en sorte qu'[T] [D] et la SGBCI seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;
Par ces motifs :
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a constaté l'écoulement de la prescription du chef de la demande dirigée contre [T] [D] et condamné [F] [J] à régler 3 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, d'une part, à [T] [D], d'autre part, à la SGBCI,
Statuant à nouveau sur les chefs,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action dirigée contre [T] [D],
Déboute [F] [J] de ses demandes à l'encontre d'[T] [D],
Déboute la SGBCI et [T] [D] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne [F] [J] à payer la somme 3 500 euros à [T] [D], ainsi que la somme de 3 000 euros à la SGBCI,
Laisse à la charge d'[G] [W] [J] les dépens qu'il a exposés,
Condamne [F] [J] à tous les autres dépens et autorise la SCP Hervé COHEN, Laurent COHEN et Paul GUEDJ, avoués, à recouvrer directement contre lui, ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRESIDENT