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18/11/2011 | FRANCE | N°10/22466

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 18 novembre 2011, 10/22466


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 18 NOVEMBRE 2011



N° 2011/ 443













Rôle N° 10/22466







SARL PARFUM DE LOTUS





C/



SAS COMMERCES DE LA REPUBLIQUE





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP SIDER

SCP TOUBOUL













Décision déférée à la Cour :<

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Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 26 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/11912.





APPELANTE



SARL PARFUM DE LOTUS, prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,

Assistée de Me Anne JOURNAULT, ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 18 NOVEMBRE 2011

N° 2011/ 443

Rôle N° 10/22466

SARL PARFUM DE LOTUS

C/

SAS COMMERCES DE LA REPUBLIQUE

Grosse délivrée

le :

à :

SCP SIDER

SCP TOUBOUL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 26 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/11912.

APPELANTE

SARL PARFUM DE LOTUS, prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,

Assistée de Me Anne JOURNAULT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS COMMERCES DE LA REPUBLIQUE, venant aux droits de la STE MARSEILLE REPUBLIQUE, prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour,

Assistée de Maître Albert HINI de la SELARL RACINE & GUASCO, avocats au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

11ème A - 2011/443

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Daniel ISOUARD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Daniel ISOUARD, Président

Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller

Madame Zouaouia MAGHERBI, Vice président affecté à la cour par ordonnance spéciale du Premier Président

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2011,

Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

11ème A - 2011/443

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Parfum de Lotus était titulaire d'un bail commercial concernant un local situé à [Adresse 4] appartenant actuellement à la société Commerce de la République où elle exploitait un restaurant

. Le 19 janvier 2007, son bailleur lui a donné congé pour le 28 février 2008 avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction.

Par jugement du 26 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- déclaré régulier le congé donné à la société Parfum de Lotus le 19 janvier 2007,

- condamné la société Commerce de la République à payer à la société Parfum de Lotus une indemnité d'éviction de 384 400 euros et la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Parfum de Lotus à payer à la société Commerce de la République une indemnité d'occupation mensuelle de 1 083 euros HT à compter du terme du bail jusqu'à son départ effectif des lieux.

Le 15 décembre 2010, la société Parfum de Lotus a interjeté appel de cette décision. Par arrêt du 17 février 2011, cette Cour a donné acte à la société Parfum de Lotus de son désistement partiel et s'est déclarée dessaisie du litige sur la validité du bail. Cette société a quitté les lieux loués le 17 janvier 2011.

Selon ses dernières écritures, la société Parfum de Lotus demande la condamnation de la société Commerce de la République à lui payer les sommes de :

- 556 430 euros d'indemnité d'éviction principale,

- 55 643 euros d'indemnité de remploi,

- 6 700 euros pour frais de déménagement,

- 2 000 euros pour dépréciation du stock,

- 8 700 euros d'indemnité de licenciement de son personnel,

- 20 500 euros d'indemnité pour trouble commercial,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle souhaite que les sommes relatives à l'éviction portent intérêts à compter du 17 janvier 2011 avec capitalisation des intérêts.

Elle conteste tout d'abord la validité de la transaction en absence de contrepartie réelle à ses renonciations et considère que l'arrêt du 17 février 2011 est entaché de nullité comme prononcé par un magistrat ayant fait l'objet d'une demande de récusation ayant abouti au transfert de l'affaire à une autre composition de la Cour.

Au fond, elle critique le rapport de l'expert judiciaire désigné en référé et se fondant sur le rapport de l'expert [Z] consulté par elle, elle estime que la valeur de son fonds de commerce doit se fonder sur le chiffre d'affaires des trois derniers exercices affectés d'un coefficient de 175 % compte tenu la notoriété de l'enseigne, la qualité de l'emplacement, celle du matériel d'exploitation et de la marge de progression.

Formant appel incident, la société Commerce de la République conclut à la fixation de l'indemnité d'éviction à la somme de 302 200 euros et à celle d'occupation à la somme de 45 334,38 euros arrêtée au 17 janvier 2011 soit un solde dû de 11 150,67 euros. Elle réclame la compensation entre les créances réciproques et la condamnation de la société Parfum de Lotus à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Essentiellement, elle invoque le rapport de l'expert judiciaire et critique les coefficients retenus par son adversaire contestant notamment les critères d'ajustement du coefficient applicables au chiffre d'affaires.

* *

* * *

* *

11ème A - 2011/443

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La contestation de la société Parfum de Lotus relative au constat de son désistement se comprend mal. En effet d'une part il n'appartient pas à cette Cour d'apprécier le bien fondé d'une décision qu'elle a rendue et qui a acquis l'autorité de la chose jugée. Au surplus elle ne tire aucune conséquence de cette contestation se limitant à réclamer l'indemnité d'éviction et reconnaissant avoir quitté le fonds de commerce.

Sur l'indemnité d'éviction :

1°) sur la valeur du fonds de commerce :

L'article L. 145-14 du Code de commerce énonce : 'Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre'.

Les parties conviennent ainsi que l'a retenu l'expert judiciaire que l'éviction des lieux loués entraînera la disparition du fonds de commerce. Ainsi l'indemnité doit se calculer selon la valeur de remplacement de ce fonds.

La valeur des éléments du fonds de commerce doit s'apprécier à la date la plus proche de l'éviction. En l'espèce, la société Parfum de Lotus ayant quitté les lieux le 17 janvier 2011, c'est cette date qui doit être retenue. Il convient cependant de relever que les parties et notamment le preneur ne fournissent aucun chiffre postérieur à l'année 2008 alors que normalement les bilans 2009 et 2010 auraient dû être établis. La Cour ne peut que se référer à ces données.

L'expert judiciaire a relevé que les bilans comptables faisant apparaître un chiffre d'affaires hors taxes de 160 013 euros pour l'année 2006 qu'il a pondéré à 218 500 euros pour tenir compte des inconvénients (travaux de voirie) subis par le fonds cette année-là expliquant un chiffre d'affaires en baisse, de 219 086 euros pour l'année 2007 et de 263 925 euros pour l'année 2008 soit un chiffre moyen de 233 837 euros hors taxes et de 279 669 euros toutes taxes comprises. Sur ce chiffre d'affaires toutes taxes comprises, il applique d'une part un pourcentage de 83,88 % correspondant à la valorisation du fonds et aboutissant à une somme arrondie à 234 600 euros et un pourcentage de 94 % selon ouvrages pour aboutir à 262 888 euros qu'il arrondit à 263 000 euros. Ensuite il procède à la moyenne de ces deux chiffres pour aboutir à une valeur du fonds de commerce de 248 000 euros.

La référence au chiffre d'affaires toutes taxes comprises n'est pas contestée par les parties.

La société Commerce de la République accepte cette évaluation. Pour l'écarter et porter à 315 000 euros la valeur du fonds de commerce, le premier juge reproche à l'expert de s'être placé en 2005 et non pas à la date la plus proche de l'éviction. Mais cela n'est pas exact, l'expert ne s'étant pas fondé sur les chiffres comptables 2005.

Il convient d'écarter la méthode d'évaluation du fonds de commerce par valorisation qui ne correspond pas à un usage de la profession.

En conséquence, le chiffre de 263 000 euros doit être retenu.

11ème A - 2011/443

Pour critiquer son montant et réclamer la somme de 556 430 euros, la société Parfum de Lotus se fondant sur un rapport de l'expert [Z], par elle consulté, estime tout d'abord que le chiffre d'affaires 2006 doit être écarté, en raison des travaux de voirie nuisant au fonds. Mais l'expert judiciaire a pris en compte cet inconvénient et a revalorisé le chiffre d'affaires de 160 013 euros HT à 218 500 euros HT.

Ensuite, elle retient un coefficient de 125 % en se référant au barème Francis Lefèbre. Mais ce barème évalue les fonds de commerce entre 60 % et 190 % soit une fourchette trop large pour être utilement retenue. L'expert judiciaire s'est fondé sur les barèmes ICT (70 à 100 % du CA), le Moniteur (45 à 90 % du CA) et le Callon (70 à 90 % du CA) et a procédé à la moyenne des maxima de ces trois barèmes pour aboutir au coefficient de 94 %.

Enfin elle applique à ce coefficient de 125 %, une majoration de 10 points pour la notoriété de l'enseigne, de 20 points pour la qualité de son emplacement, de 5 points pour la qualité de matériel d'exploitation et de 15 points pour la marge de progression.

Si le restaurant exploité par la société Parfum de Lotus possède une certaine renommée, celle-ci pour réelle soit-elle, ne doit pas être exagérée. Les différents commentaires parus dans les guides touristiques montrent qu'il s'agit d'un établissement d'une dizaine d'année, de taille réduite et de standing modeste qui offre une cuisine avec des spécialités asiatiques de très bonne qualité pour un prix compétitif.

Ce restaurant se situe [Adresse 4], soit sur la partie de cette rue allant de la place [Adresse 5], qui est celle s'éloignant du [6] et qui n'est pas la plus attrayante. Pour être très bon, la rue de la République constituant un trait d'union entre le centre historique de [Localité 3] et le nouveau quartier d'affaires, cet emplacement ne présente pas pour un commerce de restauration, une situation exceptionnelle.

Le matériel d'exploitation se trouve en principe inclus dans la valeur du fonds et rien ne montre que celui équipant le restaurant de la société Parfum de Lotus présentait une spécificité telle qu'elle justifie une dérogation à cette règle.

La société Parfum de Lotus invoque aussi sa marge de progression résultant de l'augmentation de son chiffre d'affaires. Mais il ne s'agit là que d'une hypothèse et si cette progression s'était réalisée, il lui était facile de l'établir en produisant ses bilans comptables 2009 et 2010.

Ces observations établissent la très bonne qualité du fonds exploitée par la société Parfum de Lotus. Cette qualité justifie l'application par l'expert judiciaire du coefficient maximum énoncé par les différents barèmes retenus mais ne justifie aucune majoration.

Ainsi il convient de retenir un chiffre d'affaires de 279 669 euros (moyenne pondérée des trois dernières années disponibles) et appliquer un coefficient de 94 % sur ce chiffre soit un résultat de 262 888 euros (279 669 × 94 %) aboutissant à une valeur arrondie du fonds de commerce de 263 000 euros.

2°) sur les indemnités accessoires :

L'indemnité de remploi destinée à couvrir les frais nécessaires à l'acquisition d'un autre fonds doit être évaluée à 10 % de la valeur du fonds, pourcentage sur lequel les parties s'accordent, soit la somme de 26 300 euros.

11ème A - 2011/443

La société Parfum de Lotus qui a quitté les lieux, ne justifie pas de ses frais de déménagement, la société Commerce de la République prétendant que la quasi-totalité du matériel a été abandonné dans les locaux. Elle doit être déboutée de ses demandes pour frais de déménagement et dépréciation du stock, aucun élément ne montrant que la cessation d'activité l'a obligée à liquider son stock dans des conditions préjudiciables.

Les indemnités de licenciement (8 700 €) et pour trouble commercial (20 500 €) ne sont pas contestées et il convient d'y faire droit.

Ainsi l'indemnité d'éviction revenant à la société Parfum de Lotus s'élève à la somme de 318 500 euros (263 000 € + 26 300 € + 8 700 € + 20 500 €).

Sur l'indemnité d'occupation :

L'article L. 148-28 prévoit qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses de contrat du bail expiré, que toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d'appréciation (en l'espèce la valeur locative).

Les parties s'accordent sur une indemnité d'occupation de 1 083 euros HT par mois proposé par l'expert. Cette somme doit être retenue et doit d'entendre également comme hors charges.

Cette indemnité d'occupation est due du 1er mars 2008 au 17 janvier 2011 soit durant 34 mois et 17 jours. Elle représente la somme de 37 416 euros hors taxes ou 44 749,54 euros toutes taxes comprises.

Compte tenu des versements effectués et des charges, la société Parfum de Lotus reste débitrice de 10 565,83 euros.

Il convient de compenser ces deux sommes.

Succombant à son appel, la société Parfum de Lotus doit être condamnée à payer à la société Commerce de la République la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Restant débitrice, la société Commerce de la République doit être condamnée aux dépens de première instance et à ceux d'exécution.

La société Parfum de Lotus doit être condamnée aux dépens d'appel.

* *

* * *

* *

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Réforme le jugement du 26 octobre 2010 du tribunal de grande instance de Marseille ;

11ème A - 2011/443

Statuant à nouveau :

Condamne la société Commerce de la République à payer à la société Parfum de Lotus une indemnité d'éviction de 318 500 euros avec intérêts à compter de ce jour et capitalisation année par année ;

Fixe l'indemnité d'occupation due par la société Parfum de Lotus à la somme de 44 749,54 euros toutes taxes comprises ;

Condamne la société Parfum de Lotus à payer à la société Commerce de la République au titre de solde sur l'indemnité d'occupation la somme de 10 565,83 euros ;

Ordonne la compensation entre ces deux sommes ;

Condamne la société Parfum de Lotus à payer à la société Commerce de la République la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Commerce de la République aux dépens de première instance et d'exécution de l'arrêt ;

Condamne la société Parfum de Lotus aux autres dépens et autorise la SCP Marie-José de SAINT-FERREOL - Colette TOUBOUL, avoués associés, à recouvrer directement ceux d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 10/22466
Date de la décision : 18/11/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°10/22466 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-18;10.22466 ?
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