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17/11/2011 | FRANCE | N°11/13288

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 17 novembre 2011, 11/13288


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2011

FG

N° 2011/705













Rôle N° 11/13288







COMITE D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE FRALIB SOURCING UNIT





C/



S.A.S. FRALIB SOURCING UNIT

















Grosse délivrée

le :

à :





SCP BOISSONNET ROUSSEAU





SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 21 Juillet 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/7633.







APPELANT





COMITE D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE FRALIB SOURCING UNIT, dont le siège social est [Adresse 1],

agissant poursuite...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2011

FG

N° 2011/705

Rôle N° 11/13288

COMITE D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE FRALIB SOURCING UNIT

C/

S.A.S. FRALIB SOURCING UNIT

Grosse délivrée

le :

à :

SCP BOISSONNET ROUSSEAU

SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 21 Juillet 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/7633.

APPELANT

COMITE D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE FRALIB SOURCING UNIT, dont le siège social est [Adresse 1],

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, Monsieur [S] [Y] secrétaire du CE dûment mandaté à cet effet.

représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avoués à la Cour,

assisté de Me Amine GHENIM, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

INTIMEE

LA S.A.S. FRALIB SOURCING UNIT agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avoués à la Cour,

assistée de Me Catherine BERTHOLET de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Octobre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2011,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

La société FRALIB Sourcing Unit est un des quatre sites de production du réseau industriel de la branche d'activité 'Unilever-Thé-Infusion-Europe de l'Ouest' du groupe Unilever en Europe de l'Ouest.

La société FRALIB Sourcing Unit Sas a décidé de fermer son site de [Localité 6] sur lequel sont employés environ 182 salariés.

Un projet de fermeture du site a été présenté le 28 septembre 2010 au comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit Sas. Lors d'une réunion du 21 octobre 2010 ont été remis aux membres du comité d'entreprise une note sur le projet de restructuration industrielle, et un projet de plan de sauvegarde de l'emploi. Le projet a été à nouveau évoqué lors de réunions les 7 et 13 décembre 2010, et 3 et 10 janvier 2011, date de la clôture des opérations de consultation du comité d'entreprise.

A la suite d'une délibération en date du 10 janvier 2011, le comité d'entreprise a fait assigner l'employeur devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille en nullité de la procédure de consultation et du plan de sauvegarde de l'emploi.

Il a été fait droit à ces demandes par ordonnance de référé en date du 4 février 2011.

Le magistrat des référés a ordonné à la société FRALIB Sourcing Unit de reprendre les deux procédures.

La société FRALIB a mené, à la suite de cette ordonnance non frappée d'appel, une nouvelle procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et présenté un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi.

A la suite de cette nouvelle procédure et en présence de ce nouveau plan, le comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit Sas, après une délibération du 4 mai 2011, a fait assigner de nouveau la société FRALIB Sourcing Unit Sas devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille en nullité de la procédure de consultation du comité d'entreprise et nullité du plan de sauvegarde de l'emploi.

Par ordonnance en date du 22 juin 2011, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé, et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Par jugement en date du 21 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- débouté le comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit Sas de ses demandes en annulation de la procédure d'information et de consultation et du plan de sauvegarde de l'emploi ainsi que de sa demande subsidiaire en expertise,

- débouté la société FRALIB Sourcing Unit de sa demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge du comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit SAS, dont distraction au profit des avocats à la cause.

Par déclaration de la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avoués, en date du 26 juillet 2011, le comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit Sas a relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 octobre 2011, le comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit demande à la cour d'appel , au visa des dispositions des articles L.2323-4, L.2323-6, L.1233-8 et suivants, L.1233-61, L.1233-62, L.1235-10, L.1233-4, L.6321-1 et L.2325-15 du code du travail, et l'article 232 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- constater que les membres du comité d'entreprise ne disposent toujours pas d'informations précises, sérieuses et conformes aux dispositions de l'article L.2323-4 du code du travail, dans des domaines essentiels comme la compétitivité et la rentabilité comparée des différents sites, le périmètre, les comptes de l'USCC, l'évolution des ventes et parts de marché pour l'Europe continentale et les mesures prises pour endiguer les pertes de production sur le site de [Localité 6],

- dire que dans ces conditions le comité d'entreprise n'a pas été en mesure de se prononcer valablement sur le projet qui lui a été soumis,

- prononcer la nullité de la procédure initiée au titre de l'article L.2323-6 du code du travail,

- constater, s'agissant du plan de sauvegarde de l'emploi, que les postes de reclassement en interne proposés par la société FRALIB sont très largement insuffisants au regard de l'importance de ses moyens et de ses capacités, et ceux du groupe Unilever,

- constater que des postes pouvant être proposés au reclassement en figurent pas dans le plan de sauvegarde de l'emploi dans sa dernière mouture issue de la réunion du comité d'entreprise du 4 mai 2011,

- constater qu'à l'issue de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, la liste des reclassements a été modifiée unilatéralement par l'employeur, en y intégrant certains postes et en en supprimant d'autres,

- dire que, dans ces conditions, le plan de sauvegarde de l'emploi présenté par la société FRALIB n'est pas régulier et n'est pas conforme aux dispositions légales, en prononcer la nullité,

- dire que la société FRALIB doit reprendre entièrement la procédure initiée au titre des dispositions de l'article L.2323-6 du code du travail, remettre enfin aux membres du comité d'entreprise une note économique comprenant des informations précises au sens des dispositions de l'article L.2323-4 du code du travail, notamment celles figurant dans l'ordonnance de référé du 4 février 2011,

- dire que la société FRALIB doit présenter un plan de sauvegarde de l'emploi conforme aux dispositions légales, notamment en matière de reclassement,

- dire nuls les éventuels licenciements intervenus précédemment à la décision,

- subsidiairement, désigner un expert afin d'établir un état des lieux des informations communiquées au comité d'entreprise et à son expert, et dire si elles sont conformes à ses demandes des 19 novembre et 1er décembre 2010, dire si elles sont conformes aux obligations mises à la charge de la société FRALIB aux termes de l'ordonnance de référé du 4 février 2011, et si en l'état elles sont de nature à permettre au comité d'entreprise de rendre un avis au sens des dispositions de l'article L.2323-6 du code du travail,

- en tout état de cause, condamner la société FRALIB Sourcing Unit au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société FRALIB Sourcing Unit aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avoués.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 28 septembre 2011, la société FRALIB Sourcing Unit Sas demande à la cour d'appel de :

- dire la nouvelle procédure d'information et de consultation initiée par la société FRALIB Sourcing Unit conforme aux dispositions de l'article L.2323-4 du code du travail et permettant ainsi l'analyse économique du dossier,

- dire que le plan de sauvegarde de l'emploi présenté par la société FRALIB Sourcing Unit est infiniment pertinent et conforme aux dispositions légales et jurisprudentielles en la matière,

- en conséquence, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter le comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit à lui verser la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisser les dépens d'appel à la charge du comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit, avec distraction au profit de la SCP MAGNAN.

MOTIFS,

-I) La procédure d'information et de consultation en application des articles L.2323-1 et suivants du code du travail.

L'article L.2323-2 dispose que les décisions de l'employeur sont précédées de la consultation du comité d'entreprise

Compte tenu de la décision envisagée par la société FRALIB Sourcing Unit de fermer son site de [Localité 6], il s'en est suivi une procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, par application des dispositions des articles L.2323-1 et L.2323-2 et suivants du code du travail.

L' article L.1233-30 dispose que dans les entreprises ou établissement employant habituellement cinquante salariés et plus, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise.

Il peut procéder à ces opérations concomitamment à la mise en oeuvre de la procédure de consultation prévue par l'article L.2323-15.

Le comité d'entreprise tient deux réunions séparées par un délai qui ne peut être supérieur à 21 jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à 100 et inférieur à 250.

A la suite de l'annulation de la première procédure d'information-consultation, une nouvelle procédure a été reprise par la société FRALIB.

Trois réunions du comité d'entreprise ont été tenues :

- une première réunion, le 10 mars 2011, prolongée au 14 mars 2011, avec nomination de l'expert Progexa,

- une deuxième réunion, le 4 avril 2011, prolongée au 6 avril 2011,

- une troisième et dernière réunion le 27 avril 2011.

Au vu des éléments produits, des documents remis par la société FRALIB au comité d'entreprise, du rapport d'expertise [U], demandé par FRALIB, du rapport d'expertise du Cabinet Progexa, sur mission donnée par le comité d'entreprise, des compte-rendus des réunions du comité d'entreprise, la cour est en mesure d'apprécier la qualité des informations données au comité d'entreprise.

La société FRALIB Sourcing Unit est une société par actions simplifiée, dont le siège social est [Adresse 1]).Elle un élément du groupe anglo-néerlandais Unilever de dimension économique mondiale ayant pour activités la fabrication et la commercialisation de produits alimentaires, d'entretien de la maison et de soins de la personne.

Elle s'insère dans le secteur Europe dans le segment de produits thés et infusions.

Elle se situe dans ce segment entre la société Unilever Supply Chain Company à Schaffhausen en Suisse, qui achète les matières premières et les emballages, les remet à FRALIB pour le traitement et le conditionnement, et les revend ensuite au travers d'autres sociétés du groupe, pour le marketing et la vente.

La totalité de ses actions appartient à l'actionnaire unique, la société Topaze, dont le siège est à [Localité 9], elle-même filiale du groupe anglo-néerlandais Unilever.

Elle a donné en septembre 2000 en location-gérance à la société Unilever France, dont le siège est aussi à [Localité 9] la partie de son fonds de commerce constituée par ses activités de vente.

L'organisation du groupe Unilever au niveau du segment d'activité thés et infusions en Europe permet de situer la société FRALIB entre la société USCC et les sociétés de marketing et de vente et de comprendre que la société FRALIB n'a pas le choix de ses produits et le choix de ses clients, elle est un élément de la chaîne. Même si elle a une personnalité juridique autonome, elle n'a pas de vraie autonomie économique.

Les éléments donnés permettent de constater que les produits réalisés par FRALIB sont vendus en Europe de l'Ouest, avec un secteur géographique particulier compte tenu des habitudes culturelles de consommation de thés, celui du Royaume-Uni et de l'Irlande, correspondant au site de Trafford au Royaume-Uni pour des produits particuliers, et le reste de l'Europe, avec trois sites, celui de [Localité 6] en France, celui de [Localité 2] et celui de [Localité 7] en Pologne.

Les données techniques précisent que le site de [Localité 7] en Pologne produit à la fois pour l'Europe de l'Ouest et pour l'Europe de l'Est. Les procédés de gestion et les faibles coûts

salariaux de ce site permettent une production à moindre coût pour le groupe avec la montée en puissance de ce site, et pénétration sur le marché de l'Europe de l'Est.

Le site français de [Localité 6] ne peut pas être comparé à celui de Trafford, très spécifique au marché britannique, d'un exceptionnel rendement compte tenu des produits créés et des techniques utilisés.

Au vu des éléments fournis, trois sites sont sur le même segment, le site de [Localité 2], le site de [Localité 7] et celui de [Localité 6].

De nombreux éléments sont ensuite fournis sur l'évolution du marché. Selon les données très précises apportées par la société FRALIB, la concurrence est très vive et les perspectives d'augmentation de la consommation sont insignifiantes, le groupe Unilever reste en situation de bénéfice d'exploitation sur le segment des thés et infusions, mais il a décidé d'améliorer la compétitivité pour conserver ses parts de marché. Ce choix économique est développé longuement.

A partir de là, la société FRALIB a fourni une multitude d'éléments comparatifs sur les trois sites, dont il ressort la preuve que celui de [Localité 6] est le moins compétitif des trois.

De nombreuses explications sont apportées sur les tentatives d'amélioration du rendement du site de [Localité 6], et les difficultés rencontrées pour le transformer.

La société n'est par ailleurs pas propriétaire du foncier de [Localité 6], et s'agissant d'une société qui n'est qu'une structure au sein d'un ensemble, la perspective d'une cession ou reprise ne pouvait être envisagée.

Ces explications correspondent à une analyse très détaillée, dont les conséquences en termes de décisions aboutissent à des choix de stratégie d'entreprise que la cour n'a pas à juger.

Ces analyses extrêmement approfondies, transparentes, d'une froide objectivité économique, permettent de constater qu'avec 27% des coûts de la société FRALIB, le site de [Localité 6] ne produit que 5,10% du total. Cette situation de manque de compétitivité est apparue depuis 2007 ou 2008 et, tandis que les autres sites prospéraient, celui de [Localité 6] déclinait, même si ce déclin était dû en partie au transfert progressif d'une partie de la production vers [Localité 2] ou [Localité 7]. Il résulte de cette analyse que le site de [Localité 6] est incontestablement le moins compétitif des trois sites, [Localité 6], [Localité 2] et [Localité 7].

Une analyse est donnée en prenant en compte les machines utilisées dans les divers sites, et les technologies utilisées Constanta, Ima, Mousseline, avec comparaison des performances dans les divers sites avec les mêmes technologies.

Les études précises et complètes apportées expliquent les raisons qui ont amené la société, ou plutôt le groupe Unilever à privilégier l'aspect purement économique et financier sur tout autre aspect et transférer l'activité de [Localité 6] sur [Localité 2] et [Localité 7].

Il n'est pas possible de dire que les informations données par la société FRALIB au comité d'entreprise ne sont pas sérieuses et complètes. Au vu de ces informations, les membres du comité d'entreprise avaient tous les éléments entre les mains pour apprécier les tenants et aboutissants de la décision du chef d'entreprise et donner leur avis à ce sujet, étant observé qu'en tout état de cause, il ne s'agit que d'un avis.

-II) Le plan de sauvegarde de l'emploi :

Dans le cas où l'entreprise maintient sa décision de fermeture malgré l'avis opposé du comité d'entreprise, ce qu'elle paraît avoir décidé, ou plutôt ce que le groupe dont elle dépend paraît avoir décidé, elle doit présenter un plan de sauvegarde de l'emploi pour pouvoir procéder aux licenciements collectifs résultant de sa décision.

Elle a exposé ce plan en parallèle à la procédure d'information consultation, comme la loi le permet.

L'article L.1235-10 du code du travail précise en son alinéa deux que la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe.

A cet égard, compte tenu de ce qui a été abondamment expliqué par la société FRALIB dans le cadre des informations de la procédure suivie en application des articles L.2323-2 et suivants du code du travail, et rappelés ci-dessus, l'entreprise de [Localité 6] a longuement développé qu'elle n'avait aucune prise sur son devenir et que la décision de fermeture était une décision du groupe Unilever.

C'est donc au regard des moyens du groupe Unilever que doit être appréciée la validité du plan de sauvegarde de l'emploi.

Les chiffres donnés par FRALIB permettent de constater que le chiffre d'affaires du groupe est en pleine croissance sur le plan mondial, toutes activités confondues, plus de 44 milliards d'euros en 2010, 11% de mieux qu'en 2009, même si le secteur Europe de l'Ouest stagne et diminue légèrement en 2010, avec 11 milliards d'euros, tout en restant largement bénéficiaire.

Le groupe dispose de 10 sites en France avec 3.073 salariés au 31 décembre 2010 et sa situation est prospère.

La pertinence et le caractère sérieux et suffisant des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi doivent être appréciés, par application des dispositions de l'article L.1335-10 du code du travail, à la hauteur des importants moyens matériels et financiers de ce groupe.

L'article L.1233-61 du code du travail dispose que dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

En l'occurrence ce plan ne peut éviter les licenciements ni en limiter le nombre sur le site de [Localité 6], puisque l'intégralité des 182 salariés de l'entreprise doivent être licenciés.

L'article L.1233-61 ajoute que ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité.

En l'espèce, aucun licenciement ne pouvant être évité compte tenu de la décision de fermeture totale du site, ce sont tous les salariés, puisqu'ils sont tous destinés à être licenciés, qui ont vocation à bénéficier d'un plan de reclassement, dans la mesure des moyens du groupe.

L'effectif du site est de 182 personnes, soit 102 ouvriers, 65 techniciens agents de maîtrise, 5 employés et 10 cadres.

L'article L.1233-62 du code du travail précise que le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que :

1° des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure,

2° des créations d'activités nouvelles par l'entreprise,

3° des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi,

4° des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés,

5° des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents,

6° des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée.

Il convient d'analyser la partie du plan relative au reclassement interne. Il s'agit de postes proposés dans d'autres entreprises du groupe Unilever.

En ce qui concerne les ouvriers, au nombre de 102, il est proposé 30 postes en France, à [Localité 5], à [Localité 8], à [Localité 10] (Miko), à [Localité 3] et à [Localité 11] (HPC Industries), 25 postes en expatriation proche à [Localité 2], et 9 postes en expatriation lointaine à [Localité 7] en Pologne, étant observé que ces derniers postes sont offerts au salaire polonais de 5.040 € par an ou 420 € par mois. Ce sont au total 64 postes sur 102 qui sont proposés, ou de 55 sur 102 sans compter les postes à [Localité 7].

En ce qui concerne les techniciens agents de maîtrise, au nombre de 65, il est proposé 10 postes en France à [Localité 9] et à [Localité 5], 2 postes à [Localité 2] et 8 postes à [Localité 7] au salaire annuel de 6.804 € soit 567 € par mois. Ce sont au total 20 postes, ou 12 sans compter [Localité 7], qui sont offerts.

En ce qui concerne les employés, au nombre de 5, il est proposé un poste en France à [Localité 4] et 3 postes à [Localité 2].

En ce qui concerne les cadres, au nombre de 10, il est proposé six postes, tous en France, deux à [Localité 9] et quatre à [Localité 3].

La disposition du plan sur le maintien de la rémunération avec prise en charge de 100% de la première année et de 75% de la différence la deuxième année sont relatives au reclassement en France

Au titre du reclassement dit externe, il est prévu un congé dit de reclassement de neuf mois incluant le préavis avec rémunération sur la base de 65% de sa rémunération brute moyenne des 12 derniers mois.

Il s'agit en fait d'un accompagnement dans la recherche d'un emploi, avec mise en place d'un relais emploi par un cabinet de reclassement et également un accompagnement dans les projets de création ou reprise d'entreprise.

Le plan prévoit une aide à la mobilité géographique pour les salariés ayant trouvé un nouvel emploi à plus de 80 kms, une prime à la mobilité pour le salarié qui trouve un emploi à l'étranger.

Le plan prévoit un budget formation avec une enveloppe de 600.000 € au total et une enveloppe de 977.704 € à utiliser pour revitaliser le bassin d'emploi.

Une commission de suivi est prévue.

Au titre des mesures de reclassement, le plan est très insuffisant pour le reclassement interne des techniciens agents de maîtrise, avec seulement 20 postes, ou 12 sans [Localité 7] pour 65 licenciements.

Il est également insuffisant pour le reclassement des ouvriers avec seulement 30 postes en France alors que le groupe dispose de plusieurs sites en France, notamment à [Localité 5], [Localité 8], [Localité 3], [Localité 11], [Localité 10].

Les propositions de 17 postes à [Localité 7] en Pologne, 9 postes d'ouvriers payés 420 € par mois et 8 postes de techniciens agents de maîtrise payés 567 € par mois, ne sont pas sérieuses.

Il est bien évident qu'aucun salarié du site de [Localité 6] ne peut accepter de telles conditions, et que présenter de tels postes revient à ne rien proposer. Il ne peut être admis que cela corresponde à des offres de reclassement

Pour le reste, les mesures dites de 'revitalisation du bassin d'emploi 'sont des mesures de principe à contenu flou et dont l'efficacité en termes de reprise d'emploi sont très hypothétiques.

En conséquence, compte tenu de la grave insuffisance des mesures proposées au regard des moyens du groupe Unilever, un tel plan de sauvegarde de l'emploi ne peut être considéré comme suffisant, sérieux et pertinent.

Ce plan ne peut être considéré comme un plan de sauvegarde de l'emploi valable.

Par suite, tout licenciement s'inscrivant dans ce projet de licenciement collectif devra être considéré comme nul, par application des dispositions de l'article L.1235-10 du code du travail.

Au vu des dispositions de cet arrêt, la demande subsidiaire d'expertise est sans objet.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme partiellement le jugement rendu le 21 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Marseille, en ce qu'il a débouté le comité d'entreprise de la société FRALIB Sourcing Unit Sas de sa demande d'annulation de la procédure d'information et de consultation relative au projet de fermeture du site de [Localité 6],

Réforme ce jugement pour le surplus,

Dit que le plan de sauvegarde de l'emploi présenté par la société FRALIB Sourcing Unit est sans valeur,

Dit en conséquence nul et de nul effet tout licenciement de salariés de FRALIB Sourcing Unit Sas prononcé dans le cadre du projet de fermeture du site de [Localité 6] avec ce plan de sauvegarde de l'emploi annulé,

Condamne la société FRALIB Sourcing Unit Sas à payer au Comité d'entreprise de ladite société une somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société FRALIB Sourcing Unit Sas aux dépens, de première instance et d'appel, et autorise la SCP BOISSONNET et ROUSSEAU avoués, à recouvrer directement contre elle, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les dépens dont ces avoués affirment avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 11/13288
Date de la décision : 17/11/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°11/13288 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-17;11.13288 ?
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