COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 10 NOVEMBRE 2011
N° 2011/ 703
Rôle N° 10/08728
Société PLAWA FEINWERKTECHNIK GMBH ET CO KG
C/
SARL MIDI FRANCE DISTRIBUTION
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BLANC
SCP TOUBOUL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 12 Janvier 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F2830.
APPELANTE
SOCIETE PLAWA FEINWERKTECHNIK GMBH ET COKG,
forme sociale : Gesellschaft Mit Beschränker Haftung et Compagnie Kommanditgesellschaft, SCS de droit allemand dont le commandité est la SARL PLAWA FEINWERKTECHNIL VERWALTUNGS GMBH, prise en la personne de son représentant légal PLAWA FEINWERKTECHNIL VERWALTUNGS GMH (SARL), [Localité 5] (Amtsgericht Göppingen HRB 533321) elle-même prise en la personne de Monsieur [Y] [I], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3] (GERMANY) et faisant élection de domicile pour les besoins de la procédure en tant que Société étrangère en l'Etude de la SCP BLANC CHERFILS, demeurant Domiciliée à la SCP BLANC CHERFILS - Avoués près la Cour [Adresse 1]
représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
assistée par Me Albert MARUANI-BEYARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A.R.L. MIDI FRANCE DIFFUSION,,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée par Me Yves MORAINE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Maïlys LE ROUX, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine ELLEOUET-GIUDICELLI, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2011,
Signé par Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 10 juillet 2009, la S.A.R.L. MIDI FRANCE DISTRIBUTION a fait citer devant le Tribunal de commerce de MARSEILLE, la société de droit allemand PLAWA FEINWERKTECHNIK GMBH & CO KG, fabriquant d'appareils photographiques, pour obtenir
sa condamnation à l'indemniser :
- sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, du non respect des droits de distributeur exclusif de ses produits en FRANCE qu'elle lui avait conférés,
- sur le fondement de l'article L 442-6-1-5° du Code de commerce, de la rupture sans préavis de ces relations commerciales,
- du préjudice résultant du fonctionnement défectueux de certains appareils acquis,
ainsi que sa condamnation à lui rembourser, contre restitution, les matériels acquis auprès d'elle.
La défenderesse n'a pas comparu et par jugement du 12 janvier 2010, le tribunal a fait partiellement droit aux demandes condamnant la défenderesse au paiement :
- 306 052,50 euros en réparation du préjudice commercial subi,
- 223 682 euros en réparation du préjudice matériel subi,
- 4000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société PLAWA FEINWERKTECHNIK a relevé appel de cette décision.
Dans des écritures du 24 janvier 2011, tenues ici pour intégralement reprises, elle demande qu'il soit constaté qu'il existe, dans les conditions générales de vente, liant les parties une clause désignant le tribunal de GÖPPINGEN comme seul compétent pour connaître du litige et qu'il soit dit que le Tribunal de commerce de Marseille était incompétent pour connaître du litige et donc de renvoyer la société MIDI FRANCE à mieux se pourvoir.
A titre subsidiaire, elle demande que soit prononcée la nullité de l'acte introductif d'instance et des actes subséquents, dont le jugement dont appel, en application des articles 4, 6 et 7 du Règlement Européen n°1348/2000.
Encore plus subsidiairement, elle soutient que les articles 688 et 123 du Code de procédure civile, relatifs aux délais de comparution, n'ont pas été respectés ce qui rendait la demande irrecevable.
A titre infiniment subsidiaire, elle soutient que le jugement est caduc en application de l'article 478 du Code de procédure civile.
Elle sollicite aussi 8000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des écritures du 12 septembre 2011, tenues aussi pour intégralement reprises, la société MIDI FRANCE réplique qu'il n'est pas démontré que les conditions générales de vente invoquées, pour justifier de l'incompétence du Tribunal de commerce de Marseille, lui soient opposables, que de toute façon, sur l'exemplaire de ces conditions générales de vente communiqué aux débats, la clause est particulièrement illisible et doit, de toute façon, être écartée, qu'elle doit d'autant plus l'être qu'en matière de brusque rupture de relations commerciales établies, s'applique l'article L 442-6 du Code de commerce qui énonce un principe de responsabilité quasi-délictuelle.
Elle ajoute que l'assignation qu'elle a fait délivrer est conforme au Règlement Européen, que sa demande était recevable et le jugement a été régulièrement notifié dans les délais.
Elle demande en conséquence que la société PLAWA soit déboutée de toutes ses exceptions et moyens d'irrecevabilité et que les débats soient rouverts pour que les parties puissent s'expliquer sur le fond du litige.
L'ordonnance de clôture est du 21 septembre 2011.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la compétence du Tribunal de commerce de MARSEILLE :
Attendu que le Tribunal de commerce de MARSEILLE est normalement compétent tant au regard de la demande fondée sur le non respect du contrat, qu'au regard de celle fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle de l'article L 442-6 du Code de commerce puisque cette ville est à la fois le lieu d'exécution du contrat et le lieu où aurait été subi le dommage résultant de la brusque rupture de la relation commerciale,
que dès lors se pose le problème de l'incidence de la clause opposée par l'appelante et traduite régulièrement en ces termes :
'10. Lieu d'exécution/ Droit applicable
Le droit applicable est par principe celui de la République Fédérale d'Allemagne, à l'exclusion de la convention des Nations Unies portant loi uniforme sur la vente internationale de marchandises. Le lieu d'exécution pour ce qui concerne la livraison et le règlement est [Localité 5]; les tribunaux compétents sont ceux du ressort de Göppingen si l'acheteur est un inscrit au registre du commerce, une personne morale soumis au droit privé ou .......La présente clause relative à la compétence territoriale s'applique également si le client ne dépend d'aucune juridiction en République Fédérale d'Allemagne et s'il ne remplit aucune des conditions précédentes.',
que si cette clause, qui en l'espèce s'appliquerait entre commerçants, paraît conforme au Règlement européen applicable en la matière, il importe de vérifier si elle a été approuvée par l'intimée, ce que cette dernière conteste,
que l'appelante ne produit sur ce point qu'une photocopie du verso d'un document et des factures accompagnées de leurs traductions dont l'une indique 'il s'applique nos conditions générales de vente communiquées au préalable...', mais aucun exemplaire de ces conditions signées par l'intimée ou figurant même au dos d'un document signé par elle,
que donc cette clause de compétence ne peut être considérée comme opposable à l'appelante et le Tribunal de commerce de Marseille était donc incontestablement compétent pour connaître de la demande ;
Sur la validité de la saisine du Tribunal de commerce de Marseille :
Attendu que le tribunal a été saisi par une assignation du 10 juillet 2009 pour l'audience du 24 novembre 2009,
que cet acte était destiné à la société PLAWA, société de droit allemand, dont le siège social est à [Localité 5], Allemagne,
que l'huissier a adressé, le 10 juillet 2009 à l'autorité destinataire : '[Adresse 4]', une copie de l'assignation ainsi que sa traduction, accompagnée d'une demande de signification comportant l'identité du requérant, l'adresse du destinataire et la description des éléments essentiels de l'acte, qu'y était aussi joint un exemplaire de l'attestation que devait en retour remplir le destinataire pour informer le requérant des diligences accomplies,
que même si cette attestation en retour n'a pas été transmise au Tribunal, il est certain que cette signification de l'acte est conforme aux dispositions du règlement européen applicable, règlement n° 1393/2007, qui, dans ses articles 4, 6 et 7, définit le mode de signification des actes en matière civile, mais qui n'impose pas, pour qu'un tribunal puisse statuer, un retour de l'attestation par l'autorité destinataire, mais prévoit, d'une part, l'émission d'un accusé de réception par l'entité requise et, en cas d'impossibilité de délivrance de l'acte, l'information dans le mois de la réception de l'acte de la requérante ;
Attendu qu'en l'espèce, le Tribunal n'était pas informé d'une difficulté de délivrance et n'avait pas non plus la preuve de la réception par l'entité requise de l'acte à délivrer,
que cependant cette dernière preuve est maintenant apportée aux débats puisque la lettre recommandée adressée par l'huissier a été remise à son destinataire,
que donc l'assignation ne peut être déclarée nulle ;
Sur la fin de non recevoir :
Attendu que l'acte de saisine du Tribunal n'étant pas nul, le problème du délai de comparution doit être examiné, que l'article 688 du Code de procédure civile dispose que ' s'il n'est pas établi que le destinataire d'un acte en a eu connaissance en temps utile, le juge saisi de l'affaire ne peut statuer au fond qui si les conditions ci-après sont réunies :
1° l'acte a été transmis selon les modes prévues par les règlements communautaires ou les traités internationaux applicables ou, à défaut de ceux-ci, selon les prescriptions des articles 684 à 687;
2° un délai d'au mois six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ;
3° aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'ETAT où l'acte doit être remis...'
que donc en l'espèce le juge, qui n'avait pas la preuve de la remise effective de l'acte à son destinataire, ne pouvait, sauf à ordonner des mesures provisoires ou conservatoires, statuer que s'il constatait qu'un délai de six mois s'était écoulé depuis l'envoi de l'acte,
que sur ce point, ce n'est pas la date de la décision qui doit être prise en compte, soit le 12 janvier 2009, mais bien la date de clôture des débats, soit le 24 novembre 2009,
que donc le jugement doit être réformé puisque le juge ne pouvait régulièrement statuer sur la demande qui lui était présentée,
que cependant l'acte le saisissant n'étant pas nul, la Cour d'appel peut connaître du litige par l'effet dévolutif de l'appel sauf si le jugement était caduc ;
Sur la caducité du jugement :
Attendu que l'appelante expose que le jugement déféré est non avenu dans la mesure où il ne lui a pas été notifié dans les six mois de son prononcé, puisque la notification qui lui a été faite dans ce délai ne l'a été qu'en langue française en violation de l'article 5 du Règlement Européen et qu'en outre cette signification comportait une inexactitude quant aux voies de recours ;
Attendu qu'outre le fait que l'appel intenté par la partie défaillante en première instance emporte renonciation de sa part à se prévaloir de la protection de l'article 478 du Code de procédure civile, l'intimée produit copie de sa requête à l'autorité compétente pour signifier le jugement, requête en date du 1er mars 2010, qui comporte bien le jugement et sa traduction en allemand, que dès lors le jugement déféré n'est pas frappé de caducité ;
Sur la compétence de la Cour d'Appel d'Aix en Provence :
Attendu que le Tribunal de commerce de Marseille était compétent pour connaître des demandes, tant sur le fondement contractuel que sur le fondement quasi-délictuel, que la Cour d'Appel d'Aix en Provence l'est aussi pour connaître l'ensemble du litige dans la mesure où l'instance a été introduite avant le 1er décembre 2009 date à laquelle est entré en vigueur l'article D. 442-4 du Code de commerce qui institue des juridictions spécialisées pour connaître de l'application de l'article L 442-6 du même code, dont le Tribunal de commerce de Marseille, mais donne compétence à la seule Cour d'appel de Paris pour statuer en cas d'appel de leur décision ;
Attendu que la Cour étant compétente et saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu de rouvrir les débats afin d'inviter les parties à s'expliquer sur le fond du litige ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
DIT que le Tribunal de commerce de Marseille était compétent pour statuer sur les demandes de la société MIDI FRANCE et que l'assignation qui l'a saisi n'était pas nulle,
CONSTATE cependant que le Tribunal a statué sans respecter les dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile,
INFIRME en conséquence le jugement déféré,
CONSTATE cependant qu'elle demeure saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel,
Avant dire droit sur le fond du litige, rouvre les débats à l'audience du 11 avril 2012,
Dit que les parties devront conclure avant le 28 mars 2012, date à laquelle la clôture de la procédure interviendra.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :