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04/11/2011 | FRANCE | N°10/06645

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 04 novembre 2011, 10/06645


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 04 NOVEMBRE 2011



N° 2011/707













Rôle N° 10/06645





[L] [M]





C/



SA PIERRE FABRE MEDICAMENTS

































Grosse délivrée

le :

à :



Me Dany COHEN, avocat au barreau de MARSEILLE





Me Jean Sébastien CAPISANO

, avocat au barreau de PARIS







Copie certifiée conforme délivrée le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 15 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/2292.







APPELANT



Monsieur [L] [M],

demeurant [Adresse 5]



r...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 04 NOVEMBRE 2011

N° 2011/707

Rôle N° 10/06645

[L] [M]

C/

SA PIERRE FABRE MEDICAMENTS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Dany COHEN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean Sébastien CAPISANO, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 15 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/2292.

APPELANT

Monsieur [L] [M],

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Dany COHEN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA PIERRE FABRE MEDICAMENTS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean Sébastien CAPISANO, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2011..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2011.

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Madame Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Monsieur [M] a été embauché par la société 'Les Laboratoires Veyron et Froment' sous contrat à durée indéterminée à compter du 13 décembre 1977 en qualité de technicien contrôle qualité.

Cette société, dont le siège était situé à [Localité 8], qui était spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits pharmaceutiques et qui disposait d'un comité d'entreprise, a été absorbée le 1er janvier 2003 par la société 'Pierre Fabre Médicament' (ci-après Pierre Fabre).

Le 22 février 2003 les mandats des membres du comité d'entreprise de [Localité 8] arrivait à expiration ; l'effectif du site étant alors de 45 salariés, l'employeur et les organisations syndicales - y compris le syndicat Cfdt chimie énergie Provence Corse - signaient un protocole d'accord préélectoral en vu de l'élection le 28 avril suivant de deux délégués du personnel.

Dans les mois qui suivirent, Pierre Fabre décidait d'une réorganisation impliquant la fermeture du site de [Localité 8] et le transfert de ses activités sur d'autres sites de production implantés dans le Loiret. A ce titre, des procédures d'information-consultation était mise en oeuvre auprès du comité central de la branche médicament et du comité d'établissement Pierre Fabre médicament des [Localité 6], relevant tous deux de l'Ues des laboratoires Pierre Fabre ; la procédure diligentée au titre de l'ancien Livre IV s'achevait le 11 septembre 2003 et la celle diligentée au titre de l'ancien Livre III s'achevait quant à elle le 25 septembre 2003.

A la suite de la contestation par le syndicat Cfdt Chimie de la suppression du comité d'établissement de [Localité 8], l'employeur suspendait ses projets de fermeture et de transfert et il saisissait le 9 octobre 2003 le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Bouches-du-Rhône de la question du caractère distinct de l'établissement de [Localité 8] ; le directeur départemental devait autoriser le 8 décembre 2003 la suppression du comité d'établissement de [Localité 8] ; un recours en annulation de cette décision était exercé par la Cfdt chimie le 29 décembre 2003.

Entre-temps, toutes les sociétés de l'Ues Pierre Fabre et l'ensemble des organisations syndicales représentatives - à l'exception toutefois de la Cfdt qui avait été à l'origine de la saisine du directeur départemental du travail - avaient signé le 4 décembre 2003 un accord de méthode - que le directeur départemental du travail devait estimer conforme à la réglementation le 23 décembre suivant - accord par lequel les signataires :

- confirmaient 'expressément la disparition du Comité d'Entreprise et ainsi du CHSCT VEYRON & FROMENT, et des mandats y afférents à la date du 1er janvier 2003" ;

- confirmaient 'expressément que le site de [Localité 8] constitue un établissement distinct pour l'élection des seuls délégués du personnel' ;

- fixaient 'les règles qui [encadreraient] les procédures d'information-consultation qui seront diligentées au titre des Livres IV et III du code du travail et [établissaient] les garanties auxquelles [s'engageait] la Direction s'agissant des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi qui [serait] à nouveau présenté dans le cadre desdites consultations';

la disposition finale de cet accord prévoyait qu'il serait définitivement adopté, entrerait en vigueur et produirait ses effets après consultation et avis des instances représentatives du personnel compétents, à savoir le Cce de la branche médicaments/santé et le Ce Pierre Fabre médicament des [Localité 6].

Par jugement en date du 29 janvier 2004, le tribunal administratif de Marseille rejetait la requête du syndicat Cfdt chimie énergie Provence Corse qui lui avait demandé de suspendre la décision du directeur départemental du travail du 8 décembre 2003, le pourvoi en cassation du syndicat devant être déclaré non admis par décision du Conseil d'Etat en date du 28 avril 2004.

Le 30 janvier 2004 monsieur [M] se voyait proposer sa mutation sur le site de [Localité 7] mais il rejetait cette proposition le 25 février 2004. Le 26 mars suivant, l'employeur lui proposait un poste de reclassement en qualité de 'comptable fournisseur' à [Localité 2] poste qu'il refusait par courrier du 30 mars.

Le 16 juin 2004, l'inspecteur du travail, considérant notamment que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement et que le motif économique était établi, autorisait le licenciement de monsieur [M], représentant syndical au comité d'entreprise et au comité central d'entreprise ; l'intéressé, qui n'exerçait aucun recours contre cette autorisation administrative, était licencié par courrier en date du 22 juillet 2004 ainsi motivé :

'Faisant suite à notre entretien du 16/04/04 et à la réunion du Comité d'Etablissement du 23/04/04 au cours de laquelle vous avez été entendu et à la décision de l'Inspection du Travail de Marseille rendue en date du 16/06/04, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique suite à la modification de votre contrat de travail dans le cadre d'un transfert de votre emploi sur un site Pierre Fabre Médicament Production du Loiret (45).

Les motifs exposés aux représentants du personnel au cours des procédures légales d'information et de consultation, mises en oeuvre dans le cadre de l'accord de méthode conclu le 04/12/2003, sont les suivantes :

Dans un contexte réglementaire et concurrentiel particulièrement hostile, notre société a dû envisager une réorganisation indispensable à la sauvegarde de la compétitivité du secteur de production de médicaments consistant en un transfert des activités de production du site de [Localité 8] vers des sites du Loiret (PFMP).

En effet, une rationalisation de la production aux fins de réduire les coûts de production et de rendre compétitifs les prix de vente, s'est imposée à notre société.

C'est ainsi qu'une optimisation des organisations industrielles visant à développer les synergies de production et maîtriser les coûts de production, et par voie de conséquence les prix de nos produits et leur positionnement sur le marché, est aujourd'hui indispensable à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe.

Ce projet et la réorganisation en résultant ont entraîné la modification de votre contrat de travail que vous avez refusée par courrier en date du 25/02/2004.

Conformément aux obligations qui nous incombent nous vous avons proposé en date du 26/03/2004 un reclassement dans le groupe au poste de :

' Comptable à [Localité 3] au sein de la société PFM

Par courrier en date du 30/03/2004 vous avez expressément refusé ces postes de reclassement.

En conséquence, la date de première présentation de la présente fixera le point de départ de votre préavis de 2 mois. [...]'.

Le 25 mars 2008, le tribunal administratif de Marseille annulait la décision en date du 8 décembre 2003 par laquelle le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Bouches-du-Rhône a estimé que l'établissement de Marseille de la société Pierre Fabre médicaments ne revêtait pas le caractère d'établissement distinct et autorisé, par suite, la suppression de son comité d'entreprise ; le recours de Pierre Fabre contre cette décision était rejeté par arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille le 24 juin 2010 et le pourvoi contre cette décision a été déclaré non admis par arrêt du Conseil d'Etat en date du 16 février 2011.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil des prud'hommes, à l'arrêt avant-dire droit du 10 février 2011 et aux écritures déposées et oralement soutenues à l'audience du 15 septembre 2011.

MOTIFS DE LA DECISION :

Si en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier ni le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement ni la régularité de la consultation du comité d'établissement, il peut néanmoins, dans l'hypothèse où il existerait une contestation sérieuse sur la légalité de l'autorisation de licenciement, surseoir à statuer et renvoyer l'appréciation de la légalité de celle-ci au tribunal administratif.

En l'espèce, la décision de licencier monsieur [M], 'représentant syndical au C.E. et au C.C.E.', a été rendue le 16 juin 2004 par l'inspecteur du travail au visa de l'avis du comité d'établissement du 23 avril 2004, 'compte tenu des éléments recueillis au cours de l'enquête contradictoire effectuée le 10 mai 2004" et elle est ainsi motivée :

'Considérant que l'entreprise demande le licenciement du salarié protégé pour motif économique en raison de la fermeture du site sur lequel l'intéressé est affecté avec transfert de l'activité industrielle sur les sites de [Localité 7] et de [Localité 4] ;

Considérant le refus du salarié de transférer son contrat de travail sur le site de [Localité 7] ;

Considérant les dispositions contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi relatives au reclassement interne dans le cadre du groupe et, subséquemment les propositions de reclassement faites en qualité de comptable sur le site de la Chartreuse ;

Considérant le refus du salarié de cette proposition ;

Considérant que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement ;

Considérant que le motif économique est établi et que le licenciement du salarié s'inscrit dans les mesures précisées dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi ;

Considérant que les éléments recueillis lors de l'enquête ne font pas apparaître de lien entre la demande d'autorisation et le mandat de représentant du personnel de l'intéressé'.

Monsieur [M] n'a pas exercé de recours contre cette décision et il ne saurait aujourd'hui, sous couvert d'une difficulté sérieuse affectant sa légalité - d'ailleurs non établie - contourner l'interdiction faite au juge judiciaire d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique retenu par l'inspecteur du travail pour autoriser son licenciement.

Par ailleurs, une décision de sursis à statuer ne peut être prise que si la mesure ordonnée est nécessaire à la solution du litige ; or, lorsque la décision administrative autorisant le licenciement est déclaré illicite par le juge administratif saisi d'une question préjudicielle, le juge judiciaire ne peut réparer le préjudice subi par le salarié que si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence d'une faute de l'employeur.

En l'espèce, la cour administrative d'appel a annulé la décision du directeur départemental car elle était entachée d'une erreur de droit pour ne pas s'être fondée sur les critères susceptibles de caractériser l'existence, ou l'absence, de la qualité d'établissement distinct du site de [Localité 8] et une telle erreur n'est pas la conséquence d'une faute de Pierre Fabre; en effet, outre que l'employeur n'a pas hésité à suspendre la procédure de licenciement - pourtant presque achevée - dès qu'il a eu connaissance de la contestation du syndicat Cfdt chimie, il n'a pas manqué de rappeler dans sa lettre de saisine de l'autorité administrative du 9 octobre 2003 (sa pièce 27) les critères qui permettent, selon la juridiction administrative, de caractériser un établissement distinct (pages 5 et suivantes) et sur lesquels le directeur départemental du travail aurait dû exercer son contrôle.

Il n'est pas inutile enfin de rappeler que par jugement en date du 29 janvier 2004, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête du syndicat Cfdt chimie énergie Provence Corse qui lui avait demandé de suspendre la décision du directeur départemental du travail du 8 décembre 2003 ; c'est donc sans avoir commis aucune faute que l'employeur a poursuivi jusqu'à son terme la procédure de licenciement économique.

Le jugement déféré qui a rejeté la demande de sursis à statuer du salarié et dit n'y avoir lieu à question préjudicielle sera donc confirmé.

Il n'est pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 10/06645
Date de la décision : 04/11/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-04;10.06645 ?
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