COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 03 NOVEMBRE 2011
D.D-P
N° 2011/651
Rôle N° 10/14258
[H] [P]
C/
SARL [P]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP PRIMOUT FAIVRE
SCP BOISSONNET ROUSSEAU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 06 Juillet 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/2969.
APPELANT
Monsieur [H] [P]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assisté de Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Pierre CHAMI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SARL [P],
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité [Adresse 2]
représentée par la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués à la Cour,
ayant pour avocat Me Robert CHEMLA, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2011,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [H] [P] est propriétaire indivis avec ses deux frères, [M] et [J] [P], d'un terrain sis [Adresse 4] d'une superficie de 2,3 hectares
Le 10 avril 2009 M.[H] [P] a fait assigner la SARL [P] aux fins d'obtenir son expulsion.
Il explique qu'en effet la SARL [P] s'est installée sur le terrain sans droit ni titre, profitant des liens familiaux unissant les parties et qu' à cause de travaux irrégulièrement exécutés par la SARL [P] sur le terrain, les consorts [P] ont été condamnés par un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence en date du 2 décembre 2008 à remettre en état les lieux.
Par jugement contradictoire en date du 6 juillet 2010, le tribunal de grande instance de Grasse a :
vu l'ordonnance de clôture en date du 26/4/2010,
- constaté qu'après accord des avocats des parties, l'ordonnance de clôture du 26/4/2010 a été révoquées à l'audience du 25/5/2010 et reportée à l'audience du 25/5/2010,
-déclaré en conséquence recevables les conclusions signifiées le 27/4/2010 par M.[H] [P] et le 8/5/2010 par la Sarl [P] ainsi que les pièces communiquées après le 26/4/2010 par chaque partie,
vu les dispositions des articles 815-2 du code civil,
- dit que l'action de M.[H] [P] en expulsion de la Sarl [P], occupante sans droit ni titre, est recevable,
- débouté M.[H] [P] de sa demande tendant à voir ordonner l'expulsion de la Sarl [P] des lieux qu'elle occupe sans droit ni titre [Adresse 4] et ce sous astreinte de 1000 € par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, sans préjudice de son exécution forcée avec le concours de la force publique,
- débouté par voie de conséquence M.[H] [P] de sa demande tendant à voir condamner la Sarl [P] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,
- condamné M.[H] [P] à payer à la Sarl [P] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
-condamner M.[H] [P] aux dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 22 juillet 2010, M.[H] [P] a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 23 novembre 2010 il demande à la cour:
Vu les articles 4 et 16 du code de procédure civile,
- de réformer le jugement entrepris,
- d'ordonner l'expulsion de la SARL [P] des lieux qu'elle occupe sans droit ni titre à [Localité 5], sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, en application des articles 562 du code de procédure civile, 1382 et 544 du Code civil,
- et de la condamner à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts à parfaire, et celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits.
Par conclusions notifiées le 4 mars 2010, la SARL [P] demande à la cour:
Vu les articles 815-1 et suivants du Code civil,
- de réformer le jugement querellé,
-de déclarer irrecevable la demande de M. [P],
subsidiairement,
-de confirmer ledit jugement en application de l'article 544 du Code civil,
- et de condamner M. [P] à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est datée du 21 septembre 2011.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
MOTIFS,
Attendu en premier lieu, en ce qui concerne la fin de non recevoir tirée de l'absence de qualité de M. [H] [P] à agir au nom de l'indivision soulevée par la SARL [P], qu' en application de l'article 815-2 du Code civil tout intivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis ; que l'action introduite par M. [H] [P] aux fins d'obtenir l' expulsion d'un occupant sans droit ni titre du bien indivis vise la conservation des droits des indivisaires sur le bien indivis ; qu'il s'ensuit la recevabilité de son action ;
Attendu ensuite au fond que M. [H] [P] fait grief au jugement attaqué d'avoir méconnu le principe du contradictoire ; que le tribunal a requalifié d'office son action en une prétendue action tendant à sanctionner un trouble abusif de voisinage, alors que son action était fondée sur son droit de propriété ; qu'en effet le terrain qu'il possède en indivision avec ses deux frères a été donné à bail par l'indivision d'une part à une SARL Metafer, et d'autre part à M. [V] ; que les coindivisaires, propriétaires du terrain, ont été condamnés par un arrêt de la cour d'appel en date du 2 décembre 2008 pour des travaux irrégulièrement exécutés par la SARL [P] qui, elle, s'est installée sans droit ni titre sur le terrain ; que cette dernière a échappé à la condamnation pénale au seul motif qu'à l'époque des faits la responsabilité pénale des personnes morales n'était pas encore prévue par les textes répréssifs ; qu'à cause des agissement de cette SARL pèse sur les indivisaires une obligation de remise en état des lieux sous astreinte de 75 € par jour de retard ; alors que leur droit de propriété est imprescriptible ; que la SARL [P] qui ne conteste pas occuper ne justifie d'aucun titre ;
Attendu que la SARL [P] répondque la preuve de son occupation sans droit ni titre n'est pas rapportée ; que le lien familial entre le gérant de la société, [D] [P] et les titulaires des droits démontre au contraire que son occupation qui perdure depuis un grand nombre d'années, vaut titre ; que cette occupation ne remonte pas à la création de la SARL [P] le 23 mai 1996 , mais bien avant, lorsque [D] [P] et ses auteurs depuis plus de 30 ans ont occupé de bonne foi, en vertu d'un accord familial ; qu'aucun abus de droit ne lui est imputable ; que l'attestation de M. [V] du 11 mai 2004 et les photographies prises justifient le bon état du terrain, la prescription et l'antériorité ;
Mais attendu que les co indivisaires disposent d'un titre de propriété régulier ; qu'il appartient à la SARL défenderesse, qui a conclu laconiquement, qui ne vise aucun texte précis, et qui semble invoquer le bénéfice de l'usucapion, de faire la démonstration de ce qu'elle serait devenue propriétaire de l' immeuble revendiqués par le résultat d'une possession contraire réunissant tous les caractères exigés pour la prescription acquisitive ; que celle-ci ne saurait résulter ni d'un vague 'accord familial », ni des pièces récentes versées aux débats ;
Attendu qu'à défaut, la demande d'expulsion sous astreinte est fondée ; qu'il s'ensuit la réformation du jugement déféré ;
Attendu que M. [P] ne démontre pas par ses productions l'existence d'un préjudice distinct de celui d'avoir dû plaider ; que sa demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts sera donc écartée ;
Attendu que la SARL [P] succombant devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, et verser en équité la somme de 2 000 € à l'appelant au titre des frais irrépétibles que celui-ci a dû exposer pour sa défense ;
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Statuant un nouveau et ajoutant
Ordonne l'expulsion de la SARL [P] et tous occupants de son chef, des lieux qu'elle occupe sans droit ni titre [Adresse 4], sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt, le cas échéant avec le concours de la force publique ;
Déboute M. [H] [P] de sa demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts ;
Condamne la SARL [P] à payer à M. [H] [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Autorise le SCP d'avoués Boissonnet et Rousseau à les recouvrer directement en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT