COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 25 OCTOBRE 2011
N°2011/1045
Rôle N° 09/02607
SA INTRAMAR
C/
[V] [W]
[Y] [A]
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
FIVA
DRJSCS
Grosse délivrée le :
à :
Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE
SCP RACINE ET GUASCO, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [Y] [A]
CPCAM DES BOUCHES DU RHÔNE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 16 Décembre 2008,enregistré au répertoire général sous le n° 20700511.
APPELANTE
SA INTRAMAR, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [V] [W], demeurant [Adresse 7]
représenté par la SCP RACINE ET GUASCO, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [Y] [A], mandataire Judiciaire (S.A. UPA), demeurant [Adresse 4]
non comparant
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 5]
représenté par Mme [E] [O] en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
FIVA, demeurant [Adresse 8]
non comparant
DRJSCS, demeurant [Adresse 1]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2011.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2011
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
[V] [W] né le [Date naissance 3] a exercé l'activité de docker professionnel, titulaire de la carte G sur le port de [Localité 6] de 1963 à 1995.
Il a fait une déclaration de maladie professionnelle en visant la maladie inscrite au tableau n°30 caractérisée par l'apparition de plaques pleurales. La maladie a été reconnue et prise en charge à titre professionnel le 10 décembre 2004. Le taux d'IPP a été fixé à 5% le 27 octobre 2006.
Il a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Bouches du Rhône aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable des sociétés INTRAMAR et UPA et par jugement en date du 16 décembre 2008, le tribunal à fait droit à son action et lui a alloué les sommes de 17.000 euros au titre de l'indemnisation des souffrances endurées et de 3.000 euros au titre du préjudice d'agrément, outre 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SA INTRAMAR a relevé appel du jugement.
Par des écritures soutenues oralement à la barre auxquelles il convient de se référer, la société soulève l'irrecevabilité de l'action de Monsieur [W] au motif qu'il a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale plus de deux ans après la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie.
A titre subsidiaire, elle demande l'infirmation du jugement.
Elle soutient pour l'essentiel à l'appui de son recours que la preuve de l'exposition au risque, de son fait, n'est pas rapportée, à supposer démontrée préalablement sa qualité d'employeur. Elle conteste une faute inexcusable qui lui serait imputable dès lors qu'elle ne pouvait avoir conscience du danger et qu'elle avait pris toutes les mesures de prévention et de protection sur un site où la manutention d'amiante représentait moins de 0,1% des volumes. Elle ajoute ne pas être une société professionnelle ou utilisatrice de l'amiante.
Elle invoque enfin la force majeure dès lors qu'elle n'était pas renseignée sur le risque, qu'elle avait l'obligation réglementaire de manutentionner les navires reçus par l'autorité portuaire et enfin qu'aucune mesure utile ne pouvait être prise en l'état d'un travail en plein air et de la diffusion extrême et naturelle du produit.
Elle soutient que la procédure diligentée par la Caisse primaire d'Assurance Maladie lui est inopposable, que les demandes indemnitaires ne sont pas fondées en leur quantum et elle demande que les condamnations soient inscrites au compte spécial.
[V] [W] fait valoir qu'en sa qualité de docker effectuant de la manutention pour plusieurs entreprises, il a été exposé aux poussières d'amiante à l'occasion du transbordement ou de la manipulation de sacs de jute contenant ce produit.
Il affirme qu'aucun moyen de protection individuelle utile n'a été mis en place, alors que les employeurs auraient dû avoir conscience du danger, et que les règles relatives à la protection des salariés n'ont pas été respectées.
Il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la faute inexcusable des sociétés INTRAMAR et UPA mais forme appel incident sur le montant de son indemnisation. Il demande à la Cour de prononcer la majoration de la rente et fixe l'indemnisation de son préjudice à 20.000 euros en réparation du préjudice physique, 30.000 euros en réparation du préjudice moral et 10.000 euros en réparation du préjudice d'agrément Il réclame également la condamnation des sociétés appelantes au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La Caisse primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône s'en remet sur l'existence d'une faute inexcusable et demande en cas de condamnation la confirmation des sommes allouées et leur inscription au compte spécial.
Sur la recevabilité de l'action de Monsieur [W], elle soutient que celle-ci est recevable.
La société UPA, prise en la personne de son liquidateur Me [A] ne comparaît pas.
La DRJSCS et le FIVA, avisés, ne comparaissent pas, étant précisé que le FIVA a été saisi d'une demande d'indemnisation qui n'a pas été acceptée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que la cour n'étant saisie que des moyens soutenus oralement à l'audience, il doit être considéré que la société UPA, prise en la personne de son liquidateur Me [A], non comparante, ne conteste ni la décision entreprise ni les moyens des parties appelantes ;
Attendu qu'il résulte de l'article L.431-2 du Code de la Sécurité Sociale que l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur se prescrit par deux ans à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; qu'en l'espèce, cette reconnaissance est intervenue le 10 décembre 2004 de sorte que Monsieur [W] disposait donc d'un délai expirant le 10 décembre 2006 pour introduire l'action ;
Attendu qu'il est constant que la saisine de la Caisse primaire d'Assurance Maladie aux fins de mise en oeuvre de la procédure amiable de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur interrompt la prescription biennale et fait courir un nouveau délai à compter de la notification à l'intéressé du résultat de la tentative de conciliation ;
Attendu que Monsieur [W] a saisi la Caisse primaire d'Assurance Maladie en vue de la mise en oeuvre de la procédure de conciliation par lettre recommandée en date du 15 novembre 2006, soit avant l'expiration du délai biennal ; que le procès-verbal de tentative de conciliation a été établi le 16 janvier 2007 sans qu'il soit précisé à quelle date il a été notifié ; que Monsieur [W] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 janvier 2007 ;
Attendu qu'en conséquence, son action n'est pas prescrite ;
Sur la faute inexcusable
Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci à une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale , lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Attendu qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie du salarié ; qu'il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ;
Attendu qu'il incombe enfin au demandeur de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié ;
Sur la qualité d'employeur des société en cause
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats par les parties que jusqu'à la loi du 9 juin 1992, les dockers étaient des journaliers, titulaires de la carte G, affectés quotidiennement par le Bureau Central de la Main d'Oeuvre ( BCMO)au service des entreprises de manutention, en fonction des besoins de ces entreprises ; que postérieurement à ce texte, les dockers ont été classés en deux catégories, à savoir d'une part professionnels mensualisés ou intermittents et d'autre part occasionnels ; que le contrat de travail liant le docker intermittent à son employeur est conclu pour la durée d'une vacation ( 4 heures) ou d'un shift ( 8 heures) et qu'il s'agit d'un CDD de type particulier puisqu'il peut être prorogé ou renouvelé sans limite d'aucune sorte ;
Attendu que [V] [W] après avoir été journalier est devenu professionnel intermittent ; qu'il a exercé cet emploi du 1er novembre 1963 au 30 avril 1993 ; que sa qualité de docker n'est contestée par aucune des sociétés en cause ;
Attendu que la société INTRAMAR est acconier sur le port de [Localité 6] depuis 1956 ;
Attendu que sous l'ancien statut comme sous le nouveau, l'employeur a toujours été l'acconier, le BCMO ne constituant qu'un service administratif organisant pour le compte des employeurs la gestion générale de l'embauche des dockers intermittent ;
Attendu qu'en effet, l'entreprise de manutention, en fonction de la nature et des quantités de marchandise à traiter indique au BCMO, le nombre et la qualification des individus devant lui être affectés ; que durant la vacation, le docker se trouve dans un lien de subordination avec l'acconier qui, par l'intermédiaire de son chef d'équipe, contrôle la présence de chaque docker, lui affecte un poste ou une tâche et peut, en cas de difficulté interrompre son travail ; que par ailleurs, le paiement indirect des salaires et cotisations salariales et patronales afférentes, effectué par la Caisse des Compensation des Congés Payés ( CCCP), mandataire de l'employeur, la délivrance des bulletins de paie mentionnant le code de l'employeur confirment ce lien ; qu'ainsi, tout au long de leur carrière, les dockers sont amenés à travailler pour les diverses entreprises de manutention en fonction des besoins de celles-ci ;
Attendu qu'il résulte des attestations versées aux débats et notamment de celles de [N] [M] : 'j'ai travaillé de 1964 à 1970 avec Monsieur [W] [V], pour le compte de diverses sociétés d'acconage dont INTRAMAR, UPA etc... Nous avons manipulé des sacs d'amiante...' et [C] [X] 'J'atteste sur l'honneur avoir travaillé avec Monsieur [W] [V] dans les années 1980 à 1992... tout particulièrement la société INTRAMAR. Nous travaillons l'amiante' que [V] [W] a travaillé pour le compte des sociétés en cause ;
Que ces attestations, que rien ne conduit la cour à écarter, sont confortées par la production par [V] [W] des bulletins de salaire délivrés pour la période 1988-1993 mentionnant son activité de manutention pour le compte de l'entreprise codée '010", à savoir INTRAMAR et '028" à savoir UPA et d'une attestation de la CCCP ; qu'il en résulte que la réalité de l'activité exercée pour le compte de chacune des sociétés est établie ;
Sur l'exposition au risque
Attendu que la société INTRAMAR soutient qu'il n'est pas établi qu'elle ait été l'employeur de [V] [W] au moment où ce dernier a été exposé aux risques tels que décrits au tableau des maladies professionnelles et qu'il n'est pas possible de déterminer l'employeur chez lequel l'exposition au risque a provoqué la maladie ;
Que cependant, si les sociétés en cause ne sont pas des entreprises fabriquant ou utilisant de l'amiante, elles ont cependant été amenées à en faire manipuler par leurs préposés lors des opérations de chargement ou de déchargement des navires ou au cours d'autres opérations de manutention ;
Attendu qu'il résulte du rapport du comité paritaire d'hygiène et de sécurité-manutention portuaire produit aux débats et dont la teneur n'est pas discutée, qu'entre 1965 et 1998, environ 243.307 tonnes d'amiante ont transité par le port, soit en vrac de 1960 à 1980, soit en sacs de jute ou de papier soit ensuite en containers ; que toujours selon ce rapport, 'aucun poste de travail ne peut être certain d'avoir échappé au risque : dockers de bord, de terre, chauffeurs, grutiers, pointeurs, chefs d'équipe, contremaître, chefs de service, personnel d'entretien et mécaniciens' ;
Attendu que pour ce qui concerne plus particulièrement les sociétés en cause, les allégations de la société INTRAMAR sont démenties par l'attestation d'[G] [B] employé en qualité de contremaître et chef d'équipe par les sociétés INTRAMAR et SOMOTRANS de 1956 à 1988 qui indique le 12 avril 2011: 'j'ai dirigé des équipes de dockers sur des travaux de déchargement de navires d'amiante soit en vrac ou en sac de jute ou en papier. Les sacs de jute étaient poreux et laissaient échapper la poussière d'amiante. Les sacs en papier se déchiraient à la manipulation. Nous mettions les sacs sur palettes... De nombreux sacs se déchiraient et à la fin des opérations nous ramassions le vrac au sol avec des balais et des pelles pour remplir les bennes...les sacs d'amiante restaient pendant une durée indéterminée dans les hangars et la poussière volait dans les courants d'air et au passage des engins, tous les dockers qui travaillaient à proximité les respiraient sans avoir connaissance du danger...on peut dire que jusqu'en 1993, tous les dockers ont manipulé l'amiante' ;
Attendu que par ailleurs cette attestation est confortée par celles de [N] [M] et [C] [X], citées ci-dessus et suffisamment circonstanciées quant au type d'exposition et à sa durée dans le temps ;
Attendu que l'ensemble des ces attestations est à rapprocher de celle établie par le docteur [D] [Z] médecin de la manutention portuaire selon lequel : 'Sur le port de [Localité 6], l'amiante a transité sous forme de vrac et autre conditionnement à partie de 1957 puis en conteneur jusque dans les années 2.000... les différentes formes de conditionnement, de transport et de manutention se révèlent aussi dangereuses les unes que les autres quant aux conséquences sur la santé des salariés. Les ouvriers dockers transportaient directement les sacs d'amiante à l'aide de crochets pour les tirer et inhalaient les fibres d'amiante. Parfois le minerai était déchargé directement des navires en vrac puis était manutentionné à la benne et à la pelle. Les conducteurs d'engins entreposaient ces sacs à l'intérieur des hangars ( espaces confinés) ou les stockaient dans des wagons ouverts à proximité directe des navires...' ;
Attendu que les sociétés en cause ne produisent aucun élément venant contredire le contenu des documents versés aux débats par [V] [W] ;
Attendu que même si le niveau quantitatif de manipulation de l'amiante reste faible par rapport au volume global de trafic du port de [Localité 6] (- de 0,1%), la répétition de ce type de manipulation sur une durée de trente années concernant [V] [W] , crée le caractère habituel exigible d'une exposition au risque, dès lors que ce produit est entreposé sous différentes formes qui en tout état de cause impliquent a minima, un environnement général et constant de travail dans un milieu toxique dû aux poussières résiduelles (à bord ou à quai) résultant de la manipulation de sacs y compris du fait éventuel d'autres sociétés (86 entreprises d'aconage ayant exercé de 1957 à 1993) travaillant à proximité immédiate, ce qui reste sans incidence sur l'obligation faite à l'employeur de préserver la santé de ses salariés, même occasionnels ;
Attendu que [V] [W] établit donc qu'il a été exposé à l'amiante de façon habituelle alors qu'il travaillait pour le compte des sociétés en cause ;
Sur la conscience du danger
Attendu que, comme le soutient [V] [W], les dangers de l'amiante sont connus depuis plusieurs décennies et ont donné lieu par le décret du 3 octobre 1951 à la création du tableau n°30 propre à l'abestose, fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante ; que les travaux mentionnés comme susceptibles de provoquer ces maladies étaient 'travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante et notamment cardage, filature et tissage de l'amiante' ;
Que les sociétés de manutention portuaire n'utilisaient pas l'amiante comme matière première pour leurs propres activités et ne participaient pas à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l'amiante ; qu'elles procédaient uniquement à une manipulation de divers produits dont l'amiante ;
Que par ailleurs, les travaux et rapports de scientifiques français et étrangers ne peuvent suffire à établir la preuve de la nécessaire conscience du danger pour chacune des entreprises concernées, laquelle doit être caractérisée par des éléments objectifs et implique la démonstration d'un manquement ;
Qu'au vu de l'ensemble des pièces versées aux débats, il apparaît acquis qu'aucun document antérieur à 1999, provenant d'organismes professionnels ouvriers ou patronaux, de la médecine de prévention, du port organe de coordination et de police ou de tout autre organe interne à la profession, n'a été produit, permettant de pointer le risque dont l'évidence a été exposée lors de la mise en place d'un dispositif d'allocation ACAATA aux dockers, notamment à propos de la détermination des conditions d'accès au dispositif (condition liée à la manipulation de sacs) ;
Qu'enfin, s'agissant de la période antérieure à 1977, rien ne permet, si l'on se replace à la période à laquelle la victime a pu être au contact des substances incriminées, en l'état des connaissances scientifiques de l'époque et surtout de l'absence de preuve de leur diffusion à des entreprises de ce type, de retenir que ses employeurs successifs avaient ou auraient dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé ;
Attendu qu'en revanche, à compter de 1977, les entreprises se sont trouvées soumises au décret 77-949 du17 août 1977 qui a mis à leur charge diverses obligations, résultant de la manipulation ou de l'utilisation de ce produit à l'air libre dans des locaux ou sur des chantiers et dont les dispositions des articles 4-8 et 9 apparaissent directement applicables à l'entreprise d'acconage en raison du caractère occasionnel et de courte durée de la manipulation par les dockers ou les conducteurs d'engins.
Attendu que s'ajoute à cette réglementation nationale une réglementation internationale spécifique aux entreprises d'acconage, issue de l'application de l'article 4 de la Convention OIT n°152 portant Convention sur la sécurité et l'hygiène dans la manutention portuaire, adoptée le 25 juin 1979, entrée en vigueur le 05 décembre 1981 et transposée en droit interne par le décret 86-1274 du 10 décembre 1986 ;
Que ces réglementations pouvaient ou auraient dû être connues d'entreprises normalement informées des obligations juridiques nationales comme internationales ; qu'aucun élément du débat ne vient d'ailleurs réfuter ces points alors même que les primes de salissures dont bénéficiait le docker intègrent une notion de dangerosité des produits manipulés.
Qu'en conséquence de ce qui précède, il apparaît que les entreprises en cause, auraient dû avoir conscience du danger représenté par l'amiante ne serait-ce que par l'obligation d'affichage (article 18 du décret) d'un plan de prévention et l'obligation de prévenir l'organisme de contrôle, en l'occurrence le Bureau de Prévention du PAM, du fait de la manipulation d'amiante (article 10) ;
Sur l'absence de mesures nécessaires à la protection des salariés
Attendu que les attestations précédemment citées font toutes état de l'absence de mesures de protection individuelles au cours de la manipulation des sacs contenant de l'amiante ; qu'il s'agit notamment de celles de :
- [N] [M] : '... nous avons manipulé des sacs d'amiante sans aucune protection dans le déchargement des navires pour assurer notre sécurité' ;
- [C] [X] : '... nous travaillions l'amiante comme tout autre marchandise diverse sans aucune protection spéciale ( vestimentaire ou masque) mais aussi aucune information sur le risque de ce produit là. Cette marchandise avait un emballage en toile de jute qui dégageait beaucoup de poussière dans la cale du navire ou sous hangar' ;
Attendu que les entreprises concernées n'établissent nullement qu'elles avaient mis à disposition des salariés les moyens de protection individuelle ;
Attendu que le fait que les dockers travaillaient en plein air ne constitue pas une cause exonératoire, dès lors que l'acconier est responsable du transbordement et donc de l'intervention dans les cales puis à quai ainsi que sous les hangars de stockage des produits transbordés ;
Qu'enfin, s'agissant de la force majeure invoquée en résultant, il conviendra de ne pas confondre les rapports existants entre les entreprises d'acconage et leur autorité de tutelle ou de gestion du port et ceux existant entre l'employeur et le salarié, étant en outre précisé que le silence des autorités portuaires et des organismes représentatifs n'est pas de nature à exonérer l'employeur des obligations issues des textes applicables ;
Attendu que la société UPA ne comparaissant pas ne formule aucune critique à l'encontre du jugement entrepris ;
Attendu que les société UPA et INTRAMAR ont bien commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie de [V] [W] ;
Sur l'opposabilité de la reconnaissance de maladie professionnelle
Attendu que la Caisse a procédé à l'enquête auprès de la CCCP en qualité de dernier employeur ; que cependant cette dernière ne peut être considérée comme étant l'un des employeurs de [V] [W], la Caisse ne prétendant d'ailleurs pas que la CCCP ait disposé d'un quelconque pouvoir de direction à l'égard de celui-ci ;
Attendu qu'en cas de pluralité d'employeurs, ceux-ci, à l'exception du dernier ou de l'actuel employeur ne peuvent se prévaloir à titre principal du caractère non contradictoire de la procédure qui a été régulièrement menée et ne peuvent que contester le caractère professionnel de la maladie en cas d'action en reconnaissance de la faute inexcusable ;
Que cependant, il en va autrement en cas d'irrégularité affectant la procédure à l'encontre du dernier employeur, qui dans les rapports entre la Caisse et les employeurs afffecte l'ensemble de la procédure diligentée aux fins de reconnaissance de la maladie ;
Attendu que la procédure de prise en charge ne peut dans les rapports entre la Caisse et les employeurs être déclarée opposable à ceux-ci ;
Attendu que les sommes versées à la victime seront inscrites au compte spécial ;
Sur la réparation des préjudices
Attendu que le diagnostic des plaques pleurales a été posé alors que Monsieur [W] était âgé de 64 ans ; qu'actuellement âgé de 71 ans ; il se plaint de difficultés respiratoires et de douleurs thoraciques ; que le taux d'IPP a été fixé à 5% ;
Attendu qu'il présente également une anxiété légitime de l'évolution vers des formes plus graves de sa maladie, renforcée par un sentiment d'injustice lié à l'irrévocabilité de celle-ci ;
Attendu que les activités habituelles d'un homme de son âge sont restreintes du fait de sa maladie ;
Attendu qu'eu égard à ces éléments, la Cour considère que l'appréciation faite par le premier juge de l'indemnisation des préjudices de Monsieur [W] est parfaitement justifiée et doit être confirmée ;
Attendu que les sociétés INTRAMAR et UPA, représentée par son mandataire Me [A] seront condamnées à payer chacune à Monsieur [W] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile .
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Dit que l'action de Monsieur [W] n'est pas prescrite,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Rejette toute autre prétention,
Condamne les sociétés INTRAMAR et UPA, représentée par son mandataire Me [A] à payer chacune à Monsieur [W] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT