COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 21 OCTOBRE 2011
N°2011/390
Rôle N° 11/02373
SARL MAISON VACHON
C/
[B] [N] épouse [H]
[E] [H]
[G] [H]
[X] [N]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BOTTAI
SCP COHEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Février 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/4276.
APPELANTE
SARL MAISON VACHON pris en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour,
Assistée de Me Franck GHIGO, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Madame [B] [N] épouse [H]
née le [Date naissance 3] 1933 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
Assistée de la SCP NABERES - GADY, avocats au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [E] [H]
né le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
Assisté de la SCP NABERES - GADY, avocats au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur [G] [H]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
Assisté de la SCP NABERES - GADY, avocats au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [X] [N]
née le [Date naissance 3] 1933 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
défaillante - assignée
*-*-*-*-*
11ème A - 2011/390
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2011 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel ISOUARD, Président, et Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller,
Monsieur Daniel ISOUARD, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2011..
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2011.
Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
11ème A - 2011/390
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 27 juillet 1982, Mesdames [X] et [B] [N] ont donné en location à effet du 1er juillet précédent à la société Maison VACHON un local à usage commercial situé à [Adresse 9] pour une durée de neuf ans. Ce bail a été renouvelé, la dernière fois le 27 décembre 1999 pour une durée de neuf ans allant du 1er juillet 2000 au 30 juin 2009.
Le 23 juillet 2008, la société Maison VACHON a demandé à Monsieur [E] [H], Madame [B] [N] épouse [H] et à Monsieur [G] [H] (les consorts [H]) usufruitière et nus-propriétaires du local le renouvellement de leur bail. Le 14 octobre 2008, les consorts [H] ont refusé ce renouvellement avec paiement d'une indemnité d'éviction. Ensuite, le 6 janvier 2009, Madame [B] [H], usant de son droit de repentir, aurait renouvelé ce bail et le 4 mai 2009 les consorts [H] ont assigné leur locataire en nullité de ce prétendu renouvellement du bail.
Le 28 août et 8 septembre 2009, Mesdames [X] et [B] [N] pour le premier acte et les consorts [H] pour le second, ont délivré commandement à la société Maison VACHON, visant la clause résolutoire, d'avoir à enlever le bloc de climatisation installé en façade, en respect des clauses du bail. Les 15 et 17 septembre 2009, la société Maison VACHON a assigné les consorts [H] en opposition à ce commandement.
Après jonction des deux procédures, le tribunal de grande instance de Draguignan, par jugement du 3 février 2011, a :
- déclaré nul et de nul effet l'acte de 6 janvier 2009,
- déclaré valables les commandements en date des 28 août et 8 septembre 2009,
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire au bénéfice des consorts [H] au 8 octobre 2009,
- ordonné l'expulsion de la société Maison VACHON et de tout occupant de son chef,
- condamné la société Maison VACHON à payer aux consorts [H] une indemnité d'occupation mensuelle de 6 000 euros par mois jusqu'à la libération des lieux,
- rejeté les demandes réciproques en dommages-intérêts,
- condamné la société Maison VACHON à payer aux consorts [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 9 février 2011, la société Maison VACHON a interjeté appel de cette décision contre les consorts [H] et Madame [X] [N]. Elle sollicite sa réformation, le constat du renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2009, la prescription de l'action des bailleurs, le prononcé de la nullité et de l'absence d'effet des commandements des 28 août et 8 septembre 2009, le débouté des consorts [H] de toutes leurs demandes à son encontre et leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts ainsi que celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Tout d'abord, elle prétend qu'exerçant leur droit de repentir par l'intermédiaire de Madame [B] [H], mandataire apparent, les consorts [H] ont renouvelé le bail par acte du 6 janvier 2009.
Ensuite, elle conteste la validité et les effets des commandements des 28 août et
8 septembre 2009 aux motifs qu'ils ne visent pas le délai d'un mois, que les prétendues infractions étaient connues lors du congé avec offre d'indemnité d'éviction, que les climatiseurs litigieux sont devenus la propriété des consorts [H] par l'effet de l'accession et qu'aucune contravention au bail n'existe.
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Elle souligne que la demande en résiliation de bail est irrecevable comme nouvelle en appel et que les infractions reprochées, seraient-elles fondées, ne présenteraient pas une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail que les consorts [H] réclament afin d'éviter à payer l'indemnité d'éviction.
Les consorts [H] contestent le renouvellement du bail au motif essentiel que Madame [B] [H], seulement usufruitière des lieux loués, ne pouvait renouveler seule ce bail.
Ils excipent de la régularité des commandements des 28 août et 8 septembre 2009 et soutiennent que la société Maison VACHON a commis une faute contractuelle en ne satisfaisant pas dans le mois du commandement à son obligation de déposer le bloc de climatisation installé en façade sans leur autorisation et que cela justifie l'acquisition de la clause résolutoire. Et ils demandent la confirmation du jugement.
Subsidiairement, ils sollicitent le prononcé de la résiliation du bail en raison de la faute de leur locataire et sa condamnation à leur payer une indemnité d'occupation de 6 000 euros par mois.
Subsidiairement, au cas où le renouvellement du bail serait reconnu, ils prétendent que l'accord des parties incluait également le nouveau loyer de 300 000 euros par an et demandent que ce loyer soit fixé à cette somme.
Ils souhaitent la condamnation de la société Maison VACHON à leur payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Assignée le 19 mai 2011 à l'étude de l'huissier, Madame [X] [N] n'a pas constitué avoué. Il convient de noter qu'aucune demande n'est formée à son encontre et que les documents produits montrent qu'elle ne possède plus de droits sur le bien loué.
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MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la prescription :
La société Maison VACHON soulève la prescription de l'action des bailleurs au motif qu'elle n'aurait pas été diligentée dans le délai de l'article L. 145-60 du Code de commerce.
Elle n'argumente pas cette fin de non-recevoir et n'indique pas le jour où serait née l'action que cette prescription sanctionnerait, ni l'événement qui l'aurait interrompue.
Les consorts [H] ont saisi le tribunal de grande instance de Draguignan le 4 mai 2009 d'une action en contestation du prétendu renouvellement de bail par repentir que Madame [B] [H] leur aurait accordé le 6 janvier 2009.
La naissance du droit contesté se situe au 6 janvier 2009 et leur action a bien été introduite dans le délai de prescription de deux ans édicté par l'article L. 145-60 du Code de commerce.
Aucune prescription n'est encourue.
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Sur les commandements des 28 août et 8 septembre 2009 :
Deux commandements ont été délivrés à la société Maison VACHON, le premier le 28 août 2009 à la requête de Madame [B] [H], usufruitière, et de Madame [X] [N], qui ne possédait plus de droit sur le bien loué, le second à la diligence des consorts [H]. Ces deux commandements sont identiques quant à leur contenu.
Après avoir rappelé les relations contractuelles et le contentieux existant entre les parties, ils visent la clause du bail interdisant au locataire de faire des changements, démolition, percement de murs ou cloisons sans l'accord du bailleur et celle de s'abstenir de tout ce qui pourrait nuire aux autres commerces dans l'immeuble, à la tranquillité des autres occupants et au bon ordre de la maison, de satisfaire à toutes les charges de la ville et de police dont les locataires sont ordinairement tenus et de ne pouvoir installer aucune machine ou moteur sans l'autorisation du bailleur. Ensuite, ces deux actes commandent à la société Maison VACHON d'avoir à déposer le bloc de climatisation fixé en façade et d'avoir à justifier de l'autorisation du bailleur pour les installer et percer le linteau de la porte de la copropriété pour assurer le passage des câbles électriques alimentant ce bloc de climatisation.
Ces commandements reproduisent la clause résolutoire avec son délai d'un mois et l'article L. 145-41 du Code de commerce, montrant nettement que les obligations commandées devaient être exécutées dans le délai d'un mois. C'est à tort que la société Maison VACHON reproche à ces actes de ne pas préciser ce délai.
Vainement également, soutient-elle que les consorts [H] sont devenus les propriétaires de l'installation de climatisation par accession. En effet la clause d'accession permet au bailleur d'exiger la remise des lieux en l'état.
Mais un bailleur ne saurait se plaindre d'une infraction au bail pour obtenir le constat de sa résiliation dès lors que la connaissant, il a renouvelé le bail ou offert une indemnité d'éviction.
Le 14 octobre 2008, les consorts [H] ont refusé le renouvellement du bail mais ont offert le paiement d'une indemnité d'éviction.
Le système de climatisation actuel a été installé en avril 2001 comme en atteste l'artisan qui l'a mis en place et il apparaît succéder à un autre système ainsi que cela ressort de l'attestation de Monsieur [S], employé de la société Maison VACHON de 1984 à 1996.
Sa présence était connue des consorts [H]. En effet, Madame [B] [H] habite l'appartement situé au-dessus du magasin. La lettre du 23 mai 2008 de la société Maison VACHON aux consorts [H] porte essentiellement sur ce climatiseur. Le constat d'huissier diligenté par eux le 9 juin 2008 concerne la présente de ce climatiseur et la lettre que leur a adressée l'adjoint au maire de [Localité 8] le 19 septembre 2008 leur indique que la Mairie a autorisé, sous réserve des droits des tiers, le maintien en place de ce climatiseur, même si elle précise qu'il doit être déposé impérativement le 30 septembre 2008.
En offrant le 14 octobre 2008 paiement d'une indemnité d'éviction, les consorts [H] ont à l'évidence considéré que l'infraction dont ils prévalent, ne présentait pas une gravité suffisante pour écarter le droit à cette indemnité. Par-là, ils ont admis implicitement mais nécessairement que cette infraction ne pouvait provoquer la résiliation du bail.
Les consorts [H] ne peuvent donc se prévaloir de la clause résolutoire.
11ème A - 2011/390
Ils sollicitent le prononcé de la résiliation du bail pour infraction à ce bail. Cette demande est recevable devant la Cour, contrairement à ce que prétend la société Maison VACHON, car outre le fait qu'ils avaient demandé au premier juge d'une manière ambiguë le prononcé de la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, elle tend comme le constat de cette résiliation aux mêmes fins.
Ils prétendent qu'en maintenant le système de climatisation, la société Maison VACHON empêche la réalisation des travaux nécessaires sur la façade et par-là nuit aux tiers.
En réalité les consorts [H] ont demandé à la société Maison VACHON le retrait de leur système de climatisation, ce qui a été fait au début de l'année 2008 mais ces travaux n'étant pas exécutés, elle a replacé en juin 2008 sa climatisation. Et s'il lui a été demandé en avril 2009 de l'enlever à nouveau, par contre aucune autorisation de la réinstaller à l'identique ne lui a été donnée et que c'est cette absence d'autorisation qui est à l'origine du conflit et de son maintien.
Les consorts [H] prétendent que l'installation actuelle contrevient aux règles d'urbanisme. Mais la lettre de la Mairie de [Localité 8] du 29 septembre 2008 aux consorts [H] et du 8 septembre 2009 à la société Maison VACHON établissent la conformité au droit du maintien du climatiseur en saillie de la façade.
Dès lors l'infraction invoquée ne peut, compte tenu des circonstances, provoquer la résiliation du bail.
Il convient de noter que les consorts [H] n'ont formé aucune demande, même subsidiaire, en cessation de l'infraction.
Sur le renouvellement du bail du 6 janvier 2009 :
Pour invoquer la renonciation des bailleurs à leur refus de renouvellement du 14 octobre 2008 et au renouvellement de leur bail, par exercice du droit de repentir prévu par l'article L. 145-58 du Code de commerce, la société Maison VACHON se prévaut d'un document signé par Madame [B] [H] du 6 janvier 2009 qui énonce : 'Bail commercial 3/6/9 du 1/7/2009 au 30/6/2018 Loyer mensuel 25 000 euro soit 300 000 euro par an pour neuf ans de location'.
En réalité ce document manuscrit a été écrit par un représentant de la société Maison VACHON et signé par Madame [B] [H] et les consorts [H] argue de sa modification depuis sa signature et notamment l'ajout des dates.
Contrairement à ce que soutiennent les consorts [H], le renouvellement du bail par exercice du droit de repentir n'est soumis à aucune forme et notamment pas à l'exigence de sa délivrance par un acte extrajudiciaire nonobstant les termes de l'article L. 145-12 du Code de commerce.
Mais Madame [B] [H] est usufruitière de l'immeuble.
Or l'article 595 alinéa 4 du Code civil indique que l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un immeuble à usage commercial. Cette obligation concerne tant la conclusion du bail initial que son renouvellement.
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Pour contourner cette règle, la société Maison VACHON allègue de la qualité de mandataire apparent des nus-propriétaires de Madame [B] [H]. Mais sa demande de renouvellement de bail du 23 juillet 2008 a été adressée aux trois consorts [H] et le refus de ce renouvellement du 14 octobre 2008 émane aussi des trois consorts [H].
Si en qualité d'usufruitière, Madame [B] [H] occupait un rôle prédominant dans la gestion du local, rien ne montre un dépassement de ses fonctions et que la société Maison VACHON qui connaissait parfaitement le démembrement de la propriété, ait pu croire, à un mandat apparent, le caractère sommaire de l'acte du 6 janvier 2009 conduisant au contraire.
Ainsi, cet acte ne s'avère pas opposable à Messieurs [E] et [G] [H], nus-propriétaires, qui peuvent invoquer sa nullité.
Dès lors la société Maison VACHON doit être déboutée de sa demande en renouvellement du bail.
Sur les demandes accessoires :
La société Maison VACHON ne caractérise pas la faute qu'auraient commise les consorts [H] en exerçant leur droit de s'adresser à justice, ni ne cerne son préjudice. Elle doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts.
L'équité conduit à laisser à chaque partie le montant de ses frais non compris dans les dépens.
Chaque partie succombant sur son chef de prétention, il convient de laisser à sa charge les dépens qu'elle a engagés.
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PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort ;
Confirme le jugement du 3 février 2011 du tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a déclaré nul et de nul effet l'acte du 6 janvier 2009 ;
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau :
Déboute Monsieur [E] [H], Madame [B] [N] épouse [H] et à Monsieur [G] [H] de leur demande en constat ou en prononcé de la résiliation du bail les liant à la société Maison VACHON ;
Déboute la société Maison VACHON de sa demande en dommages-intérêts ;
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que chacune des parties conservera les charges des dépens qu'elle a engagés.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT